| ![]() ![]() ![]() ![]() ALLONGÉ, ÉE, part. passé, adj. et subst. I.− Part. passé de allonger*. II.− Adjectif A.− [Concerne l'animé] 1. [En parlant du corps humain ou d'un de ses membres (bras, jambes, ...) ou, plus rarement, du corps d'un animal] Qui est étendu, déployé dans toute sa longueur : 1. Là, le vieillard disposa les plis blancs de la robe le long des membres allongés.
P. Louÿs, Aphrodite,1896, p. 224. 2. Un lapin allongé, les yeux mi-clos, semble dire : « Le monde me fatigue ».
J. Renard, Journal,1899, p. 522. 3. Le thème de cette peinture est le sommeil : une jeune femme, à demi allongée, dort accoudée sur un tronc coupé d'où surgit un rameau de laurier.
R. Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, p. 310. − Spéc., CHORÉGR. ,,Se dit d'une pose qui doit être exécutée le corps en ligne horizontale.`` (Lar. encyclop.) 2. [En parlant du corps de l'homme ou des animaux, de ses organes ou de certaines de ses parties] a) Qui a une forme longue, effilée. Cou allongé, tête allongée : 4. De dire si une vie intérieure et expansive, inhérente à l'ame, pousse les muscles du dedans du corps, ou si le soleil les attire au dehors, comme chez les noirs, qui ont les mollets plus élevés, et dont le corps est plus allongé que celui des peuples du nord, c'est ce que je ne sais pas.
J.-H. Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 253. 5. Pour suppléer au défaut de ses yeux, son nez allongé, mobile, doué d'un tact exquis, explorait le monde sensible.
A. France, L'Île des pingouins,1908, p. 12. 6. C'est [le renard] une admirable bête carnassière. Allongée, basse sur terre, la tête triangulaire, les flancs évidés comme pour fendre l'air...
J. de Pesquidoux, Chez nous,t. 2, 1923, p. 131. 7. Elle [ma petite vendeuse] a des lèvres grenat, un peu allongées, mais fines et enfantines, dans un teint mordoré, presque mat; elle fait voir ses dents quand elle sourit; deux incisives du haut sont un peu irrégulières.
J. Romains, Les Hommes de bonne volonté,La Douceur de la vie, 1939, p. 42. 8. Pour la première fois, de la dérision dans sa voix, un ton de complicité. Voulait-il me faire entendre que j'appartenais à une autre fraternité, la sienne?
Il pétrit durement mes paumes sous ses pouces osseux et allongés.
R. Abellio, Heureux les pacifiques,1946, p. 44. Rem. 1. Appliqué au visage d'une femme, l'adj. prend souvent une résonance admirative : 9. La tête jolie si la bouche n'était pas trop grande, mais pleine d'expressions romanesques; blonde d'ailleurs avec un teint de brune, velouté et chaud, singulier contraste, et une couronne de tresses sur la tête, sans une seule boucle. Coiffure pleine de noblesse et de simplicité et qui va merveilleusement à l'ovale allongé de son visage.
J. Barbey d'Aurevilly, Premier Memorandum,1837, p. 140. 10. Déjà la salle entière était éblouie de cette beauté, bien qu'elle n'eût pas encore ôté son masque, mais ce qu'on en voyait répondait du reste; le menton délicat et pur, la coupe parfaite de la bouche dont les rougeurs de framboise gagnaient au voisinage du velours noir, l'ovale allongé, gracieux et fin de la figure, la perfection idéale d'une mignonne oreille qu'on eût pu croire ciselée dans l'agate par Benvenuto Cellini attestaient assez des charmes enviables des déesses mêmes.
T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 263. Rem. 2. Autres ex. visage vieux, allongé, chlorotique (L. Frapié, La Maternelle, 1904, p. 90); les poignets allongés dépassaient les manches (R. Martin du Gard, Les Thibault, Le Pénitencier, 1922, p. 691); visage mince, allongé, pâle fervent de somnambule (M. Jouhandeau, Monsieur Godeau intime, 1926, p. 69); elle avait de jolis yeux verts, allongés vers les tempes (M. Druon, Les Grandes familles, t. 1, 1948, p. 87). Rem. 3. Autres syntagmes crâne, face, pieds, yeux allongés, etc. − Au fig., fam. [En parlant de l'expression du visage] Qui exprime la contrariété, la déception ou la tristesse : 11. Un homme était en deuil de la tête aux pieds : grandes pleureuses, perruque noire, figure allongée. Un de ses amis l'aborde tristement : « Eh! Bon Dieu! Qui est-ce donc que vous avez perdu? − Moi, dit-il, je n'ai rien perdu : c'est que je suis veuf. »
Chamfort, Caractères et anecdotes,1794, p. 87. 12. Puis, brusquement dressé, Cave frappa dans ses mains : − Çà! Qu'on nous laisse seuls! Non : vous desservirez plus tard. Allez-vous-en. Via! Via! Il s'assura que Dorino ni Assunta ne s'attardaient aux écoutes, et revint avec la mine subitement grave, allongée, tandis que le cardinal, en se passant la main sur le visage, en dépouilla d'un coup la profane et factice gaieté.
A. Gide, Les Caves du Vatican,1914, pp. 801-802. b) Spéc. (dans les sc. naturelles) : 13. Les muscles du dos sont alongés, étendus de la tête à la queue...
G. Cuvier, Leçons d'anatomie comparée,t. 1, 1805, p. 442. 14. Les vers. Animaux à corps mou, allongé, sans tête, sans yeux, sans pattes articulées, dépourvu de moelle longitudinale et de système de circulation.
J.-B. Lamarck, Philosophie zoologique,t. 1, 1809, p. 193. Rem. Autres syntagmes abdomen, appendice, bec, museau allongé; lobes, muscles, nerfs, os, osselets, tendons allongés. 3. [En parlant de la façon de marcher de l'homme ou de l'allure de certains animaux] :
15. ... tout à fait derrière, accourait, pour suivre le pas allongé des dromadaires, un énorme troupeau de moutons et de chèvres noires divisé par petites bandes...
E. Fromentin, Un Été dans le Sahara,1857, p. 230. 16. L'homme était parti de Marchiennes vers deux heures. Il marchait d'un pas allongé, grelottant sous le coton aminci de sa veste et de son pantalon de velours.
É. Zola, Germinal,1885, p. 1133. 17. Nous commencions à monter d'un pas plus lent et plus allongé.
R. Abellio, Heureux les pacifiques,1946, p. 102. B.− [Concerne une chose] 1. [En parlant d'une chose concr.] a) Long, effilé : 18. Elle portait au cou un collier de vieil ambre, dont les gros grains, translucides et allongés, faisaient penser à des fruits, à d'énormes raisins de Malaga, à des mirabelles gonflées de soleil.
R. Martin du Gard, Les Thibault,La Belle saison, 1923, p. 893. Rem. Autres syntagmes rameaux allongés (M. de Guérin, Poésies, Promenade, 1839, p. 130); bananes allongées et grasses (G. de Maupassant, Contes et nouvelles, t. 2, Mohammed-Fripouille, 1884, p. 267); feuilles allongées (A. Gide, Voyage au Congo, 1927, p. 386); constructions basses et allongées (J. Romains, Les Hommes de bonne volonté, Le 6 octobre, 1932, p. 177); amphores allongées (A. T'Serstevens, L'Itinéraire espagnol, 1933, p. 197); bottines à boutons allongées et pointues (F. Mauriac, Le Mystère Frontenac, 1933, p. 26). b) Qui s'étend : 19. Un jour qu'il allait, méditant, au fond d'une anse tranquille à laquelle des rochers allongés dans la mer faisaient une digue sauvage, il vit une auge de pierre qui nageait comme une barque sur les eaux.
A. France, L'Île des pingouins,1908, p. 20. 20. Jativa, qui est le berceau des Borgia, est placée sur les premières assises de la sierra et participe ainsi de la plaine et de la montagne. C'est une petite ville somnolente, allongée sur un gradin, devant de riches cultures géométriques, et dominée par une crête de roche...
A. T'Serstevens, L'Itinéraire espagnol,1933, p. 53. 21. ... Karelina vit d'un seul regard l'ample perspective d'une cité mollement allongée au bord d'un large fleuve.
M. Van der Meersch, L'Empreinte du dieu,1936, p. 76. 22. Une hauteur toute proche et parallèle à la route arrêtait la vue de ce côté : là des pins parasols allongés en une mince ligne sur la crête contre le soleil couchant semblaient souligner de leur ramure horizontale et élégante le dessin du coteau et donnaient pour un instant au paysage la légèreté inattendue d'une estampe japonaise.
J. Gracq, Au château d'Argol,1938, p. 20. 2. [Appliqué à la durée] Qui est rendu plus long, qui est prolongé : 23. La récréation monastique, un peu allongée à cause de la fête, n'était pas terminée.
J.-K. Huysmans, L'Oblat,t. 1, 1903, p. 76. C.− Emplois spéc. 1. ANAT. Moelle allongée. ,,La moelle qui remplit la cavité de toutes les vertèbres depuis le cerveau jusqu'à l'os sacrum.`` (Ac. t. 1 1932) : 24. L'activité des muscles respiratoires, qui meuvent le thorax de façon plus ou loins rapide et commandent la pénétration de l'air dans les poumons, dépend de cellules nerveuses de la moelle allongée.
A. Carrel, L'Homme, cet inconnu,1935, p. 234. Rem. Attesté ds la plupart des dict. généraux. 2. FAUCONN. et VÉN., vx. − ,,Se dit d'un chien dont le gros nerf crural s'est allongé par une trop forte course.`` (Littré). Rem. Attesté aussi ds la plupart des dict. gén. du xixes. − ,,Se dit d'un oiseau qui, ses pennes étant entières et d'une bonne longueur, est tout prêt pour le vol.`` (Nouv. Lar. ill.). Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixes. 3. MATH. ,,Se dit de toutes les figures dont la forme est plus longue que large.`` (Guérin 1892). Rem. Attesté aussi ds Besch. 1845, Lar. 19e-Lar. encyclop. 4. PHONÉT. Formes allongées. ,,De deux doublets phonétiques, est dite parfois forme allongée, mais plus proprement forme pleine par apposition à telle autre forme, dite réduite, celle qui comporte le maximum d'articulations : lat. sies en regard de sis.`` (Mar. Lex. 1951). 5. SC. NATURELLES a) BOT. Cotylédons allongés. ,,Cotylédons qui sont deux fois plus longs que larges.`` (Nouv. Lar. ill.). Rem. Attesté aussi ds Besch. 1845 et Lar. 19e. b) ENTOMOL., vx. − ,,Se dit des élytres, quand elles dépassent l'abdomen.`` (Besch. 1845). ♦ ,,Se dit de certains aranéides.`` (Besch. 1845). ♦ Subst. masc. plur. Les allongés. ,,Nom de différents groupes d'aranéides, dans la méthode de Walkenaër.`` (Lar. 19e). Rem. Attesté aussi ds Nouv. Lar. ill. III.− Emploi subst. (gén. au plur.). Orth. − Autre graph. vieillie : alongé (cf. supra ex. 13).− Familier ♦ [Le plus souvent en parlant de vieillards] Personne hospitalisée que la maladie empêche de quitter le lit : 25. À côté de chaque lit, était une petite table de nuit ripolinée, où les allongés avaient leurs objets personnels, les objets personnels tolérés; rares étaient les photographies; plus fréquents, parce que jour de visite, les paquets de bonbons acidulés ou de gaufrettes.
M. Druon, Les Grandes familles,t. 2, 1948, p. 246. ♦ Synon. de blessé : 26. Ils étaient revenus vers les blessés. Dès que les paysans eurent compris qu'un seul des allongés était mort, commença une agitation affectueuse et maladroite.
A. Malraux, L'Espoir,1937, p. 831. Rem. Néol. selon Quillet 1965 qui en donne la déf. suiv. : ,,Malade atteint de tuberculose osseuse et astreint à l'immobilité en station horizontale.`` − Pop. Les allongés. Les morts. Être aux allongés. Être enterré, être mort : 27. À quarante ans, et bien qu'il fût resté sec comme un sarment de vigne, les muscles ne se réchauffent pas aussi vite. Parfois, en lisant des comptes rendus sportifs où l'on appelait vétéran un athlète de trente ans, il haussait les épaules. « Si c'est un vétéran, disait-il à Fernande, alors, moi, je suis déjà aux allongés. »
A. Camus, L'Exil et le royaume,1957, p. 1595. ♦ Le boulevard des allongés. ,,Le cimetière.`` (Rob.). Étymol. ET HIST. − 1. 1704 chasse (Trév. : On appelle... un chien allongé, celui qui a les doigts du pied étendus par quelque blessure qui a touché les nerfs); 2. 1704 fauconn. (ibid. : on dit aussi en Fauconnerie, un oiseau allongé, quand il a toutes ses pennes entières et de la longueur qu'il les doit avoir).
Part. passé adj. de allonger*. STAT. − Fréq. abs. litt. : 1 592. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 2 471, b) 2 270; xxes. : a) 2 601, b) 1 880. |