| ALMANACH, subst. masc. A.− Livre populaire publié chaque année et comprenant outre un calendrier, des renseignements astronomiques, météorologiques, scientifiques, pratiques, etc. : 1. Mercredi 1erjanvier. En ce premier jour de l'année, un vieux malade comme moi tourne et retourne entre ses mains l'almanach nouveau, songeant que 365 jours, c'est de la vie pour un bien long temps, et interrogeant tour à tour chaque mois, pour qu'il lui dise par un signe, par un rien mystérieusement révélateur, si c'est le mois où il doit mourir.
E. et J. de Goncourt, Journal,janv. 1890, p. 1095. 2. L'almanach : les paysans lisent l'almanach. Quoi de plus beau pour eux? Les jours qui viennent, et les mois, et les saisons, ce sont des jalons sur leurs projets. De l'année qui va suivre, on connaît d'avance certaines choses. D'abord ce qui est comme immuable, c'est-à-dire le départ et le retour des étoiles; tel est le squelette de l'almanach. Une année, c'est un tour complet des étoiles.
Alain, Propos,1910, p. 81. 3. La plus naïve, la plus inattendue de ces fondations, était l'attribution d'une somme assez importante à Mgrl'évêque de Beauvais, pour la publication annuelle d'un Almanach Oscar Thibault, tiré « au plus grand nombre d'exemplaires possible », qui devait être « vendu à bas prix » dans toutes les papeteries et les bazars du diocèse, et qui, sous le couvert d'un « calendrier agricole pratique », devait « faire pénétrer dans chaque foyer catholique, pour la récréation du dimanche et les veillées d'hiver, un amusant recueil d'anecdotes édifiantes ».
R. Martin du Gard, Les Thibault,La Mort du père, 1929, p. 1329. Rem. 1. Syntagmes fréq. almanach nouveau (Ac. 1835-1932). vieil almanach (É. Zola, Germinal, 1885, p. 1223), almanach de poche, almanach de cabinet (Ac. 1835-1932), l' almanach des P. et T. (l' almanach des Postes), composer des almanachs, faire des almanachs (Ac. 1835-1932), feuilleter un almanach (J.-P. Sartre, Les Mots, 1964, p. 125). 2. On rencontre parfois le mot en constr. d'attribut sans art. et acquérant de ce fait valeur d'adj. : 4. M. Gertrais. − Gaboureau n'était pas un homme, c'était un baromètre. Son habitude de la mer lui avait donné une surprenante infaillibilité de pronostic. (...) Il abondait en renseignements; il était alphabet et almanach; il était étiage et tarif.
V. Hugo, Les travailleurs de la mer,1866, p. 139. − Péj., littér. Livre de peu de valeur, de faible niveau. Vérité d'almanach : 5. Tant de gens ont fait des vers d'almanach sur le Saint-Gothard, que, ma foi, nous sommes secrètement embarrassés pour convenir qu'il y avait de quoi en faire de bons.
J.-A. de Gobineau, Les Pléiades,1874, p. 6. 6. Il avait comme cela quelques plaisanteries, éternellement les mêmes, des sornettes d'almanach qu'il répétait à l'occasion. Vers la saint Michel, aux premières neiges sur les crêtes : « Ah! Ah! c'est pour nous faire voir que les rats ne l'ont pas toute mangée ».
H. Pourrat, Gaspard des montagnes,Le Château des sept portes, 1922, p. 29. 7. ... n'espérez pas vous en tirer cette fois comme d'habitude, avec une pirouette et un mot d'almanach. Détrompez-vous, mon cher.
G. Bernanos, Un Mauvais rêve,1948, p. 892. − Au fig. Pronostic. Composer des almanachs, faire des almanachs. S'amuser à faire des pronostics en l'air, se remplir l'esprit d'idées qui ne peuvent se réaliser. Un faiseur d'almanachs. ,,Un homme qui se mêle de faire de pareils pronostics.`` (Ac. 1835-1932). (Conter) des almanachs. (Conter) des pronostics souvent dénués de tout fondement : 8. − Allons, allons, ajouta le Frère reprenant son gros rire, assez de sornettes et d'almanachs.
F. Fabre, Barnabé,1875, p. 102. 9. Eran à Oanealon :
− Jurez que vous ne mariez pas Mariette.
− Qui t'a conté ces almanachs?
F. Fabre, L'Hospitalière,1880, p. 172. − Proverbes ♦ ,,Une autre fois je prendrai de ses almanachs``, ,,se dit d'un homme qui avait prédit ce qui devait arriver dans une affaire. On dit dans le sens contraire, Je ne prendrai plus de ses almanachs.`` (Ac. 1835-1932). ♦ ,,Son corps est un almanach`` ,,se dit d'une pers. très sensible aux variations de la température.`` (Nouv. Lar. ill.) ♦ Fam. ,,C'est un almanach de l'an passé`` (Ac. 1835-1932) c'est une chose périmée sans intérêt : 10. Nous n'avons même pas l'idée de ce que peut être un film qui dure, un film, qui, au bout de quelques mois, soit autre chose qu'un almanach de l'autre année.
A. Thibaudet, Hist. de la littérature française de 1789 à nos jours,1936, p. 561. − Argot ♦ Almanach aux gerbes. ,,Code pénal.`` (Nouguier, Notes manuscrites interfoliées au dict. de Delesalle, 10 janv. 1900, p. 9). ♦ Almanach mouchique. ,,Casier judiciaire entaché par des condamnations.`` (Nouguier, Notes manuscrites interfoliées au dict. de Delesalle, 10 janv. 1900, p. 9). ♦ Almanach des vingt-cinq mille adresses. Argot des faubouriens. ,,Fille ou femme de mœurs trop légères...`` (Delvau, Dict. de la langue verte, 1867, p. 507). B.− P. ext. 1. Recueil de renseignements publiés chaque année sur un sujet donné : ,,il se dit particulièrement de certains livres qui sont publiés annuellement, et qui contiennent, outre l'almanach, une foule d'autres indications d'un intérêt général telles que le tableau des diverses administrations et la liste des personnes qui y sont attachées, des documents statistiques, des notions sur les monnaies, sur les poids et mesures, etc. L'Almanach royal. L'Almanach de France. L'Almanach des villes et des campagnes. etc.`` (Ac. 1835-1932). L'Almanach de Gotha, almanach nautique. ,,Recueil où l'on consigne tous les éléments qui peuvent servir aux calculs nautiques.`` (Littré); almanach Impérial, National (Guérin 1892). Almanach du Commerce. ,,Recueil d'adresses des commerçants et des principaux habitants de la France, commencé par la Tynna en 1801, continué par Bottin.`` (Guérin 1892) : 11. Ces quatre personnages, illustres dans la sphère aristocratique dont l'almanach de Gotha consacre annuellement les révolutions et les prétentions héréditaires, veulent une rapide esquisse sans laquelle cette peinture sociale serait incomplète.
H. de Balzac, La Duchesse de Langeais,1834, p. 317. 12. Quel almanach valut jamais celui du bureau des longitudes, et quel thème horoscopique à la devise de Saturne ou du Cancer le secret plus serré de ces nombres enfermés en d'exactes colonnes? Nous lisons mieux l'aspect du ciel brillant.
P. Claudel, Art poétique,1907, p. 127. 2. Opuscule de propagande ou de publicité empruntant la forme de l'almanach. Almanach politique (Quillet 1965), almanach-prospectus : 13. L'almanach étant essentiellement le livre du peuple, on imagina, sous la Restauration, et depuis 1830 jusqu'en 1848 et années suivantes, de le faire servir à répandre dans les petites villes et dans les campagnes les idées libérales et les principes démocratiques, républicains ou socialistes. Alors parurent l'Almanach de la France démocratique, l'Almanach populaire, l'Almanach de la communauté, par divers écrivains communistes...
Bach.-Dez.1882. 14. Enfin, il y a l'almanach-prospectus destiné à rappeler telle ou telle publication périodique, dont le nom s'accole à celui du livret, et qui se compose d'emprunts de vignettes sur bois; c'est ainsi que chaque année voit éclore l'Almanach de l'Illustration, qui date déjà de 1844; l'Almanach du Magasin pittoresque, encore plus ancien...
Bach.-Dez.1882. Prononc. − 1. Forme phon. : [almana]. Ac. t. 1 1932 : ,,ch se prononce k et ne se fait sentir qu'en liaison avec une voyelle : un almanak ancien``. Cf. aussi Fouché Prononc. 1959, p. 416 : le groupe ch est muet dans almanach. 2. Hist. − Fér. 1768 : ,,prononcez ɑlmɑnɑ [sing.], ɑlmɑnɑ
̂ [plur.] (ɑ
̂ = [a:] long). Le c ne se prononce pas.`` Fér. Crit. t. 1 1787 : ,,On fait sentir faiblement le c quand ce mot est au singulier et seul : un almanac; non quand il est accompagné d'un autre mot : L'almana de Liège`` (cf. aussi Land. 1834 et Gattel 1841). Littré transcrit : al-ma-na et fait remarquer que ,,Dans la prononciation soutenue, le ch se lie comme un k : un al-ma-na-k intéressant. Au pluriel, al-ma-na ou al-ma-nâ`` (cf. aussi Ac. 1835 et 1878, Nod. 1844, Besch. 1845, Poit. 1860 et DG pour la prononc. almana). Étymol. ET HIST. − 1303 almenach « calendrier avec différentes indications d'ordre astronomique et météorologique » (ds ms. 593 de la Bibliothèque municipale de Rennes, d'apr. FEW t. 19, s.v. manāh); 1328 anemallat (Nouv. recueil de comptes de l'argenterie, 63, Douët d'Arcq ds Quem. t. 1 1959 : Item un grant roumans, où il a dix sept ystoires et se commence de l'anemallat aus juys); 1375 almanach (Inventaire du mobilier du Duc de Bourgogne, t. 1, p. 420 : 3 fr pour 2 almanachs que Mgrfit faire pour lui à Paris); xvies. faire des almanachs « faire des prédictions » (Pasquier, Rech.. VI, xv ds Gdf. Compl. : Le temps m'a depuis enseigné que j'estois un tres mauvais faiseur d'almanachs, car et elle et eux ont eu l'accomplissement de leurs desirs); 1680 expr. proverbiale prendre ses almanachs de qqn « suivre ses conseils » (Rich. t. 1 : J'ai beau dire la vérité on ne prend plus de mes almanacs); 1690 p. ext. de sens « certains livres contenant avec l'almanach des renseignements divers sur les lieux, les personnes ... » (Fur. : L'Almanach du Palais, est celuy où on marque les jours où le Parlement n'entre pas : Almanac Historial, celuy où on marque quelques histoires memorables du jour où elles sont autrefois arrivées).
Empr. au lat. médiév. almanach « calendrier » attesté dep. le xiies. (titre d'un traité du Parisinus Latinus, 7418 d'apr. J. Bidez ds Mél. Boisacq, 1937, t. 1, pp. 81-82 : De compositione almanach), de l'ar. d'Espagne al manāḫ
« id. », attesté au xiiies. (R. Martí d'apr. Cor., s.v. almanaque), prob. issu du syriaque l-manhaï « l'an prochain », explication satisfaisante du point de vue sém. et du point de vue phonét. l- ayant été compris comme l'art. ar. al- (J. Bidez ds op. cit., pp. 77-85).
L'hyp. de Cor., loc. cit. (ar. manāḫ
« calendrier » est le même mot que l'ar. class. manāḫ
« arrêt dans un voyage ») convient moins bien sur le plan sém. L'hyp. selon laquelle le lat. médiév. serait issu du b. gr. α
̓
λ
μ
ε
ν
ι
χ
ι
α
κ
α
́ « calendrier » terme appl. par Porphyre (rapporté par Eusèbe) à des calendriers égyptiens (EWFS2), repose sur une erreur répandue par Scaliger et Saumaise (voir Du Cange s.v. almanach); d'apr. Bidez ds op. cit., p. 83, Porphyre a appelé les calendriers dont il parle des Σ
α
λ
μ
ε
σ
χ
ι
ν
ι
α
κ
α
́ et non pas des Α
λ
μ
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χ
ι
α
κ
α
́ comme les scribes d'Eusèbe l'ont fait croire. STAT. − Fréq. abs. litt. : 304. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 667, b) 531; xxes. : a) 303, b) 255. BBG. − Ac. Gastr. 1962. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Bidez (J.). Le Nom et les origines de nos almanachs. In : [Mélanges Boisacq (É)]. Bruxelles, 1937-38, t. 1, pp. 77-85. − Boiss.8. − Bonnaire 1835. − Canada 1930. − Daire 1759. − Dup. 1961. − Éd. 1913. − Esn. 1966. − Fér. 1768. − Gay t. 1 1967 [1887]. − Gottsch. Redens. 1930, p. 244. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 34, 56. − Gruss 1952. − Guizot 1864. − Guyot 1953. − Kold. 1902. − Laf. 1878. − Lar. comm. 1930. − Lav. Diffic. 1846. − Le Roux 1752. − Prév. 1755 (s.v. almanack). − Renaud (H. P. J.). L'Origine du mot almanach. Isis. 1947, t. 37, no107-108, pp. 44-46. − Sardou 1877. − Sitzungen der Berliner Gesellschaft für das Studium der neueren Sprachen. Arch. St. n. Spr. 1876, t. 56, p. 422. − Sommer 1882. − Springh. 1962. − St-Edme t. 1 1824. − Synon. 1818. − Thomas 1956. − Uv.-Chapman 1956. − Vinc. 1910. − Will. 1831. |