| ABBATIAL, ALE, AUX, adj. et subst. I.− Adj. masc. ou fém. A.− Qui appartient à l'abbaye en tant que communauté religieuse : 1. Nymphes de l'Opéra, vous auriez part encore à la mense abbatiale et au revenu des pauvres.
P.-L. Courier, Pamphlets politiques,lettre au rédacteur du « Censeur », 1820, p. 35. 2. ... il se pâmait devant les étoffes abbatiales, devant les soies voluptueuses, devant les ténèbres dorées des vieux brocarts.
J.-K. Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, p. 76. − Ville abbatiale. Ville érigée autour d'une abbaye célèbre : 3. Mon grand-père faisait de même, et rentrait, l'été, de sa promenade dans les rues de Cluny avec le meilleur melon de la ville abbatiale, repéré par l'œil du maître dans les paniers des jardinières.
A. Thibaudet, Réflexions sur la littérature,1938, p. 254. B.− Qui constitue un élément d'une abbaye en tant que bâtiment : 4. Cet établissement célèbre consistait alors en deux salles disposées en équerre, longues, étroites et basses, éclairées l'une sur la place de la Sorbonne, l'autre sur la rue Neuve-de-Richelieu; toutes deux meublées de tables venues de quelque réfectoire abbatial, car leur longueur a quelque chose de monastique, ...
H. de Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 207. 5. ... la profession d'oblature se fera non dans l'église abbatiale, − et il appuya, à son tour, sur le mot abbatiale, − mais dans l'oratoire du monastère; ...
J.-K. Huysmans, L'Oblat,t. 2, 1903, p. 14. C.− Qui appartient à l'abbé ou à l'abbesse en tant que chef d'une communauté religieuse : 6. Mais ce qui attirait surtout le regard, et le fixait longtemps sur ce point, c'était l'abbaye elle-même. Il est certain que ce monastère, qui avait une grande mine et comme église et comme seigneurie, ce palais abbatial, (...) faisaient une magnifique figure à l'horizon.
V. Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 148. 7. La lutte de Liège contre Saint-Trond était celle de la ville épiscopale contre la ville abbatiale, comme celle de Paris contre Saint-Denis, de Notre-Dame de Reims contre Saint-Rémi, ...
J. Michelet, Journal,août 1840, p. 348. 8. Il se rendit tout droit au logis abbatial, vers dame abbesse qui s'avançait en hâte pour le recevoir.
Ch.-A. Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 1, 1840, p. 83. 9. Une statue d'abbé est appuyée contre le mur : un gros anneau au médius de la main droite, un menton long, des pommettes saillantes, des yeux sortis, des cheveux légèrement crépelés, et une chape bordée de longues franges, et un écusson qui est d'hermine à trois fasces au chef chargé d'un lambel à trois pièces timbré de la crosse abbatiale.
G. Flaubert, Par les champs et par les grèves,1848, p. 324. 10. La salle, massive, obscure, soutenue par de lourds piliers romans, se rajeunissait à mi-corps, s'effilait en ogive, élançait à des hauteurs de cathédrale les arceaux de sa voûte qui se rejoignaient ainsi que les côtes des mitres abbatiales, en une pointe.
J.-K. Huysmans, Là-bas,t. 2, 1891, p. 137. 11. ... il portait, pendue au bout d'un cordon violet, sur la poitrine, une croix abbatiale d'ivoire, au centre de laquelle des reliques étaient insérées, sous un rond de verre.
J.-K. Huysmans, En route,t. 2, 1895, p. 136. 12. Le chœur était habillé de tentures blanches à franges et, à gauche, érigé sur trois degrés, le trône abbatial, la cathedra de velours rouge, surmontée d'un baldaquin, se détachait sur la draperie blanche, coupée, lucarnée, en quelque sorte, au-dessus du dossier, par un cartel figurant les armes de l'Abbé, ...
J.-K. Huysmans, L'Oblat,t. 1, 1903, p. 251. − Au fig. Qui ressemble à celui ou celle d'un supérieur de monastère (cf. étymol. et hist.). II.− Emploi subst. A.− Subst. fém. (p. ell. de église ou chapelle). Église d'une abbaye : 13. J'entrai d'abord dans l'église; un pan de mur attenant au cloître était tombé; l'antique abbatiale n'était éclairée que d'une lampe. Je fis ma prière à l'entrée du caveau où j'avais vu descendre Louis XVI.
F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 2, p. 628. 14. Saint-Germain-des-Prés est la basilique de Paris qui est la plus remplie de souvenirs pour nous. Outre qu'elle fut l'abbatiale du monastère, elle recèle maintenant Notre-Dame la Blanche, consolatrice des affligés.
J.-K. Huysmans, L'Oblat,t. 2, 1903, p. 233. 15. Telle se trouvait en général, la fraîcheur de l'abbatiale au cœur de l'été.
J. Malègue, Augustin ou le Maître est là,t. 2, 1933, p. 12. B.− Subst. masc. (p. ell. de bâtiment, palais). Logis de l'abbé et des moines dans un monastère : 16. Arrivé à l'Abbaye [de Lessay] (...) En sortant de l'église, nous sommes allés voir les deux profils de l'abbatial; mais nous ne sommes pas entrés dans la maison, dont l'immense porte cochère est à quelques pas de la porte basse d'un des côtés de l'église. − Cette magnifique résidence est habitée par je ne sais quel journaliste (...) L'édifice a la longueur d'un dortoir percé de nombreuses fenêtres, et c'était probablement le dortoir, des moines (...).
J. Barbey D'Aurevilly, Mémorandum pour l'A...B...,1864, p. 437. Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [abasjal]. 2. Dér. et composés : cf. abbé. 3. Forme graph. − Le t de la graph. ti suivie de voyelle se prononce [s] dans la termin. -tial (e), ex. initial (cf. Fouché Prononc. 1959, p. 298). ÉTYMOL. ET HIST. − 1404 « appartenant à l'abbé, à l'abbaye » (Cart. Esdras de Corbie, B.N., fo73 rods Gdf. Compl. : siège abbacial); 1839 « qui ressemble à (celui ou celle d') un supérieur de monastère », emploi fig. (Balzac, Béatrix, 5, 34, Conard, ds Quem. : Sa figure [M. Grimont, le curé] tout abbatiale tenait à la fois du bourgmestre hollandais et du paysan breton). Le subst. masc., sorti de l'usage, est attesté au sens de « maison abbatiale » dep. Saint-Simon (éd. de la Pléiade, t. 4, p. 458); encore dans cette forme et ce sens ds Besch. 1845, DG qui le mentionne comme vieilli et Nouv. Lar. ill. Le subst. fém. a été longtemps mentionné dans le même sens; cf. Littré, DG, Lar. 20e, Lar. encyclop., qui ne connaissent pas le subst. fém. au sens d'« église abbatiale » (cependant attesté ds Pt Lar. dep. au moins 1959). Ce dernier sens est relativement récent; Cf. O. Bodeau, Ruines de l'abbatiale N.-D. de Fougeray (B. Archéol., 1901) et E. Lefèvre-Pontalis, Abbatiale de Charlis (Oise) ds B. Mon. 1902; mais encore P. Vitry et G. Brière, L'église abbatiale de St-Denis, 1908.
Dér. formé sur le lat. abbatia (voir abbaye), plus prob. empr. au lat. médiév. abbatialis dep. 962-963 « qui appartient à l'abbé, ou à l'abbaye » (Sigehardus, mon. Treverensis, Miracula Maximini, episc. Treverensis 25, ds Mittellat. W., s.v., 13, 15 : in abbatiali honore onereque constituto). Pour la formation du subst. fém. Cf. (église) cathédrale, collégiale. STAT. − Fréq. abs. litt. : 58. |