| AIGRI, IE, part. passé, adj. et subst. I.− Part. passé de aigrir*. II.− Adj. Devenu, rendu aigre. A.− Au propre 1. [En parlant d'une substance] Devenu, rendu plus acide, piquant. Lait, vin aigre : 1. Ce repas consistait, comme tous les jours, en deux ou trois galettes de farine pétrie et séchée, plutôt que cuite, sur la pierre chaude; de l'eau, et cinq olives confites dans l'huile : on y ajoute quelquefois un peu de fromage ou de lait aigri; voilà toute la nourriture de ces cénobites...
A. de Lamartine, Voyage en Orient,t. 2, 1835, p. 84. 2. On dépérissait de soif et de fatigue, sous un ciel torride, sans un pouce d'ombre. Quand on n'en pouvait plus, on allait au seau de petit-lait, aigri et tiède, et on y trempait la jatte commune, pour boire.
M. Van der Meersch, L'Empreinte du dieu,1936, p. 30. Rem. Synon. et anton. cf. aigre. − Par métaph. : 3. ... le digne M. Olier, (...) appartenait, dans le dix-septième siècle, à la respectable famille de ces doux, qui, je l'ai fait remarquer plus d'une fois, n'eurent guère jamais à l'égard des nôtres que du miel aigri.
Ch.-A. Sainte-Beuve, Port Royal,t. 2, 1842, p. 529. 2. Rare. [En parlant d'un son] Devenu, rendu plus aigu : 4. En plein midi, dans ces ruelles, hier à cette heure endormies, passaient des cortèges éblouissants, des gazes pailletées, de hauts diadèmes d'or, des agrafes d'argent, tout cela dans un tintement de bracelets agités à chaque pas, de coups de pistolets chargés jusqu'à la gueule, et le vacarme assourdissant d'une musique toujours la même, misérable et forcenée, quelques notes éperdument répétées et comme aigries dans la lumière.
J. et J. Tharaud, La Fête arabe,1912, pp. 27-28. Rem. Synon. et anton. cf. aigre. B.− Au fig. [En parlant d'une pers., de son caractère] Devenu, rendu amer, agressif par les chagrins, les déceptions, etc. : 5. Elle vieillirait, aigrie, rancunière, prête à faire payer à tous les êtres jeunes le prix de la joie qu'elle n'aurait pas connue.
Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire?1934, p. 111. 6. Il avait trop souffert. Il était aigri, amer. Il ne parlait guère, n'avait pas d'ami...
M. Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 370. Rem. Synon. et anton. cf. aigre. III.− Subst. (gén. masc.). Personne aigrie dont le caractère s'est altéré à la suite d'infortunes : 7. Chabot était un vieil homme. Il avait sept enfants. Alors, expliquait-il, il s'arrangeait pour rester toujours en prison. Pendant ce temps les siens touchaient sa part de ravitaillement et mangeaient un peu plus. Ce malheureux n'était pas un aigri.
M. Van der Meersch, Invasion 14,1935p. 165. 8. Demeuré seul, il [Pontdebois] s'en vengea [de Chauvieux] en murmurant avec mépris : « Un raté et un aigri que sa sœur a sorti de la purée, mais qui reste marqué par sa vie de pion et de brute sous-officière. »
M. Aymé, Travelingue,1941, p. 48. Prononc. : [εgʀi] ou [e-]. [ε] ouvert relève du lang. soutenu, [e] fermé s'explique par harmonisation vocalique et relève du lang. cour. (cf. Fouché Prononc. 1959, p. 71). − Rem. La seule transcription relevée au xixes. est celle de Littré qui note le mot avec [ε] ouvert. STAT. − Fréq. abs. litt. : 253. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 443, b) 412; xxes. : a) 367, b) 255. |