| ACCORDÉON, subst. masc. A.− MUS. Instrument de musique, populaire, portatif, dont le son est produit par l'action simultanée d'un soufflet et d'un clavier sur des anches métalliques : 1. Et les hameaux d'alentour, les plus perdus, les plus noirs, même ceux des bois, s'étaient vidés de leurs mendiants, de leurs estropiés, de leurs fous, de leurs idiots à béquilles. Cette gent était échelonnée sur le parcours, avec des musiques, des accordéons, des vielles; ils tendaient leurs mains, leurs sébiles, leurs chapeaux, pour recevoir des aumônes que Yann leur lançait avec son grand air noble, et Gaud, avec son joli sourire de reine.
P. Loti, Pêcheur d'Islande,1886, p. 251. 2. Musiques de la rue : accordéons
Qu'une chanson amoureuse commente,
Rythme indistinct auquel nous suppléons,
Qui du meilleur de nous rit et s'augmente ...
G. Rodenbach, Le Règne du silence,1891, p. 200. 3. Dans le vacarme forain de l'orchestre, des danseurs tyroliens, et des clients surexcités par une chaleur combinée − bière et accordéon − de musette et de brasserie munichoise, Kate Bergen pensait pour la première fois aux morts, aux âmes errantes − y en avait-il vraiment autant que le racontait Clemens?
J. Peyré, Matterhorn,1939, p. 101. 4. Mais un beau danseur s'élança avant la fin du dernier couplet. Il préférait à une bergère de chanson, c'était visible, quelque grasse fille hanchue qu'il pouvait cambrer sous son bras agile :
− En avant, l'accordéon, puis la musique à bouche! Vite une gigue, puis un rigaudon!
G. Guèvremont, Le Survenant,1945, p. 133. − Au fig. : 5. « La joie quoi! La violence avec de la rigolade! Tout l'accordéon des plaisirs! »
L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 590. Rem. Ds la litt. noble l'instrument ne passe pas pour particulièrement musical, comme en témoignent des syntagmes fréq. à connotation péj. : accordéon geignard, vulgaire, grêle musique d'accordéon, etc., et les ex. d'Ac. 1878 maintenus dans Ac. t. 1 1932 : Le son de l'accordéon a peu de volume. Les accordéons sont plutôt des jouets que des instruments de musique. Syntagmes plus récents : accordéon plaintif, touchant et Lar. encyclop. ,,vers 1910. L'accordéon s'améliora... et, grâce à des virtuoses, acquit le droit de compter dans l'art musical.`` B.− P. anal. avec la forme ou le jeu du soufflet 1. [Dans un environnement syntaxique exprimant ou suggérant la comparaison avec l'instrument] :
6. Et ce disant, plus digne que jamais, le cabotin souleva son feutre qui, par suite des heurts et cahots de la nuit, gondolait piteusement et semblait un accordéon prêt à jouer une marche funèbre, et sa silhouette calamiteuse et cocasse disparut subitement au tournant du couloir.
J.-K. Huysmans, Marthe, histoire d'une fille,1876, p. 80. 7. Il bat la mesure avec énergie. Quand il se retourne vers le public, il s'éponge le front. On crie « bis »! à une petite fille, mais Bouchor dit :
− Je vais vous chanter.
Il tire sa montre, s'excuse. C'est comme un accordéon : ça peut s'allonger ou se rétrécir.
J. Renard, Journal,1903, p. 863. 8. On avançait lentement, en titubant aux cahots du train. Au dernier coude du couloir, à l'instant que le professeur s'allait élancer dans cette sorte d'accordéon qui relie un wagon à l'autre, une secousse plus forte le chavira : pour recouvrer son équilibre il fit un brusque mouvement, qui précipita son pince-nez, toute attache rompue, dans le coin de l'étroit vestibule que forme le couloir devant la porte des commodités.
A. Gide, Les Caves du Vatican,1914, p. 848. 2. En accordéon. Gén. péj. [En parlant d'éléments du vêtement : bas, pantalon, etc.] :
9. Si un inconnu ténébreux enveloppait sa vie privée, cela est superflu à dire!... les probabilités cependant, − tant, quelquefois, il arrivait pitoyable au bureau, le teint boueux, la cravate lâche, le faux-col en accordéon, − étaient qu'il employait ses nuits à errer au hasard des rues, sous les clairs de lune ou les pluies;...
G. Courteline, Messieurs-les-Ronds-de-cuir,1893, p. 163. 3. COUTURE − Plissé accordéon, plissage accordéon (p. oppos. au plissé plat) : 10. Il y avait de grandes enseignes noires, penchées comme des tableaux ou des miroirs, avec des lettres d'or : Tailleur... Boutique de Livres... Maître horloger... et de petites, des noires, des blanches, des longues et des carrées : Plissé accordéon... Cordonnier dans la cour... Sage-femme...
E. Triolet, Le Premier accroc coûte deux cents francs,1945, p. 284. − Fam. Des accordéons, même sens : 11. Enfin il est redescendu... Il s'était mis dans les frais! ... complètement lavé, rasé, fringué d'importance... et du style alors!... un genre avocat... une cape noire flottante... depuis les épaules... des plis... des accordéons... et sur la pointe du cassis une jolie calotte avec un gros gland... je me dis que c'est pour faire les honneurs.
L.-F. Céline, Mort à crédit,1936, p. 265. Prononc. : [akɔ
ʀdeɔ
̃]. Enq. : /akoʀdeõ/. Étymol. ET HIST. − Entre 1833 et 1848 « instrument de mus. à anches métalliques » (F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 4, 4epart., 1. 9, 481 : Le maître de poste de Schlau venait d'inventer l'accordéon...); 1842, Ac. Compl. : Accordéon. Nom donné à un nouvel instrument de musique à soufflet et à touches.
Empr. à l'all. Akkordion, forgé en 1829 à Vienne par Damian, inventeur de l'instrument (FEW t. 15 s.v. Akkordion) par dér. de Akkord, terme de mus. (dep. 1619, Kluge; empr. au fr. accord « id. » dep. xives.), avec adjonction du suff. -ion sur le modèle de Orchestrion (instrument inventé en 1791 par Kung à Prague, FEW, loc. cit.). Suff. -ion altéré en -éon, lors de l'empr., sur le modèle de Orphéon (dep. 1767; Nyrop, III, 323). − Behrens D. 1923, p. 36. STAT. − Fréq. abs. litt. : 139. BBG. − Banque 1963. − Bouillet 1859. − Chamb. 1970 − Chesn. 1857. − Comte-Pern. 1963. − Duf. t. 1 1965, t. 2 1965. − Grimaud (F.). Petit glossaire du jeu de boules. Vie Lang. 1968, no191, p. 110. − Rougnon 1935. − Ténot 1967. |