| AFFECTIF, IVE, adj. I.− [En parlant des réactions qui affectent l'être hum.; cf. affecter2] A.− Vieilli. [En parlant des réactions qui affectent la conscience hum.] 1. Qui provoque une réaction organique consciente. Sensation affective : 1. Dans le développement des facultés intellectuelles, après la sensation purement affective, viennent les sensations accompagnées de perceptions, les sensations représentatives, capables d'engendrer des images qui persistent ou que l'esprit peut reproduire, après que les objets extérieurs ont cessé d'agir sur les sens.
A. Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances,1851, p. 291. 2. ... l'atonie est le résultat le plus ordinaire de l'abus que les hommes font de leurs nerfs et des substances propres à les exciter. Or, comme il ne s'agit pas ici de puissance affective, mais d'émotion ou de susceptibilité, je prierai simplement le lecteur de considérer que l'imagination d'un homme nerveux, enivré de haschisch, est poussée jusqu'à un degré prodigieux...
Ch. Baudelaire, Paradis artificiels,Le Poëme du haschisch, 1860, p. 378. 3. ... comment expliquer l'invasion de la quantité dans un effet inextensif, et cette fois indivisible? Pour répondre à cette question, il faut d'abord distinguer entre les sensations dites affectives et les sensations représentatives. Sans doute on passe graduellement des unes aux autres; sans doute il entre un élément affectif dans la plupart de nos représentations simples. Mais rien n'empêche de le dégager, et de rechercher séparément en quoi consiste l'intensité d'une sensation affective, plaisir ou douleur. Peut-être la difficulté de ce dernier problème tient-elle surtout à ce qu'on ne veut pas voir dans l'état affectif autre chose que l'expression consciente d'un ébranlement organique, ou le retentissement interne d'une cause extérieure.
H. Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience,1889, p. 36. 2. Qui affecte la sensibilité élémentaire classificatrice : 4. On remarque en effet chez l'homme un élément représentatif proprement dit, à l'égard duquel il n'y a point de distinction entre bien ou mal, beau ou laid, même entre vrai ou faux; un élément affectif qui permet de classer les phénomènes sous tels ou tels de ces rapports, et un élément déterminatif des actes et des jugements, dont l'analyse et les simples apparences nous imposent de tenir compte alors même que nous devrions ensuite en subordonner l'exercice à une loi.
Ch. Renouvier, Essais de critique générale,introd. formulaire 2eessai, 1864, p. xix. B.− [En parlant des réactions qui affectent le cœur hum.] 1. Qui concerne les sentiments, les émotions. Vie affective : 5. ... nos perceptions, nos idées et les divers jugements que nous portons sur la coexistence, ou la succession des objets familiers, sur l'identité, la ressemblance, le changement, les contrastes, la beauté, la laideur, étaient accompagnés ou suivis, dans leur nouveauté, de certaines modifications plus ou moins affectives que nous nommons surprise, admiration, crainte, joie ou tristesse. Ces modifications qui suivent le jugement et en paraissent inséparables, doivent cependant être distinguées par une analyse exacte qui sépare tout ce que l'habitude confond. En considérant ces modifications sous le rapport moral, on les appelle sentiments de l'âme; nous leur conserverons ce nom qui peint leur caractère essentiellement affectif et les range dans une classe différente de celle des simples sensations qui sont indépendantes de tout jugement et avec lesquelles nous ne saurions les confondre.
Maine de Biran, De l'Influence de l'habitude sur la faculté de penser,1803, p. 98. 6. La vie spéculative et la vie affective ont chez moi leurs périodes qui se succèdent et ma nature se prête assez bien à l'une et à l'autre. C'est que la vie affective ou de sentiment est aussi une vie toute intérieure ou qui se rapporte au sujet et tend à le concentrer en lui-même. La vie active extérieure (...) se rapporte toute à des objets d'affaires, d'intérêts etc...
Maine de Biran, Journal,1819, p. 234. 2. Caractérisé par la prédominance des émotions et des sentiments. Naturel tendre et affectif (Lar. 19e) : 7. ... tous les deux partent du relatif, du social, et c'est là-dessus qu'ils établissent leur conception de l'ordre : ordre naturel chez Maurras, ordre affectif, ordre de la sensibilité chez Barrès. Conception bornée aux antécédents immédiats, aux causes prochaines où l'un et l'autre limitent leur recherche; ordre insuffisant, incomplet...
H. Massis, Jugements,t. 1, 1923, p. 205. 8. Il y avait longtemps, au xiiiesiècle, que les pouvoirs politiques avaient compris l'importance de l'attitude affective des peuples à l'égard de leurs gouvernements : la force ne peut pas tout.
E. Faral, La Vie quotidienne au temps de saint Louis,1942, p. 214. 3. Rare. Qui est dominé et organisé par la faculté d'affectivité : 9. Il faut admettre pour l'acteur une sorte de musculature affective qui correspond à des localisations physiques des sentiments. Il en est de l'acteur comme d'un véritable athlète physique, mais avec ce correctif surprenant qu'à l'organisme de l'athlète correspond un organisme affectif analogue, et qui est parallèle à l'autre, qui est comme le double de l'autre bien qu'il n'agisse pas sur le même plan. L'acteur est un athlète du cœur. Pour lui aussi intervient cette division de l'homme total en trois mondes; et la sphère affective lui appartient en propre.
A. Artaud, Le Théâtre et son double,1939, p. 154. II.− [En parlant d'une pers. ou d'un groupe de pers.] A.− Chez qui domine la vie affective : 10. Mais l'homme est aussi un être affectif et opératif; il est doué d'une seconde faculté, conséquence de la première, et qui a deux actes, dont l'un s'exprime par ce mot : j'aime, l'autre par ce mot : j'ordonne.
H.-D. Lacordaire, Conférences de Notre-Dame,1848, pp. 157-158. 11. ... il faut d'abord distinguer trois sortes de lois, physiques, intellectuelles et morales. Les premières appartiennent spontanément au sexe actif, et les dernières au sexe affectif, tandis que l'ordre intermédiaire constitue le domaine propre du sacerdoce, qui devant systématiser le concours des deux sexes, participe inégalement à leur double vie.
A. Comte, Catéchisme positiviste,1852, p. 76. 12. ... chacun peut distinguer autour de soi trois espèces d'hommes, selon que l'intelligence, l'activité ou les affections dominent, ainsi on peut distinguer une race active qui est la jaune, une race intelligente qui est la blanche, et une race affective ou affectueuse qui est la noire.
Alain, Propos,1921, p. 295. B.− Caractérisé par une certaine disposition à suivre les impulsions de la vie affective : 13. Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Le sentiment me l'inspire aussi bien que la raison. Ce qu'il y a, en moi, d'affectif imagine naturellement la France, telle la princesse des contes ou la Madone aux fresques des murs, comme vouée à une destinée éminente et exceptionnelle. J'ai, d'instinct, l'impression que la Providence l'a créée pour des succès achevés ou des malheurs exemplaires.
Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre,L'Appel, 1954, p. 1. III.− Emplois spéc. A.− LINGUISTIQUE 1. GRAMMAIRE : 14. On a appelé quelquefois verbes affectifs (Verba des Affizierens), par opposition aux effectifs, les verbes transitifs dont l'objet représente la personne touchée par l'action : frapper quelqu'un.
Mar. Lex.1933, p. 19. 15. On distingue dans certaines langues, comme le géorgien, une conjugaison affective, qui s'oppose à la conjugaison dite active, en ce qu'elle présente le sujet du verbe comme touché, affecté par l'action, comme réceptif et non agissant, par ex. lorsqu'on exprime l'idée de « j'aime » par une forme qui signifie à peu près « amour est à moi ».
Mar. Lex.1961, p. 12. 2. LEXICOLOGIE : 16. Les mots inventés les premiers sont les simples dénominatifs; les actifs suivent; les affectifs succèdent; ceux qui expriment de simples actes de l'esprit sont les derniers.
J. Joubert, Pensées,t. 1, 1824, p. 148. 17. Se dit des mots qui peignent d'un seul trait les affections subites de l'âme, tels que les interjections. S'emploie substantivement dans le même sens : Les affectifs ont été le premier langage oral de l'homme (Darjou).
Lar. 19e. 18. Affectif. Qui intéresse la sensibilité (lat. affectus) plutôt que l'intelligence; ainsi des mots comme sublime, horrible... sont dits affectifs (quelquefois émotifs), de même les interjections, les hypocoristiques, les intensifs...
Mar. Lex.1933, p. 19. B.− MYSTIQUE. [En parlant de la dévotion, ou d'un acte de dévotion] Qui relève uniquement de la sensibilité : 19. Saint François de Sales a eu une incroyable action sur tout le sexe de son temps par ses ouvrages de dévotion affective.
Ch.-A. Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 1, 1840, p. 240. 20. Que l'on cesse donc une bonne fois de répéter que les jansénistes n'ont pas connu les délices de la dévotion. Pour quelques textes désolés, désespérés même, qui semblent justifier ce lieu commun, j'en apporterais cent qui le réfutent. Leur faiblesse, leur illusion serait bien plutôt de trop rechercher une prière affective et de voir dans les douceurs de la prière un « signe » de prédestination.
H. Bremond, Hist. littéraire du sentiment religieux en France,t. 4, 1920, p. 328. C.− PSYCHOL. ,,Qui concerne les états de plaisir ou de douleur, de quelque ordre et de quelque intensité qu'ils soient, physique comme moral, sensations comme sentiments, émotions et passions. États affectifs, conscience affective.`` (Foulq.-St-Jean 1962). Rem. Assoc. syntagm. Ce qui est affectif appartient toujours au domaine de la sensibilité, que la modification (toujours subie) soit reçue par elle ou simplement transmise. En ce sens, affectif peut être associé à passif; cependant ,,affectif diffère de passif en ce qu'il contient 1ol'idée qu'il s'agit d'un phénomène de sensibilité (...), 2ol'existence d'une réaction de la part de l'être sentant, qui exprime par un certain état individuel la modification reçue du dehors`` (Lal. 1968). Par conséquent, il peut également s'opposer à actif. Concernant le domaine de la sensibilité, ce qui est affectif a un caractère spontané ou instinctif et irraisonné : à ce titre, affectif peut être en oppos. avec un terme indiquant l'intelligence, le jugement, etc. Mais affectif n'est pas nécessairement opposé à intelligent, et, si le caractère incomplet, insuffisant de la réaction affective est parfois marqué, la place de ce mot dans une hiérarchie dépend, en définitive, de la pensée du locuteur. Prononc. : [afεktif], fém. [-i:v]. − Rem. Gattel 1841 transcrit la 2esyllabe avec [e] fermé. Enq. : /afektif, -iv/. Étymol. ET HIST. − 1. Apr. 1350 « relatif aux affections de l'âme » (Chron. et hist. saint. et prof., Ars., t. 1, fo19 rods Gdf. Compl. : Lynderesis aussi est ung motif tant es choses congnoissables comme es affectives); 2. xve-xvies. « qui exprime ou suscite l'affection » (Anc. Poés. franc., V, 178 ds Hug. : Par quoy de cueur très affectif Vous logeray dans mon repaire, Si d'y loger avez motif, En vous traictant comme mon père); qualifié de vieilli par Fur. 1701; 1718 (Ac., s.v. : [...] n'a guère d'usage qu'en parlant des choses de piété).
Empr. au lat. affectivus (attesté dep. Priscien, Gramm., III, 130, 24 ds TLL, 1180, 70 au sens de « qui exprime un désir, en parlant d'un verbe », terme gramm.); au sens 1 en lat. médiev. (av. 1279, Conradus Saxo, Speculum, 12 ds Mittellat. W. s.v., 349, 31 : duae vires animae, videlicet intellectiva et affectiva, quae sequitur per dilectionem); au sens 2, de même, Chartae turicenses (ixe-xiiies.), XIII, 1710 a, ibid., 349, 35 : flagrantiam suarum orationum... affectivam. STAT. − Fréq. abs. litt. : 774. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 338, b) 412; xxes. : a) 318, b) 2 590. BBG. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Fér. 1768. − Foulq.-St-Jean 1962. − Goblot 1920. − Lal. 1968. − Lav. Diffic. 1846. − Littré-Robin 1865. − Mar. Lex. 1961 [1951]. − Marcel 1938. − Moor 1966. − Morier 1961. − Piéron 1963. − Piguet 1960. − Porot 1960. − Prév. 1755. − Springh. 1962. |