| ADVERSE, adj. A.− [En parlant de pers., de groupes (nations, équipes sportives), d'idées confrontés dans un espace plus ou moins défini] Contraire, opposé, hostile. 1. Vieilli. [Par rapp. au locuteur] Être adverse à. Être hostile à : 1. Notre seul adversaire, notre cher adversaire, à nous autres philosophes, c'est Mickiewicz. Il nous est moins adverse que correspondant et symétrique. La différence du procédé tient d'ailleurs surtout à la différence des peuples, des civilisations où nous sommes placés, lui et nous.
J. Michelet, Journal,Févr. 1845, p. 592. 2. Une chose est consolante pour moi; les hommes qui m'avaient été d'abord les plus adverses sont devenus mes amis; témoin MM. Benjamin Constant, Béranger et Carrel.
F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 3, 1848, pp. 210-211. 3. J'avais juré de vous faire service,
Ô dame, hélas! las! félon à moi-même.
L'eau, à la fin, la pierre drue perce,
Mais non de vous la cruauté extrême
Mes tristes pleurs, car trop m'êtes adverse.
J. Moréas, Le Pèlerin passionné,Galatée, 1891, p. 108. 2. [Par rapp. à un tiers] :
4. Or, la volonté du nolle métempirique n'est pas un barrage ou une barricade en travers de la route, ni un obstacle donné qui viendrait à la traverse d'un pouvoir, ni une volonté adverse à vaincre, c'est-à-dire une volonté contrariante, ou une contre-volonté contestant la volonté principale : la nolonté est une difficulté métaphysique; ...
V. Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 251. 3. Au plur. Opposé(e)s les uns ou les unes aux autres : 5. Ce sont deux idées [le spiritualisme et le matérialisme] également fausses, mais qui, tout adverses et inconciliables qu'elles soient dans leur forme actuelle, aspirent pourtant à se réunir dans une synthèse nouvelle; ...
P. Leroux, De l'Humanité,t. 1, 1840, p. 7. 6. À travers l'histoire l'art apparaît protéiforme; il offre tant de démarches diverses et même adverses qu'on désespère de trouver une définition qui puisse leur être commun dénominateur, principe d'une unité. L'art est aussi multiple que la nature humaine a de visages; ...
R. Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, p. 401. 7. De là vient, qu'en ce moment, les étendards des idéologies adverses : libérale, marxiste, hitlérienne, flottent dans le ciel des batailles et que tant d'hommes et tant de femmes, emportés par le cataclysme, sont hantés par la pensée de ce qu'il adviendra d'eux-mêmes et de leurs enfants.
Ch. de Gaulle, Mémoires de guerre,Le Salut, 1959, p. 93. Rem. Syntagmes fréq. a) au fém. : partie adverse (E. et J. de Goncourt, Journal, juin 1884, p. 354), attaque adverse (F. Foch, Mémoires, 13 juin-15 juill. 1918, 1929, p. 113), manœuvre adverse (F. Foch, Mémoires, 13 juin-15 juill. 1918, 1929, p. 113), résistance adverse (F. Foch, Mémoires, juill.-août 1918, p. 153), lignes adverses (J. Joffre, Mémoires, 1931, p. 52), tranchée adverse (H. de Montherlant, La Petite Infante de Castille, 1929, p. 608), faute adverse (J. de Pesquidoux, Chez nous, t. 1, 1921, p. 174), circonstances adverses (J. Malègue, Augustin ou le Maître est là, 1933, p. 29), conditions adverses (A. Carrel, L'Homme, cet inconnu, 1935, p. 264), force adverse (V. Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, 1957, p. 251), fortune adverse (É. Zola, La Débâcle, 1892, p. 72), pensée adverse (A. Breton, Les Manifestes du Surréalisme, 1930, p. 58), thèses adverses (J. Malègue, Augustin ou le Maître est là, 1933, p. 479), vérité adverse (A. de Saint-Exupéry, Lettre à un otage, 1943, p. 400); b) au masc. : but adverse (H. de Montherlant, Les Olympiques, 1924, p. 340), camp adverse (J. de Pesquidoux, Chez nous, t.1, 1921, p. 171), club adverse (H. de Montherlant, La Petite Infante de Castille, 1929, p. 297), parti adverse (J. de Lacretelle, Silbermann, 1922, p. 88). B.− Emploi techn. Stylistique − Adverse senti comme terme de dr. aux xixeet xxes. qualifie surtout partie (celle contre laquelle on plaide) et fortune; son emploi n'a cependant pas cessé de s'étendre à d'autres domaines, milit., sportif, psychol. etc... tandis que sa fréq. s'est accrue; le masc., traditionnellement réservé à avocat, et à la loc. être adverse à, est resté, sinon vivant, du moins prés. à la lang. littér., mais seulement avec des subst. de même champ sém. que partie.− DR. La partie adverse. ,,La personne contre qui l'on plaide.`` (Ac. 1798-1932); l'avocat adverse. ,,L'avocat qui plaide pour la partie adverse.`` (Ac. 1798-1932). − HIST. NAT. ,,Qui est placé à l'opposite d'une chose ou tourné vers elle.`` (Littré). Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [advε
ʀs]. Enq. : /adve2
ʀs/. 2. Dér. et composés. − Advers- : adversaire, adversatif, adversativement, adversité. 3. Hist. − Ac. 1798, 1835, 1878 ainsi que Besch. 1845 et les dict. mod. enregistrent la forme adverse pour les 2 genres. Littré emploie comme vedette advers, erse et ajoute : ,,Il n'est pas mauvais de restituer la forme masculine advers``. Étymol. ET HIST. − 1. 1100 au fém. seulement « ennemi » (Chanson de Roland, 2630, éd. J. Bédier : Granz sunt les oz de cele gent averse, Siglent a fort e nagent e guvernent); 2. 1283 averse partie, jur. « partie opposée » (Beaumanoir, XXXIX ds Gdf. Compl.); xives. adverse partie « id. » (Guesclin, 18134 ds Littré). − La forme masc. avers n'est attestée que dep. xive-xves. (Hist. de Gér. de Blav., Ars. 3144 ds Gdf.).
Empr. au lat. adversus « situé en face »; ds César, Gall., 2, 21, 1 ds TLL s.v., 865, 1, empl. avec hostes : adversis hostibus occurrebant; empl. 2 ds Quint., Inst., 5, 6, 6, ibid., 869, 53 : advocatus partis adversae. Réfection étym. en adv- dep. le xives.; Fur. 1701 note encore que le d ne se prononce pas à l'empl. 2. Qualifié de vieilli à l'empl. 1 ds Ac. 1718 et 1740. STAT. − Fréq. abs. litt. : 263. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 184, b) 142; xxes. : a) 240, b) 740. BBG. − Bailly (R.) 1969. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Lav. Diffic. 1846. |