| ALLUMER, verbe trans. I.− Emploi trans. A.− [Allumer renvoie au principe de la lumière avec ses effets d'éclairage ou de mise en valeur] 1. [L'objet désigne la source d'où provient la lumière] Produire une lumière artificielle. a) [La lumière est obtenue par combustion] Allumer une bougie, le gaz d'éclairage, etc. : 1. ... la nécessité de l'inspiration continue des changements qu'il faut improviser; des journées où on n'a pas un quart d'heure de son temps à soi et où l'on soupire après l'heure où on fumera un cigare sans pensée. Et cela dans des malaises de l'un et de l'autre, qui s'interrogent de l'œil et scrutent leurs mutuelles souffrances, mêlant leurs héroïsmes, l'un tourmenté de perpétuelles migraines, l'autre d'un barbouillement et d'un continuel malaise d'estomac, qui en fait une espèce de misérable ressuscité du soir, à l'heure où l'on allume le gaz.
E. et J. de Goncourt, Journal,janv. 1869, pp. 485-486. 2. ... soudain l'électricité s'éteignit, le punch flambait, les épis de Noël crépitaient, Lambert et Vincent aspergeaient Henri d'étincelles; Paule allumait sur le sapin les bougies enfantines.
− Joyeux Noël!
S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 16. b) [La lumière provient d'une source électrique] Allumer l'électricité. Ouvrir l'électricité : 3. Ils pénétrèrent ensemble dans le cabinet de M. Thibault. Antoine alluma le plafonnier, puis les appliques : une lumière sacrilège inonda cette pièce où ne brûlait jamais que la lampe de travail, sous son abat-jour vert.
R. Martin du Gard, Les Thibault,La Mort du père, 1929, p. 1306. 4. Le phare était prêt, toutes les autos disponibles envoyées autour du champ avec l'ordre d'allumer leurs phares au premier signal.
− Allez, allumons tout de suite! dit Magnin.
− Peut-être que tu as raison, dit Sembrano. Mais je préfère attendre. Si les fascistes s'amènent, ce n'est pas la peine de leur allumer le terrain.
A. Malraux, L'Espoir,1937, p. 567. 5. Un silence parfait se condensait entre les murs de la maison endormie. Joseph n'alluma point l'électricité; mais il mit en action une petite lampe de poche dont l'ampoule répandait une lumière exténuée.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier,La Passion de Joseph Pasquier, 1945, p. 71. − [Avec un obj. interne exprimant le résultat] Allumer une lumière (cf. allumer un feu). Rendre lumineux un appareil d'éclairage (ampoule électrique, tube au néon, etc.) qui donnera la lumière : 6. « Avez-vous quelque chagrin? lui dis-je. − Non, monsieur ... Mais ... je ne sais comment vous engager à vous retirer ... il me semble que vous ne devez pas entrer ici à cette heure ... − Je n'entrerai pas, lui dis-je, si je vous chagrine si fort; mais j'attendrai ici jusqu'à ce que votre mère soit de retour. Entrez, allumez une lumière, reposez-vous et ne m'enviez pas, en souffrant que je reste ici sur le seuil, le bonheur de croire que je veille sur vous jusqu'à ce qu'un autre me relève. »
R. Tœpffer, Nouvelles genevoises,1839, p. 285. 7. Dans le cabinet. Barois allume toutes les lumières et avance gaiement un fauteuil, sur le bord duquel Marie s'assied.
R. Martin du Gard, Jean Barois,1913, p. 476. ♦ Absol. Allumer (sous-entendu l'électricité) : 8. Avant d'allumer dans la cuisine, Alexis installa devant la fenêtre la couverture que MmeLoiseau y gardait du temps où la défense passive se prenait au sérieux.
E. Triolet, Le Premier accroc coûte deux cents francs,1945, p. 251. 9. Le docteur traverse la pelouse entourée de grands arbres, il pousse la porte : les volets sont fermés, il veut allumer, mais l'électricité ne marche pas...
E. Triolet, Le Premier accroc coûte deux cents francs,1945p. 409. 2. P. méton. a) [L'obj. désigne le support de la source lumineuse] Allumer un bougeoir, une lampe : 10. − Quels hommes sont donc les journalistes? ... s'écria Lucien. Comment, il faut se mettre à une table et avoir de l'esprit...
− Absolument comme on allume un quinquet... jusqu'à ce que l'huile manque.
H. de Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 337. 11. Mais la pendule sonna minuit. J'eus un sursaut : « Bigre, minuit! C'est l'heure où ferme le cercle. Allons, madame, de l'énergie! » Elle se redressa. J'ordonnai : « Portons-le dans le salon. » Nous le prîmes tous trois, et, l'ayant emporté, je le fis asseoir sur un canapé, puis j'allumai les candélabres.
G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Une Ruse, 1882, p. 836. 12. D'ailleurs, la maison semblait vide, toute noire au rez-de-chaussée, les portes ouvertes. Les servantes devaient être restées à l'ambulance, car il n'y avait personne dans la cuisine, où fumait seulement une petite lampe triste. Il alluma un bougeoir, il monta doucement le grand escalier, pour ne pas réveiller sa mère et sa femme...
É. Zola, La Débâcle,1892, p. 382. b) [L'obj. désigne le lieu rendu lumineux] Allumer un local, une chambre, etc. Donner de la lumière dans; éclairer : 13. La ville mauve en bas allumait peu à peu ses devantures...
L. Aragon, Le Roman inachevé,1956, p. 22. − P. anal. [En parlant d'une source lumineuse naturelle] :
14. Le soleil se couchait (...) Un large rayon, une poussière d'or, qui traversait la nef, allumait le fond de l'église, l'horloge, la chaire...
É. Zola, La Faute de l'Abbé Mouret,1875, p. 1484. c) [L'obj. désigne une surface colorée] Faire briller davantage : 15. Les candélabres, dont une croisée ouverte effarait les flammes, allumaient les pièces d'argenterie et les cristaux; et, au milieu de la débandade du couvert, quatre corbeilles de fleurs superbes se fanaient.
É. Zola, Pot-Bouille,1882, p. 188. 3. Au fig. − [En parlant d'obj. brillants, de regards, d'yeux] Faire briller, illuminer : 16. Ma boîte contenait quelques plantes, un livre, un couteau, un petit paquet d'arsenic, une gourde presque vide, et les restes de mon déjeuner qui allumèrent un regard de convoitise dans les yeux de MmeSimons.
E. About, Le Roi des montagnes,1857, p. 68. 17. En revanche, le jardin des Tuileries eût été désert, sans les pelotons de gardes républicains qu'on y avait massés en réserve; dans l'ombre des arbres, où luisaient les croupes mouvantes des chevaux, les casques allumaient de brefs éclairs.
R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 579. − Mettre en lumière, en valeur : 18. La maison [de Mmede Loynes] poussait à la personnalité, allumait les caractéristiques, alors que tant d'autres logis éteignent et estompent.
L. Daudet, Salons et journaux,1917, p. 22. − Allumer qqc. de.Pénétrer de lumière, inspirer : 19. C'est le soleil qui préparera ces heureux changements. Il élabore sans cesse notre air et nos eaux, et les transforme dans les substances des végétaux et des animaux. Ses rayons pénètrent, dans la zone torride, le sein des terres, et y déposent le diamant dans les mines de Golconde, le rubis dans celles du Pégu, l'émeraude dans les rochers du Pérou, et la perle au fond de la mer orientale; ils parfument l'ambre sur ses rivages, et ils versent l'éclat des pierreries sur les plumes de ses oiseaux. Peut-être le temps viendra que son atmosphère allumera la nôtre d'une lumière durable, et fera de notre planète un séjour semblable au sien.
J.-H. Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, pp. 177-178. − Argotique ♦ Allumer ses clairs, son gaz, ses lampions, la lanterne, ses quinquets. Allumer ses yeux, ouvrir l'œil, être aux aguets. (cf. A. Delvau, Dict. de la langue verte, 1866, p. 8, 11, 179, 325; L. Larchey, Dict. historique d'argot, 2eSuppl., 1883, p. 3, 200; Bruant 1901, p. 339). ♦ Allumer la lampe. Verser du vin dans un verre à quelqu'un pour l'obliger à boire (cf. Ac. Compl. 1842, Besch. 1845);d'où allumer ,,boire énormément`` (Le Breton 1960). ♦ Allumer. Se mettre en valeur, ,,se faire remarquer`` (Le Breton 1960) : 20. Claudius balançait des vannes aux gonzesses en attendant l'encaisseur. C'était pourtant pas le moment de se faire allumer!
Le Breton1960. B.− [Allumer renvoie au principe du feu, à ses effets de chaleur ou de destruction] 1. [L'obj. désigne une matière combustible] Mettre le feu à. Allumer le gaz, l'électricité : 21. Là, mes sœurs folâtraient, et le vent dans leurs jeux
Les suivait en jouant avec leurs blonds cheveux!
Là, guidant les bergers aux sommets des collines,
J'allumais des bûchers de bois mort et d'épines,
Et mes yeux suspendus aux flammes du foyer,
Passaient heure après heure à les voir ondoyer.
A. de Lamartine, Harmonies poétiques et religieuses,1830, p. 397. 22. Les fusées partaient en feux de file dans les jambes des femmes. La sonnette tintait, tous mettaient le genou en terre. Un serpenteau de feu allait allumer les pétards du vaisseau.
H. Pourrat, Gaspard des Montagnes,Le Pavillon des amourettes, 1930, p. 263. − Allumer qqc. à qqc.Allumer à l'aide de quelque chose : 23. Le diable, car c'était le diable en personne, y [à un charbon dans le feu] alluma un cigare qu'il prit sur la table. À peine en eut-il aspiré une bouffée qu'il rejeta le cigare avec dégoût, et dit à Armand de Luizzi :
− Est-ce que vous n'avez pas de tabac de contrebande?
Armand ne répondit pas.
− En ce cas acceptez du mien, reprit le diable. Et il tira de la poche de sa robe de chambre un petit porte-cigares d'un goût exquis. Il prit deux cigarettes, en alluma une au charbon qu'il tenait toujours, et le présenta à Luizzi.
F. Soulié, Les Mémoires du diable,t. 1, 1837, pp. 13-14. − [Avec un obj. interne exprimant le résultat] Allumer le feu : 24. Quoique cet astre ne paraisse pas plus grand sur l'horizon d'Herschell que Vénus sur celui de la terre, il peut allumer une forte chaleur dans sa vaste atmosphère, comme une étincelle, au moyen de l'air, allume un incendie.
J.-H. Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 362. 25. Jean, d'un geste, déclara qu'il ne demandait pas à en savoir davantage. Il fallait bien vivre. Et puis, mon Dieu! pourquoi pas ce régal à de pauvres bougres qui avaient perdu le goût de la volaille? Déjà, Loubet allumait un brasier. Pache et Lapoulle plumaient l'oie, violemment. Chouteau, qui était allé chercher en courant un bout de ficelle chez les artilleurs, revint la pendre entre deux baïonnettes, devant le grand feu...
É. Zola, La Débâcle,1892, p. 91. 26. Maurras court après lui, le prend aux épaules, le secoue comme pour le faire revenir à lui :
− Tu es fou, tu ne vois donc pas?
Il est temps : la flamme sournoise a tourné le lutteur; encore un peu et elle fermait sur lui sa grande gueule aux dents d'or.
D'un saut il se dégage :
− Allume le contre-feu.
Ah le départ de la flamme amie. Elle part de nos pieds, penchée sur le sol comme la guerrière qui prend son élan; vois : elle étreint l'ennemie, elle la couche, elle l'étouffe...
J. Giono, Colline,1929, pp. 164-165. − MAR. Allumer les feux. ,,Mettre le feu au charbon préparé sur les grilles des chaudières, en vue de l'appareillage.`` (Gruss 1952). − Par métaph., littér. : 27. Dans le ciel, Vénus, près du croissant de la lune, allumait sa flamme argentée.
A. France, Crainquebille,Les Grandes manœuvres, 1904, p. 167. 2. P. méton. [L'obj. désigne le support de la matière combustible] Faire prendre feu à; et par suite faire produire de la flamme à : 28. Les dames du fond, ayant apporté des petites chaufferettes en cuivre avec un charbon chimique, allumèrent ces appareils, et, pendant quelque temps, à voix basse, elles en énumérèrent les avantages, se répétant des choses qu'elles savaient déjà depuis longtemps.
G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Boule de suif, 1880, p. 119. 29. Romantin entra le premier, monta l'escalier, ouvrit une porte, alluma une allumette, puis une bougie. Ils se trouvaient dans une pièce démesurée dont le mobilier consistait en trois chaises, deux chevalets, et quelques esquisses posées par terre, le long des murs.
G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Une Soirée, 1883, p. 1271. 30. On prendra livraison cette nuit, avec l'argent. D'accord avec son délégué : voici le contrat.
Il lui tendit le papier, alluma son briquet en le protégeant de la main.
A. Malraux, La Condition humaine,1933, p. 202. 31. Apprenant que je ne reprendrais le train que ce soir, MmeDuplouy a bien voulu mettre à ma disposition l'arrière-salle. « Comme ça, dit-elle, vous pourrez continuer à écrire tranquillement votre sermon. » J'ai eu beaucoup de peine à l'empêcher d'allumer le poêle (je grelotte encore un peu). « Dans ma jeunesse, a-t-elle dit, les prêtres se nourrissaient trop, avaient trop de sang. Aujourd'hui vous êtes plus maigres que des chats perdus. »
G. Bernanos, Journal d'un Curé de campagne,1936, p. 1229. Rem. La distinction entre A et B dépend parfois de l'état de la technique : allumer le gaz signifie selon les époques « faire jaillir de la lumière » ou « faire produire de la chaleur ». 3. Au fig. a) Mettre le feu, exciter : 32. Qu'est-ce donc qui rend difficile, estimable, ingénieux enfin, cet art si justement vanté d'intéresser et d'émouvoir? Sa fin ultérieure et sa bonté morale. L'homme, je le répète, se plaît à être ému, et s'il ne fallait que lui plaire, il serait presque aussi aisé de remuer son ame par des affections douloureuses, que d'irriter ses fibres et d'allumer son sang par des breuvages empoisonnés, ou par des liqueurs enivrantes.
J.-F. Marmontel, Essais sur les romans,1799, p. 318. 33. Je vis le jour, répondit-il, non loin d'un ancien château dont l'origine remonte peut-être au temps des croisades, et dont la crédule superstition s'est emparée depuis qu'il cessa d'être habité : de là les fables, les apparitions et les contes, dont le récit alluma ma curiosité, excita les premiers efforts de mon imagination adolescente, et, oserai-je même le dire, les premiers essais de ma plume.
J. de Crèvecœur, Voyage dans la Haute Pensylvanie, t. 1, 1801, pp. 203-204. 34. Plus malheureuses que les hommes, elles [les femmes] durent penser et réfléchir plutôt qu'eux; elles surent les premières que le plaisir restait toujours au-dessous de l'idée qu'on s'en formait, et que l'imagination allait plus loin que la nature. Ces premières vérités connues, elles apprirent d'abord à voiler leurs appas pour éveiller la curiosité; elles pratiquèrent l'art pénible de refuser, lors même qu'elles désiraient de consentir; de ce moment elles surent allumer l'imagination des hommes, elles surent à leur gré faire naître et diriger les désirs : ainsi naquirent la beauté et l'amour...
P.-A.-F. de Laclos, De l'Éducation des femmes,1803, pp. 459-460. 35. Le silence de Mathilde, qui laissoit croire qu'elle pourroit accepter le vainqueur de Césarée pour époux, étonna la reine, satisfit Richard, et enflamma les espérances et la valeur de tous les prétendans à sa main : la promesse d'un royaume les eût laissés plus tranquilles : car l'ambition, toute puissante qu'elle peut être, n'allumera jamais les mêmes désirs, et ne fera jamais faire les mêmes prodiges que l'amour; et tous les guerriers qui entouroient la princesse, jetoient sur elle des regards qui disoient assez que, pour l'obtenir, rien ne leur paroissoit impossible.
MmeCottin, Mathilde,t. 2, 1805, p. 106. 36. Prosper prouve contra que l'exercice allume
L'appétit, et qu'aux nerfs il est quelquefois bon.
T. de Banville, Les Cariatides,1842, p. 48. − P. ext. ♦ Allumer le client. L'attirer : 37. Quand les magasins sont pleins, il y a nécessité de vendre. Pour vendre, il faut allumer le chaland, de là l'enseigne du Moyen Âge et aujourd'hui le prospectus!
H. de Balzac, La Maison Nucingen,1838, p. 638. ♦ Allumer qqn.Exciter ses désirs : 38. Joseph veut que je sois bien frusquée; et il ne me refuse jamais rien de ce qui peut m'embellir, et il aime que le soir je montre ma peau dans un petit décolletage aguichant... Il faut allumer le client, l'entretenir dans une constante joie, dans un constant désir de ma personne...
O. Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre,1900, p. 376. b) Faire prendre feu à, c'est-à-dire susciter, déclencher : 39. Cependant, ils ne purent empêcher cet esprit de liberté et d'examen de faire sourdement des progrès. Réprimé dans le pays où il osait se montrer, où plus d'une fois l'intolérance hypocrisie alluma des guerres sanglantes, il se reproduisait, il se répandait en secret dans une autre contrée.
A. de Condorcet, Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain,1794, p. 105. 40. Le second, Jean-sans-peur, pour conserver sur le royaume le pouvoir qu'avait eu son père, commit un des crimes les plus éclatans de l'histoire moderne; par-là il forma de sanglantes factions et alluma une guerre civile, la plus cruelle peut-être qui ait jamais souillé notre sol.
P. de Barante, Hist. des ducs de Bourgogne,t. 1, 1821-1824, p. 37. 41. Il [Charles Demailly] avait eu beau ne vouloir et ne chercher que la vérité littéraire, son livre était un de ces livres qui allument les polémiques des partis, sans en contenter aucun.
E. et J. de Goncourt, Charles Demailly,1860, p. 123. − Absol. Allumer (une salle de spectacle). Provoquer l'enthousiasme du public. Synon. chauffer, électriser : 42. Dans les représentations essentielles, elle arrivait, chargée d'un bouquet énorme, qui tombait du cintre, à un instant donné, aux pieds mêmes de la danseuse. Il fallait voir ensuite quelle artillerie d'applaudissements! Malvina remplissait la salle de son admiration; elle allumait, pour employer le mot technique, avec un bonheur particulier.
L. Reybaud, Jérôme Paturot,1842, p. 54. − Argotique ♦ Allumer qqn.Faire feu sur; tirer (avec une arme) sur : 43. Colt au point, sans un mot, Raoul l'Auvergnat avait allumé les passants.
Le Breton1960. ♦ Vx, lang. des matelots. Allume! Cri destiné à encourager, exciter : 44. ... le conducteur, son piston en bandoulière, sa casquette brodée sur l'oreille (...) s'élançait (...) en criant : « Allume! allume! ».
A. Daudet, Tartarin de Tarascon,1872, p. 105. ♦ Allumer son gaz. ,,S'enflammer d'amour.`` (A. Delvau, Dict. de la langue verte, 1867, p. 11). ♦ Allumer son pétrole. ,,S'enflammer l'imagination.`` (A. Delvau, Dict. de la langue verte, 1867, p. 11) : 45. − T'a pas su y allumer le pétrole. (Argot des filles).
Ch. Vîrmaitre, Dict. d'argot fin-de-siècle,1894, p. 9. ♦ Allumer le pingouin. ,,Exciter la curiosité des badauds.`` (Ch.-L. Carabelli, [Langue populaire]). C.− Néol. [L'obj. désigne un appareil notamment électrique] Mettre en marche. Allumer la radio, un pick-up (Rob. Suppl. 1970). − TECHNOL. Allumer ou amorcer. ,,Allumer une pompe c'est la mettre en train en versant dans le corps de pompe une certaine quantité d'eau, puis en pompant jusqu'à ce que les tuyaux d'aspiration soient pleins.`` (Gruss 1952). − Arg. Allumer le miston. ,,Entreprendre une affaire convenue.`` (France 1907). Rem. Une référence reste possible au principe de chaleur (allumer un appareil de chauffage électrique) et de lumière (allumer le voyant lumineux d'un appareil de radio, de télévision), puisque dans les deux cas l'allumage conditionne la mise en marche de l'appareil. Cependant allumer finit par échapper à ce système de référence. II.− Emploi pronom. [avec valeur gén. passive] A.− [Cf. emploi trans. A] 1. [Le suj. désigne une source lumineuse ou son support] Devenir lumineux, s'éclairer : 46. Disparaissez, sombres arceaux! Laissez la lumière du ciel nous sourire et l'éther bleu se dérouler! Que les sombres nuées se déchirent, et que les petites étoiles s'allument comme des soleils plus doux!
G. de Nerval, Faust,1840, pp. 65-66. 47. L'ombre s'épaississait dans la pièce. La rue du faubourg s'animait et une exclamation sourde et soulagée salua, au-dehors, l'instant où les lampes s'allumèrent.
A. Camus, La Peste,1947, p. 1263. 2. Au fig. Se mettre à briller; apparaître avec l'éclat de la lumière; se mettre en lumière, se révéler : 48. Tout au plus dans l'entr'acte avait-il sur la belle jeté l'œil, froidement, et sans que sa prunelle s'allumât, comme si le regard contre un mur eût été se briser.
T. Gautier, Albertus,1833, p. 145. 49. Il se voyait, comme il était, dans le miroir de ce regard pénétrant, où s'allumait une lueur de malice; et il n'en était pas très fier.
R. Rolland, Jean-Christophe,La Nouvelle journée, 1912, p. 1536. − S'allumer à qqc. (source lumineuse) : 50. L'acier luit, les bivouacs fument;
Pâles, nous nous déchaînons;
Les sombres âmes s'allument
Aux lumières des canons.
V. Hugo, Les Chansons des rues et des bois,Liberté, 1865, p. 233. B.− [Cf. emploi trans. B] 1. [Le suj. désigne une matière combustible] Prendre feu, s'enflammer : 51. Cela me semble ainsi, et que notre intelligence ne se développe que par l'instruction, comme le bois ne s'allume que par le contact du feu.
E. de Guérin, Journal,1837, p. 131. 52. Pour se rendre compte de la température [du surchauffeur], les ouvriers déposent un morceau de bois ou d'amadou sur la dernière ligne de tuyaux et constatent le temps qu'il met à s'allumer.
L. Ser, Traité de physique industrielle,t. 2, 1890, p. 2. ♦ Proverbe. Il n'est bois si vert qui ne s'allume. − [Le suj. correspond à un obj. interne de la constr. trans.] :
53. Au zénith, la lune à sa première moitié; loin d'elle, deux étoiles extraordinairement brillantes. Des feux s'allument dans le village. C'est d'abord un immense silence, puis l'air s'emplit du concert strident des grillons.
A. Gide, Voyage au Congo,1927, p. 782. 2. P. méton. [Le suj. désigne le support de la matière combustible] :
54. Le soir venu, les fourneaux s'allument; les outres sont pleines, on prépare le repas; le mari rentre pour manger, et la famille se trouve un moment réunie...
E. Fromentin, Un Été dans le Sahara,1857, p. 170. 3. Au fig. S'enflammer, s'éveiller : 55. Une guerre civile s'alluma sous Louis XI et sous Charles VIII...
F.-R. de Chateaubriand, Études historiques,1831, p. 413. 56. ... elle n'avait qu'à se tourner et à rire, pour enlever les bravos, l'orchestre s'allumait, une chaleur montait de galerie en galerie jusqu'au cintre.
É. Zola, Nana,1880, p. 1113. 57. La faim et la soif se sont allumées en même temps en elle, fouettées par la passion du sang.
J. de Pesquidoux, Chez nous,t. 2, 1923, p. 215. Prononc. ET ORTH. : [alyme], j'allume [ʒalym]. − Rem. Fér. Crit. t. 1 1787 propose la graph. : allumer ou alumer avec un seul l. Enq. : /alym/. Conjug. parler. Étymol. ET HIST. − 1. Ca 1100 propre « mettre le feu à » (Rol., 2958 ds Gdf. Compl. : Mirre et timoine i firent allumer); 1164 fig. « enflammer (qqn), exciter les sens » (Chrest., Erec et En., Ars. 3317, fo228 a, ibid. : Sa biautes d'amor m'aluma); av. 1593 « exciter, provoquer (un sentiment, une passion) » (Amyot, De l'Eloquence royale ds Dict. hist. Ac. fr. t. 2 1884, p. 789 a : Le philosophe Hegesias desploïant son éloquence à raconter et mettre devant les yeux toutes les misères ausquelles est subjecte notre vie, allumoit un tel desir de la mort dans les espritz de ses auditeurs, que plusieurs se faisoient mourir); 1653 pronom. « id. (un événement défavorable) » (Vaugelas, trad. de Quinte-Curce, Histoire d'Alexandre, liv. VI, ibid., p. 790 a : Voilà quelle fut la fin de cette guerre, qui s'estant allumée tout à coup, s'acheva de mesme); 2. 1119 propre « mettre le feu pour éclairer, pour rendre lumineux » (Ph. de Thaon, Le Comput, 2533 ds T.-L. : lampes alumées); 1689 fig. « rendre lumineux » (J. Racine, Esther, II, 9 ds Dict. hist. Ac. fr. t. 2 1884, p. 789 a : Vous avez vu quelle ardente colère Allumoit de ce roi le visage sévère); 3. 1174 « voir » (Vie de St Thomas, 74 ds T.-L. : Li avogle i alument); subsiste en arg.; [ca 1740 arg. des comédiens d'apr. Esn. 1966]; 1787 arg. « guetter » (Louvet, Faublas, ibid. : Bras de fer l'allume, et ne la laissera pas passer); 1790 arg. « regarder attentivement » (Rat du Châtelet ds Sain. Sources Arg. t. 1 1912, p. 339 : allume le miston!).
Empr. au lat. vulg. *alluminare dér. de luminare « éclairer », lui-même dér. de lumen « lumière ». STAT. − Fréq. abs. litt. : 3 723. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 3 592, b) 6 278; xxes. : a) 6 672, b) 5 390. BBG. − Ac. Can.-Fr. 1968. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Bruant 1901. − Canada 1930. − Caput 1969. − Dup. 1961. − Duval 1959. − Esn. 1966. − France 1907. − Fromh.-King 1968. − Gottsch. Redens. 1930, p. 316. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 146. − Goug. Mots t. 2 1966, p. 101. − Grandm. 1852. − Grimaud (F.). Petit glossaire du jeu de boules. Vie Lang. 1969, no191, p. 110. − Gruss 1952. − Guilb. Astronaut. 1967. − Hanse 1949. − Larch. 1880. − Larch. Suppl. 1880. − La Rue 1954. − Le Breton 1960. − Le Roux 1752. − Lyer (Stanislav). Participe présent actif avec le sens passif. Archivum romanicum. 1932, t. 16, p. 302. − Macr. 1883. − Martin (E.). [Si l'on peut dire : allumer une lumière]. Courrier (Le) de Vaugelas. 1879, t. 9, p. 115. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 136, 148. − Michel 1856. − Noter-Léc. 1912. − Prév. 1755. − Sain. Lang. par. 1920, p. 236, 269, 452, 516. − Sandry-Carr. 1963. − Thomas 1956. |