| AIR2, subst. masc. A.− Apparence, comportement, attitude extérieure d'une personne (maintien, expression des traits ...). Rem. Ce subst. (hormis les cas d'ell.) ne s'emploie que dans certaines conditions syntaxiques : il est obligatoirement suivi d'un adj., d'un subst. en fonction adjective, d'un compl. déterminatif, d'une prop. relative, ou, plus rarement, précédé d'un poss. ou d'un dém. Il sert à attribuer à une personne une certaine apparence, une manière d'être précisée par l'adj. ou le syntagme équivalent. Il a l'air bête signifie « il est apparemment bête ». 1. Air suivi d'un adj. a) Un air, l'air, avec l'air, sous l'air ... + adj. : 1. La figure est brune, éveillée, coquette, le nez retroussé, les lèvres roses, le regard noir et droit, l'air franc, amical, fripon et bon enfant, plus spirituel de beaucoup que celui de Mmed'Humières, par exemple, avec sa bouche rose en cœur si sensuelle et tout humide.
G. Flaubert, Par les champs et par les grèves,Touraine et Bretagne, 1848, p. 183. 2. Non. Sous le faux air virginal
Je vois l'être inepte et vénal,
Mais c'est le rôle seul que j'aime.
Ch. Cros, Le Coffret de Santal,Sonnet, 1873, p. 101. 3. Les hommes et les femmes sont si mauvais, si incorrigibles, que je marche toujours avec un petit air penché.
J. Renard, Journal,1905, p. 1000. b) Avoir, prendre l'air, un air ... + adj. : 4. Il [l'abbé] quitta instantanément son aspect bonhomme, et prit son air sacerdotal...
G. de Maupassant, Une Vie,1883, p. 177. 5. − Mahaut n'a pas l'air bien portante.
R. Radiguet, Le Bal du comte d'Orgel,1923, p. 163. 6. Ils avaient l'air tout à fait calmes et presque contents.
A. Camus, L'Étranger,1942, p. 1163. Rem. Syntagmes fréq. (avoir) l'air absent, agréable, attentif, fâché, honnête, hypocrite, indifférent, joyeux, maladif, moqueur, naïf, prétentieux, provocant, triste, ... − Loc. Avoir bel air, bon air, grand air. Avoir belle apparence, grande allure : 7. Une Madame de Pontcarré, dévote de bel air, qui s'était venue loger à Port-Royal, avait induit à ces dépenses par un don de vingt-quatre mille livres qui n'avaient servi qu'à payer les fondements.
Ch.-A. Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 1, 1840, p. 332. 8. Osez-vous bien dire que vous aimez autre chose qu'un beau cheval ou un habit bien fait et d'une couleur nouvelle qui vous donne bon air, le matin, en vous promenant au bois de Boulogne, ou le soir, dans votre loge, à l'Opéra, ou dans les coulisses?
Stendhal, Lamiel,1842, p. 178. 9. Mais, parmi vos libérateurs, quel était ce jeune homme qui semblait diriger l'attaque, et qui a blessé Vallombreuse? Un comédien, sans doute, quoiqu'il m'ait paru de bien grand air et de hardi courage.
T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 445. Rem. ,,Un homme du bel air, les gens du bel air, les gens du grand air, se dit de ceux qui veulent se distinguer des autres par des manières plus recherchées. Il est le plus souvent ironique.`` (Ac. t. 1 1932). Expr. auj. vieillies. ♦ Avoir mauvais air. Avoir une allure inquiétante, une façon de se comporter peu recommandable. c) Adj. dém. ou poss. + air + adj. : 10. C'est probablement à cet air féroce que les Valenciens doivent la réputation de mauvaises gens qu'ils ont dans les autres provinces d'Espagne.
T. Gautier, Tra los montes,Voyage en Espagne, 1845, p. 372. 11. ... [considérez ... les personnages] ... leur ligne irréprochable, leur air figé, leur expression de foi fixe et profonde...
H. Taine, Philosophie de l'art,t. 2, 1865, p. 17. d) D'un air, de son air + adj. : 12. ... mais il chantait si bien, en levant la tête vers le ciel d'un air désolé, que le froid m'entrait jusque dans les cheveux de l'entendre. Et comme il parlait de patrie, d'amante, de vieux père, je me levai tout pâle, et je sortis pour cacher mon trouble, parce que je pensais à Marguerite.
Erckmann-Chatrian, Histoire d'un paysan,t. 2, 1870, pp. 42-43. 13. Pierrette dit d'un petit air canaille :
− J'espérais qu'il y aurait du champagne.
R. Queneau, Loin de Rueil,1944, p. 117. Rem. 1. Accord au fém. ou au plur. : l'accord se fait en principe au masc. sing. Elle a l'air sot, elles ont l'air sot. Mais les ex. d'accord au fém. ou au plur. ne sont pas rares (cf. ex. 5, 6). Cette rem. vaut également pour B (cf. ex. 60). 2. Dans l'ex. suiv., l'adj. est employé en fonction d'attribut : 14. Néanmoins l'air de Lourdois n'était pas naturel, pensa-t-il, il y a quelque anguille sous roche.
H. de Balzac, César Birotteau,1837, p. 230. 2. Air suivi d'un subst. (en fonction adjective) : 15. ... « cela m'ennuie de n'avoir pas un bijou, pas une pierre, rien à mettre sur moi. J'aurai l'air misère comme tout. J'aimerais presque mieux ne pas aller à cette soirée. »
G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, La Parure, 1884, p. 456. 16. Elle baissa les paupières avant de répondre, avec un air un peu grande sœur, très fille-du-monde, qui signifiait : « Mais voyons, c'est une question qui ne se pose pas », ...
H. de Montherlant, Le Démon du bien,1937, p. 1358. 3. Air + compl. déterminatif a) [Le compl. déterminatif est un subst. abstr.] :
17. Il y en avait de remarquablement belles : elles n'ont point cet air de douceur, de modestie timide et de langueur voluptueuse des femmes arabes de la Syrie; ...
A. de Lamartine, Voyage en Orient,t. 2, 1835, p. 12. 18. Il retenait longtemps dans son bureau les clients qui venaient le voir, parlait beaucoup, revenait sur un point déjà examiné comme pour racheter son air de jeunesse et son défaut d'expérience par la grâce d'une conversation aimable et une grande attention à chaque affaire.
J. Chardonne, L'Épithalame,1921, p. 159. 19. L'air de la réussite, quand il est porté d'une certaine manière, rendrait un âne enragé.
A. Camus, La Chute,1956, p. 1514. Rem. Syntagmes fréq. un air d'abattement, d'accablement, d'approbation, d'autorité, de bonté, de bravade, de béatitude, de candeur, de commisération, de compassion, de complaisance, de contentement, de conviction, de convoitise, de dissimulation, de dédain, de désapprobation, de détachement, d'extase, de fatuité, de fierté, de franchise, de fureur, de gaieté, d'humilité, d'impatience, d'incrédulité, d'indifférence, d'innocence, d'inquiétude, d'insouciance, de jovialité, de mécontentement, de moquerie, de mystère, de nonchalance, de négligence, de perfidie, de raillerie, de recueillement, de réprobation, de résignation, de satisfaction, de stupeur, de stupéfaction, de suffisance, de supériorité, de tristesse, ... − Loc. Air de famille, air de parenté, air de ressemblance : 20. Ghéon a pris un air de ressemblance avec le brave curé de Cuverville.
A. Gide, Journal,1917, p. 627. 21. Nous nous regardions à la dérobée. Il y avait entre nous, me sembla-t-il, un air de parenté : quelque chose de pauvre, d'inquiet, d'humilié; une certaine défiance réciproque, aussi.
G. Duhamel, Confession de Minuit,1920, p. 122. 22. − Entendons-nous : vous ne refuserez pas d'admettre qu'il puisse exister entre des individus plus ou moins liés par le même secret, les mêmes mensonges, une certaine ressemblance − ce que les bonnes gens appellent un air de famille! − L'air de famille, c'est tout, et ce n'est rien, ça échappe aux classifications ordinaires, il faut plus que de l'œil pour le reconnaître, un don ... une faculté. J'ai ainsi une vieille parente un peu folle qui repère jusqu'à des cousinages éloignés.
G. Bernanos, Un Crime,1935, p. 845. Rem. Le mot air peut simplement signifier « ressemblance entre deux personnes », cf. cet ex. : ,,Les enfants ont presque toujours l'air du père ou de la mère.`` (Nouv. Lar. ill.). De même avoir un faux air de qqn, « avoir quelque ressemblance avec lui ». Il a beaucoup de votre air (Ac. t. 1 1932). b) [Le compl. déterminatif est un subst. concr. non actualisé] :
23. Elle [la comtesse] ne répondit rien, et demeurait étendue dans sa voiture avec un air de reine irritée.
G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, L'Inutile beauté, 1890, p. 1146. − PEINT., SCULPT. Un air de tête. ,,L'attitude d'une tête, la manière dont une tête est dessinée.`` (Ac. 1798-1932) : 24. − Je crois entendre ce que dit en ce moment ma mère, me répondit-elle en prenant l'air de tête qu'Ingres a trouvé pour sa mère de Dieu, cette vierge déjà douloureuse et qui s'apprête à protéger le monde où son fils va périr.
H. de Balzac, Le Lys dans la vallée,1836, p. 307. c) [Le compl. déterminatif est un subst. concr. actualisé] :
25. Vraiment on a l'air d'un laquais, et non pas d'un amant.
T. de Banville, Les Cariatides,Les Baisers de pierre, 1842, p. 63. 26. J'ai l'air d'un propriétaire d'écurie de courses, d'un cercleux, d'un vieux marcheur, Justin s'était pris à tourner autour de notre ami, l'œil mi-clos, la lèvre inférieure, qu'il avait grosse et fendue, avancée d'un air méditatif.
− Mais non, mais non, disait-il. C'est parfait. Tu n'as pas l'air d'un grand-duc.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Désert de Bièvres, 1937, p. 26. − Loc. L'air de tous les jours, des mauvais jours : 27. Davis se présenta, prit son air des mauvais jours pour toucher la main que lui tendait l'ingénieur, puis dit à Grayson : − ils grognent là-dedans, mais ils ne démarrent pas.
É. Peisson, Parti de Liverpool,1932, p. 76. d) [Le compl. déterminatif est un nom propre] 28. ... son imagination et sa coquetterie furent intéressées à ce drôle de garçon qui, sans avoir aucun air de Paris, était assez vivant pour s'organiser un jeu si compliqué.
M. Barrès, Les Déracinés,1897, p. 110. e) [Le compl. déterminatif est un dém. antécédent d'une relative] :
29. Mais j'aimais mieux avoir l'air de celui qui sait que de celui qui questionne.
M. Proust, À la Recherche du temps perdu,Sodome et Gomorrhe, 1922, p. 1097. f) [Le compl. déterminatif est un inf.] − De + inf. : 30. Je m'avançais vers elle et, modeste, ingénu :
« Vous m'avez accordé cette valse, Madame? »
J'avais l'air de prier n'importe quelle femme,
Elle me disait : « oui », comme au premier venu.
Sully Prudhomme, Les Vaines tendresses,Invitation à la valse, 1875, p. 160. − Locutions ♦ Un air de ne pas y toucher : 31. Pauliet était habile et avec son air de n'y pas toucher il avait l'art de poser les questions.
P.-J. Jouve, La Scène capitale,1935, p. 219. ♦ Un faux air de + inf. : 32. Ce secrétaire était un jeune homme d'une trentaine d'années qui, derrière son bureau moisi, se donnait un faux air de sortir des Sciences po : rasoir strict. Col dur et cravate impeccable.
R. Abellio, Heureux les pacifiques,1946, p. 165. Rem. Avoir l'air + adv. ou loc. adv. mis pour avoir l'air d'être + adv. : 33. Elle cherche ses intonations en dedans, et sa physionomie prend un air « ailleurs »; ...
J. Renard, Journal,1897, p. 394. − À + inf. : 34. Et lui présentant à la face une main mutilée, d'un air à épouvanter, il lui jeta le : « ton temps viendra! » de Chenerailles.
H. Pourrat, Gaspard des Montagnes,À la belle bergère, 1925, p. 71. g) [Compl. déterminatifs divers] :
35. Les invités se regardaient avec un air, comme des gens au chaud dans une maison au bord de la mer un soir de tempête, qui n'aiment pas penser aux tourbillons que fabrique la nuit.
P. Nizan, La Conspiration,1938, p. 39. ♦ L'air comme il faut. Attitude très convenable, très correcte : 36. Puis, derrière l'habilleuse, fermant le cortège, venait Satin tâchant d'avoir un air comme il faut et s'ennuyant déjà à crever.
É. Zola, Nana,1880, pp. 1201-1202. ♦ Un air à la mode : 37. Charles IV ne nous montre qu'un trait nouveau, le désir de paraître; c'est qu'il avait été élevé à la cour de France, et que les circonstances le forcèrent toute sa vie à vivre parmi les étrangers; or nous avons vu le caractère, l'art lorrains, toujours craintifs de paraître ridicules, prendre l'air à la mode.
M. Barrès, Un Homme libre,1889, pp. 115-116. ♦ Un air « sur les dents » : 38. ... et tout, de Magnin, l'intéressait : son absence d'aisance, son apparente distraction, son air « sur les dents », son aspect de contremaître supérieur (il était, en fait, ingénieur de Centrale), l'énergie évidente et ordonnée qui s'agitait sous ses rondes lunettes ahuries.
A. Malraux, L'Espoir,1937, p. 528. ♦ (N'avoir) l'air de rien. ,,Ne pas se faire remarquer : Il n'a l'air de rien, mais il pense à tout.`` (Dub.). ♦ En avoir l'air. Sembler, paraître. ♦ Sans en avoir l'air. Sans le laisser voir, sans le laisser paraître : 39. Je comprenais déjà ce raisonnement, et quand elle parlait de mon avenir avec mon oncle de Beaumont, qui la pressait vivement de céder, j'écoutais de toutes mes oreilles sans en avoir l'air.
G. Sand, Histoire de ma vie,t. 2, 1855, p. 241. 40. Les commerçants d'Edimbourg jugèrent que ce jeune homme à tête de fille était plus dangereux qu'il n'en avait l'air, et lui souhaitant le bonsoir avec respect, redescendirent à toute vitesse.
A. Maurois, Ariel ou la Vie de Shelley,1923, p. 75. 4. Air + prop. rel. : 41. − Eh bien! monsieur, lui dit-il enfin avec un soupir et de l'air dont il eût appelé le chirurgien pour l'opération la plus douloureuse, j'accède à votre demande.
Stendhal, Le Rouge et le Noir,1830, p. 61. 42. Camille regarda sa mère d'un air où se mêlaient la convoitise et l'inquiétude.
P. Drieu La Rochelle, Rêveuse bourgeoisie,1939, p. 21. 5. Cet air, son air, (de) quel air ... (sans compl. déterminatif) : 43. Il y a du conspirateur, du prisonnier et du faiseur de coups d'état dans sa marche, son regard, son air.
E. et J. de Goncourt, Journal,janv. 1863, p. 1219. 44. ... il fallait être bien perspicace, ou averti autant que l'était Fleurissoire, pour découvrir sous la jovialité de son air, une discrète onction cardinalice.
A. Gide, Les Caves du Vatican,1914, p. 800. 45. − Eh bien, et votre mari? Qu'est-ce qu'il devient?
Elle changea d'air immédiatement, inclina la tête avec une gravité douloureuse.
M. Druon, Les Grandes familles,t. 1, 1948, p. 178. − Pop. Avoir de l'air, se donner de l'air : 46. Se donner ou avoir de l'air, avoir un air chagrin.
G. Delesalle, Dict. argot-français et français-argot,1896, p. 8. − Région. Donner de l'air à qqn : 47. Ressemblance. Nous disons : Donner de l'air à quelqu'un, pour signifier : Avoir de son air, avoir sa tournure, avoir son allure, lui ressembler à plusieurs égards. Il donne beaucoup d'air à son frère, et encore davantage à son oncle. Expression méridionale.
J. Humbert, Nouveau glossaire genevois,1852, p. 13. − Loc. Gagner de l'air. Changer à son profit : 48. − Comme vous êtes changé! Vous avez gagné de l'air. Paris vous fait du bien.
G. de Maupassant, Bel Ami,1885, p. 75. 6. Au plur. Airs. a) Airs + adj. : 49. J'avais beau affecter des airs dégagés, préparer mes entrées avec soin, étudier mes poses, je sentais encore le novice, le conscrit. Pour tromper mon inexpérience, je pris des airs écrasants vis-à-vis des huissiers.
L. Reybaud, Jérôme Paturot,1842, p. 338. 50. Les élèves de l'école supérieure de Villeneuve (...) affectent bien encore des airs prudes et dégoûtés en passant près de nous...
Colette, Claudine à l'école,1900, p. 228. − Fam. Prendre, avoir des airs penchés. Prendre certaines attitudes dans le but de plaire, de séduire. ♦ Grands airs (souvent en mauvaise part). Attitude hautaine se voulant pleine de distinction : 51. Ces dames alors avaient recours à de grands airs, rappelaient négligemment les noms illustres qu'elles portaient, et demandaient une pension comme un maréchal de France se plaindrait d'un passe-droit.
G. de Staël, Considérations sur les principaux événements de la Révolution française,1817, p. 77. b) Airs + de + subst. abstr. : 52. ... ils ont lié les bras à vos défenseurs séduits par leurs faux airs de fraternité, et ils sont parvenus à vous enchaîner sur l'autel même de la liberté : ...
Marat, Les Pamphlets,C'est un beau rêve, gare au réveil, 1790, p. 234. 53. ... mais elle reprenait, comme honteuse, son orgueil de femme décente et ses airs de vertu, ni plus ni moins qu'une Anglaise, et aplatissait toujours son Crevel sous le poids de sa dignité, car Crevel l'avait de prime abord avalée vertueuse.
H. de Balzac, La Cousine Bette,1847, p. 144. Rem. Syntagmes fréq. airs d'importance, airs de supériorité. c) Airs + de + subst. concr. : 54. Si tu m'aimes en amant, fuis donc ces airs de mari qui étouffent l'amour et font bien mal à l'amitié.
G. de Staël, Lettres de jeunesse,1786, p. 81. 55. M. de Metternich (ambassadeur d'Autriche) affectait les airs d'un homme des anciennes cours modernes.
É. Delécluze, Journal,1825, p. 122. d) Airs + de + inf. : 56. Vous êtes extraordinaire, vous me permettrez de vous le dire, avec vos airs de me mettre à la porte d'une maison qui n'est pas la vôtre; et si je veux bien me rendre à vos ordres, eu égard à votre état d'exaltation, vous ne sauriez moins faire, convenez-en, que de céder à ma prière.
G. Courteline, Boubouroche,1893, II, 3, p. 72. e) De ces airs, se donner des airs, prendre des airs : 57. Bref, je voulais dominer en toutes choses. C'est pourquoi je prenais des airs, je mettais mes coquetteries à montrer mon habileté physique plutôt que mes dons intellectuels.
A. Camus, La Chute,1956, p. 1501. − Fam. Se donner de grands airs. − Loc. pop. Être à plusieurs airs; un air sur deux airs : 58. Être à plusieurs airs : être hypocrite ou fantasque; jouer en cachette plusieurs rôles à la fois, ou faire tantôt bonne et tantôt mauvaise mine à la même personne sans motif apparent.
L. Larchey, Les Excentricités de la langue française en 1860,p. 362. 59. marius. − Et puis, je n'aime pas qu'on me regarde d'un air sur deux airs!
panisse. − Moi, je te regarde d'un air sur deux airs?
fanny. − Tu deviens fou, mon pauvre Marius!
M. Pagnol, Marius,1931, I, 10, p. 84. B.− Plus rare. Apparence extérieure d'une chose. Synon. sembler, paraître. Rem. Air s'emploie dans les mêmes conditions syntaxiques que sous A. Les grammairiens jugent cet usage incorrect. 1. Air + adj. : 60. Nous continuons à ne rien savoir. Mais les nouvelles m'ont l'air mauvaises.
G. Flaubert, Correspondance,1871, p. 252. 61. ... et il a relevé ses chaussettes, qui avaient un peu l'air mélancolique.
L. Aragon, Les Beaux quartiers,1936, p. 257. − Loc. Avoir bon air, grand air. Avoir une belle apparence, une belle ordonnance : 62. Ce palais d'un si grand air, ces jardins, c'est le lieu où le terrien français est venu se corrompre.
M. Barrès, Mes cahiers,t. 10, 3 avr.-août 1913, p. 80. 63. La maison, reconstruite après l'incendie de 1922, a bon air entre les vieux arbres.
J. Green, Journal,1944, p. 118. 2. Air + subst. (en fonction adjective) : 64. ... elle voulait donner un air « fiançailles » à cette liaison, pour que les apparences fussent sauves, mais seulement un air, pas de réalité.
H. de Montherlant, Pitié pour les femmes,1936, p. 562. 3. Air + compl. déterminatif a) [Le compl. déterminatif est un subst. abstr.] :
65. L'univers porte en soi d'infaillibles conseils
Dont la sagesse a l'air d'une atroce démence :
...
Sully Prudhomme, La Justice,Commencements, 1878, p. 88. 66. Sur la nappe blanche, deux flambeaux d'argent prêtaient un faux air de richesse à cette pièce pauvrement meublée où les derniers rayons du soleil couchant brillaient encore au bas d'une plinthe.
J. Green, Moïra,1950, p. 9. − Loc. Air de famille, air de parenté : 67. Les jardiniers descendirent de leurs carrioles une collection de Caladiums qui appuyaient sur des tiges turgides et velues d'énormes feuilles, de la forme d'un cœur; tout en conservant entre eux un air de parenté, aucun ne se répétait.
J.-K. Huysmans, À rebours,1884, p. 119. b) [Le compl. déterminatif est un subst. concr. non actualisé] :
68. Vraiment aussi, il trouve que cet arbre a trop l'air en bois.
J. Renard, Journal,1894, p. 210. c) [Le compl. déterminatif est un subst. concr. actualisé] :
69. Beaucoup de voitures, beaucoup de bruit, l'air d'une capitale, un petit Paris méridional, voilà Naples.
G. Flaubert, Correspondance,1851, p. 127. 70. Il a, dans la cuisse, une douleur rhumatismale qui a tout l'air d'une sciatique.
E. et J. de Goncourt, Journal,févr. 1880, p. 59. d) [Le compl. déterminatif est un inf.] :
71. Une eau d'une limpidité qui a l'air de laver les pierres moussues, vert de bouteille, qui sont au fond, faisant des feuilles du velours, et des cailloux jaunes, de la topaze brûlée.
E. et J. de Goncourt, Journal,août 1858, p. 520. − Loc. En avoir tout l'air : 72. Il neigeait. Je regardais par la fenêtre les flocons immaculés s'amasser sur le gazon. Peyrot sonna. J'ouvris moi-même.
− Je savais vous trouver, monsieur, par un temps pareil.
− Un temps qui déshonore le pays.
− Ça en a tout l'air. Il va bientôt falloir un traîneau.
J. de Pesquidoux, Le Livre de raison,t. 3, 1932, p. 86. 4. Au plur. Airs : a) Airs + adj. : 73. ...
Si bien qu'on vous admire, écouteurs infidèles,
(...)
Et que l'eau, palpitant sous le chant qui l'effleure,
Baise avec un sanglot le beau saule qui pleure;
Et que le dur tronc d'arbre a des airs attendris;
...
V. Hugo, Les Contemplations,En écoutant les oiseaux, t. 2, 1856, p. 34. b) Airs + compl. déterminatif : 74. Il était assis sur un banc de pierre, sous l'arcade d'une galerie qui donne à la maison du Bon-Sauveur des airs d'ancien cloître.
J. Barbey d'Aurevilly, Troisième memorandum, introd. 1856, p. 63. 75. Des nuées de mouettes passaient devant les fenêtres, et s'ébattaient sur les berges de l'Arve, dont le cours rapide mais peu profond se donnait des airs de torrent en couvrant d'écume ses rochers à fleur d'eau.
R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 21. c) MAN. ,,Se dit des allures d'un cheval.`` (Ac. 1798-1932). Airs bas, ,,Airs bas, ceux où le cheval manie près de terre.`` (Ac. 1835). Airs relevés, ,,Airs relevés, ceux où le cheval s'enlève davantage en maniant.`` (Ac. 1835). Aller à tous airs, ,,Ce cheval va à tous airs, on le manie comme on veut.`` (Ac. 1835). Étymol. ET HIST. − 1580 « apparence extérieure » (Montaigne, Les Essais, I, 62 ds Gdf. Compl. : C'est une ladrerie spirituelle qui a quelque air de santé).
De air1par dérivation de sens. BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Bonnaire 1835. − Canada 1930. − Daire 1759. − Duch. Beauté 1960, pp. 37-38. − Éd. 1967. − Fér. 1768. − France 1907. − Girard 1756. − Giteau 1970. − Gramm. t. 1 1789. − Guizot 1864. − Hanse 1949. − Kold. 1902. − Lacr. 1963. − Laf. 1878. − Larch. 1880. − La Rue 1954. − Lav. Diffic. 1846. − Le Breton 1960. − Le Roux 1752. − Noter-Léc. 1912. − Prév. 1755. − Renson (J.). Les Dénominations du visage en français et dans les autres langues romanes. Étude sémantique et onomasiologique. Paris, 1962, pp. 424-425 (Bibl. de la Fac. de philos. et lettres de l'Univ. de Liège. 162.). − Sardou 1877. − Sommer 1882. − Synon. 1818. − Wandruszka (M.). Haltung und Gebärde der Romanen. Tübingen, 1954, pp. 66-75 (Beihefte zur Z. rom. Philol. 96). − Zindel (R.). Des Abstraits en français et de leur pluralisation. Une contribution à l'étude des mécanismes de pensée. Bern, 1958, § 74. |