| AGGRAVATION1, subst. fém. A.− Lang. commune. [Gén. avec un compl. de nom] Action d'aggraver ou de s'aggraver. Aggravation de qqc. 1. Action d'aggraver quelque chose, fait qu'une chose est aggravée : 1. Aujourd'hui, c'est un champion de l'aggravation de la politique Truman-Pleven que Guy Mollet et ses amis poussent sur la scène.
É. Fajon, Le Programme de M. Faure, L'Humanité,19 janv. 1952, p. 1. − Emploi abs. Circonstance aggravante : 2. C'est entendu, vous êtes « éprise ». Mais sachez que l'amour n'est pas une excuse, mais une aggravation. Tout à fait comme l'ivresse, que l'insane justice des hommes tient pour une circonstance atténuante, et qui est une circonstance aggravante.
H. de Montherlant, Pitié pour les femmes,1936, p. 1217. 2. Fait qu'une chose s'aggrave, devient plus pénible. a) Rare. [En parlant d'une activité] :
3. Le citoyen français dut travailler neuf jours et se reposer le dixième, uniquement parce qu'on avait établi une semblable division dans toutes les choses de nombre, et qu'il est plus aisé d'aligner des chiffres par ce procédé que par tout autre. On ne s'inquiéta même pas de savoir si le corps de l'homme supporterait une telle aggravation de travail, et s'en fût-on préoccupé, il est manifeste que toute limite précise eût été le résultat d'un choix arbitraire, et non le fruit de l'expérience ou du raisonnement.
H.-D. Lacordaire, Conférences de Notre-Dame,1848, p. 236. b) [En parlant d'une situation] :
4. J'attends avec impatience ta lettre de demain matin. Pourvu qu'elle ne m'apporte pas une aggravation de mauvaises nouvelles! Ah! s'il pouvait y en avoir de bonnes! Au moins, dis-moi toute la vérité.
G. Flaubert, Correspondance,1875, p. 243. 5. ... elle avait promis de chercher pour le petit infirme, dès qu'il serait rétabli, un emploi au jour. Ce n'en était pas moins une aggravation de misère, car le père avait reçu une telle secousse, qu'il en fut malade d'une grosse fièvre.
É. Zola, Germinal,1885, p. 1301. 6. Va-t-il falloir attendre en se croisant les bras ce dernier moment proche ou tardif encore où se dissoudront sans espoir de renaissance la pensée, la culture bourgeoises elles-mêmes, où elles seront complètement désespérées? Va-t-il falloir attendre que les hommes se trouvent complètement nus, complètement désarmés devant l'aggravation de leur destin, au point qu'ils n'aient plus rien à faire qu'à se laisser mourir, qu'à accepter les coups?
P. Nizan, Les Chiens de garde,1932, p. 218. 7. Plusieurs fois pendant la matinée, Jacques s'était demandé quelles pouvaient être les réactions d'Antoine devant l'aggravation de la situation politique.
R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 295. c) [En parlant d'une souffrance de nature physique, sociale, affective ou morale] :
8. Et il y eut cette aggravation de cruauté que... le corps, mis en bière, fut descendu dans la salle où l'on avait déjeuné si joyeusement...
É. Zola, Fécondité,1899, p. 561. 9. Les intérêts de notre vie sont si multiples qu'il n'est pas rare que dans une même circonstance les jalons d'un bonheur qui n'existe pas encore soient posés à côté de l'aggravation d'un chagrin dont nous souffrons.
M. Proust, À la recherche du temps perdu,Du côté de chez Swann, 1913, p. 381. 10. Dès qu'un peu d'eau apparaît ou se laisse soupçonner, l'homme, guettant ces points d'élection, a creusé des puits, pratiqué des canalisations qu'il a prolongées parfois par un effort sans cesse renaissant, obstiné devant l'aggravation des sévérités du climat à avoir tout de même le dernier mot.
P. Vidal de La Blache, Principes de géographie humaine,1921, pp. 22-23. B.− Emploi techn. 1. DROIT a) [En parlant d'une peine, d'une sanction] Fait d'aggraver, d'être aggravée. − DR. CANON. Synon. aggrave* : 11. Il était aussi réglé que tous les seigneurs du sang royal, les gens d'église, les nobles et les gens des bonnes villes se soumettraient, et jureraient aussi bienveillance, union et concorde, tous sous la contrainte et éversion de notre mère Sainte église, de notre Saint-Père le pape, de ses commis et députés par lesquels les parties contractantes et assermentées voulaient et consentaient à être contraintes par voie d'excommunication et d'anathème, aggravation, réaggravation, interdit et censure de l'église autant qu'elle pouvait s'étendre.
P. de Barante, Hist. des ducs de Bourgogne,t. 4, 1821-1824, pp. 241-242. − DR. PÉNAL. Aggravation de peine : 12. En m'évadant, en étant repris tour à tour, j'ai fait sept ans de bagne. Vous n'avez donc à me gracier que pour les aggravations de peine que j'ai empoignées au pré... (pardon!) au bagne. En réalité, j'ai subi ma peine, et jusqu'à ce qu'on me trouve une mauvaise affaire, ce dont je défie la justice et même Corentin, je devrais être rétabli dans mes droits de citoyen français.
H. de Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes,1847, p. 642. − [Avec ell. du mot peine, remplacé ou non par l'indication sur la nature de la peine] :
13. On tira le coup de canon, et à la nuit les gens de ronde le trouvèrent caché sous la quille d'un vaisseau en construction; il résista aux gardes-chiourme qui le saisirent. Évasion et rébellion. Ce fait prévu par le code spécial fut puni d'une aggravation de cinq ans, dont deux ans de double chaîne.
V. Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 111. 14. S'il n'y avait pas excès de poids dans un des plateaux de la balance, celui où est l'expiation. Si la surcharge de la peine n'était point l'effacement du délit, et n'arrivait pas à ce résultat : de retourner la situation, de remplacer la faute du délinquant par la faute de la répression, de faire du coupable la victime et du débiteur le créancier, et de mettre définitivement le droit du côté de celui-là même qui l'avait violé. Si cette peine, compliquée des aggravations successives pour les tentatives d'évasion, ne finissait pas par être une sorte d'attentat du plus fort sur le plus faible, un crime de la société sur l'individu, un crime qui recommençait tous les jours, un crime qui durait dix-neuf ans.
V. Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862pp. 112-113. b) DR. CIVIL. Fait de s'aggraver. − Aggravation de risque. ,,Accroissement des chances de la réalisation ou d'intensité du risque par suite de certains changements connus de l'assuré, survenus dans son état, et de nature à modifier l'opinion qu'en a l'assureur.`` (Barr. 1967). 2. MÉD. [En parlant d'une maladie ou d'un de ses symptômes] Fait de s'aggraver, de se compliquer. Anton. rémission : 15. Tout à coup, sans aucune cause apparente, l'amélioration de l'état de Charles fit place à une aggravation. Les voix revinrent, plus incessantes, plus torturantes. Charles ne voulut plus répondre à rien.
E. et J. de Goncourt, Charles Demailly,1860, pp. 396-397. 16. Depuis ce moment elle est neurasthénique avec des périodes de rémission et d'autres d'aggravation.
P. Janet, Les Obsessions et la psychasthénie,1903, p. 44. 17. Le lendemain, vers quatre heures, Antoine, entre deux visites, vint à passer si près de chez lui qu'il en profita pour aller aux nouvelles. Il avait trouvé, le matin M. Thibault assez affaibli. La fièvre persistait. Annonçait-elle une complication? soulignait-elle seulement l'aggravation générale? Antoine voulait ne pas être vu du malade, que cette visite supplémentaire eût inquiété.
R. Martin du Gard, Les Thibault,La Sorellina, 1928, p. 1159. 18. Incertain du crédit qu'il fallait attacher aux télégrammes toujours rassurants de sa femme, il s'était décidé à câbler au médecin-chef de l'établissement où elle se soignait. En retour, il avait reçu l'annonce d'une aggravation dans l'état de la malade et l'assurance que tout serait fait pour enrayer les progrès du mal.
A. Camus, La Peste,1947, p. 1372. 3. MUS. ,,Fugue par aggravation, où on reproduit le sujet en doublant la valeur des notes.`` (DG) : 19. Mon journal n'est tout à fait mien que si la faculté réfléchissante n'intervient qu'en cours de route à la manière de ces retouches, de ces reprises, de ces aggravations qui en musique ne se produisent que sur les thèmes préalablement posés et venus en un premier, spontané et indivisible sursaut.
Ch. Du Bos, Journal,janv. 1928, p. 10. Prononc. : [agʀavasjɔ
̃]. Enq. : /agʀavasiõ/. Étymol. ET HIST. − 1. xives. « accablement (moral) » (Raoul de Presles, Cité de Dieu, 14, chap. 2 [1531], Delb. ds Quem. t. 1 1959 : Et pour ce que nous savons que la nature et substance du corps n'est pas cause de son aggravation, mais en est cause sa corruption, pour celle cause ne voulons pas estre despoulliez du corps, mais nous voulons qu'il soit revestu de son immortalité), latinisme isolé dans cette trad.; 2. xves. (?) dr. canon « deuxième menace d'excommunication » (Preuv. sur le meurtre de D. Bourgogne, p. 258 ds La Curne t. 1 1875 : Par voye d'excommuniement, ou anathématisation, aggravation, réaggravation, interdit, etc.); peu us. en ce sens à partir du xixes. où il est supplanté par aggrave*; 3. a) 1835 dr. (Ac. : Aggravation [...]. Il ne s'emploie qu'en termes de Droit criminel et dans cette locution, Aggravation de peine, Augmentation de peine, ce qu'on ajoute à un châtiment pour le rendre plus rigoureux); b) 1838 méd. (Ac. Compl. 1842 Aggravation [...] Exaspération d'une maladie ou d'un symptôme de maladie).
Empr. au b. lat. aggravatio (attesté au sens propre de « surcharge, poids » dep. Chiron, 230 ds TLL s.v., 1313, 61); cf. avec 1 texte d'Aug., Civ., 14, 3, ibid., 1313, 61 : et adgravamur ergo corruptibili corpore et ipsius adgravationis causam non naturam... corporis, sed ejus corruptionem scientes, nolumus corpore spoliari; 2 lat. médiév. aggravatio, relig. (Statuts synodaux de Nicolas, évêque d'Angers, ann. 1272, chap. 4 ds Du Cange s.v. aggravatio); 3, 4 d'apr. aggraver1*, étymol. 2 d et 2 a. STAT. − Fréq. abs. litt. : 84. BBG. − Bar 1960. − Barr. 1967. − Bél. 1957. − Cap. 1936. − Dup. 1961. − St-Edme t. 1 1824. |