| AVEUGLE adj. et n. XIe siècle, avogle ; XVe siècle, aveugle. Issu d'une locution du bas latin ab oculis, tirée, par ellipse, de orbus ab oculis, « privé d'yeux ». ★I. Adj. ☆1. Privé du sens de la vue. Il est aveugle. Elle est aveugle. Cet enfant est aveugle de naissance. Il devient aveugle, il perd peu à peu la vue. Fig. Aveugle à, qui ne peut ou ne veut pas percevoir. Il était aveugle à la beauté de ce paysage. Par méton. Un regard aveugle, un regard qui ne voit pas, ou qui paraît ne pas voir. ANAT. Point aveugle, zone de la rétine dépourvue de cellules visuelles. • Expr. fig. et fam. Changer, troquer son cheval borgne contre un cheval aveugle, changer par méprise une chose défectueuse contre une autre plus défectueuse encore ; éviter un inconvénient pour tomber dans un autre, plus grave. ☆2. En parlant d'une personne. Qui a le jugement troublé par la passion, ou qui manque de lumières, de raison. Les amants sont aveugles. L'ambition, la colère le rend aveugle. Chacun est aveugle dans sa propre cause. Aveugle sur ses défauts, il est clairvoyant sur ceux des autres. Il faut être bien aveugle pour ne pas s'apercevoir de pièges aussi grossiers. • Par ext. Qui agit ou paraît agir sans aucun discernement. Il fut l'aveugle instrument de leur vengeance, l'instrument inconscient. Le hasard, cette puissance aveugle. Le sort est aveugle. La fortune est aveugle, la fortune favorise souvent des personnes qui ne le méritent pas. ☆3. En parlant d'une disposition, d'un sentiment, d'une passion. Qui ne permet pas la réflexion, l'examen ; qui trouble le jugement, qui prive de lumières, de raison. Une obéissance aveugle, qui ne connaît pas de limite et écarte toute objection. Soumission aveugle. Complaisance aveugle. Zèle aveugle. Confiance aveugle. Une foi aveugle en quelqu'un, dans ce que dit quelqu'un. La haine est aveugle, elle suit sa propre impulsion en échappant au contrôle de la raison. Ambition aveugle. Amour aveugle. ☆4. Spécialt. ARCHIT. Façade aveugle, dépourvue d'ouvertures. Arcade, fenêtre aveugle, fausse arcade, fausse fenêtre aménagée pour la symétrie. - ANAT. Cavité aveugle, se terminant en cul-de-sac dans les os ou les tissus du corps. Trou aveugle de l'os frontal, de la langue. - GÉOL. Vallée aveugle, vallée qui se termine brusquement contre un versant et dont les eaux sont absorbées par le sol. - CUIS. Fam. Bouillon aveugle, potage trop maigre pour qu'apparaissent à la surface les petits ronds de graisse appelés « yeux ». ★II. N. ☆1. Personne privée de la vue. Un aveugle-né, un aveugle de naissance. Un aveugle de guerre. Une jeune aveugle. La canne blanche des aveugles. Un chien d'aveugle. Aider un aveugle à traverser la rue. Un livre en braille à l'usage des aveugles. L'Institut national des jeunes aveugles. Il tâtonnait dans la nuit comme un aveugle. ☆2. Loc. adv. À l'aveugle (vieilli), ou en aveugle, comme le ferait un aveugle. Il avançait en aveugle dans le souterrain. Fig. Sans discernement ou sans réflexion. Il agit en aveugle. Juger en aveugle. ☆3. Expr. Juger des faits comme un aveugle des couleurs, sans en avoir aucune connaissance. C'est un aveugle qui en conduit un autre, il ne montre pas plus de prudence ou d'habileté que celui dont il prétend diriger les actions. • Prov. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois, on brille aisément au milieu d'un entourage médiocre. |