| ![]() ![]() ![]() ![]() ALERTE2, subst. fém. et interj. I.− Substantif A.− Signal, généralement sonore, ou appel avertissant d'un danger imminent et engageant à prendre les dispositions nécessaires pour l'éviter. Synon. alarme : 1. À leur approche, trahie au cliquetis de leurs sabres, des chiens de garde mis en défiance donnèrent bruyamment l'alerte.
G. Courteline, Le Train de 8 h 47,1888, p. 121. Rem. Syntagmes sonnerie d'alerte (plus usuel sonnerie d'alarme), cri d'-, à la première -, en cas d'-, fausse -, donner l'- (donner l'alarme, alerter). − En partic. 1. [En cas de maladie, de sinistre] Appel à l'aide, doublé d'une demande d'intervention et d'assistance immédiates, adressé à la personne ou à l'organisme compétents (médecin, pompiers ...) : 2. Du temps où elle était en bois, New-York a conservé la phobie de l'incendie. Partout des escaliers de sûreté, des panneaux ignifugés, des dégagements, des sorties de secours; à chaque pas un poste d'alarme et des bouches à eau, grosses comme des canons de siège; les pompiers arrivent sur les lieux du sinistre quarante secondes après l'alerte. Aussitôt qu'on entend la plainte déchirante de leur sirène, suivie du glas de la cloche, tout s'interrompt et les pompes, aussi belles que le feu lui-même, passent, rapides comme la flamme.
P. Morand, New-York,1930, pp. 214-215. 2. [En cas de guerre] a) Signal prévenant une force militaire d'une attaque ennemie, lui imposant de prendre les mesures de sécurité voulues et de se tenir prête à intervenir : 3. Debout à la première alerte, j'avais conduit plus d'une fois ma compagnie à l'émeute, et commandé même des bivouacs dans l'intérêt de l'ordre public.
L. Reybaud, Jérôme Paturot,1842, p. 220. 4. ... les compagnies, les bataillons et les escadrons se reformèrent et l'on attendit sous les armes. Cela prit bien deux heures de temps. Ce qui nous étonnait le plus, c'était de ne pas voir revenir l'arrière-garde. On regardait, on écoutait; les sentinelles avaient la consigne de donner l'alerte au premier mouvement. Les officiers délibéraient autour d'un feu de bivouac, en avant du village.
Erckmann-Chatrian, Histoire d'un paysan,t. 2, 1870, p. 204. Rem. Besch. 1845 donne les précisions suiv. ,,Alerte de sentinelle ou de poste. Alerte de service qui a lieu quand il survient dans le voisinage du poste quelque événement inattendu, et annoncée par les mots : à la garde ou aux armes, suivant les circonstances. Alerte du bon Dieu ou du Saint-Sacrement. Sorte d'alerte de poste. Alerte de prise d'armes. V. alerte de poste. Alerte de tumulte ou de bruit. Sorte d'alerte de poste que la sentinelle transmet aux hommes du poste par le cri à la garde. Alerte d'incendie ou de feu. Alerte de poste que la sentinelle transmet par le cri au feu. Alerte de service. Alerte pour les soldats casernés. Les havresacs, dans ce cas, doivent toujours être fermés. La garnison est alors tenue en alerte. Alerte de caporal chef de poste. Alerte de service qui concerne le caporal de consigne, s'il y a plusieurs caporaux de garde au poste. Elle est donnée par les mots, hors de garde.`` b) Signal avertissant la population d'une attaque ennemie (bombardement aérien, approche de blindés...) et l'invitant à prendre les dispositions de défense passive prévues : 5. Au second étage, parmi les sonneries des ambulances qui parcouraient la ville et le bruit incessant des camions, des miliciens, en service commandé, tentaient d'entraîner de force des vieillards, réfugiés sous leurs lits contre le bombardement, à demi fous, et qui ne voulaient pas lâcher les pieds de fer. Soudain, écho menaçant des ambulances, les sirènes d'alerte parcoururent la rue à toute vitesse : lâchant les lits, les vieillards coururent vers la porte de l'escalier qui menait à la cave, leur couverture sur le dos...
A. Malraux, L'Espoir,1937, p. 728. Rem. Syntagmes signal d'alerte, système d'-, alerte aérienne, − aux gaz, − aux blindés. − P. ext. [La not. de danger s'atténue jusqu'à disparaître] Signal indiquant que survient un phénomène dont il y a lieu de s'inquiéter : 6. La journée, malgré son grand soleil, fut terrible encore. Il y eut deux alertes, deux appels de clairon, qui firent courir Jean devant le hangar, où les distributions étaient censées avoir lieu. Mais, les deux fois, il ne reçut que des coups de coude, dans la bousculade. Les Prussiens, si remarquablement organisés, continuaient à montrer une incurie brutale à l'égard de l'armée vaincue.
É. Zola, La Débâcle,1892, pp. 455-456. 7. « ... C'est là que couche le surveillant. Vous voyez : il place son lit bien au milieu, à égale distance des parois; il voit tout, entend tout, et ne risque rien. D'ailleurs, il a sa sonnerie d'alerte dont les fils passent sous le plancher. »
R. Martin du Gard, Les Thibault,Le Pénitencier, 1922, p. 685. B.− État de défense face à un danger, à une situation critique; durée de cet état : 8. Pendant l'alerte, protégés dans leurs réduits, les locataires échangeaient des politesses guillerettes. Certaines dames en peignoir, dernières venues, se pressaient avec élégance et mesure vers cette voûte odorante dont le boucher et la bouchère leur faisaient les honneurs...
L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 105. ♦ En alerte. Sur ses gardes, sur le qui-vive, sur la défensive, prêt ou occupé à parer au danger : 9. ... il leur semblait, à le voir, si sourd, si muet, avec ses yeux troubles, qu'il devait méditer quelque farouche sournoiserie, un guet-apens, où il les tiendrait en sa puissance. Aussi, pendant le premier mois, ne se virent-ils qu'avec mille précautions, toujours en alerte.
É. Zola, La Bête humaine,1890, p. 187. 10. Il faut concevoir d'abord ce troupeau de muscles, différents de forme et de puissance, et attachés sur une carcasse articulée. Chaque muscle est comme un animal qui, dans l'état de repos et d'énergie accumulée, se met en alerte, c'est-à-dire se contracte, pour les moindres causes, et toujours de la même façon, passant de la forme fuselée à la forme arrondie, comme le fait autant qu'il le peut tout vivant en péril.
Alain, Système des beaux-arts,1920, pp. 25-26. 11. Tirez quatre mille coups de canons par nuit sur un secteur de deux kilomètres, simplement pour tenir l'ennemi en alerte; un coup de canon coûte quatre-vingts francs; faites le compte.
Alain, Propos,1921, p. 272. 12. ... avant de dormir soi-même, il faut faire dormir ses pensées. Mais cela ne va pas bien, car vouloir endormir une pensée, c'est penser; et penser c'est s'éveiller. Toute pensée nous met en alerte; et cela est naturel dans un univers qui n'a rien promis.
Alain, Propos,1927, p. 747. ♦ État d'alerte. État d'une troupe ou d'une population prêtes à prendre les dispositions prévues en cas d'alerte. P. ext. [En parlant d'un individu] :
13. Les hommes soumis à la revue d'appel avaient vite remarqué qu'on n'y voyait pas Alain. Échappant aux vexations, aux humiliations, à la crainte perpétuelle d'une déportation, que causait aux hommes l'autorité allemande, Alain en était jalousé. On ne recherchait pas si cette tranquillité n'était pas compensée par d'incessantes transes, un état d'alerte qui durait depuis le mois d'octobre.
M. Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 50. C.− Menace précise et soudaine d'une situation critique et alarmante; émotion, inquiétude ressenties en présence de cette menace : 14. ... on entendit retentir une violente fusillade. Valerio mit brusquement la main sur la bride du cheval de sa femme et l'arrêta court. Le Shemsiyèh, par un mouvement qui lui fit honneur, tira son sabre et se jeta devant Lucie pour la couvrir de son corps; le poète mit l'épée à la main, en invoquant saint Georges et Redjèb se coucha par terre en criant qu'il était mort. L'alerte fut vive; il y avait de quoi. Mais aussitôt on entendit de toutes parts, sur les deux flancs des montagnes :
− N'ayez pas peur! On n'en veut pas à vous! Allez-vous-en! On ne tire pas sur vous! Et la fusillade fut suspendue un instant...
J.-A. de Gobineau, Nouvelles asiatiques,La Vie de voyage, 1876, p. 329. 15. ... en se quittant, ils s'embrassèrent, très bons amis, si bien qu'à partir de ce jour, elle le prit pour confident et conseil, tâchant de le voir à la moindre alerte, ne risquant rien sans son approbation.
É. Zola, La Terre,1887, p. 311. 16. ... avant-hier, notre Véronique retombait malade, nous donnant à craindre la même fièvre qui faillit la tuer en février, en ce terrible février où le genre humain parut nous abandonner. Je me hâte d'ajouter que c'était une fausse alerte et que la chère petite va déjà beaucoup mieux. Je ne parle pas de quelques autres tourments dont le récit emplirait environ quatre-vingts pages d'un texte serré.
L. Bloy, Journal,1895, p. 188. 17. ... l'aube se levait, quand l'automobile que nous avions frétée à Berlin et qui avait l'autorisation de traverser les lignes révolutionnaires, le citoyen Siegfried von Kleist étant invité à faire partie du nouveau Sénat, nous déposa dans Munich. Des agents vêtus de l'ancien uniforme nous poursuivirent dès notre entrée et nous donnèrent une alerte, mais ils en voulaient à nos phares encore allumés et il fallut leur payer contre reçu vingt-quatre marks...
J. Giraudoux, Siegfried et le Limousin,1922, p. 239. 18. Dans les masses françaises, surtout dans les masses rurales, l'accusation portée contre le gouvernement conservateur d'être un danger pour la paix produisit un effet immense. Le parti républicain, conduit par Gambetta, délaissa sa tradition belliqueuse, comme Thiers, dès 1871, le lui avait conseillé. Ce fut contre les conservateurs qu'il retourna l'accusation d'être le parti de la guerre. Et pourtant l'alerte de 1875 sera suivie de bien d'autres alertes, depuis l'affaire Schnaebelé jusqu'à 1914. On ne tardera pas à voir que l'Allemagne en veut à la France elle-même, et non à ses gouvernements, de même qu'elle avait montré en 1870 que ce n'était pas l'empire qu'elle attaquait.
J. Bainville, Histoire de France,t. 2, 1924, pp. 234-235. 19. − « Je te le répète : il n'y aura pas de guerre!... Seulement, l'alerte sera peut-être chaude, et j'espère que, cette fois, les peuples auront compris l'avertissement... Nous recauserons de tout ça, un jour, si tu veux... Maintenant, je te laisse... Au revoir. »
R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 309. 20. Dès mon retour, une assez grave alerte m'a mis au lit avec d'inquiétantes oscillations de température. Un nouveau traitement, des soins énergiques, semblent avoir encore une fois enrayé la progression du mal.
R. Martin du Gard, Les Thibault,Épilogue, 1940, p. 909. − P. ext. [En parlant surtout d'un individu] État d'appréhension d'un danger réel ou imaginaire : 21. Et ce même besoin profond de ne point être rassurés, sur les autres, sur eux-mêmes, tant qu'ils n'éprouvent pas ce bon sentiment d'infécondité. Ce désarroi perpétuel, cette anxiété, cette mortelle inquiétude, cette alerte perpétuelle, cette constante épouvante qu'il n'y ait, qu'il ne vienne quelque part de la fécondité, qu'il ne se fasse, qu'il ne vienne, qu'il ne se fonde, qu'il ne naisse quelque vie, quelque race, quelque œuvre.
Ch. Péguy, L'Argent,1913, p. 1111. − [Les not. de menace et d'inquiétude peuvent s'estomper ou même disparaître totalement] État d'éveil, de tension : 22. Ce prêtre s'était évidemment tracé un plan; Durtal ne le pénétrait pas encore en son entier, mais il devait constater que ce régime de temporisation et que cette alerte de pensées toujours ramenées vers Dieu par des visites quotidiennes dans les églises, agissaient à la longue sur lui et lui malaxaient peu à peu l'âme.
J.-K. Huysmans, En route,t. 1, 1895, p. 136. 23. Et lui qui à Paris, quand une femme de la nuit l'accostait, répondait par une insolence, la plus blessante qui lui vînt aux lèvres, il développe ici pour la première fois son génie familier et peloteur. Il va, les yeux clignotants par l'alerte de son esprit, le visage radieux d'impureté, souple et fureteur comme une petite hyène.
H. de Montherlant, Les Bestiaires,1926, pp. 442-443. − PSYCHOL. ,,État de l'organisme animal où s'exprime une anticipation, une attente de la situation à venir. L'état d'alerte accompagne presque toujours l'annonce ou l'émission d'une consigne, d'un pré-stimulus.`` (Piéron 1963) : 24. La vie de l'anxieux est une perpétuelle et douloureuse alerte. Enfant, il est la proie des peurs nocturnes; timide, craintif, impressionnable à l'excès, il redoute la solitude comme il redoute la société.
E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 233. II.− Interj. Sert à avertir d'un danger imminent, appelle à se tenir sur ses gardes, prêt à intervenir : 25. « ... − Gavache! s'écria le brigand, est-ce pour un pet de ta mule que j'arme cette carabine? Alerte! Alerte! une trompette! Voici les dragons jaunes. »
A. Bertrand, Gaspard de la nuit,1841, p. 174. Prononc. − 1. Forme phon. : [alε
ʀt]. 2. Dér. : alertement, alerter. Étymol. ET HIST. − 1. 1552 loc. adv., estre a l'herte « être sur ses gardes, sur le qui vive » (Rabelais, Le Quart Livre, éd. Robert Marichal, chap. XVIII, p. 103 : le pilot, consyderant les voltigemens du peneau sus la pouppe, et prevoiant un tyrannicque grain et fortunal nouveau, commenda tous estre à l'herte); 2. xviiies. emploi subst., « appel à la vigilance; inquiétude subite » (Buffon, Souris ds Littré : La souris ne sort de son trou que pour chercher à vivre; elle ne s'en écarte guère, y rentre à la première alerte...).
1 empr. à l'ital. all'erta « sur ses gardes » (Kohlm. 1901, p. 28; Sar. 1920, p. 38; Wind 1928, p. 124) de erta « côte, hauteur » fém. de erto « escarpé » part. passé de ergere « dresser » lui-même du lat. erigere « id. » : l'ital. all'erta signifiait à l'orig. « sur la hauteur ». La loc. adv. ital. est attestée dep. le xives. d'apr. DEI et seulement dep. 1541 ds Tomm.-Bell. 1929, (Francesco Berni, Orlando Innamorato, 2, 2, 2). L'emploi subst. 2 s'est développé seulement en fr. à partir de la loc. adv., il n'est pas attesté en ital. STAT. − Fréq. abs. litt. : 377. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 184, b) 452; xxes. : a) 614, b) 838. BBG. − Bach.-Dez. 1882. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Bruant 1901. − Dem. 1802. − Dup. 1961. − Fichier (Le) français de Berne. Déf. Lang. fr. 1967, no40, p. 41. − Lacr. 1963. − Noter-Léc. 1912. − Piéron 1963. − Pope 1961 [1952], § 57. − Prév. 1755. |