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AFFILÉ, ÉE, part. passé et adj.
I.− Part. passé de affiler1*.
II.− Adjectif
A.− Aiguisé
1. Au propre
a) [En parlant d'un outil, et gén. accompagné d'un adv. d'intens., comme bien, très] Tranchant (après affilage) :
1. Il commença par faire peindre sur sa porte deux fers de lance, l'un affilé, l'autre émoussé, pour signifier que c'était à choisir de la guerre ou de la paix. P. de Barante, Hist. des ducs de Bourgogne,t. 3, 1824, p. 11.
2. Enfin pour compléter ton rôle de Marie, Et pour mêler l'amour avec la barbarie, Volupté noire! des sept péchés capitaux, Bourreau plein de remords, je ferai sept Couteaux Bien affilés, et, (...) Je les planterai tous dans ton cœur pantelant... Ch. Baudelaire, Les Fleurs du Mal,À une Madone, 1857, p. 95.
3. Quand un homme n'a plus que des guenilles sur le corps et des vices dans le cœur, quand il est arrivé à cette double dégradation matérielle et morale que caractérise dans ses deux acceptions le mot gueux, il est à point pour le crime; il est comme un couteau bien affilé; il a deux tranchants, sa détresse et sa méchanceté; aussi l'argot ne dit pas « un gueux »; il dit un réguisé. V. Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 201.
4. Ce boomerang consistait tout uniment en une pièce de bois dur et recourbé, longue de trente à quarante pouces. Son épaisseur au milieu était de trois pouces environ, et ses deux extrémités se terminaient en pointes aiguës. Sa partie concave rentrait de six lignes et sa partie convexe présentait deux rebords très affilés. J. Verne, Les Enfants du capitaine Grant,t. 2, 1868, p. 178.
5. ... il avait vu une douzaine de jeunes baliveaux, coupés par un maraudeur. Sûrement le vol avait été commis dans la matinée : la sève ruisselait des entailles toutes fraîches; le gaillard s'était servi d'une serpe bien affilée, car il avait tranché les jeunes pousses d'un seul coup. E. Moselly, Terres lorraines,1907, p. 107.
6. Mais, grâce à un ingénieux mécanisme, quand un intrus s'engageait dans ce passage fatal, le plateau de chêne affilé sur les côtés, traîtreusement glissait comme un couperet par une rainure ménagée dans les montants et lui brisait les reins. L. Pergaud, De Goupil à Margot,1910, p. 17.
7. ... Benoni décrochait déjà son fouet, et près du Jeuselou, Baptiste caressait de la paume une latte de dragon, large, plate, affilée comme un rasoir pesant. H. Pourrat, Gaspard des Montagnes,À la belle bergère, 1925, p. 260.
P. anal. [En parlant d'une partie du corps ou d'une manifestation des sens] :
8. ... elle [cette tête] est pourvue de dents nombreuses, affilées ... J. Michelet, L'Oiseau,1856, p. 103.
9. Les voix enfantines se déchiraient en un cri douloureux de soie, en un sanglot affilé, tremblant sur le mot eis qui restait suspendu, dans le vide. Ces voix d'enfants tendues jusqu'à éclater, ces voix claires et acérées mettaient dans la ténèbre du chant des blancheurs d'aube; ... J.-K. Huysmans, En route,t. 1, 1895, p. 6.
Emploi métaph. :
10. ... un muscle perd sa vigueur, un désir sa force, une douleur la trempe affilée de son tranchant, ... Colette, La Naissance du jour,1928, p. 5.
11. ... j'avais pu le constater au cours du stage que l'École de droit diplomatique impose dans les bureaux : les griefs articulés autrefois contre le Farghestan dormaient là, affilés comme au premier jour. J. Gracq, Le Rivage des Syrtes,1951, p. 16.
b) P. ext.
[En parlant d'un outil] Pointu :
12. Le comte s'approcha d'une lampe dans le premier salon, et regarda si la pointe de son poignard était bien affilée. Stendhal, La Chartreuse de Parme,1839, p. 137.
[En parlant d'une partie du corps] :
13. ... huit ou dix jeunes gens, sous la conduite du maître-clerc, y travaillaient en silence, et l'on n'y entendait d'autre bruit que celui des plumes, dont les becs affilés sillonnaient le papier timbré d'une façon très-expéditive. V. de Jouy, L'Hermite de la chaussée d'Antin,t. 2, 1812, p. 138.
14. ... les cuistreries de toute espèce se croisent et s'échangent, et, pour comble de malheur, entre les deux ivrognes s'agite dame Pluche, qui les repousse l'un et l'autre de ses coudes affilés. A. de Musset, Comédies et proverbes,On ne badine pas avec l'amour, 1834, I, 3, p. 15.
15. Un religieux étant couché seul dans un vieux château, entendit au milieu de la nuit frapper à sa porte. Entre un damné, le nez affilé, les yeux étincelants d'un feu bleuâtre, la langue noire. F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 1, 1848, p. 207.
16. ... « Mon frère, j'en suis à la syntaxe, et sais tout ce qui précède comme un perroquet vert qui mange du pain trempé dans du vin, et qui a le bec affilé et blanc, et la tête rouge, » ... H. de Balzac, Correspondance,1819, p. 51.
Rem. L'ex. 1 et 8 peuvent servir de transition entre la valeur a et la valeur b.
2. Au fig.
a) [En parlant de la langue] Avoir le bec affilé, la langue (bien) affilée. Avoir la parole facile et vive, voire ironique :
17. − Eh, eh! Domitien... ce prince avait du bon, Repart le diplomate à la langue affilée; Il savait se moquer des bavards d'assemblée, Seulement, il usait trop souvent du bourreau. A. Barbier, Satires,Un dîner d'anges, 1865, p. 69.
18. Avec cela une manière de parler plus ridicule que vous n'imaginerez. Bégaiement, nasillement, déformation puérile des consonnes, (...), nous autres, gentils parleurs, à la langue affilée, nous ne pensions plus à nous moquer de lui; bien plutôt nous le prenions en pitié. Alain, Propos,1911, p. 101.
b) [En parlant de l'esprit] Aigu, acéré, mordant :
19. Et là-dessus elle reprend la discussion pour son compte; le terrain est reconquis par une charge. Elle fera ferme, une heure durant, et sa voix perçante, son esprit affilé comme un couteau, finiront par clouer le bec de l'adversaire. H. Taine, Notes sur Paris,Vie et opinions de Monsieur Frédéric-Thomas Graindorge, 1867, p. 60.
20. MmeLudmilla Pitoëff dote Natacha d'une finesse trop fine, d'une jeunesse trop aérienne, d'une intelligence trop affilée. Colette, La Jumelle noire,1938, p. 127.
Bien affilé (du bec). Qui a la langue bien affilée :
21. Un bon compagnon, affilé du bec et sachant son latin, achète une paire de grègues; il débat longtemps son prix... G. de Nerval, Nouvelles et fantaisies,1855, p. 190.
22. Quelques jours après, sur la menace d'une enquête administrative, il daigna expédier son architecte, personnage avantageux et bien affilé qui trancha instantanément toutes les questions et conclut dans le sens de son envoyeur. L. Bloy, La Femme pauvre,1897, p. 230.
c) Région. (Canada). Mal affilé. Mal disposé :
23. Il était mal affilé contre moi : il était irrité contre moi. Canada1930.
B.− Vx. Blés affilés. Effilés, grêles quand le gel a rendu leurs fanes minces comme des fils.
Stylistique − Le verbe affiler dans son sens propre est concurrencé, malgré les protestations de certains techniciens (cf. affiler1ex. 3), par aiguiser, affûter, etc.; d'où sa rareté, qui contraste avec la rel. fréq. de l'adj. affilé dans ses différents emplois fig., notamment pour qualifier la lang. Comme le montrent les emplois métaph., le sens concr. reste cependant vivace et permet aux écrivains les plus raffinés des effets qui rappellent les procédés de la préciosité class.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 89.