| ACCIDENTÉ2, ÉE, adj. 1. GÉOGR., STRATÉGIE. [En parlant d'un terrain] Qui présente des accidents, des inégalités (correspond à accident2). ,,Qualification donnée à un terrain dont la surface présente des inégalités un peu considérables. Un terrain peut être accidenté naturellement ou artificiellement; dans ce dernier cas on dit : ce terrain, ce jardin est bien accidenté; les monticules sont heureusement combinés et bien proportionnés.`` (E.-A. Carrière, Encyclopédie horticole, 1862, p. 4) : 1. (Valence) C'est une grande ville plate, éparpillée, confuse dans son plan, et sans avoir les avantages que donne aux vieilles villes bâties sur des terrains accidentés le désordre de leur construction.
T. Gautier, Tra los montes,Voyage en Espagne, 1843, p. 370. 2. ... mais je crains bien que vous ne soyez fort désenchanté, mon cher comte, vous, habitué aux sites accidentés, aux événements pittoresques, aux fantastiques horizons. Chez nous, pas le moindre épisode du genre de ceux auxquels votre vie aventureuse vous a habitué. Notre Cimborazzo, c'est Montmartre; notre Himalaya, c'est le Mont-Valérien; ...
A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 593. 3. Le paysage s'étend à perte de vue sans soulèvements, sans ondulations, uniforme et plat. À le considérer attentivement, on y découvre mille singularités d'aspect, mille variétés de lignes et de couleurs, et, malgré son apparente monotonie, on ne se lasse pas de le regarder. Et puis, vous l'avouerai-je, j'aime les paysages plats; les pays accidentés ne me sont pas agréables et les montagnes ne me plaisent plus; non pas que je les trouve inutiles dans l'harmonie générale, non pas que je veuille faire du monde une grande machine sans relief et sans imprévu, non; ...
M. Du Camp, En Hollande,1859, p. 185. 4. En Serbie, comme en Bulgarie, ce sont les parties accidentées et montagneuses, pentes ou versants à l'exclusion des plaines et vallées, qui paraissent le domaine naturel de la dispersion.
P. Vidal de La Blache, Principes de géographie humaine,1921, p. 188. 5. Un arbre solitaire, dont la cime est brisée, occupe le milieu d'une toile; mais, bien loin de rassembler autour de lui un paysage auquel il donnerait son centre de gravité, il paraît n'être là que pour faire dériver le regard vers d'autres arbres tourmentés, plus lointains, vers une plaine accidentée et, au delà de montagnes vaporeuses, vers d'autres vallées, d'autres pays, des lieues et des lieues de terre.
A. Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, p. 125. 2. Au fig. : 6. Quand la même date arrivera dans cinq ans pour Lamartine, dans vingt-deux ans pour Victor Hugo, quand elle est arrivée il y a quatre ans pour Alfred de Musset, la courbe de ces trois gloires a été et sera beaucoup plus accidentée, avec des cimes brusques et des vallées profondes.
A. Thibaudet, Réflexions sur la littérature,1938, p. 30. − Spéc. [En parlant de la vie, de l'existence...] Agité : 7. ... ce temps de ma vie, accidenté, bruyant, tourbillonnant, m'a laissé des remords plutôt que des souvenirs.
A. Daudet, Le Petit Chose,1868, p. 287. 8. Un de ces types malchanceux de la vie parisienne, un de ces êtres à la vie accidentée de hauts et de bas, un de ces hommes auxquels ont fait défaut les circonstances et auxquels, comme il le dit lui-même, a manqué le tour de clef qui fait le talent et la réussite.
E. et J. de Goncourt, Journal,mai 1891, p. 91. 9. ... ni la curiosité que j'avais d'un tel poète, de qui les mille inventions musicales, les délicatesses et les profondeurs m'avaient été si précieuses, ni même les attraits d'une carrière affreusement accidentée et d'une âme si puissante et si misérable, n'eurent jamais raison de mon obscure résistance à moi-même et d'une espèce d'horreur sacrée.
P. Valéry, Variété 2,1929, p. 159. − Rare. [En parlant d'une pers. ou des gestes d'une pers.] :
10. Les anatomies linéaires de Girodet ou Flaxmen (...) furent remplacées par un personnel habillé à la gothique, aux gesticulations accidentées.
L. Hourticq, Hist. générale de l'art. La France,1914, p. 342. 11. Tandis que je parlais, elle souleva le couvercle de la marmite; puis, le visage aveuglé d'une vapeur ardente, saisit sur la cheminée une poignée de sel, renversa une bouteille d'huile sur sa tête, heurta la table, fit tomber la lampe et s'étala de tout son long sur le carreau sonore. De telle mésaventures survenaient trop fréquemment pour qu'elle y prît garde. Mais il était difficile d'avoir une conversation suivie avec une personne si accidentée.
A. France, La Vie en fleurs,1922, p. 368. − Dans le domaine des arts (mus., sculpt.) : 12. Les corps (des pleurants des tombeaux des ducs de Bourgogne) se perdent dans ces cagoules redondantes, aux replis épais et accidentés.
L. Hourticq, Hist. générale de l'art. La France,1914, p. 113. 13. Le temple devant s'édifier sur le profil de rochers de gauche, un peu au-dessous de la crête, la façade invisible sera supposée tournée vers le fond à droite. La marche des pierres se dessine sur le fond chantant de l'orchestre par des rythmes très marqués et accidentés qui se classent, s'ordonnent peu à peu.
Chœur Invisible.
O miracle! O merveille!
Le roc marche! La terre est soumise à ce dieu,
Quelle vie effrayante envahit la nature?
Tout s'ébranle, tout cherche l'ordre,
Tout se sent un destin!
P. Valéry, Variété 3,1936, p. 108. 14. Tonalité grise et à peine accidentée, la mineur a, chez Fauré, comme son relatif do majeur, deux puissances contraires : elle est le sourire imperceptiblement voilé du jeune homme et elle est le deuil des dernières années.
V. Jankélévitch, Gabriel Fauré et ses mélodies,1938, p. 31. − Emploi subst. : 15. Le lieu commun n'est manié que par les imbéciles ou par les très grands. Les natures médiocres l'évitent : elles recherchent l'ingénieux, l'accidenté.
G. Flaubert, Correspondance,1853, p. 263. I.− Accidenté1. − 1909, Lar. mens. ill. s.v. : accidenté, ée : victime d'un accident et plus particulièrement d'un accident de travail.
I dér. de accident1* au sens de « événement grave pouvant entraîner la mort »; II 1 dér. de accident1* au sent gén. de « ce qui vient rompre la marche régulière, l'uniformité »; II 2 de accident2*. Étymol. ET HIST.
II.− Accidenté21. 1622 terme méd. « dont la santé a subi des perturbations » (Arch. hospit. de Béthume, 41 ds Quem. t. 1 1959 : Jean Corbel, povre homme grandement affligié et accidenté); 2. 1827 [en parlant d'un terrain], Gattel 1841 : accidenté, adj. : il se dit d'un terrain inégal, raboteux, d'aspects variés; et on l'emploie surtout en termes de stratégie; 1841 « dont le cours a été rompu par des accidents (d'une période de temps) » (Janin, Journ. des débats, 8 mars 1841 ds Quem. ibid. : Une nuit des plus accidentées, comme on dit aujourd'hui dans les romans nouveaux). STAT. − Fréq. abs. litt. : 102. BBG. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Hanse 1949. − Plais.-Caill. 1958. − Thomas 1956. |