| AMÉNAGER, verbe trans. A.− [Le compl. désigne une construction] Installer de manière à rendre habitable. Aménager un appartement, une maison; aménager un navire : 1. Membre du club des yachts, le jeune lord se permettait de temps à autre le caprice d'une excursion sur son léger bâtiment appelé Puck, construit en bois de teck, aménagé comme un boudoir et conduit par un équipage peu nombreux, mais composé de marins choisis.
T. Gautier, Le Roman de la momie,1858, p. 153. 2. Les rez-de-chaussée étaient aménagés en immenses ateliers, fermés par des vitrages noirs de poussière : la forge d'un serrurier y flambait; on entendait plus loin des coups de rabot d'un menuisier...
É. Zola, L'Assommoir,1877, p. 415. 3. Ces anciens communs, que la dureté des temps a fait aménager, peu à peu, en petits meublés, sont recherchés aujourd'hui par les dames seules, les jeunes ménages pauvres, les moins de trente ans...
P. Morand, Londres,1933, p. 178. − Emploi pronom., vx ou région. (Canada et Anjou). Emménager (d'apr. Canada 1930) : 4. Le terme étant venu, M. Bergeret quittait avec sa sœur et sa fille la vieille maison ruinée de la rue de Seine pour s'aménager dans un moderne appartement de la rue de Vaugirard.
A. France, Crainquebille, Putois, Riquet,1904, p. 79. B.− [Le compl. désigne un lieu naturel] Équiper en vue d'un certain type d'exploitation. Aménager un fleuve, une vallée. ♦ Aménager une forêt, un bois. En organiser l'exploitation : 5. Il était entendu à aménager ses bois. Il savait reconnaître quels sont les arbres vieux et langoureux qui ne grossiront plus et empêchent leurs voisins de croître, et voyait du premier coup d'œil (...), quels abatages il convenait de pratiquer. (...) il connaissait les temps propres à la coupe.
H. Pourrat, Gaspard des montagnes,Le Château des sept portes, 1922, p. 131. ♦ Aménager les eaux. Les distribuer rationnellement : 6. On peut dire de même que ce n'est pas dans les basses contrées deltaïques que s'est développé l'art d'aménager les eaux en vue du maximum de production des rizières.
P. Vidal de La Blache, Principes de géographie humaine,1912, p. 146. − Spéc. [Le compl. désigne un milieu socio-économique] :
7. ... les secteurs modernes, toutefois, ne peuvent plus être des corps étrangers croissant aux dépens de l'environnement immédiat. La nécessité d'aménager rationnellement le milieu de propagation a été rendue sensible, par des accidents graves.
F. Perroux, L'Économie du XXesiècle,1964, p. 254. C.− P. ext. 1. [Avec un compl. d'obj. abstr.] Adapter (une chose) de manière à la rendre plus commode, plus efficace. Aménager l'horaire; aménager les intérêts économiques (É. Durkheim, De la Division du travail social, préf., 1893, p. XXXI); aménager l'enseignement laïque (M. Barrès, Mes cahiers, t. 12, 1919-1920, p. 189); aménager la formule et les modalités (Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre, L'Appel, 1954, p. 14). − En partic. Organiser rationnellement. Aménager les transitions nécessaires (F. Perroux, L'Économie du XXesiècle, 1964, p. 589). 2. Vx, région. Préparer (une chose), la mettre au point ou en place en vue de l'utilisation. Aménager (un) piège (P. Claudel, La Ville, 2eversion, 1901, II, p. 463); aménager (des) herbes (J.-K. Huysmans, L'Oblat, 1903, p. 104) : 8. Il n'y a pas la moitié des élèves qui déjeunent à l'école. Soupçonne-t-on pourquoi? Parce que c'est trop d'aria d'aménager le panier, c'est-à-dire d'y mettre un chiffon de serviette, un morceau de pain et une bouteille bouchée.
L. Frapié, La Maternelle,1904, p. 184. ♦ Aménager un arbre. Le débiter en bois de charpente ou en bois de chauffage. Rem. Les dict. du xixes. considèrent aménager (et aménagement) comme terme techn. « d'Eaux et Forêts ». Ac. 1835, 1878, Besch. 1845, Littré n'enregistrent que les signif. appartenant à la sylvic. Littré Suppl. 1877 est le premier à noter que ,,le mot s'est étendu au langage général : disposer un local pour un usage quelconque. Aménager une maison pour en faire une auberge.`` Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [amenaʒe], j'aménage [ʒamena:ʒ]. Harrap's 1963 transcrit : amε-. 2. Forme graph. − J'aménage, nous aménageons; j'aménageais; j'aménageai; aménageant. Pour les verbes en -ger, cf. abroger. Étymol. ET HIST. − 1. fin xiies. « héberger, loger » (Jourdain de Blaye, ms. Ars. 3144, fo164 rods Gdf. : Qu'a Gadres avera son ost amanagiet Et devant le citet son pavillon dreciet). − 1587 pronom. « s'établir dans une maison » (La Noue, Disc. polit. et milit. ds Hug.); 2. 1312 inf. substantivé « bois de construction » (Richart, Cart. de St-Jean-en-l'entrée d'Arras, 111 ds Quem. t. 1 1959 : Pour mesurages de grains, pour portages, amenager), même emploi en 1394 ds Gdf.; 1327 dr. « pourvoir (de bois) de manière à faire des réparations, des constructions » (Arch. nat., JJ 64, fo435vods Gdf. : Et pource que ladite mansion n'est mie amesnagie soufisament, ladicte prieuresse en son couvent s'obligerent [sic] audit abbé a paier soixante livres tornois pour faire l'amesnagement qui leur y faudra a faire); 1339 id. « id. » (Arch. nat., JJ 72 fo419 ro, ibid. : Nous lui otroions a tousjours deux charretees de boys chascune sepmaine ... pour son usage a chaufer et a amesnager son dit manoir). − 1460, Bayeux ds Gdf.; prolongé dans l'usage mod. comme terme techn. au sens de « régler les coupes d'une forêt »; d'où 3. « pourvoir, garnir (une maison) pour un certain usage » (Reg. du Chât., II, 260 ibid. : Et avoit leissiee sa chambre, bien et competenment ordonnee et amesnagee de biens meubles, utenciles d'ostel, armeures et autres biens).
Dér. du m. fr. mesnagier (ménager*), attesté au sens de « habiter » dep. 1309 ds Gdf., d'où 1; préf. a-1*; mesnagier n'étant attesté au sens de « administrer » qu'au xvies. (Amyot ds Hug.), le sens 2 est plus prob. dér. de mesnage (ménage*) attesté au sens de « ensemble des ustensiles domestiques » dep. la 2emoitié du xives., E. Deschamps, au sens de « travaux de construction » dep. 1376 ds Gdf. STAT. − Fréq. abs. litt. : 259. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 13, 157; xxes. : a) 501, b) 697. BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Barr. 1967. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Canada 1930. − Caput 1969. − Dup. 1961. − Lav. Diffic. 1846. − Noter-léc. 1912. − Soé-Dup. 1906. − Thomas 1956. |