| ![]() ![]() ![]() ![]() AFFOLÉ, ÉE, part. passé, adj. et subst. I.− Part. passé de affoler1*. Cf. infra II 3. II.− Emploi adj. A.− Lang. commune 1. Littér. [Avec un compl., prép. de, indiquant la cause du trouble] Rendu ou devenu comme fou, profondément troublé sous l'effet d'une émotion violente (cf. affoler1I A) : 1. ... les chevaux, affolés de douleur, se cabrèrent, lancèrent des ruades et, prenant le mors aux dents, quelques efforts que leurs cavaliers fissent pour les contenir, ils gagnèrent à la main et se mirent à galoper comme si le diable les emportait, sans souci des fossés ni des obstacles, si bien qu'en un moment ils furent hors de vue.
T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 366. 2. En partic., vieilli. Tombé amoureux de quelqu'un : 2. Je me disais : il n'est ni beau ni jeune; j'enrageais tout bas de te sentir affolée de ce petit chafouin; ...
J. Sandeau, Sacs et parchemins,1851, p. 28. − P. ext. Entiché de quelque chose : 3. ... mes deux salons, simples jusqu'à la nudité, et seulement parés de grands tapis persans, couleur de pourpre sombre, n'ont pas de quoi plaire aux yeux d'une petite grecque de Péra, affolée de bibelots.
C. Farrère, L'Homme qui assassina,1907, pp. 215-216. 3. Sens affaibli a) Qui a perdu la tête, la maîtrise de soi dans l'action : 4. ... le parti communiste et prolétarien, ayant perdu la liberté de la presse et la liberté de réunion, c'est-à-dire tous les moyens légaux de conquête, fut réduit à rentrer sous terre et à s'organiser en sociétés secrètes. Ainsi s'était constituée une société communiste allemande, dont le comité central, en 1850, était à Londres. Tout naturellement, dans ces petites sociétés obscures et exaltées, aigries par la défaite, impatientes de revanche et affolées par l'absence même du contrepoids de la vie, les plans puérils de conspirations abondaient.
J. Jaurès, Études socialistes,1901, p. 35. Rem. L'emploi de la prép. par indique que dans cet ex. il s'agit d'un emploi intermédiaire entre l'emploi adj. et l'emploi verbal passif. b) Extrêmement agité : 5. Lorsqu'il arrive au temps où Camille Desmoulins cherche à provoquer un mouvement d'opinion capable d'arrêter la Terreur, Jaurès se prononce avec énergie contre cette tentative. Il reconnaîtra cependant, quelques pages plus loin, que le système de la guillotine ne pouvait toujours durer; mais Desmoulins, ayant succombé, a tort aux yeux de notre humble adorateur du succès. Jaurès accuse l'auteur du Vieux Cordelier d'oublier les conspirations, les trahisons, les corruptions et tous les rêves dont se nourrissait l'imagination affolée des terroristes; ...
G. Sorel, Réflexions sur la violence,1908, p. 159. 6. Jean, affolé, ne trouvait pas ses mots. Quelle honte d'éprouver une telle terreur! n'était-ce pas enfin l'instant de s'échapper du troupeau des esclaves et d'agir en maître?
F. Mauriac, Le Baiser au lépreux,1922, p. 162. 7. ... s'étant levée, elle gagna la porte, d'un pas discret presque humble. Mais c'est en vain qu'elle tourna la poignée, d'un geste d'abord hésitant, puis de plus en plus nerveux, puis affolé.
G. Bernanos, Sous le soleil de Satan,1926, p. 103. 8. Sur le carrefour, les chevaux piaffaient. Des piétons étaient renversés. Des visages affolés, rageurs, des fronts égratignés, apparaissaient et disparaissaient, au gré des remous.
R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 409. Rem. L'ex. 7 montre que affolé est devenu un simple superl. de nerveux. B.− Emplois techn. 1. HORTIC. [Se dit de l'anémone] Cf. affoler1II B. Rem. Emploi mal attesté, signalé seulement ds Lar. 19e. 2. PHYS. (cf. affoler1II C) [Se dit de l'aiguille d'une boussole] Dérangée de sa direction naturelle sous l'influence de certaines variations du champ magnétique : 9. ... il était hors de lui; il ne savait plus au juste de quel parti il était; on le voyait tour à tour vieux républicain, royaliste, et révolutionnaire. Son culte de la violence était une boussole affolée, dont l'aiguille sautait du nord au midi et du midi au nord.
R. Rolland, Jean-Christophe,Le Buisson ardent, 1911, p. 1314. 3. TECHNOL. (cf. affoler1II D) : 10. Rien ou à peu près ne survivait du beau fonctionnement d'une maison sagement ordonnée naguère, tombée depuis entre des mains furieuses, et devenue comparable à ces horloges détraquées dont s'immobilisent les rouages autour d'un cylindre affolé qui tourne, tourne, tourne sans cesse, atteint de rotation frénétique.
G. Courteline, Messieurs les Ronds-de-Cuir,1893, I, 5etabl., p. 167. III.− Emploi subst. − Personne qui est rendue ou qui est devenue comme folle : 11. Il a tiré d'elle tout ce dont la loi permettait à cette pauvre affolée de disposer.
H. de Balzac(Lar. 19e). 12. « Presque tous nos malheurs nous viennent de n'avoir pas su rester dans notre chambre », dit un autre sage, Pascal, je crois, rappelant ainsi dans la cellule du recueillement tous ces affolés qui cherchent le bonheur dans le mouvement et dans une prostitution que je pourrais appeler fraternitaire, si je voulais parler la belle langue de mon siècle.
Ch. Baudelaire, Petits poèmes en prose,La Solitude, 1867, p. 111. 13. Le courage des martyrs chrétiens leur paraissait [aux stoïciens] une folle obstination (...) Ces troupes d'affolés d'Asie, qui venaient demander la mort, les irritaient.
E. Renan, L'Église chrétienne,1879, p. 312. 14. ... la tendance trop naturelle de considérer l'époque que l'on vit comme une époque extraordinaire est trop commune pour que de bons esprits ne s'en méfient pas systématiquement. Je serais enclin, pour ma part, chaque fois que la tentation s'en présente, et notamment en politique par exemple, à renvoyer les enthousiastes, ou les affolés, à l'éternel recommencement des choses.
P. Schaeffer, À la recherche d'une musique concrète,1952, p. 135. − Un affolé. ,,Un Cosaque, un maladroit.`` (R. Mulot, Notes manuscrites sur l'argot de Saint-Cyr en 1903-1905, rédigées en 1918-1919). STAT. − Fréq. abs. litt. : 746. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 44, b) 770; xxes. : a) 2 615, b) 1 148. |