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ALBÂTRE, subst. masc.
I.− [L'albâtre désigne une matière]
A.− [L'albâtre en tant que minéral] Espèce minérale (variété de carbonate ou de sulfate de calcium) caractérisée par les propriétés suivantes : couleur variable − généralement blanc laiteux − unie ou veinée, semi-transparence, pâte homogène et plus ou moins tendre, grain fin, possibilité de prendre un beau poli :
1. Être ultra, (...) c'est trouver dans le pape pas assez de papisme, dans le roi pas assez de royauté, et trop de lumière à la nuit; c'est être mécontent de l'albâtre, de la neige, du cygne et du lys au nom de la blancheur; ... V. Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 742.
2. Nous longeons à la toucher la longue et haute chaîne du Djebel-Abou-Fêdah. Anciennes carrières de calcaires et d'albâtre. Excavations visibles du fleuve. À toutes les hauteurs on aperçoit les entrées taillées carrément, en forme, soit de portes étroites, soit de portes très écrasées. E. Fromentin, Voyage en Égypte,1869, p. 71.
3. La pierre est dans la terre; âpre et froide, elle ignore; Le granit est la brute informe de la nuit, L'albâtre ne sait pas que l'aube existe et luit, Le porphyre est aveugle et le marbre est stupide; Mais que Ctésiphon passe, ou Dédale, ou Chrespide, Qu'il fixe ses yeux pleins d'un divin flamboiement Sur le sol où les rocs dorment profondément Tout s'éveille; un frisson fait remuer la pierre; (...) Et l'albâtre enfoui ne veut plus être noir; ... V. Hugo, La Légende des siècles,Les Sept merveilles du monde, Le Temple d'Éphèse, t. 4, 1877, pp. 496-497.
4. Il me montre d'abord, dans un vestibule, de très belles statues grecques ou romaines. De la main et parfois à l'aide d'une lampe de poche, il guide mon regard le long d'une épaule; il est amoureux de tout ce marbre dont il me fait remarquer qu'il est translucide (du marbre pentélique : la lampe, appliquée à la cornée de l'œil aveugle donne au nez une qualité d'albâtre, couleur de miel ou de soleil). J. Green, Journal,1944, p. 143.
Syntagmes usuels (princ. variétés de l'albâtre).
1. Albâtre calcaire ou albâtre véritable. Variété de carbonate de calcium, déposée en concrétions diverses par les eaux d'infiltration, caractérisée par sa couleur variant du blanc laiteux au jaune miel et au roux, sa composition en couches parallèles et diversement nuancées, sa translucidité remarquable, sa dureté relative, sa réaction effervescente sous l'effet des acides et sa qualité supérieure (cf. la plupart des dict. gén. ou techn.) :
5. L'albâtre vrai, albâtre calcaire, est rarement assez blanc pour justifier la comparaison vulgaire que l'on fait en parlant d'un objet dont on veut indiquer l'éclatante blancheur. Cette propriété appartient bien plutôt à l'alabastrite. Les caractères les plus apparens de l'albâtre calcaire sont d'être composé de couches ondoyantes parallèles, plus ou moins translucides, d'un blanc de lait tirant au jaune beurre frais, ou jaunâtres, rousses... Comm.t. 11837.
2. Différentes sortes d'albâtre calcaire (parmi les plus connues). Albâtre algérien (cf. Gde Encyclop.) :
6. L'Algérie fournit un albâtre dit algérien, dont les veines sont presque rectilignes et parallèles entre elles; sa structure est rubanée; ses teintes sont très-variées; il est même quelquefois incolore et transparent ou blanc laiteux. Il est très propre à la décoration. Chabat t. 11875.
Albâtre fleuri (cf. Chabatt. 1 1875) :
7. ... on nomme albâtre fleuri celui qui a des tâches [sic] irrégulières et de couleurs variées... Comm.t. 11837.
Albâtre gris (cf. Viollet 1875 et ex. 12). Albâtre oriental, dit encore albâtre égyptien, albâtre onyx, marbre onyx (cf. la plupart des dict. gén. ou techn. et ex. 10, 13, 21) :
8. Lorsqu'il est jaune-roux ou rougeâtre, et que les zones ou ondulations ont des couleurs qui tranchent les unes près des autres, on le nomme vulgairement albâtre oriental, et même albâtre onyx, lorsque les veines sont droites et bien distinctes. (...) on lui attribue encore l'épithète d'oriental, lorsqu'il n'a qu'une légère teinte jaunâtre avec des ondulations couleur de suif. Comm.t. 11837.
Albâtre rubané (cf. Gde Encyclop. et ex. 22).
3. Albâtre gypseux, dit encore alabastre, alabastrite, albâtre blanc vulgaire, faux albâtre. Variété de sulfate de calcium hydraté, caractérisé par sa blancheur éclatante, sa qualité inférieure à celle de l'albâtre calcaire (moindre transparence, plus faible dureté, poli éphémère), sa réaction nulle aux acides, son aptitude à se transformer en plâtre sous l'action du feu (cf. la plupart des dict. gén. ou techn. et ex. 5) :
9. L'albâtre gypseux de Thorigny-les-Vallières (Seine-et-Marne) sert à la fabrication d'un plâtre aluné, cuit à haute température. J. Cahen, E. Bruet, Carrières, plâtrières, ardoisières,1926, p. 184.
B.− [L'albâtre en tant que matière utilisée dans les arts d'agrément]
1. Au sing. D'albâtre, en albâtre.
a) Domaine de l'archit. :
10. Vu la citadelle et la mosquée de Méhémet-Ali. D'un goût baroque (xviieou xviiiesiècle italien), mais d'un grand luxe. L'immense cour en arcades, tout entière en albâtre oriental, la fontaine aux ablutions en albâtre, le grand dallage en marbre blanc. L'intérieur du temple, en albâtre aussi, d'une extrême somptuosité. E. Fromentin, Voyage en Égypte,1869, p. 152.
b) Domaine de la sculpt. :
11. Avec son air impassible, son front pâle et froid et ses riches habits, on l'eût volontiers prise pour une de ces madones d'albâtre que la dévotion des femmes italiennes couvre de robes de soie et de chiffons brillants. G. Sand, Lélia,1833, p. 137.
12. ... dans un grenier, un tas de figurines coloriées, en albâtre gris, débris d'un mausolée quelconque, mais admirable, de la Renaissance; c'est là tout ce qu'un sonneur bossu et souriant a pu me faire voir ... V. Hugo, Le Rhin,1842, p. 106.
13. Il existe, dans la cathédrale de Narbonne, une statue de la Sainte Vierge, plus grande que nature, d'albâtre oriental, du xivesiècle, qui est un véritable chef-d'œuvre. Les belles statues d'albâtre de cette époque, en France, ne sont pas rares; malheureusement cette matière ne résiste pas à l'humidité. (...) Les artistes du moyen âge polissaient toujours l'albâtre lorsqu'ils l'employaient pour la statuaire, mais à des degrés différents. Viollet1875.
c) Domaine de l'ameubl.Syntagmes fréq. coupe d'albâtre, lampe d'albâtre, pendule d'albâtre, urne d'albâtre, vase d'albâtre :
14. Je m'en souviens, c'était un cabinet tout tendu de blanc et tout rempli de pièges et d'embûches. D'abord je crus que je marchais sur la laine douce et fine d'un tapis, je crus voir des roses blanches dans des vases d'albâtre et des lumières douces et blanches dans des globes de verre mat. Je crus aussi voir une femme vêtue de blanc et couchée sur un lit de satin blanc; mais quand elle tourna vers moi sa face livide, quand je rencontrai son regard d'airain, le charme qui pesait sur moi s'évanouit; ... G. Sand, Lélia,1833, p. 79.
15. Allume-la le soir, ta lampe d'albâtre; regarde sa lueur blanche et pâle en te ressouvenant de ce soir où nous nous sommes aimés. G. Flaubert, Correspondance,1846, p. 263.
16. Sur le lit on distingue une figure d'homme en cire, sans barbe, avec une longue chevelure blonde et couchée à plat dos comme un cadavre; tout autour du lit sont alternativement rangées de petites corbeilles en filigrane d'argent et des urnes d'albâtre de forme ovale; dans les corbeilles il y a des pieds de laitues et dans les urnes une pommade rose. G. Flaubert, La Tentation de saint Antoine,1849, pp. 466-467.
17. Et par toute la chambre, sur la cheminée, sur les consoles, sur les guéridons, étaient posés, pressés, mêlés toutes sortes de menus objets, des réductions d'obélisques, des échantillons de marbre, des coupes d'albâtre, des colonnettes portant des figurines de bronze, un lion Canova en terre cuite, des « dunkerques » étrusques... E. et J. de Goncourt, Madame Gervaisais,1869, pp. 12-13.
18. Tu n'as pas vu les murs de cette cité musulmane rougir le soir, s'éclairer faiblement la nuit. Murs profonds où la lumière, durant le jour, s'est déversée; murs blancs comme le métal, à midi la lumière s'y thésaurise; dans la nuit vous sembliez la redire, la raconter très faiblement. − Cités, vous m'avez semblé transparentes! Vues de la colline, de là-bas, dans la grande ombre de la nuit enveloppante, vous luisiez, pareilles à ces creuses lampes d'albâtre, images d'un cœur religieux − pour la clarté qui les emplit, comme poreuses, et dont la lueur suppure autour, comme du lait. A. Gide, Les Nourritures terrestres,1897, p. 219.
19. ... l'œil intéressé de la comtesse expertisait le salon. Il y régnait une modestie décourageante. (...) une table, une console d'acajou; devant le foyer, un tapis en chenilles de laine; sur la cheminée, des deux côtés d'une pendule en albâtre, sous globe, deux grands vases d'albâtre ajouré, sous globes, pareillement; ... A. Gide, Les Caves du Vatican,1914, p. 765.
d) Domaine des objets funéraires.Urne, vase d'albâtre :
20. Octave et Marianne, auprès d'un tombeau. octave. − Moi seul au monde je l'ai connu. Cette urne d'albâtre, couverte de ce long voile de deuil, est sa parfaite image. C'est ainsi qu'une douce mélancolie voilait les perfections de cette âme tendre et délicate. A. de Musset, Comédies et proverbes,Les Caprices de Marianne, 1834, II, 6, p. 174.
21. Aux angles du sarcophage était posés quatre vases d'albâtre oriental du galbe le plus élégant et le plus pur, dont les couvercles sculptés représentaient la tête d'homme d'Amset, la tête de cynocéphale d'Hapi, la tête de chacal de Soumaoutf, la tête d'épervier de Kebsbnif : c'étaient les vases contenant les viscères de la momie enfermée dans le sarcophage. T. Gautier, Le Roman de la momie,1858, p. 176.
22. Trois vases en albâtre rubané, fixés au fond du cercueil, ainsi que la momie, par une couche de natrum, contenaient les deux premiers des baumes d'une couleur encore appréciable, et le troisième de la poudre d'antimoine ... T. Gautier, Le Roman de la momie,1858p. 183.
2. Au sing. et surtout au plur. Objet en albâtre :
23. J'ai vu successivement ma maison se remplir d'albâtres de Florence, de bronzes antiques, d'estampes anglaises, de figures en biscuit, de vases étrusques, de meubles en laque du Japon, et de tapis persans. Tous ces objets de fantaisie, relégués tour-à-tour dans le garde-meuble, en perdant de leur prix à ses yeux, n'en conservaient pas moins une valeur réelle, ... V. de Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 5, 1814, p. 242.
24. Sa couche virginale étoit dérobée à tous les yeux par des rideaux doubles de mousseline, et, chez elle, aucun meuble parlant ne s'offroit aux yeux en apportant quelqu'idée malséante. Du plafond pendoit une coquille d'albâtre qui, la nuit, jetoit une lueur vaporeuse, la cheminée étoit de marbre blanc, et ornée d'albâtres. H. de Balzac, Annette et le criminel,t. 1, 1824, p. 60.
25. « Déjà, mon jeune époux? Quoi! L'aube paraît-elle? Non; la lumière, au fond de l'albâtre, étincelle Blanche et pure, et suspend son jour mystérieux; La nuit règne profonde et noire dans les cieux. A. de Vigny, Poèmes antiques et modernes,Le Somnambule, 1837, p. 118.
26. Je fermerai partout portières et volets Pour bâtir dans la nuit mes féeriques palais. Alors je rêverai des horizons bleuâtres, Des jardins, des jets d'eau pleurant dans les albâtres ... Ch. Baudelaire, Les Fleurs du mal,Tableaux parisiens, 1857, p. 78.
3. [L'albâtre comme symbole] :
27. Mes amis, sais-je voir d'un œil indifférent Ou l'or des blonds cheveux sur l'albâtre courant, Ou d'un flanc délicat l'élégante noblesse, Ou d'un luxe poli la savante richesse? A. Chénier, Élégies,Amitiés, Montigny et La Sablière, 1794, pp. 145-146.
28. En un mot attribuons au style de M. de Saint-Pierre la transparence et le poli de l'albâtre et à celui de M. de Chateaubriand la beauté et la richesse de ce métal qui, dans l'incendie d'une ville fameuse s'était formé du mélange de tous les autres métaux, je veux dire de l'airain de Corinthe. (...) Chateaubriand a une variété cachée. Saint-Pierre a une uniformité variée. Ch.-J. de Chênedollé, Extraits du journal,1807, p. 19.
29. ... je me réfugiais vers les colonnes, les statues. Je prenais modèle sur elles. J'attendais, debout sous la lune, pendant des heures, immobile, comme elles, sans penser, sans vivre. Je l'attendais d'un cœur de pierre, de marbre, d'albâtre, d'onyx, mais qui battait et me fracassait la poitrine... J. Giraudoux, Électre,1937, II, 5, p. 156.
II.− Au fig. Blancheur très pure.
A.− Emploi abs. :
30. Vois l'astre au front d'argent : son éclat tempéré Charme ton œil vers lui mollement attiré : Plus doux que le soleil il caresse ta vue, Et te laisse jouir d'une scène imprévue. Vois comme ses rayons tremblent sur les ruisseaux, Mêlent l'albâtre au vert des jeunes arbrisseaux, Se glissent, divisés, à travers le feuillage, Et blanchissent au loin les roses du bocage. P.-M.-F.-L. Baour-Lormian, Veillées poétiques et morales,1827, p. 289.
31. À l'occident, se déploie une chaîne de rochers, les uns couchés, les autres plantés dans le sol, ceux-ci perçant l'air de leurs pics arides, ceux-là de leurs sommets arrondis; leurs flancs verts, rouges et noirs, retiennent la neige dans leurs crevasses, et mêlent ainsi l'albâtre à la couleur des granits et des porphyres. F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 1, 1848, p. 321.
B.− [Suivi d'un compl. prép. de]
1. [Le compl. est un subst. concr. (partie du corps)] :
32. Malgré quelques combats, bientôt après je vis Loin jetés à l'écart et voiles et tapis, Tout jusqu'au lin flottant, sa défense dernière, Aux regards, aux fureurs la liv(rant) tout entière, Étaler de ses flancs l'albâtre ardent et pur, Lis, ébène, corail, roses, veines d'azur; ... A. Chénier, Élégies,Les Amours, Lycoris, 1794, pp. 54-55.
33. Sulmina, devançant l'aurore lumineuse, Un carquois sur l'épaule, et son arc à la main, Pressait d'un pas léger et la biche et le daim. Le plumage du cygne et la neige nouvelle N'égalaient point l'albâtre de son sein. P.-M.-F.-L. Baour-Lormian, Ossian,Olgar et Sulmina, 1827, p. 47.
2. [Le compl. est un subst. abstr.] :
34. À son sourire, dédié au salon défunt qu'il revoyait, je compris que ce que Brichot, peut-être sans s'en rendre compte, préférait dans l'ancien salon, (...) c'était cette partie irréelle (...), cette partie qui s'est détachée du monde extérieur pour se réfugier dans notre âme, à qui elle donne une plus-value, où elle s'est assimilée à sa substance habituelle, s'y muant − maisons détruites, gens d'autrefois, compotiers de fruits des soupers que nous nous rappelons − en cet albâtre translucide de nos souvenirs, duquel nous sommes incapables de montrer la couleur qu'il n'y a que nous qui voyons, ... M. Proust, À la recherche du temps perdu,La Prisonnière, 1922, pp. 284-285.
C.− [Précédé d'un subst.] D'albâtre. D'une blancheur très pure.
1. [Souvent, en parlant d'une partie du corps hum., notamment féminin] Cou d'albâtre :
35. ... mes yeux se portèrent vers une glace qui (...) m'offrit une femme vêtue de blanc; les cheveux épars et bouclés tombaient sur un cou d'albâtre entouré d'un rang de perles, une rose était à quelque distance et s'élevait et s'abaissait ... Deux bras arrondis par l'amour étaient nuds jusqu'au coude, et des mains d'une blancheur éblouissante parfilaient des fils d'or. G. Sénac de Meilhan, L'Émigré,1797, p. 1634.
36. Salut, vierge aux beaux yeux, rayonnante de gloire, Plus blanche que le cygne et que le pur ivoire, Qui sur ton cou d'albâtre enroule tes cheveux; Ch.-M. Leconte de Lisle, Poèmes antiques,Bhagavat, 1852, p. 348.
Épaules d'albâtre :
37. Enfin sa lourde robe bleue, toute roide d'or et de pierreries, glissant à ses pieds, laissa nues ses épaules d'albâtre, larges et rondes, avec une petite fossette au milieu. Et l'on vit son cou gracieux et cet endroit si blanc, si doux, où naît une chevelure brune, lisse et épaisse, élégamment relevée, peignée, lustrée... E. Sue, Atar Gull,1831, p. 19.
Mains d'albâtre :
38. Je ne distinguais rien dans cette obscurité Qu'un front pâle et mourant sur l'oreiller jeté, Et de longs cheveux blonds répandus en désordre, Que sur un sein deux mains d'albâtre semblaient tordre, A. de Lamartine, Jocelyn,1836, p. 761.
Rem. Dans ces ex., albâtre évoque l'idée d'une blancheur délicate de la chair sous laquelle on devine la vie plutôt que d'une blancheur éclatante.
2. [Moins fréquemment en parlant de paysages, plantes, etc.] :
39. Tel aux premiers feux du matin, le lys qui vient de s'épanouir déploie ses pétales d'albâtre, encore tout humides des larmes brillantes de la rosée : ... Ch.-J. de Chênedollé, Extraits du journal,18 juill. 1833, p. 169.
40. ... la neige éblouissante change la campagne en d'immenses paysages d'albâtre ... E. Sue, Les Mystères de Paris,t. 3, 1843, p. 2.
41. ... l'abeille ménage la plante et, sans l'attaquer, lui emprunte les précieux matériaux dont son art tire les palais d'albâtre, d'ambre ou d'or, où vont dormir ses enfants. J. Michelet, L'Insecte,1857, p. 318.
Stylistique − 1. Valeur de prestige souvent attachée à ce mot par la beauté raffinée de la matière qu'il désigne (cf. ex. 10, 11, 27, 28, 29, 32, 35, 36, 37, 41). 2. Il présente un intérêt hist. en évoquant l'antiquité surtout romaine ou l'engouement du xixes. pour l'albâtre (cf. ex. 14, 17, 18, 21, 22, 23). 3. Albâtre, subst. fém., caractérise la lang. pop. (cf. Goug. Lang. pop. 1929, pp. 88-89 et Dauzat Ling. fr. 1946, pp. 43-44) : 42. Ne dites pas De la belle albâtre Dites Du bel albâtre. M. Pomier, Locutions vicieuses de la Haute-Loire, 1835, p. 163.
Prononc. − 1. Forme phon. : [albɑ:tʀ ̥]. Rouss.-Lacl. 1927, p. 120 et Grammont Prononc. 1958, p. 29 mentionnent expressément ce mot pour la qualité post. (,,fermée`` dans la terminol. de Rouss.-Lacl.) de la voyelle de syllabe finale. Grammont, loc. cit., s'en rapporte à la règle suiv. : ,,L'a devant consonne non allongeante est postérieur et long lorsqu'on l'écrit avec un accent circonflexe (...), sauf dans les formes verbales comme mangeâmes, donnâtes, où il est antérieur et bref.`` Enq. : /albatʀ, D/. 2. Dér. et composés. − Alabastr- : alabastre, alabastride, alabastrin (-ine), alabastrique, alabastrite, alabastron. Albâtr- : albâtréen, albâtrier.
Étymol. ET HIST. − 1. Ca 1165 aubastre subst. masc. « roche blanche translucide » (B. de Ste Maure, Roman de Troie, Ars., fo3 b ds Gdf. Compl. : S'arroiz la chambre de biauté Qui de l'aubastre fu bastie); ca 1190 alabaustre « vase d'albâtre » (Herman, Bible, B.N. 1444 vo, ibid. : Marie Magdelaine qui le cuer a tenrous Aporta alabaustre, ongement precious Sor le chief li espant); 1394 albastre « roche blanche translucide » (Inv. des garn. du chastiel de Lille ds Gay t. 1 1887 : Inventoire de l'albastre trouvé au chastiel de Lille − vj ymages en manière de profètes dont les 4 sont d'albastre); 1442 alabastre « vase d'albâtre » (P. Ferget, Nouv. Test., fo37 rods Gdf. Compl. : Une femme vint qui avoit une boete pleine de precieulx oingnement, laquelle boete estoit appellee alabastre). − xvies. (1566, Rivaudeau ds Hug.); 2. a) 1845 minér. alabastre subst. fém., (Besch. : Alabastrite ou Alabastre... Pierre gypseuse, blanche, transparente, dont on se servait autrefois comme de vitres et dont on fabriquait des vases nommés alabastrons ou alabastros), attest. isolée : le nom usuel est alabastrite*; b) 1897 alabastre subst. masc. « vase à parfums » (Nouv. Lar. ill. : Alabastron ou Alabastre. Vase à parfums). − 1928, Lar. 20e. 3. 1884 alabaster subst. masc. (J. Adeline, Lexique des termes d'art : Alabaster. Vase à parfums, en forme de poire allongée, avec ou sans oreillon ou anse de très petite dimension), attest. isolée. 1 du lat. alabastrum « albâtre » et « vase d'albâtre », attesté dep. le iers. (Pline, Naturalis historia, 33, 101 ds TLL s.v., 1471, 63 : stimi appellant, alii stibi, alii alabastrum, aliqui larbasim), neutre formé sur l'acc. du plus anc. alabaster « vase d'albâtre », attesté dep. Cicéron (Academicorum posteriorum fragm., 11 ds TLL, 1471, 81 : quibus etiam alabaster plenus unguenti putere videatur), empr. au gr. α ̓ λ α ́ ϐ α σ τ ρ ο ς « albâtre » et « vase d'albâtre ». Les formes d'a. fr. en -austr-, qui existent aussi en lat. médiév., restent inexpliquées; 2 est un réemprunt au lat. alabastrum; 3 est empr. au lat. alabaster.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 259. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 672, b) 539; xxes. : a) 148, b) 148.
BBG. − Barb.-Cad. 1963. − Bél. 1957. − Bible 1912. − Boiss.8. − Brard 1838. − Chabat t. 1 1875. − Chesn. 1857. − Comm. t. 1 1837. − Daire 1759. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 44. − Fér. 1768. − Fromh.-King 1968. − Gay t. 1 1967 [1887]. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 89. − Knauer (K.). Studien zur Geschichte der Farbenbestimmung im Französischen von den Anfängen bis gegen Ende des 18. Jahrhunderts. Archivum romanicum. 1933, t. 17, pp. 216-217, 236-237. − Laborde 1872 (s.v. albastre). − Lar. mén. 1926. − Littré-Robin 1865. − Nysten 1814-20. − Pope 1961, § 605. − Prév. 1755. − Thomas 1956. − Uv.-Chapman 1956. − Viollet 1875.