| ABREUVER, verbe trans. Pourvoir abondamment en liquide des êtres vivants, le sol, certains matériaux, de manière à désaltérer ou imbiber jusqu'à saturation. (Emplois fig. possibles dans toutes les constr.). I.− Emploi trans. [Sans ou avec obj. second.] A.− Abreuver + obj. dir. 1. Sens propre a) [L'obj. est un animé] − [Animal domestique] :
1. ... je veux un jour, en des bords retirés,
Sur un riche coteau ceint de bois et de prés,
Avoir un humble toit, une source d'eau vive,
Qui parle, et, dans sa fuite et féconde et plaintive,
Nourrisse mon verger, abreuve mes troupeaux.
A. Chénier, Élégies,Souhaits de vie indépendante, 1794, p. 150. 2. Je m'assis à l'entrée du bocage, sur une des larges pierres qui sont au bord de la fontaine, et où l'on vient encore abreuver les vaches du village.
Mmede Krüdener, Valérie,Préf. 1803, p. 54. 3. La nuit commence à pâlir lorsque nous arrivons sur les bords d'un petit lac, où les porteurs vont boire, abreuver les chevaux et se reposer un instant.
A. Gide, Le Retour du Tchad,1928, p. 959. − [Personne] :
4. Sais-tu, les yeux vers le ciel,
Ce que dit la pauvre veuve?
− Un ange au fiel qui m'abreuve
Est venu mêler son miel.
V. Hugo, Les Chants du crépuscule,1835, p. 180. 5. Ainsi, je m'exécutais en plein : j'allais voiturer, nourrir, abreuver, loger, héberger mes électeurs;...
L. Reybaud, Jérôme Paturot,1842, p. 330. 6. Est-ce que nous n'avons pas une véritable parenté de corps avec cette terre d'où nous sortons, où nous rentrons, qui nous porte, qui nous abreuve, qui nous nourrit comme une nourrice de ses mamelles?
A. de Lamartine, Le Tailleur de pierre de Saint-Point,1851, p. 440. 7. On dit à cette mère d'abreuver son enfant; elle le fait tant bien que mal; on lui dit de pencher plus à droite ou plus à gauche la calebasse qu'elle incline vers la soif de l'enfant.
A. Gide, Le Retour du Tchad,1928, p. 925. b) [L'obj. est un inanimé] − [Un sol, une terre] :
8. Le printemps naissait sous les palmes; les abricotiers étaient en fleur, bourdonnant d'abeilles; les eaux abreuvaient les champs d'orge;...
A. Gide, Si le grain ne meurt,1924, p. 603. − Emplois techn. :
♦ CONSTR. ,,Mettre sur un fond poreux une couche d'huile ou d'enduit pour boucher les pores et rendre la surface lisse. Jeter de l'eau sur une paroi en maçonnerie avant d'appliquer un enduit, de façon à faciliter l'adhérence de celui-ci.`` (Lar. encyclop.). ♦ EXPLOITATIONS SALINIÈRES. Abreuver une table ou un œillet, ,,introduire de l'eau de mer concentrée sur les tables salantes ou cristallisoirs.`` (Lar. encyclop.). ♦ MAR. Abreuver un vaisseau, ,,y faire entrer de l'eau avant de le lancer, pour voir s'il n'y a pas une voie d'eau.`` (Littré). ♦ MÉTALL. ,,En fonderie, s'infiltrer dans la masse du sable d'un moule, en parlant du métal liquide.`` (Lar. encyclop.). ♦ PEAUSS. Abreuver une fosse, ,,recouvrir d'eau ou d'un jus tannant les cuirs empilés dans une fosse entre des couches de tan.`` (Lar. encyclop.). ♦ PEINT. ,,Mettre sur un fond poreux une couche d'huile, d'encollage, de couleur ou de vernis, pour en boucher les pores et en rendre la surface unie.`` (Ac. 1878) : 9. On dit... abreuver quand on met une couche de colle de Flandre ou d'Angleterre, pour remplir les pores du bois, avant de mettre le vernis,...
A.-J. Pernéty, Dict. portatif de peinture, sculpture et gravure, avec un traité pratique des différentes manières de peindre,1757, p. 1. ♦ TONNELLERIE. Abreuver des tonneaux, des cuves, ,,les remplir d'eau pour faire gonfler le bois, et par ce moyen, s'assurer qu'ils ne fuient pas.`` (Lar. encyclop.) : 10. Abeurver. − Abeurver le persoué, − abreuver le pressoir, le remplir d'eau pour obtenir le gonflement du bois et rendre la maie étanche.
Verr.-On. t. 1 1908, p. 4. 11. Les manutentions de transvasement se faisaient aux mains des désœuvrés par l'hiver : charpentiers, couvreurs, maçons, qui venaient abreuver et rouler les fûts.
P. Hamp, Vin de Champagne,1909, p. 146. 2. [L'obj. désigne des besoins ou des désirs éprouvés par les hommes] Emploi fig. : 12. ... j'ai mis mon patriotisme à braver les dégoûts dont on ne cesse d'abreuver la soif que j'ai montrée d'aider mon pays de ces armes...
P.-A. Beaumarchais, Époques,1793, p. 183. 13. Pour me rendre le repos, c'est une religion nouvelle qu'il me faudrait, où personne n'aurait encore puisé. C'est elle que je cherche. C'est là seulement que je pourrai abreuver la soif infinie qui me dévore.
E. Quinet, Ahasvérus,1833, p. 228. 14. Accablez-la, foulez-la, abreuvez le désir, gorgez l'appétit, assouvissez la fantaisie; que le bruit des tambourins fasse saigner vos oreilles, que la fumée des viandes vous soulève le cœur de dégoût, et que le rassasiement de la femme vous donne envie de mourir.
G. Flaubert, La Tentation de Saint Antoine,1reversion, 1849, p. 270. 15. O mon cœur! Je vous ai largement abreuvé.
Ma chair, je vous ai soûlée d'amour.
A. Gide, Les Nourritures terrestres,1897, p. 241. B.− Abreuver + obj. dir. + obj. second. (prép. de)[L'obj. dir. désigne le plus souvent une pers.; l'obj. second. précise la matière de l'abreuvement] 1. Sens propre [L'obj. second. désigne un liquide] : 16. Il [Jack] essayait même de sourire à sa robuste garde-malade quand elle l'abreuvait de tisanes brûlantes.
A. Daudet, Jack,t. 2, 1862, p. 340. 17. Place du Tertre, elle [Julie] nourrit sa petite ilote, l'abreuva de vin d'Asti.
Colette, Julie de Carneilhan,1941, p. 139. 18. « Quand tu auras abreuvé la terre de tes larmes, jusqu'à une profondeur d'un pied, alors tu te réjouiras de tout. »
A. Camus, Les Possédés,adapté de Dostoïevski, 1959, p. 966. Rem. Dans l'ex. suiv. l'obj. second. est remplacé par un circ. de moyen (prép. avec) : 19. ... supposons qu'il appelle tous les arts pour orner le lieu de la fête dans ses diverses parties, et qu'il ordonne aux préparateurs d'employer pour la bonne chère toutes les ressources de l'art, et d'abreuver les convives avec ce que les caveaux contiennent de plus distingué;...
J.-A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût,1825, p. 268. 2. Au fig. [L'obj. second. désigne une entité abstr.] − En bonne part : 20. ... il m'a abreuvé une partie de la nuit d'attentions et de liqueurs fines, mais j'ai néanmoins gardé mon indépendance.
H. Murger, Scènes de la vie de bohème,Préf. 1851, p. 132. Rem. Except., l'obj. désigne une pers. : 21. Eh! vous faites bien, très-bien, fort bien de commencer vos lettres par vous-même. Servez d'abord le bon vin comme aux noces de Cana, abreuvez-moi de vous, mon amie, qu'est-ce qui peut m'intéresser davantage?
E. de Guérin, Lettres,1840, p. 350. − Le plus souvent en mauvaise part : 22. Je ne m'abuse plus : soigneux de me déplaire,
Il n'est pas un chagrin qu'il ne veuille me faire.
Depuis que de l'hymen le nœud m'attache à lui,
Il m'abreuva de honte, il m'abreuva d'ennui : ...
G. Legouvé, La Mort de Henri IV,1806, II, 2, p. 367. 23. Le Christ pouvait-il mieux choisir le lieu de ses larmes? pouvait-il « arroser de la sueur de sang une terre » plus labourée de misères, plus abreuvée de tristesses, plus imbibée de lamentations?
A. de Lamartine, Voyage en Orient,t. 1, 1835, p. 426. 24. Et toujours lorsqu'elles lui revenaient aux lèvres, ces exquises et funèbres plaintes évoquaient pour lui un site de banlieue, un site avare, muet, où, sans bruit, au loin, des files de gens, harassés par la vie, se perdaient, courbés en deux, dans le crépuscule, alors qu'abreuvé d'amertumes, gorgé de dégoût, il se sentait, dans la nature éplorée, seul, tout seul, terrassé par une indicible mélancolie, par une opiniâtre détresse, ...
J.-K. Huysmans, À rebours,1884, p. 274. 25. ... l'innombrable armée des sans-talents, qui remplit les salles de théâtre et les bureaux de rédaction des journaux, épieront toutes tes actions dont ils feront des crimes, ils t'abreuveront d'outrages. Ils publieront sur toi mille et mille calomnies.
A. France, La Vie en fleur,1922, p. 544. 26. Il est comme « cloué à la croix de sa fiction », il subit « l'influence hypnotisante d'un pan de vie fictif » (Adler). La fiction peut, à un moment donné, revêtir un caractère concret : cet enfant qui a été abreuvé de privations (notamment alimentaires) est pris d'une rage de possession et de conquête, ...
E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 599. II.− Emploi absolu [L'obj. inexprimé est un animé] Sens propre et parfois figuré : 27. Du vin! toujours du vin! crie-t-il aux domestiques, qui ne se lassent point d'abreuver à la ronde.
L. Gozlan, Le Notaire de Chantilly,1836, p. 287. 28. Il est fêté, nourri, abreuvé, grisé pendant quelques jours, au bout desquels le marié, qui est le maire du village, lui donne une lettre de recommandation pour un ami de Valence.
E. et J. de Goncourt, Journal,mars 1872, p. 876. 29. À toi, nature, je me rends;
Et ma faim et toute ma soif.
Et, s'il te plaît, nourris, abreuve.
Rien de rien ne m'illusionne; ...
A. Rimbaud, Derniers vers,Bannières de mai, 1872, p. 157. 30. Resserré dans un chef-d'œuvre, l'enthousiasme d'un beau génie se dilatera indéfiniment dans les âmes. La fontaine a jailli si fort qu'elle ne cessera plus dès lors d'abreuver.
M. Barrès, Une enquête aux pays du Levant,t. 2, 1923, p. 158. 31. Et toi, vieux bétail, il te conduisait comme un jeune berger dans les invisibles prairies dont tu n'eusses rien su dire sinon que pour une minute tu te sentais comme allaité et rassasié et abreuvé.
A. de Saint-Exupéry, Citadelle,1944, p. 846. 32. « Bienheureux », dit l'évangile, « ceux-là qui ont faim et soif de la justice ». Faim et soif comme quelque chose à boire qui abreuve et comme de pain pour le manger qui nourrisse. « Bienheureux », entendez-vous « Faim et soif »... C'est aujourd'hui même qu'il est bon d'avoir faim et soif!
P. Claudel, Visages radieux,La Vocation de Saint Louis, 1947, p. 769. III.− Emploi réfl. S'abreuver[Emploi le plus souvent fig.] Stylistique − Lorsque le compl. (obj. premier) ne désigne pas des anim. ou des obj. techn., le verbe se prête facilement à des emplois fig.; d'où sa fréquence dans la lang. litt., et spéc. dans la lang. poét. Le sens propre est presque toujours perceptible dans ces emplois.A. [Avec un compl. marquant l'orig.] S'abreuver à : 33. ... nul n'aura fait jaillir fontaine plus féconde,
Où, depuis deux mille ans, sans la tarir, le monde
S'abreuve et puise encore, ignorant aujourd'hui
Qu'il boit à cette source et qu'elle coule en lui.
A. Brizeux, Marie,1840, p. 95. 34. C'est devant leurs œuvres que plus tard, dans les musées, enfin modernisés et ouverts à tous, le peuple aimera se reposer de ses peines et anticiper sur ses vacances, comme les américains, aujourd'hui saturés de rationalisation, vont goulûment s'abreuver aux inquiétantes fantasmagories du surréalisme.
A. Lhote, Peinture d'abord,1942, p. 160. B. [Avec un obj. second.] S'abreuver de : 35. Abreuvez-vous journellement des eaux de la crainte du seigneur; abreuvez-vous en constamment, et jusqu'à vous enivrer de cette boisson salutaire.
La crainte du seigneur est une seconde création pour l'homme. Elle éloigne de lui tous les maux.
Elle absorbe toutes les autres craintes.
Elle peut même absorber vos inquiétudes sur cette prescience qui vous tourmente, parce qu'elle peut vous unir à l'action universelle, et à l'éternelle continuité de la lumière.
L.-C. de Saint-Martin, L'Homme de désir,1790, p. 94. 36. Elle suivait ses gestes, elle combattait avec lui, elle terrassait avec lui, elle s'enivrait de ses triomphes; et, sans le savoir, elle s'abreuvait à longs traits d'un ardent et impérissable amour.
R. Toepffer, Nouvelles génevoises,1839, p. 90. 37. Son cerveau [de Louvel] nourrissait une seule pensée, comme un cœur s'abreuve d'une seule passion.
F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 3, 1848, p. 37. Rem. Le fait d'abreuver jusqu'à saturation, rapproche souvent ce verbe de absorber (ex. 35). Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [abʀ
œve], j'abreuve [ʒabʀ
œ:v]. Dub. 1966 et Pt Lar. 1968 transcrivent la 2esyllabe de abreuver avec [ø] fermé (cf. aussi DG qui transcrit [ø] pour tous les mots de la famille). D'apr. Grammont Prononc. 1958, pp. 49-50, cet [ø] fermé s'explique par harmonisation vocalique : ,,abreuve (abroèv), abreuvoir (abroèvwar), mais abreuver (abroévé)``. Cf. aussi Rouss.-Lacl. 1927, p. 40. Enq. : /abʀø2v/. Conjug. parler. 2. Dér. et composés : abreuvage, abreuvement (anc. abreuveur), abreuvoir. 3. Hist. − Le mot apparaît sous sa forme actuelle dès le xiiies. (cf. étymol.) et il est attesté régulièrement sous cette forme dans les dict. dep. Ac. 1740. Il entre dans la lang. au xiies. sous la forme abevrer (cf. étymol.); du xiieau xvies., on relève les var. suiv. (cf. ex. ds Gdf. Compl. et ds Hug.) : abeivre, aboivre, abovrer, abuvrer, abeuvrer. Nicot 1606 donne concurremment abbreuver et abruver. La forme avec redoublement de b est empl. comme vedette ds Fur. 1690, Ac. 1694, Fur. 1701 (parallèlement avec abreuver), Trév. 1704 et Ac. 1718. Rich. 1710 est le 1erà donner comme vedette unique la forme mod. Étymol. − Corresp. rom. : a. prov., cat. abeurar; esp. abrevar; port. abeberar; ital. abbeverare.
1. Ca 1100 « faire boire abondamment » (emploi fig.; trad.) Ps. d'Oxford, éd. F. Michel, 59, 3 : abevras nus del vin compunctium (cf. xiiies. forme abreuvas ds Liber psalm., LIX, 3 ds Ps. Oxford éd. F. Michel, Appendice 300 : A ton pueple durté monstras, De compunction l'abreuvas); 1164 « id. » (Chrét. de Troyes, Erec et Énide, éd. M. Roques, 2045 : Que les cuers dedanz en aboivrent); 2. 1155 « faire boire abondamment (un homme) » (sens propre) (Brut., éd. Arnold, 6604 : Bien les pout, bien les abevra... Assez suvent esteient ivre); « id. (un animal) » déb. xiiies., (Aymeri de Narbonne, éd. Demaison, 3911 ds T.-L. : ces chevax ferrent et moinent abuvrer).
Du lat. vulg. *abbĭbĕrare, dér. de biber, subst. fém. « boisson », (Caesar Arelatensis, Regula monachorum, 22 ds TLL s.v., 1954, 65 : in prandio binas biberes... accipiant), dér. de biber, inf. syncopé de bibĕre « boire » (dep. Caton, Orig. frag., 121; cf. iies. av. J.-C. Fannius ds Annalium fragm. 2 ds TLL s.v., 1960, 33 : jubebat biber dari). Le lat. vulg. rend souvent « abreuver » par potāre (fréq. en lat. chrét. : voir Blaise et Ronsch, Itala und Vulg. s.v. cf. av. 1reattest. : Vulg., Ps. lix, 5 : potasti nos vino compunctionis). Aboivrer a subi l'infl. de l'a. fr. boivre (voir boire); abreuver est une forme métathétique de abevrer.
HIST. − Le préf. a- apporte la notion de factitivité (« faire boire » d'où intervention d'une pers.), à laquelle peut s'adjoindre une idée de mouvement (« faire et mener boire ») ou une idée d'approche, d'atteinte d'une limite. Une idée d'abondance s'attache aussi au mot (« faire boire abondamment », « imbiber jusqu'à saturation »). On remarque enfin que les 1resattest. du mot sont fig. et appartiennent au lang. biblique. A.− « Faire boire abondamment », des hommes d'abord, puis des animaux (cf. étymol.), au propre et au fig. (cf. étymol.). Ce sens, vivant dep. le xiies., subsiste, mais dès Fur. 1690 il ne s'applique qu'à des animaux et particulièrement aux chevaux : En ce sens, il ne se dit qu'en parlant des chevaux et des bestiaux. Ac. 1718. Ce n'est qu'au xixes. qu'on le trouve à nouveau empl. en parlant des hommes (cf. sém.), et souvent de façon ironique : Il se dit quelquefois en parlant des personnes, et ordinairement par plaisanterie, Vous nous avez bien abreuvés. Ac. 1835. B.− « Imbiber d'eau ou d'un liquide » qqc., attesté dep le Moy. Âge. − 2emoitié du xiies. : Si com la pluie qui bien arose et aboivre la terre. Commentaire sur les Psaumes, p. 141 (Gdf. Compl.) − xvies. : Un drap abbreuvé d'eau, c'est trempé et outré d'eau. Nicot 1606. Ce sens subsiste et donne naissance à plusieurs emplois techn. (cf. inf., D). A connu cependant une restriction au xviiies. où il semble réservé à la pluie : Se dit aussi de l'effet de la pluye sur la terre, lorsqu'elle la penetre. (...) on dit que la terre est bien abbreuvée, quand il a bien pleu. Ac. 1718. C.− Au fig. 1. Dep. le xvies. : On dit par métaphore, Abbreuver aucun de quelque opinion ou persuasion, pour le remplir, imbuer et outrer de telle opinion ou persuasion. Nicot 1606. Très fréq. à cette époque, cf. les 32 ex. ds Hug., avec différentes constr. et différentes nuances de sens : − abreuver qqn « le pénétrer profondément (d'une croyance, d'une opinion, d'un goût...) »; − abreuver qqn de qqc. « l'en informer, lui en parler »; − abreuver qqn que « faire savoir à qqn que »; − estre abreuvé de qqc. « en avoir connaissance »; − abreuver « persuader faussement »; − estre abreuvé de qqn « se laisser tromper par qqn »; − se laisser abreuver de « se laisser amener à ». − xviies. : Instruire, prevenir quelqu'un par quelque chose, et l'en remplir. (...). Tout le monde est abbreuvé de cette nouvelle. Fur. 1701. Il est vivant jusqu'au xixes., DG le dit vieilli. 2. P. ext. du sens précédent (cf. sup. B) « remplir, saturer » + notion abstr., vivant dep. le xiiies., subsiste : − xiiies. : Et si les aboivrent de joie. Renaut de Beaujeu, Le Beau Desconneu, 4716 (Gdf. Compl.). − xvies. : Tout le fiel.. Dont un amant fut jamais abreuvé. Malherbe, V, 27 (Littré). − xviiies. : On dit aussi figurément, Abreuver quelqu'un de chagrins, pour Lui faire essuyer des peines d'esprit. Ac. 1798. D.− Emplois techn., cités ci-dessous dans l'ordre chronol. de leur apparition : 1. « Faire subir la question par l'eau », 1 attest. isolée xiiies. : Se il est pris sur celuy maufait, ou en est ataint par garens qu'il li virent faire, ou par ce que il le gehist en la cort par sa volenté, ou par ce c'on l'abevra, ou li fist hon aucun autre martire. Assises de Jerusalem, II, 82 (Gdf. Compl.). 2. Tonnellerie, abreuver les tonneaux, 1reattest. lexicogr. ds Nicot 1606, subsiste. 3. Agric. « arroser », 1reattest. lexicogr. ds Fur. 1690, subsiste. 4. Vernissage, 1reattest. lexicogr. ds Fur. 1701, subsiste. 5. Mar., 1reattest. lexicogr. ds Encyclop. 1751, subsiste. 6. Peint., 1reattest. lexicogr. ds Trév. 1771, subsiste. Cf. aussi sém. I, B, 2. − Rem. Le mot peut être empl. sans chang. de sens à la forme réfl. ou absolue. STAT. − Fréq. abs. litt. : 507. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 1 084, b) 744; xxes. : a) 607, b) 463. BBG. − Barb. − Card. 1963. − Chabat t. 1 1875. − Chesn. 1857. − Dupin-Lab. 1846. − Jal 1848. − Littré-Robin 1865. − Nysten 1814-20. − Plais.-Caill. 1958. − Remig. 1963. − Will. 1831. |