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ACCIDENT1, subst. masc.
I.− Ce qui s'oppose à la substance ou à l'essence.
A.− Dans la lang. de la philos. aristotélico-scolast.
1. [P. oppos. à substance] ,,Ce qui existe, non en soi-même, mais dans un autre; (...) par ex., la couleur, la forme, qui ne peuvent être que la couleur, ou la forme de quelque chose subsistant en elle-même.`` (Foulq.-St-Jean 1962) :
1. Attributs, accidens, phénomènes; être, substance, sujet, ce sont des généralisations puisées à la source des deux faits incontestables de la croyance à mon existence personnelle et de la croyance à l'existence du monde extérieur. Maintenant, tout ce qui a été dit du corps et de l'espace, de la succession et du temps, du fini et de l'infini, de la conscience et de l'identité personnelle, tout cela doit être dit de l'attribut et du sujet, des qualités et de la substance, des phénomènes et de l'être. V. Cousin, Hist. de la philosophie du XVIIIesiècle, t. 1, 1829, p. 200.
2. Mais de l'homme à Dieu, de l'ordre visible à l'invisible, du naturel au surnaturel, de l'accident visible à la substance invisible, c'est à peine si tu as posé la mystérieuse équation, et le terme connu à côté de l'inconnu... E. Psichari, Le Voyage du centurion,1914, p. 141.
3. J'étreins la substance enfin au travers de l'accident! Je comprends maintenant l'échec de cette chose tant de fois essayée, La combinaison de notre âme avec les choses créées. P. Claudel, La Messe là-bas,1919, p. 501.
L'unité et la moralité sont des considérations secondaires, appartenant à la philosophie et non à la poésie, à l'exception et non à la règle, à l'accident et non à la substance... P. Éluard, Donner à voir,1939, p. 141.
5. D'après Cassien, en dehors de Dieu, tous les êtres sont nécessairement composés, sinon de matière et de forme, du moins d'essence et d'existence, de potentialité et d'être en acte, de substance et d'accidents. B. Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 99.
P. anal. Dans la lang. de la théol. scolast.
,,En termes de théologie, et en parlant du Saint-Sacrement de l'Eucharistie, on appelle Accidens, la figure, la couleur, la saveur, etc. qui restent après la consécration. Tous les accidens qui étoient dans les espèces avant la consécration, subsistent encore après la consécration.`` (Ac. 1798).
,,En parlant du Saint-Sacrement de l'Eucharistie, il se dit de la figure, de la couleur, de la saveur qui restent, après la consécration et la transsubstantiation. Alors il n'y a plus ni pain, ni vin, mais le corps et le sang de Notre-Seigneur et cependant les accidents du pain et du vin demeurent.`` (Guérin 1892).
,,Il faut noter qu'il est propre à l'accident, par opposition à la substance, d'exister non en lui-même mais en celle-ci. D'où le problème souvent posé : comment les accidents eucharistiques subsistent-ils, leur substance ayant disparu? Saint Thomas se borne à répondre que le premier de tous les accidents d'un corps étant la quantité étendue, tous les autres accidents du pain demeurent suspendus à celui-là, qui joue, désormais par rapport à eux le rôle qui devrait être celui de la substance.`` (Sum. théol., IIIaq. 88, a. 5 ds Bouyer 1963).
2. [P. oppos. à essence] ,,Ce qui ne fait pas partie de la nature ou de l'essence d'un être et peut devenir autre sans qu'il y ait changement d'espèce. Par exemple le fait d'être assis, ou couché, d'être à Paris, d'être en face de Pierre... Ce qu'il faut entendre par l'accident proprement dit, c'est une particularité qui advient à l'être mais qui n'en provient pas, qu'on ne peut prévoir, qu'on ne peut conclure, qui ne dérive pas de la nature de l'être.`` (Foulq.-St-Jean 1962, p. 6) :
6. Tout poème où le merveilleux est le fond et non l'accident du tableau pèche essentiellement par la base. F.-R. de Chateaubriand, Génie du christianisme,t. 2, 1803, p. 278.
7. L'espèce est définie par le genre et la différence (per genus et differentiam). Dans cette définition : l'homme est un animal raisonnable, l'animalité est le genre, l'humanité l'espèce, la raison la différence. Rire est le propre de l'homme; mais on ne peut pas faire consister dans le rire le caractère essentiel et spécifique de l'humanité. Quand on dit : Achille est blond; Socrate est camus; César est chauve; blond, camus, chauve désignent des accidents individuels. A. Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances,1851, p. 338.
8. Laissons de côté l'analyse du respect, où nous trouverions surtout un besoin de s'effacer, l'attitude de l'apprenti devant le maître ou plutôt, pour parler le langage aristotélicien, de l'accident devant l'essence. H. Bergson, Les Deux sources de la morale et de la religion1932, p. 65.
9. Soit le profond marais odorant d'où une liqueur trouble... suinte, L'idée essentielle à perte de vue enrichie par la contradiction et l'accident Et l'artère en son cours magistral insoucieuse des fantaisies de l'affluent. Il fait marcher à l'infini les moulins, et les cités l'une à l'autre par lui se deviennent intéressantes et explicables. P. Claudel, Poésies diverses,Le Fleuve, 1952, p. 851.
Sophisme de l'accident. ,,Sophisme consistant à conclure d'un caractère accidentel à un caractère essentiel, par ex. : du fait qu'un homme est mort de la grippe, que cette affection est mortelle.`` (Foulq.-St-Jean 1962).
Loc. par accident. ,,Ce qu'une chose est par soi, elle l'est en vertu de sa nature. Ce qu'elle est par accident, elle l'est pas suite de circonstances indépendantes de sa nature. Un aliment qui est sain par soi peut, par accident (étant donné par exemple l'état organique de celui qui l'absorbe) être malsain.`` (Foulq.-St-Jean1962) :
10. Les plus hautes figures poétiques, comme les plus hautes formes vivantes, n'arrivent à la lumière que par grâce et pour ainsi dire par accident. Taine. M. Barrès, Mes cahiers,t. 3, 1904, p. 97.
B.− P. ext.
1. GRAMM. (xixes.)
,,Accident, s. m. (gramm. hébr.). Il se dit par opposition à racine, de l'élément du mot qui indique les rapports secondaires de genre, de nombre, etc.`` (Ac. Compl. 1842).
,,Par accident des grammairiens anciens entendent une propriété d'un mot qui n'entre point dans la définition essentielle de ce mot. Le dérivé, le composé, le figuré sont des accidents. Le mot primitif, propre, est l'essence même. Il se dit aussi des modifications que subissent les mots sous le rapport du genre, du nombre, de la personne.`` (Besch. 1845).
,,En termes de grammaire, tous les changements que les mots peuvent éprouver. Les genres et les nombres sont les accidents des noms; les temps, les personnes, les modes, les voix sont ceux des verbes.`` (Littré).
2. PEINT. Accident de lumière (de clair-obscur)
,,Accident, en termes de peinture, est ce qui ne vient pas de la lumière principale, mais d'une fenêtre opposée, d'un flambeau, etc.`` (Ac. 1798).
,,En termes de peinture, accidents de lumière, effets de lumière partiels que produit le soleil, dans un paysage, lorsque des nuages s'interposent entre cet astre et la terre. Cette locution s'emploie également en parlant des intérieurs, lorsque, par une combinaison ingénieuse des ombres et des lumières, celles-ci se reproduisent dans certains endroits d'une manière inattendue, mais vraie, et indépendamment de la lumière générale. Il y a dans ce tableau des accidents de lumière fort piquants.`` (Ac. 1835) :
11. Ces monstrueux tableaux étaient encore assujettis à mille accidents de lumière par la bizarrerie d'une multitude de reflets dus à la confusion des nuances, à la brusque opposition des jours et des noirs. L'oreille croyait entendre des cris interrompus, l'esprit saisir des drames inachevés, l'œil apercevoir des lueurs mal étouffées. Enfin, une poussière obstinée avait jeté son léger voile sur tous ces objets, dont les angles multipliés et les sinuosités nombreuses produisaient les effets les plus pittoresques. H. de Balzac, La Peau de chagrin,1831, p. 18.
12. Velasquez et Murillo groupaient des fruits, des vases, des poissons, tous les objets qui leur offraient des couleurs vives et harmonieuses, et s'essayaient à en reproduire tous les accidents de lumière. P. Mérimée, Mosaïque,1833, p. 522.
,,Modification que le peintre apporte à l'effet général d'un tableau dans la disposition de la couleur et de la lumière. Ce mot s'emploie mieux au pluriel... On distingue des accidents de deux sortes : les accidents de lumière ou espaces lumineux éclairés par le soleil lançant ses rayons dans l'intervalle que laissent les nuages; les accidents de clair-obscur, que produisent des circonstances étrangères à la lumière générale de la composition. Ex. : Salvator-Rosa, Rubens, Rembrandt, ont employé les accidents avec une variété et une fécondité inépuisables.`` (Besch. 1845) :
13. La nature a d'ailleurs le don de tout parer. Il ne lui faut, pour cela, qu'un peu de verdure et quelques accidents de lumière. Les jeux variés du brouillard ou du soleil à travers les portiques à jour, et ces vallées, ces ponts aériens, ces escaliers gigantesques, ces maisons surexhaussées dont les toits fumants pavent l'abîme, tout ce chaos piranésien, de fantaisie orientale et biblique. J. Michelet, Sur les chemins de l'Europe,1874, p. 111.
C.− Dans ces emplois le sens glisse insensiblement vers l'idée générale de variation, de variété, qui pour l'œil de l'observateur rompent la monotonie du fond :
14. Le colosseum est un monde de ruines; tous les accidents que peuvent y produire la lumière, la végétation, le temps, se trouvent là. Rien n'est plus impossible à décrire que ces arceaux brisés, ces escaliers écroulés, ce lierre, ces plantes, ces débris suspendus; la couleur superbe du monument, les grandes lignes de la partie encore debout, tout cela varie de mille manières, selon le jour et l'ombre;... A.-M. Ampère, Correspondance et souvenirs (de 1805 à 1864),1824, p. 258.
De là, qq. emplois techn.
1. Dans la lang. de la mus. Tout signe qui indique une élévation ou un abaissement de tons dans le courant d'un morceau. ,,On appelle accidens ou signes accidentels les bémols, dièses et béquarres... des accidens de modulation auxquels l'harmonie n'a aucun égard,...`` (J.-J. Rousseau, Dict. de musique,t. 1,1768,p. 28, 316).,,Accident (musique). Il se dit des bémols, dièses ou bécarres, qui, n'étant point à la clef, se trouvent dans le courant d'un morceau.`` (Ac. Compl.1842) :
15. ... par ce si modulant, (...) tout le chromatisme moderne s'est introduit dans la musique médiévale, entraînant à sa suite la série des accidents d'écriture... V. d'Indy, Cours de composition musicale,t. 1, 1897-1900, p. 61.
2. Dans la lang. des patenôtriers (fabricants de chapelets, de boutons, de colliers, etc.). ,,Accident (arts et mét.). Petite élévation que les patenôtriers forment sur les perles factices.`` (Ac. Compl. 1842); ,,Petits dessins en relief que les patenôtriers forment sur les perles factices et sur les grains de chapelets.`` (Besch. 1845).
3. Parfois dans la lang. de la rhét. :
16. Ce ne sont plus les obscures images de la rêverie et les associations apparemment fortuites des objets dans la vie végétative de la pensée que l'on prétendra substituer à la perception banale des sens et de la raison, mais d'autres accidents : ceux qu'un artisan du verbe obtient en rapprochant des mots selon les seules exigences du rythme, de la sonorité, ou en général d'un plaisir inexpliqué naissant de leur brusque voisinage. A. Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, p. 381.
17. ... Ces remarques rapides ne tendent qu'à montrer qu'une métaphore ne devrait être qu'un accident de l'expression et qu'il y a danger à en faire une pensée. La métaphore est une fausse image puisqu'elle n'a pas la vertu directe d'une image productrice d'expression, formée dans la rêverie parlée. G. Bachelard, La Poétique de l'espace,1957, p. 81.
II.− Événement fortuit, sans motif apparent et sans lendemain, qui affecte une personne ou un groupe de personnes, en interrompant le déroulement normal, probable et attendu des choses :
18. [Accident] C'est un événement qui apparaît comme imprévisible et improbable. Par exemple une voiture au passage à niveau juste en même temps que le train. Un obus qui enlève la tête de l'aviateur. On accuse alors la fatalité, comme si l'événement était un défi aux lois du probable; et cette idée a beaucoup de vrai. Le fatalisme nous console de ce qui est arrivé; mais il ne doit pas diminuer notre prudence. Alain, Définitions,1951, [Les Arts et les dieux, Paris, Gallimard, 1961, Bibl. Pléiade] p. 1028.
1. Ce sens peut être proche du sens philos. :
19. La pensée humaine est un heureux petit accident des hasards de ses fécondations, un accident local, passager, imprévu, condamné à disparaître, avec la terre, et à recommencer peut-être ici ou ailleurs, pareil ou différent, avec les nouvelles combinaisons des éternels recommencements. Nous lui devons, à ce petit accident de l'intelligence, d'être très mal en ce monde qui n'est pas fait pour nous, ... G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, L'Inutile beauté, 1890, p. 1158.
20. Il est dans chaque livre d'histoire certaines propositions sur quoi les acteurs, les témoins, les historiens et les partis s'accordent. Ce sont des coups heureux, de véritables accidents; et c'est l'ensemble de ces accidents, de ces exceptions remarquables, qui constitue la partie incontestable de la connaissance du passé. Ces accidents d'accord, ces coïncidences de consentements définissent les « faits historiques », mais ils ne les définissent pas entièrement. P. Valéry, Variété 4,1938, p. 132.
2. Il peut désigner un événement non marqué du point de vue affectif :
21. Il y avait eu là comme un éclat de la foudre de l'église tombée à côté d'elle, et qui l'aurait effleurée... Bizarrerie des conversions qui ont leur jour, leur heure, qui peuvent venir d'un contre-coup sans raison, que des années amènent, préparent, et que fait jaillir souvent un accident, un hasard, le rien immotivé qui décide et enlève! E. et J. de Goncourt, Madame Gervaisais,1869, p. 176.
22. L'art photographique, aux yeux de la plupart des hommes, consiste surtout à capter l'événement fugace, l'accident, le sinistre imprévisible, à immobiliser la minute ou la seconde où le fantastique quotidien fait son apparition. Le photographe de génie − il peut s'en présenter un − se proposera de célébrer de façon indiscutable le prestige de l'instant. La venue de cet informateur de l'inattendu est souhaitée par beaucoup de peintres actuels, un peu fatigués de se livrer à des expériences d'ordre strictement techniques et que tente l'ange du bizarre. A. Lhote, Peinture d'abord,1942, p. 49.
3. Accompagné d'une épithète appropriée il peut désigner un événement heureux :
23. L'illusion de la politique française est de croire que de bons sentiments puissent se maintenir, se perpétuer par eux-mêmes et soutenir ainsi d'une façon constante l'accablant souci de l'état. Les bons sentiments, ce sont de bons accidents. Ils ne valent guère que dans le temps qu'ils sont sentis : à moins de procéder d'organes et d'institutions, leur source vive qu'il faut alors défendre et maintenir à tout prix, ils sont des fruits d'occasion, ils naissent de circonstances et de conjonctures heureuses. Il faut se hâter de saisir conjonctures, circonstances, occasions,... Ch. Maurras, L'Avenir de l'intelligence,1905, p. 79.
24. Larseneur tomba dans une profonde mélancolie. Peut-être rêvait-il, en secret, à quelque accident heureux. Mais de tels accidents restent le fruit du hasard. G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Désert de Bièvre, 1937, p. 215.
Cf. aussi sup. ex. 20.
Emploi techn. Au jeu de piquet, l'accident, c'est la combinaison fortuite de cartes distribuées qui vaut des points à qui les détient. ,,Les principaux accidents sont les quatorzes, les quintes, les quatrièmes, les tierces, etc.`` (Lar. encyclop.).
Rem. Pour les règles du jeu de piquet, cf. Alleau 1964, p. 402.
4. Le plus souvent, avec ou parfois sans épithète, il désigne un événement fâcheux :
25. Les événements amenés par la combinaison ou la rencontre d'autres événements qui appartiennent à des séries indépendantes les unes des autres, sont ce qu'on nomme des événements fortuits, ou des résultats du hasard. Quelques exemples serviront à éclaircir et à fixer cette notion fondamentale. − Il prend au bourgeois de Paris la fantaisie de faire une partie de campagne, et il monte sur un chemin de fer pour se rendre à sa destination. Le train éprouve un accident dont le pauvre voyageur est la victime, et la victime fortuite, car les causes qui ont amené l'accident ne tiennent pas à la présence de ce voyageur (...) A. Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances,1851, p. 38.
26. Or selon mon opinion les affaires réelles se heurtent à des obstacles d'un tout autre genre. J'ai vu des succès et des faillites, et je crois que l'organisation, comme vous dites, y importait moins que l'événement brut, l'accident, l'imprévu, comme est pour les fourmis un coup de pied dans la fourmilière. C'est au bord de l'événement que je connais l'homme. Alain, Propos,1933, p. 1138.
Il peut s'agir d'un événement ne mettant pas les jours en danger (accident moindre, petit, quelconque, simple, léger, menu, ridicule, insignifiant, minime, futile, infime, mineur) :
27. Les seuls accidents domestiques dont j'eusse encore été témoin, c'étaient, pour ainsi dire, des accidents de saison qui troublaient la symétrie des habitudes, comme par exemple un jour de pluie venant quand on avait pris quelques dispositions en vue du beau temps. E. Fromentin, Dominique,1863, p. 27.
28. Paris, 31 octobre. Tous ces temps-ci, c'est une succession de petits accidents hostiles, une conjuration d'ennuis de tous côtés, les taquineries bêtes et à la fin insupportables d'un enguignonnement de tous les jours et de toutes choses, une série de déveines. À côté des mauvais sommeils, des insomnies, ... E. et J. de Goncourt, Journal,oct. 1865, p. 210.
29. Qu'est-ce qu'une blessure! Ça n'a jamais rien prouvé. Une blessure, c'est un accident. M. Barrès, Mes cahiers,1914, p. 323.
30. Ils sont sans cesse aux aguets, toujours occupés à surveiller quelqu'un ou à se surveiller eux-mêmes, épiant les accidents, les gaffes ou les erreurs possibles, dragons de vigilance morale s'ils sont moraux − ... E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 288.
Ou d'un événement grave pouvant entraîner la mort :
31. Mais qu'apprendra au commun des hommes le drame ou le roman qui retrace à leurs yeux les misères qui les assiègent, les accidents qui les menacent? C'est une source d'intérêt inépuisable, je le sais bien, que les dures extrémités ou du péril ou du malheur; et avec des prospérités injustes et d'indignes calamités, on peut remuer aisément tous les ressorts du pathétique. Mais qu'on accumule dans un roman les accidents les plus funestes, des inondations, des naufrages, des incendies, la ruine et la désolation qui accompagnent ces grands désastres, et le désespoir qui les suit, la misère, la solitude, l'abandon, l'esclavage, l'oppression, l'horreur des cachots, le besoin... J.-F. Marmontel, Essai sur les romans,1799, p. 321.
32. D'ailleurs, on meurt d'accident, chez nous. Mon frère est mort noyé. Et moi aussi, je mourrai d'accident : d'un coup de revolver. J'ai toujours eu cette idée-là. R. Martin du Gard, Les Thibault,La Belle saison, 1923, p. 970.
33. Le suicide d'un homme est un événement essentiellement inharmonique, mais il n'est pas un événement fortuit. Un accident, comme la mort d'un homme causé par la chute d'une tuile, est à la fois inharmonique et fortuit. Même si l'on n'admet pas l'indépendance absolue des séries dans le hasard, il faut accorder qu'il n'est pas relatif à l'homme, puisque l'éloignement de la racine commune des deux séries, leur fonctionnement pratiquement indépendant, est quelque chose d'objectif. R. Ruyer, Esquisse d'une philosophie de la structure,1930, p. 337.
34. ... Metchnikoff prétend avoir observé que les vieillards extrêmement avancés en âge désirent de mourir. L'instinct de mort naîtrait ainsi après une longue vie, mais seulement lorsque c'est une mort naturelle qui nous menace; de son côté, l'instinct de conservation ne nous ferait lutter contre la mort que dans la mesure où c'est un accident, une catastrophe, une mort non naturelle qui abrège notre existence. Devant la mort vraiment naturelle, nous n'éprouverions aucun mouvement de répulsion. J. Vuillemin, Essai sur la signification de la mort,1949, p. 12.
35. Dans ce monde en ordre il y a des pauvres. Il y a aussi des moutons à cinq pattes, des sœurs siamoises, des accidents de chemin de fer : ces anomalies ne sont la faute de personne. Les bons pauvres ne savent pas que leur office est d'exercer notre générosité;... J.-P. Sartre, Les Mots,1964, p. 23.
Rem. On notera plus partic. les loc. où le compl. indique des circonstances de l'accident : - de ch. de fer (cf. ci-dessus), - de voiture, - d'autom., - de chasse, - aérien, - d'avion, - de cheval, -d'autocar, - de bicyclette, - d'ascenseur. On relève fréquemment la loc. accident de ou du.
5. De là, qq. emplois techn.
a) MÉD. Symptôme d'aggravation du mal survenant de manière inattendue dans le cours d'une maladie et mettant la vie en danger.
,,Proprement, accident d'une maladie, ou symptôme accidentel, symptôme qui tend à la rendre plus grave, comme une hémorragie, des convulsions, etc., lorsque ces symptômes ne lui sont point essentiels. Généralement, accident, symptôme accidentel, phénomène qui survient dans le cours d'une maladie, soit que son apparition ajoute ou non à sa gravité : dans ce sens, accident est synonyme d'épiphénomène, qui doit être employé de préférence.`` (Littré-Robin 1865). (Cf. aussi ci-dessus I 2) :
36. Le délire compliquait le mal, et des accidents nerveux l'aggravaient. Les moments lucides devinrent de plus en plus rares; ma pauvre femme semblait avoir perdu le sentiment de ce qui se passait autour d'elle. Des paroles sans suite, des mots entrecoupés, produits d'affreux cauchemars, s'échappaient de sa bouche; des gestes convulsifs attestaient la violence de la lutte et les efforts d'une riche constitution. Depuis que la maladie avait pris cette gravité, je ne quittais plus le chevet de la mourante. L. Reybaud, Jérôme Paturot,1842, p. 443.
34. De fait, je n'ai jamais eu dans la suite le moindre accident, la plus légère menace de récidive. R. Martin du Gard, Les Thibault,La Consultation, 1928, p. 1101.
− Dans la lang. de la fauconn.,,Se dit des maladies et blessures auxquelles les oiseaux de proie sont sujets.`` (Besch. 1845).
b) DR. ,,Fait involontaire ou événement fortuit qui cause un dommage aux personnes ou aux choses et qui, s'il résulte de la faute, de l'imprévoyance ou de la négligence de quelqu'un, peut mettre en jeu la responsabilité de celui-ci.`` (Lar. encyclop.).
c) SÉCURITÉ SOC. Accident du travail. ,,L'article 2 de la loi du 30 octobre 1946 précise que l'on doit considérer comme un accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail, à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise. La définition précise de l'accident du travail permettant de le distinguer de la maladie professionnelle a été donnée par la Cour de Cassation dans un arrêt du 21 octobre 1941. « L'accident du travail est une atteinte à l'intégrité du corps humain survenue par suite de l'action violente et soudaine d'une cause extérieure ».`` (Lafon 1963) :
38. Le culte de la richesse eut ses martyrs. L'un de ces milliardaires, le fameux Samuel Box, aima mieux mourir que de céder la moindre parcelle de son bien. Un de ses ouvriers, victime d'un accident de travail, se voyant refuser toute indemnité, fit valoir ses droits devant les tribunaux, mais rebuté par d'insurmontables difficultés de procédure, tombé dans une cruelle indigence, réduit au désespoir, il parvint, à force de ruse et d'audace, à tenir son patron sous son revolver, menaçant de lui brûler la cervelle s'il ne le secourait point... A. France, L'Île des Pingouins,1908, p. 401.
39. La législation des accidents du travail et des maladies professionnelles a pour but de protéger les salariés et assimilés contre le risque d'accidents et de maladie résultant de l'exécution de leur travail. Nouveau répertoire de droit, Paris, Dalloz, t. 1, 1962.
Accident de trajet. ,,La loi du 23 juillet 1957 précise qu'est considéré comme accident du travail l'accident survenu pendant le trajet d'aller et retour entre : a) la résidence principale, une résidence secondaire présentant un certain caractère de stabilité ou tout autre lieu où le travailleur se rend de façon habituelle pour des motifs d'ordre familial et le lieu de travail; b) le lieu de travail et le restaurant, la cantine ou, d'une manière plus générale, le lieu où le travailleur prend habituellement ses repas. Dans tous les cas, le parcours n'a pas dû être interrompu ou détourné pour un motif dicté par l'intérêt personnel, et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante ou indépendant de l'emploi.`` (Réau-Rond. Suppl. 1962).
Stylistique − Dans ces 2 accept. fondamentales, accident est gén. stable. On note cependant une certaine dévitalisation du sens I (métaphys.) à partir du xviiies.; parallèlement, le sens phys. s'applique à des domaines techn. de plus en plus nombreux (cf. étymol. et hist.). L'accident peut être personnifié : 40. ... nous avons monté à Passy, moi le soutenant sous le bras, lui marchant fermement, le mouchoir tout rougi, comme un accident ensanglanté qui passe, comme un maçon tombé d'un toit. E. et J. de Goncourt, Journal, févr. 1869, p. 492. 41. ... les tués pour elle c'était rien que des accidents, comme aux courses, y n'ont qu'à bien se tenir, on ne tombait pas. En ce qui la concernait, elle n'y découvrait dans la guerre qu'un grand chagrin nouveau qu'elle essayait de ne pas trop remuer; il lui faisait comme peur ce chagrin; il était comblé de choses redoutables qu'elle ne comprenait pas. Elle croyait au fond que les petites gens de sa sorte étaient faits pour souffrir de tout, que c'était leur rôle sur la terre,... L.-F. Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932, p. 120. L'adversité peut except. être prise en bonne part : 42. Il disait : J'habite sous le toit des tuiles qui tombent. Peu étonné, car pour lui l'accident était le prévu, il prenait la mauvaise chance en sérénité et souriait des taquineries de la destinée comme quelqu'un qui entend la plaisanterie. Il était pauvre, mais son gousset de bonne humeur était inépuisable. Il arrivait vite à son dernier sou, jamais à son dernier éclat de rire. Quand l'adversité entrait chez lui, il saluait cordialement cette ancienne connaissance; il tapait sur le ventre aux catastrophes; il était familier avec la fatalité au point de l'appeler par son petit nom. − Bonjour, Guignon, lui disait-il. V. Hugo, Les Misérables, t. 1, 1862, p. 781. Dans le 1erdes ex. suiv. le terme accident est synon. de accessoire (en peint.), dans le second il est associé de façon imagée au vocab. de la géol. (cf. accident2) : 43. Il faut peindre ce tableau-là... Et ne pas oublier quelqu'un de ces accidents intéressants, comme une belle armure brodée par quelque belle et bientôt enlevée à celui qui la porte et devenue la proie d'un ennemi. A. Chénier, L'Amérique, 1794, p. 128. 44. ... celui qui tient commerce, en ville, de très grands livres : almagestes, portulans et bestiaires; qui prend souci des accidents de phonétique, de l'altération des signes et des grandes érosions du langage;... Saint-John Perse, Exil, 1942, p. 227.