| ABOIEMENT, subst. masc. A.− Sens propre. Cri naturel du chien ou d'autres animaux d'espèce voisines : 1. Il y avait dans ce courant d'air harmonieux toutes les pensées des temps héroïques de la noblesse, fondues en notes attendrissantes pour le cœur : la joie des hauts chasseurs, les aboiements des lévriers, les hennissements des chevaux, les sanglots du cerf, la voix des nobles damoiselles intercédant pour lui.
L. Gozlan, Le Notaire de Chantilly,1836, p. 79. 2. ... le chien se mit à hurler de toutes ses forces. Je n'y gagnais pas beaucoup : aboiements ou hurlements, cris de fureur, ou cris d'angoisse allaient toujours au même but, c'est-à-dire aux oreilles d'Hadgi-Stavros.
E. About, Le Roi des montagnes,1857, p. 218. Rem. 1. Le vocab. de la vén. préfère aboi*. 2. Autres assoc. attestées : aboiements de sirènes, aboiements de chacals. 3. Un emploi exceptionnel : 3. Que c'est solennel le milieu de ces longs jours d'été, quand parmi l'aboiement des cigales ininterrompu dans la lumière qui fait tout disparaître, on entend comme le bruit d'un dieu qui aiguise son épée!
P. Claudel, Protée,1reversion, 1914, II, 3, p. 344. − P. ext. (cf. aboyer) : 4. La voix suprême de notre temps, celle qui fait taire tout amour, tout génie, toute conscience, c'est l'horrible aboiement du canon.
J. Green, Journal,1931, p. 42. B.− Au fig. [En parlant de l'homme, comparé à un chien] .
1. Voix désarticulée, cri : 5. La musique nous recompose peut-être encore mieux. Plus profondément; car le cri est au-dessous du mot; c'est l'animalité pure; et c'est à ce niveau que la musique nous reprend, voulant nous faire entendre qu'avant de bien penser, avant même de régler la parole, il faut régler le gémissement et l'aboiement, qui sont nos premières erreurs et peut-être nos seules erreurs. Si tu veux penser, commence par ne pas crier. Un cri c'est une chose qui tombe, c'est une chose qui vieillit. Le son au contraire est un miracle de constance; le son est un cri qui ressemble à lui-même; le son prend comme loi d'être ce qu'il est, de demeurer ce qu'il est.
Alain, Propos,1927, p. 716. 6. De l'un des lits du centre partaient sans arrêt ces gémissements où la douleur devient plus forte que toute expression humaine, où la voix n'est plus que l'universel aboiement de la souffrance, le même chez les hommes et les animaux : des jappements qui suivent le rythme de la respiration, et dont celui qui écoute sent qu'ils vont s'arrêter avec le souffle.
A. Malraux, L'Espoir,1937, p. 509. 7. Au loin, Siry entendait l'aboiement incompréhensible d'un haut-parleur espagnol où parlait le père Barca, ...
A. Malraux, L'Espoir,1937, p. 807. Rem. A la différence du suivant, cet emploi n'est pas toujours péj. 2. Péj. Domaines de la pol., du journ., etc.Parole, discours parlé ou écrit : 8. ... faire préconiser ses exploits par toutes les trompettes de la renommée, et revenir triomphant, précédé des aboiemens de l'intrigue qui vous proclame le libérateur de la France et le héros de tous les mondes possibles; voilà l'une des chances innombrables que peut présenter un tel système de guerre; ...
M. Robespierre, Discours,1792, p. 142. 9. Du reste, insurrection, émeute, en quoi la première diffère de la seconde, le bourgeois, proprement dit, connaît peu ces nuances. Pour lui tout est sédition, rébellion pure et simple, révolte du dogue contre le maître, essai de morsure qu'il faut punir de la chaîne et de la niche, aboiement, jappement; jusqu'au jour où la tête du chien, grossie tout à coup, s'ébauche vaguement dans l'ombre en face de lion.
V. Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 276. 10. Lui-même, de temps en temps, publiait, ou faisait publier, quelque remarque caustique, quelque petit aboiement aux talons de confrères dont le succès (ou insuccès) l'agaçaient.
V. Larbaud, Journal,novembre 1934, p. 335. Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [abwamɑ
̃]. Enq. : /abwamɑ
̃/. 2. Dér. et composés : cf. aboyer. 3. Forme graph. − Ortho-vert 1966 indique encore la possibilité de la graph. aboîment bien que Ac. 1932 ne la retienne plus. 4. Hist. Au xiiies., on relève les var. graph. abaiement (cf. étymol.) et abeiement (cf. Gdf. Suppl.), ei alternant avec ,,ai qui avait pris la prononciation de èi`` (Beaul. t. 1 1927, p. 170). Pour la substitution de y à i dans la graph. abayement (cf. étymol.), cf. aboyer. − Rem. Ac. 1694 donne abboyement, Ac. 1740 aboiement; Ac. 1798 signale pour la 1refois l'orth. aboîment, maintenue conjointement avec aboiement ds Ac. 1835 et 1878, Besch. 1845, Littré, Guérin 1886, DG. Étymol. − xiiies. « action d'aboyer » sens propre (Abaiement au lop, Sermons écrits en dialecte poitevin, 88 ds Le Dialecte poitevin, éd. A. Boucherie, Paris 1873 ds T.-L.); fin xiiie-déb. xives. « id. » (Li chien donent abayement, Macé de la Charité, Bible BN 401 fo86c ds Gdf.).
Dér. de aboyer*; suff. -ement/-ment1*.
HIST. − D'abord concurrent litt. de aboi plus anc. d'un s. (par commodité de versif. Cf. ds Gdf. 1resattest. souvent en poésie); est devenu cour. à mesure que aboi était restreint à la lang. de la vén. (cf. aboi, hist.). Au terme de l'évolution on trouve l'oppos. actuelle : aboiement(s) « cri du chien au sens propre et au fig. » (sauf en cynégétique)/aboi(s) var. styl. litt. « cri du chien » (dans des expr. figées de la cynégétique). − Rem. En dehors de la vén. l'oppos. aboiement(s)/aboi(s) est donc restée styl. (mais avec renversement des valeurs originelles). L'oppos. sém. proposée par Lav. 1820 (reprise par Besch. 1845, Littré, Guérin 1886) semble précaire, voire artificielle (cf. aboi, sém. I, ex. 1 à 3 notamment, qui ne la justifie pas) et relève quelque peu du goût fr. pour la résolution des synon. : Aboi se dit particulièrement en parlant de la qualité naturelle du cri : un chien qui a l'aboi rude, aigre, perçant; (...). Aboiement se dit plutôt des cris mêmes; de longs aboiements (...). On dit : faites cesser les aboiements de ce chien et non pas faites cesser son aboi ou ses abois.
I.− Disparition av. 1789. − Constr. aboiement + prép. + subst. sur la base de la constr. verbale aboyer à : attest. unique ds étymol.
II.− Hist des sens et emplois attestés apr. 1789. − A.− Au propre, en parlant du cri du chien ou d'un animal assimilé (cf. sém. A) : − xives. : L'air font tentir et resonner Li chien pour leur abaiement. Fables d'Ov. (Gdf.). − xviies. L'abboyement d'un chien, de longs abboyements. Ac. 1694. − xviiies. 5 ex. de Buffon ds Besch. 1845 : L'aboiement de la chienne était encore moins décidé que celui du mâle. B.− P. ext. et au fig. (cf. sém. B) : − xvies. : Ils [les ignorants] m'ont enseigné de m'endurcir à leurs aboiements. J.-J. Scaliger, Lett. 21 (DG). − xviiies. [En parlant du chant] : On n'entend qu'un aboiement confus, et le duo ne fait point d'effet. J.-J. Rousseau, Dict., I, 352. − xviiies. : Fermons l'oreille aux aboiements de la critique. Buffon, Disc. à l'Acad. (DG). − xixeet xxes. cette figure, que Besch. 1845 juge fam., devient cour. : cf. sém. ex. 5 à 10 et IGLF 4 attest. (de Mérimée et L. Daudet) sur 8 données pour le mot. STAT. − Fréq. abs. litt. : 341. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 323, b) 1 024; xxes. : a) 4 014, b) 370. |