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AFFIRMATION, subst. fém.
Action d'affirmer, de s'affirmer; résultat de cette action.
A.− [Gén. avec un compl. introd. par la prép. de] Action de rendre ferme, de mettre en évidence ou en relief.
1. [Un obj. quelconque] Action d'en accuser les contours de manière qu'il s'impose :
1. Et la nature, rendue par la brume à son intime géométrie, devenait alors plus insolite que les meubles d'un salon revêtu de ses housses, substituant tout à coup à l'œil de l'intrus la menaçante affirmation de leur pur volume aux hideurs familières de la commodité, et restituant par une opération dont le caractère magique ne saurait échapper à quiconque aux instruments du plus humble usage, jusque-là ravalés à tout ce que le maniement peut comporter de bassement dégradant, la splendeur particulière et frappante de l'objet. J. Gracq, Au château d'Argol,1938, p. 140.
En partic., ARTS PLAST. [Une forme, un dessin, une couleur, etc.; cf. affirmer I A 1 b et II A 1 a en partic.] :
2. ... on voyait une sorte de colonnade à ciel ouvert, très nue, sans l'ombre d'un ornement. Ce pauvre spectacle donnait pourtant une joie précise. Les larges assises, les soubassements épais semblaient une affirmation. Les lignes, nettes comme des fils d'acier, ne faisaient pas d'ombres. Une lumière égale s'épandait dans le désordre des lourds piliers, mais telle qu'il ne restait qu'une grêle délinéation dans la clarté. E. Psichari, Le Voyage du centurion,1914, pp. 46-47.
2. [La personnalité, un trait de la personnalité] Action de (la, le) poser ou l'imposer devant son propre jugement ou celui d'autrui (cf. affirmer I A 3 et II A 2) :
3. L'horreur contre une détermination fortuite, capricieuse, arbitraire, t'a maintenu dans l'indétermination chronique. (...) Pour agir, il faut ou être borné ou se borner volontairement. L'action est une affirmation, l'affirmation une limitation. Pour être quelque chose il faut renoncer à être tout. Celui qui ne sait renoncer à rien, restera dans la simple possibilité. Et c'est en partie ce que j'ai fait. − Choisir a toujours été pour moi un supplice, parce que je n'ai jamais pu croire que la partie exclue ne valût pas à peu près la partie choisie; et que d'ailleurs tout parti pris est une fiction dont je n'ai jamais pu être dupe. H.-F. Amiel, Journal intime,27 nov. 1866, p. 524.
4. J'ai réalisé la profonde vérité de la parole : « Qui veut gagner sa vie la perdra. » Certainement, c'est dans la parfaite abnégation que l'individualisme triomphe, et le renoncement à soi est le sommet de l'affirmation. C'est par la préférence de soi, tout au contraire, que le Malin nous embauche et nous asservit. A. Gide, Journal,1916, p. 541.
5. Proust commence par ce doute, et son œuvre entière décrit le long chemin qui, d'étape en étape, l'amène à une réponse d'ordre mystique : à une nouvelle affirmation de l'unité du moi appuyée uniquement sur des preuves affectives. Son personnage principal cherche successivement dans l'amour, dans l'amitié, dans l'art, dans la vie sociale, les certitudes qui lui permettraient de croire qu'enfin il touche à une réalité. Nulle part, il ne trouve aucun signe qui autorise cette croyance. Mais, tout au long de son existence, des instants brefs lui donnent comme une secousse électrique, absolument inexplicable ... A. Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, pp. 353-354.
Affirmation de soi :
6. Adler a montré comment, chez les enfants des deux sexes, la virilité et ses attributs forment symbole avec la force, la puissance, l'affirmation de soi, la supériorité sous toutes ses formes, − la féminité avec la faiblesse, l'infériorité, la mort, le châtiment. E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 146.
7. L'affirmation du moi, comme l'indique le mot, ce n'est pas seulement l'attitude autoritaire par laquelle le moi individuel se pose, s'oppose et s'impose, sa volonté d'intrusion et de sauvegarde. C'est l'affermissement d'une réalité mobile et progressive, qui se découvre, s'enrichit et gagne en autorité intérieure. Il n'y a d'affirmation personnelle que sur une vie personnelle. E. Mounier, Traité du caractère,1946p. 565.
B.− Action d'énoncer un jugement de valeur ou d'existence, d'authenticité; le jugement énoncé qui en résulte.
1. [Jugement de valeur; cf. affirmer I B 1] :
8. En somme, aucune voie n'est ouverte pour la pensée par une philosophie qui fait tout aboutir au monosyllabe : non. À : non, il n'y a qu'une réponse : oui. Le nihilisme est sans portée. Il n'y a pas de néant. Zéro n'existe pas. Tout est quelque chose. Rien n'est rien. L'homme vit d'affirmation plus encore que de pain. Voir et montrer, cela même ne suffit pas. La philosophie doit être une énergie; elle doit avoir pour effort et pour effet d'améliorer l'homme. V. Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 620.
9. Aux yeux des scolastiques, Gœthe est un sceptique : mais celui qui se passionne pour toutes les fleurs qu'il trouve sur son chemin et les prend pour vraies et bonnes à leur manière, ne saurait être confondu avec celui qui passe dédaigneux sans se pencher vers elles. Gœthe embrasse l'univers dans la vaste affirmation de l'amour : le sceptique n'a pour toute chose que l'étroite négation. E. Renan, L'Avenir de la science,1890, pp. 448-449.
2. [Jugement d'existence, d'authenticité; cf. affirmer I B 2 et II B]
a) Lang. commune, philos., théol.
[Sans compl. d'obj. dir.] Action (ou résultat de l'action) de dire nettement qu'une chose existe ou n'existe pas :
10. Je me borne à t'assurer tout cela, je ne te le jure point, car si tu ne me crois pas sur une simple affirmation, me croiras-tu sur un serment? Sois bien convaincue, ma bien-aimée Adèle, qu'il n'y a en ce moment rien contre toi dans mon cœur. V. Hugo, Lettres à la fiancée,1822, p. 134.
11. Il m'apprenait que l'affirmation absolue chez les Japonais leur paraît une impolitesse et qu'ils éludent autant qu'ils le peuvent le oui et le non, − en sorte que si vous demandez à un Japonais votre chemin ou n'importe quoi, s'il ne vous répond pas, c'est qu'il ne trouve pas un faux-fuyant pour échapper à l'affirmation. E. et J. de Goncourt, Journal,sept. 1893, p. 456.
12. Vouloir prouver que Dieu est, c'est aussi absurde que d'affirmer qu'il n'est pas. Car nos affirmations et nos preuves ne le créeront... ni ne le supprimeront. Je préfère dire que : du moment qu'il y a quelque chose, c'est Dieu. L'expliquer m'est inutile; il s'explique lui-même par toute la nature; c'est là sa façon d'exister. A. Gide, Réflexions sur quelques points de littérature et de morale,1897, pp. 414-415.
13. On ne voit pas que, si l'affirmation est un acte complet de l'esprit, qui peut aboutir à constituer une idée, la négation n'est jamais que la moitié d'un acte intellectuel dont on sous-entend ou plutôt dont on remet à un avenir indéterminé l'autre moitié. On ne voit pas non plus que, si l'affirmation est un acte de l'intelligence pure, il entre dans la négation un élément extra-intellectuel, et que c'est précisément à l'intrusion d'un élément étranger que la négation doit son caractère spécifique. Pour commencer par le second point, remarquons que nier consiste toujours à écarter une affirmation possible. La négation n'est qu'une attitude prise par l'esprit vis-à-vis d'une affirmation éventuelle. Quand je dis : « cette table est noire », c'est bien de la table que je parle : je l'ai vue noire, et mon jugement traduit ce que j'ai vu. Mais si je dis : « cette table n'est pas blanche », je n'exprime sûrement pas quelque chose que j'aie perçu, car j'ai vu du noir, et non pas une absence de blanc. H. Bergson, L'Évolution créatrice,1907, p. 287.
14. Mais tout homme veut être assuré que ces productions sont inébranlables. Il leur cherche des garanties. Il les veut affermir contre tous les assauts. Toute affirmation conduit à une certaine dialectique, du moment que l'homme forme le souci de se persuader et de persuader autrui. Les idées s'affermissent au cours d'un dialogue imaginaire. (...). C'est ainsi que le penseur bourgeois, depuis le temps qu'il existe un ensemble des valeurs bourgeoises, s'efforça de les bien lier, de les justifier, de leur trouver des principes supérieurs qui pussent leur conférer une certitude analogue à celle des démonstrations et des découvertes des sciences. P. Nizan, Les Chiens de garde,1932, pp. 136-137.
15. Je crois seulement que lorsque des savants vont de cette façon au peuple le meilleur serait précisément de trancher par leurs qualités propres de réserve scientifique et de doute honnête sur le ton d'affirmation tumultueuse en usage dans la grosse presse. (...) ces gens simples sont très sensibles à la réserve, au sens critique dont pourra faire preuve devant eux celui qu'ils jugent plus instruit. A. Thibaudet, Réflexions sur la littérature,1936, p. 73.
16. La foi ne doit-elle pas être une adhésion de cette espèce? On dégrade les mystères de la foi en en faisant un objet d'affirmation ou de négation, alors qu'ils doivent être un objet de contemplation. Le rôle privilégié de l'intelligence dans le véritable amour vient de ce que la nature de l'intelligence consiste en ce qu'elle est une chose qui s'efface du fait même qu'elle s'exerce. Je peux faire effort pour aller aux vérités, mais quand elles sont là, elles sont et je n'y suis pour rien. S. Weil, La Pesanteur et la grâce,1943, p. 131.
17. Une pensée concrète est faite de deux idées affrontées dans une antithèse souple, radicalement différente du « tout ou rien » de la pensée sclérosée. L'une domine l'autre, mais sans l'éliminer, car cet adversaire intime lui sert de tremplin dialectique pour se dépasser elle-même. Ainsi se tapit, au sein de l'affirmation, l'ironie questionneuse qui en disloque l'étroitesse, le doute méthodique qui en démonte l'assurance non pas pour la dissoudre, mais pour la projeter en avant et l'ouvrir à de plus larges lumières. Si l'affirmation se relâche, l'antithèse latente prend de la force et compromet l'équilibre acquis. Le relâchement est-il passager, cette menace ne fait qu'exciter la pensée, momentanément ébranlée, à renforcer son autorité par une nouvelle épreuve ... E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 662.
P. méton.
Pensée exprimée avec vigueur :
18. ... l'idée d'infini n'est pas plus négative de celle du fini, que l'idée du fini n'est négative de celle d'infini; elles sont négatives au même titre, ou elles sont toutes deux positives, car ce sont deux affirmations simultanées, et toute affirmation donne une idée positive. Ou bien entend-on par positif ce qui tombe sous l'expérience, externe ou interne, et négatif ce qui n'y tombe pas? V. Cousin, Hist. de la philosophie du 18esiècle,t. 1, 1829, pp. 187-188.
19. Le monde, qui juge les autres hommes par ce qu'ils ont de pire, accorde souvent à l'artiste chrétien l'étrange faveur de ne voir en lui que les sommets; il suit la ligne de faîte de cette destinée; il s'en tient à ces grandes affirmations, à ces témoignages solennels de quelques livres et de quelques articles. Faire sans cesse le point, sans cesse mesurer cet écart entre l'image que nos lecteurs se font de nous et ce que nous sommes réellement, tel doit être notre souci constant, − si du moins nous appartenons à la race de ceux qui ont la terreur de n'être pas sincères. F. Mauriac, Journal 1,1934, pp. 68-69.
20. Ce qui frappe et excite le plus le public, quand il vient à connaître l'existence d'un penseur et de son œuvre, c'est toujours et nécessairement quelque formule ou affirmation détachée, qui prend la puissance de choc d'un paradoxe ou la force comique d'une simplification par l'absurde. Tout le travail de Darwin ne pèse que ces mots : l'homme descend du singe, dans la foule des esprits qui savent son nom, pendant le dernier tiers du siècle dernier. P. Valéry, Variété 5,1944, p. 242.
21. Les pourfendeurs du déterminé, et généralement de la netteté, prêchent volontiers leur croisade au nom de la « nuance ». Avec votre culte du net, s'écrie le « disponible », vous pratiquez l'affirmation massive et ignorez la nuance. Comme si toute affirmation était nécessairement massive et qu'on ne pût concevoir la netteté dans le nuancé; comme si celle-ci n'était pas précisément le propre du bon esprit. On pourrait dire encore que la pensée du disponible est dénuée d'existence du fait que, par principe, elle est dénuée de consistance, la consistance n'empêchant, elle non plus, aucunement la nuance; ... J. Benda, La France byzantine,1945, p. 35.
22. Saint-Just donne l'exemple; son ton même est définitif. Cette cascade d'affirmations péremptoires, ce style axiomatique et sentencieux, le peignent mieux que les portraits les plus fidèles. Les sentences ronronnent, comme la sagesse même de la nation, les définitions, qui font la science, se succèdent comme des commandements froids et clairs. « Les principes doivent être modérés, les lois implacables, les principes sans retour. » C'est le style guillotine. Un tel endurcissement dans la logique suppose cependant une passion profonde. A. Camus, L'Homme révolté,1951, p. 159.
Fonction ou entité qui a pour fonction d'affirmer :
23. Il est vrai qu'une Église est une affirmation, et qu'elle subsiste par un élément positif, une croyance définie; l'élément critique tout pur la dissout. − Le protestantisme est une combinaison de deux facteurs : l'autorité des écritures et le libre examen; dès qu'un des facteurs est menacé ou disparaît, le protestantisme disparaît. H.-F. Amiel, Journal intime,28 avr. 1866, p. 269.
24. Pour ce qui est de notre idée du néant, j'en aperçois l'origine dans une imagination faussée par le mensonge, ce contradicteur orgueilleux et stérile, cet impuissant ennemi de l'amoureuse évidence. Le monde, aux yeux du mystique, est tout affirmation; en saurait-il être autrement de la manifestation sensible d'un Dieu dont le pouvoir n'a point d'autre limite que l'impossibilité de n'être pas amour, c'est-à-dire de n'être pas? La vie véritable est une initiation par la tendresse. Si dès les premiers âges nous avons appelé l'amour du nom suprême de Créateur, c'est que ni l'esprit ni les sens ne nous suffisent à faire du séjour temporel une réalité. O.-V. Milosz, L'Amoureuse initiation,1910, p. 140.
[Avec un compl. introd. par de]
[Le compl. exprime la pers. ou l'instance qui affirme] :
25. Les Grecs tenaient pour vrai ce qui est conforme aux lois éternelles du beau et du juste; trouvant la beauté dans l'univers, ils y supposaient la justice. Ils croyaient au libre arbitre et à l'immortalité de l'âme, quoique ces deux affirmations de la foi religieuse ne puissent être démontrées; mais l'une est la condition, l'autre la sanction de la morale, et la réalité ne peut contredire la loi : cela est, puisque cela doit être; il ne saurait y avoir ni erreur ni lacune dans l'œuvre magnifique des dieux. L. Ménard, Rêveries d'un païen mystique,1876, p. 222.
26. À qui demande quel est le plus grand commandement de la Loi, Jésus répond immédiatement par l'affirmation fondamentale du monothéisme biblique, comme si tout le reste suivait de là : « Le premier de tous les commandements est celui-ci : écoute, Israël; le Seigneur ton Dieu est le Dieu unique » (Marc, XII, 29). É. Gilson, L'Esprit de la philosophie médiévale,t. 1, 1931, p. 50.
[Le compl. exprime ce qui est affirmé] :
27. Il faut déterminer d'une façon plus précise quel mode d'affirmation appartient à la foi. Je remarque d'abord que si l'existence ne convient pas à Dieu (du point de vue de la pensée), la non-existence ne lui convient pas non plus; nier l'existence d'une chose, c'est en effet affirmer pour des raisons empiriques que cette chose n'est pas réalisée dans l'expérience. (...) les raisons qui rendent la négation de l'existence de Dieu impossible sont les raisons même qui s'opposent à l'affirmation de cette existence. Ce qui est contradictoire, c'est de penser Dieu comme existant; et cette contradiction inutile vicie aussi bien la thèse que l'antithèse. G. Marcel, Journal métaphysique,janv. 1914, pp. 33-34.
28. Il s'ensuit que celui qui ne s'est pas exercé assez longtemps au doute est incapable de rien entendre à la métaphysique − il s'ensuit par conséquent que celui-là ne saurait rien comprendre à la véritable nature du sujet pensant et de Dieu même. C'est que dans le doute même est incluse une affirmation déjà, affirmation sans laquelle le doute ne pourrait se produire et qu'on ne peut suspecter ou dont on ne peut essayer de s'affranchir sans la poser à nouveau par cela seul : l'affirmation de la pensée. Ce qui rend absolue l'évidence du cogito c'est qu'il énonce une affirmation incluse en toute affirmation comme en toute négation : le doute poussé jusqu'au bout suppose l'affirmation d'une pensée par laquelle seule il existe, et plus le doute est poussé à l'extrême plus aussi l'affirmation de cette pensée est profonde. Tout jugement même négatif, est en son fond une pure affirmation, puisqu'il exprime toujours une pensée. J. Lacroix, Marxisme, existentialisme, personnalisme,1949, pp. 89-90.
Rem. 1. Il faut noter que, selon certains aut., notamment Franck 1875 : ,,... un jugement affirmatif dans la pensée peut être exprimé sous la forme d'une proposition négative...`` D'où l'ambiguïté du terme selon d'autres aut., notamment Piguet 1960 : ,,Un jugement peut être affirmatif ou négatif, ce qui détermine sa « qualité » (au sens technique de la logique). Un jugement considéré indépendamment de sa qualité est dit assertion. (Le terme de « affirmation » est équivoque, car l'on ne sait s'il désigne les seuls jugements « affirmatifs » ou les négatifs également).`` 2. L'affirmation a gén. pour moyen d'expression le lang. articulé. P. anal., affirmation s'emploie aussi pour désigner toute communication de la pensée humaine :
29. On oserait dire que les beaux-arts ont fait plus pour le progrès de la pensée humaine que les leçons abstraites des philosophes. Donc, comme la prose ne cherche pas au-delà du noir sur blanc, qui lui suffit, ainsi le vrai peintre ne cherche pas autre chose que cette forme plane et colorée, qui suffira à ses affirmations sans paroles. Alain, Système des beaux-arts,1920, p. 243.
30. En effet, on voyait par moments se former et passer comme une étoile filante un faible sourire destiné par la duchesse de Lambresac à quelque personne qu'elle avait reconnue. Mais ce sourire, au lieu de se préciser en une affirmation active, en un langage muet mais clair, se noyait presque aussitôt en une sorte d'extase idéale qui ne distinguait rien, tandis que la tête s'inclinait en un geste de bénédiction béate rappelant celui qu'incline vers la foule des communiantes un prélat un peu ramolli. M. Proust, À la recherche du temps perdu,Sodome et Gomorrhe,1922, p. 681.
31. ... les bois et les cordes (...) tous ensemble, une dernière fois, disent avec force la prière pour la paix. L'orchestre, seul, la répète en écho, et il conclut enfin par une affirmation, brusque et brève, de foi et de puissance − (de puissance, plus que de foi). Mais cette affirmation paraît surtout un acte de volonté, qui se superpose à l'inquiétude du cœur. Par quels accents s'est en effet terminé le dernier chant des chœurs? − Par cette phrase qui ne conclut pas, − où la paix interroge et ne reçoit pas la réponse. R. Rolland, Beethoven,t. 2,1928, p. 411.
b) Lang. de la procédure judiciaire, du dr.
Emploi judiciaire. Déclaration solennelle attestant la vérité d'un fait devant un tribunal :
32. Le serment d'affirmation, celui qui se réfère à un fait dont on jure l'existence, joue un rôle important dans la procédure où il fait l'office de preuve. Le plaideur jure devant le magistrat, in jure, ou devant le juge, in judicio, c.-à-d. affirme sous serment le bien fondé de sa prétention. (...) le serment met fin à la contestation. L'affirmation sous serment émanant de l'une des parties est tenue, d'un commun accord, pour une preuve décisive de la vérité de la prétention produite par cette partie. Aussi les modernes ont-ils appelé ce serment décisoire. Gde encyclop.,t. 29, 1885-1902, p. 1062, s.v. serment I Droit romain.
33. « (...) J'ai appris, non seulement qu'il y avait eu un dossier secret, volontairement caché à la défense par les juges du conseil de guerre; mais de plus, que ce dossier ne contenait même pas cette révélation indubitable qui, sans pouvoir servir d'excuse à la faute judiciaire, eût du moins soulagé nos consciences! Qu'il ne contenait aucun document grave contre l'accusé, rien d'autre que des présomptions, faciles à interpréter, soit pour, soit contre lui! » D'un battement sec des doigts sur le bois de la table, ses mains ponctuent l'affirmation. (Gravement.) « Je vous jure que ceci est la vérité. » R. Martin du Gard, Jean Barois,1913, pp. 366-367.
Rem. Syntagme fréq. affirmation (par, sous, sur) serment.
Emploi jur. Acte consistant à établir la vérité d'un fait par une attestation faisant foi (cf. affirmer I B 2 b) :
34. Si je n'ai pas été baptisé à Besançon, je suis néanmoins sûr de l'avoir été, et tu sais combien il serait fâcheux de recommencer cette cérémonie à mon âge. M. de Lamennais, mon illustre ami, m'a assuré qu'en attestant que j'ai été baptisé en pays étranger (en Italie), cette affirmation, accompagnée de la tienne, suffirait. Tu sens combien de hautes raisons doivent me faire désirer que tu m'envoies cette simple attestation. V. Hugo, Correspondance,1822, p. 354.
35. L'affirmation légale, ou déclaration faite sous la foi du serment, est prescrite dans une foule de cas déterminés par le Code civil, le Code de procédure et le Code de commerce. La loi l'impose au créancier, en cas de faillite, pour toutes créances, fussent-elles constatées par acte authentique, et à peine de déchéance si elle n'a pas lieu dans le délai de huitaine; au débiteur qui se refuse à payer une dette prescrite; à la veuve qui veut conserver la faculté de renoncer à la communauté, pour l'inventaire des biens de la communauté dressé par elle après le décès du mari, etc. Les procès-verbaux des gardes forestiers, des préposés des octrois, douanes et contributions indirectes, des agents du domaine, des gardes champêtres, des porteurs de contraintes, doivent être affirmés, à peine de nullité, par leurs auteurs, dans les formes et délais voulus (v. Procès-verbal). Les procès-verbaux dressés pour simples contraventions de police par les maires, adjoints et commissaires, ceux qui émanent, à quelque titre que ce soit, des officiers de gendarmerie, sous-officiers et simples gendarmes, sont affranchis de l'affirmation. Lar. 19e,1866.
36. 1287. Toute affirmation frauduleuse est punie des peines prévues à l'article 366 du Code pénal (faux serment). Nouveau répertoire de droit, Paris, Dalloz, t. 4, 1965, p. 660, s.v. succession.
Rem. Syntagmes fréq. 1. Assoc. adj. affirmation légale (ex. 35 et V. Hugo, Les Misérables, t. 2, 1862, p. 582). 2. Assoc. subst. a) Subst. + affirmation : le greffe des affirmations (Ac. 1798, 1835, Ac. t. 1 1932); b) Affirmation + subst. Affirmation de compte : ,,Affirmation faite par la partie condamnée à rendre un compte, de l'exactitude et de la sincérité de ce compte : cette déclaration est faite devant le juge commis pour recevoir le compte et en présence du demandeur en reddition de compte (dénommé oyant) (C. pr. Civ. art. 530 et s.).`` (Cap. 1936); ,,Écrit en forme d'apostille, mis en marge et en tête de la première page, pour certifier que le compte est véritable.`` (Besch. 1845; cf. également Ac. 1835, 1878, 1932); Affirmation de créance : ,,Affirmation de la réalité de leurs créances faites par les créanciers dans les hypothèses suivantes : 1oau cours de la procédure de distribution par contribution, par chacun des créanciers colloqués, au greffe du tribunal civil, afin d'obtenir la délivrance par le greffier du bordereau de collocation sur la Caisse des Consignations (C. pr. Civ. art. 671); 2oau cours de la procédure de faillite ou de liquidation judiciaire, par chacun des créanciers, devant le juge-commissaire après que les créances ont été préalablement vérifiées (C. Com. art. 497).`` (Cap. 1936; cf. également Gde encyclop., pp. 1098-1099, s.v. faillite); Affirmation d'inventaire : ,,... acte par lequel la femme survivante déclare que l'inventaire est sincère et véritable.`` (Gde encyclop.); Affirmation de procès-verbaux : ,,Doit être faite dans les trois jours de la part des gardes-champêtres, devant le juge de paix du canton ou le maire de la commune.`` (Besch. 1845); Affirmation de voyage : ,,Déclaration faite au greffe par le plaideur de façon à obtenir le remboursement de ses frais de voyage après le gain de son procès. L'avoué qui veut obtenir la distraction des frais à son profit doit faire affirmation de dépens.`` (Gde encyclop.). 3. Assoc. verbales : être cru sur affirmation (Code civil, 1804, p. 323); prendre une affirmation, un acte d'affirmation (Ac. 1798, 1835, Poit. 1860, Littré, Ac. 1878, Ac. t. 1 1932); s'en rapporter à une affirmation (Ac. 1798, 1835, 1878, Ac. t. 1 1932).
c) LOG. et GRAMM.
Acte de l'esprit reconnaissant l'existence, la vérité d'un fait et s'exprimant par une proposition affirmative (cf. affirmatif) ou par une formule équivalente, de valeur positive :
37. Il faut donc, pour exprimer un jugement, énoncer les deux idées dont l'une contient l'autre, plus l'acte de l'esprit qui apperçoit ce rapport. C'est ce que l'on appelle le sujet, l'attribut, et le signe de l'affirmation qui les unit. Or, c'est ce qui constitue une proposition. (...). Pierre n'est pas grand. La pêche que je tiens est bonne. Voilà des propositions, des énoncés de jugemens. Dans le premier, l'idée Pierre et celle n'être pas grand, dans le second, l'idée la pêche que je tiens et celle être bonne, sont réunies par le signe d'affirmation, c'est-à-dire, par le signe qui marque que l'une est sentie comprise dans l'autre. A.-L.-C. Destutt de Tracy, Éléments d'idéologie, Grammaire, 1803, pp. 28-29.
38. Il a, comme tous les professeurs, deux ou trois mots ou tournures qui reviennent souvent. Il fait une grande consommation de « en quelque sorte », locution prudente, et dit volontiers : « n'en doutez pas », ce qui est peut-être la plus douce formule d'affirmation, puisqu'elle nous reconnaît implicitement le droit de douter. J. Lemaître, Les Contemporains,1885, p. 199.
39. ... je vis, quoique grandement distants, juxtaposés par l'alignement de mon œil, la verdure d'un érable combler l'accord proposé par un pin. Les présentes pages commentent ce texte forestier, l'énonciation arborescente, par juin, d'un nouvel art poétique de l'univers, d'une nouvelle logique. L'ancienne avait le syllogisme pour organe, celle-ci a la métaphore, le mot nouveau, l'opération qui résulte de la seule existence conjointe et simultanée de deux choses différentes. La première a pour point de départ une affirmation générale et absolue, l'attribution, une fois pour toutes, au sujet, d'une qualité, d'un caractère. Sans précision de temps ou de lieux, le soleil brille, la somme des angles d'un triangle est égale à deux droits. Elle crée, en les définissant, les individus abstraits, elle établit entre eux des séries invariables. Son procédé est une nomination. Tous ces termes une fois arrêtés, classés par genres et par espèces aux colonnes de son répertoire, par l'analyse un par un, elle les applique à tout sujet qui lui est proposé. Je compare cette logique à la première partie de la grammaire qui détermine la nature et la fonction des différents mots. La seconde logique en est comme la syntaxe qui enseigne l'art de les assembler, et celle-ci est pratiquée devant nos yeux par la nature même. P. Claudel, Art poétique,1907, p. 143.
40. L'affirmation et la négation ne sont jamais pensées ni exprimées d'une façon entièrement objective; aussi un oui ou un non deviennent-ils expressifs dans la mesure où l'on met de l'importance à affirmer ou nier quelque chose (par exemple, au lieu de oui, selon les circonstances : Certes! Ma foi oui! Pour sûr! Mais oui!...). Ch. Bally, Le Langage et la vie,1952, pp. 19-20.
41. Appartiennent à la catégorie des adverbes d'affirmation : assurément, aussi, certainement, bien, certes, oui, précisément, si, volontiers, vraiment, soit, etc. On joint à cette liste certaines locutions adverbiales comme : en vérité, sans doute, si fait, si vraiment, que si, d'accord, pour sûr, etc. (...). Oui, au commencement d'un membre de phrase, s'emploie sans opposition à non, pour marquer davantage l'affirmation. (...) Oui, c'est Agamemnon, c'est ton roi qui t'éveille (Rac., Iph., I, I). (...). Oui est parfois précédé ou suivi d'un adverbe qui augmente la force de l'affirmation : oui vraiment, vraiment oui, oui-da (familier), oui certes, mais oui, oui bien. Grev.1964, §§ 867-868.
Rem. 1. (À propos de l'ex. 37). Le signe de l'affirmation est, dans la tradition gramm. anc. et class., le verbe. 2. Syntagmes adverbe d'affirmation (ex. 41); verbe d'affirmation : ,,Verbe qui exprime une déclaration (dire), une opinion (croire), une connaissance (savoir).`` (Lar. encyclop., Lar. 3).
Énoncé exprimant ce jugement :
42. − C'est faux, s'écrièrent à la fois les deux frères. − Deux négations valent une affirmation, observa froidement Castriconi. P. Mérimée, Colomba,1840, p. 116.
Rem. Il s'agit d'une règle bien connue de synt. lat. (cf. nonnulli « quelques uns »).
Stylistique − Rem. 1. Comme le verbe, affirmation a gén. un sens fort, et se trouve fréquemment affecté d'une valorisation très nettement marquée, tantôt péj. (ex. 3, 11, 15, 17, 21, 22, 31) tantôt méliorative (ex. 1, 2, 5, 6, 7, 8, 9, 19, 21, 24, 29, 30, 31). 2. Syntagmes fréq. a) Adj. absolu, catégorique, contradictoire, contraire, dogmatique, essentiel, fort, grand, gratuit, haut, juste, massif, net, péremptoire, personnel, positif, pur, simple, solennel, tranchant, vrai; b) Verbes admettre, s'appuyer sur, assurer, attester, attribuer, certifier, contredire, croire, déclarer, définir, démontrer, dénier, dire, douter, énoncer, établir, exprimer, juger, jurer, manifester, nier, penser, poser, préciser, prouver, soutenir. 3. Assoc. paradigm. a) (Quasi-)synon. acte, action, affermissement, assertion, assurance, attestation, attribution, autorité, axiome, certitude, confirmation, consolidation, déclaration, démonstration, détermination, dogme, endurcissement, expression, extériorisation, fermeté, force, formule, garantie, jugement, manifestation, netteté, parole, pensée, phrase, position, postulat, preuve, principe, proposition, puissance, renforcement, sentence, témoignage, thèse, théorie, vérité, volonté; b) (Quasi-)anton. abolition, affaiblissement, anéantissement, antithèse, contestation, contradiction, démenti, désaveu, destruction, doute, erreur, faiblesse, fausseté, faux-fuyant, incertitude, indétermination, infériorité, interrogation, mensonge, néant, négation, nihilisme, question, refus, renoncement, résignation.
Prononc. : [afiʀmasjɔ ̃]. Enq. : /afiʀmasiõ/.
Étymol. ET HIST. − Av. 1275 « action d'affirmer que qqc. est vrai » (Roman de la Rose, éd. E. Langlois 17 332 : Tout ce set il bien de chascune [chose] Que de deus veies tendre l'une : Cete ira par negacion Cete par affirmacion); 1313 dr. « id. » (Houdoy, Chapitres de l'histoire de Lille, 100 ds R. Hist. litt. Fr. t. 1, p. 492 : En vérité et en affirmation des coses desseure dites). Empr. au lat. affirmatio « id. » attesté dep. Cicéron, Inv., 2, 10, ds TLL, 1221, 8; en relation avec negatio, dep. Boèce, Herm. pr. praef., p. 34, 19 ibid., id., 50.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 1 491. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 333, b) 785; xxes. : a) 2 282, b) 4 262.
BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Blanche 1857. − Boucher 1835. − Bouillet 1859. − Bruant 1901. − Cap. 1936. − Comm. t. 1. 1837. − Dagn. 1965. − Daire 1759. − Dup. 1961. − Fér. 1768. − Foulq.-St-Jean 1962. − Franck 1875. − Goblot 1920. − Lacr. 1963. − Laf. 1878. − Laf. Suppl. 1878. − Lafon 1963. − Lal. 1968. − Lar. comm. 1930. − Le Breton Suppl. 1960. − Mar. lex. 1961 [1951]. − Miq. 1967. − Piguet 1960. − Réau-Rond. 1951. − Springh. 1962. − St-Edme t. 1. 1824. − Théol. cath. Tables gén. t. 1 1951.