| ABATTEUR, EUSE, subst. masc. et fém. Celui qui abat. A.− Sens propre. [Gén. suivi d'un compl. (introd. par de) désignant un inanimé ou un animé] :
1. Que fait à celui qui pleure en Asie, celui qui rit en Europe? Au maçon bavarois qui bâtissait cette chapelle, au prêtre bavarois qui exaltait ce Christ en 1830, que faisait le démolisseur de Saint-Germain-l'Auxerrois, l'abatteur des croix à Paris en 1830? Les événements ne comptent que pour ceux qui en pâtissent ou qui en profitent; ...
F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 4, 1848, p. 199. 2. ... il était de nature débonnaire, de muscles vigoureux et lents. Baucheton dans les bois de Sologne, abatteur de chênes et de pins, il travaillait deçà delà, à l'embauche, suivait les batteries en été, et l'hiver tendait des collets.
M. Genevoix, Raboliot,1925, p. 23. 3. Notre cher Laureano, poète et matador publico (ce qui veut dire abatteur de bestiaux et non torero) et quelques-uns de nos amis de l'alhambra nous ont fait entendre, la veille de notre départ, le meilleur chanteur de Grenade, ...
A. T'Serstevens, L'Itinéraire espagnol,1933, p. 124. − Except., le compl. désigne un homme : 4. Trois fois il (Alaric) assiège la ville éternelle avant de s'en emparer : Jean et Brazilius, qu'on lui députe lors du premier siège pour l'engager à se retirer, lui représentent que s'il persiste dans son entreprise, il lui faudra combattre une multitude au désespoir. « L'herbe serrée, repart l'abatteur d'hommes, se fauche mieux. »
F.-R. de Chateaubriand, Études historiques,t. 5 bis, 1831, p. 160. B.− Emplois techn. Comme abattre et abattage, abatteur peut devenir technique dans certains contextes; ses emplois sont toutefois en nombre plus limité. 1. MINÉR. Abatteur de minerai (DG, Littré). 2. TYPOGRAPHIE : 5. Un abatteur, en terme d'imprimerie, est un homme qui fait beaucoup d'ouvrage, un grand rouleur, un compositeur habile.
A.-F. Momoro, Traité élémentaire de l'imprimerie,1794, p. 34. Rem. Dans cet ex., le compl. de n. est sans doute implicite (cf. ex. 6). C.− Fam. Abatteur de besogne. Grand travailleur : 6. Il avait un don unique entre tous, un don particulièrement précieux pour le travailleur, pour le producteur, pour un bourreau de travail comme lui, pour un gros abatteur de besogne ...
Ch. Péguy, Victor-Marie, Comte Hugo,t. 2, 1910, p. 769. D.− Emplois fam. et arg. 1. Abatteur de quilles − Au sens propre. Comme terme de jeu, n'est pas usité. − P. anal avec un sens fig., vieilli de cette expr. Celui qui se vante de ses prouesses amoureuses : 7. A la nouvelle que Putois avait séduit Gudule, la ville fut pleine de surprise, d'admiration et de gaîté. Putois fut célébré comme un grand abatteur de quilles et l'amoureux des onze mille vierges.
A. France, Crainquebille, Putois, Riquet,1904, p. 73. − On trouve dans le même sens : (grand) abatteur de bois, abatteur de femmes : 8. Etes-vous bien sûr qu'il n'y a pas en vous un reste de puritanisme qui s'émeut lorsque je vous parle de l'Angiolina et des tartines à la confiture de soleil?
− En tout cas, c'est une impression très nette : vos intrigues ne me semblent rien que du temps perdu et de l'énergie gaspillée.
− Oh, que c'est peu ça ... et la recherche « de la sensation physique ». Mais vous n'y êtes pas du tout ... Et d'abord ceci entre nous, je ne suis pas grand abatteur de bois ... Mais, que c'est difficile à expliquer!
V. Larbaud, A. O. Barnabooth,1913, p. 239. 2. Abatteur de pègres. Juge (cf. sens arg. de abattoir) : 9. Abattoir s. m. Tribunal correctionnel.
... On dit aussi abatteur de Pègres : qui s'applique également à la Cour d'appel et à la Cour d'Assises.
Les abatteurs sont les juges.
Nouguier, Notes manuscrites interfoliées au Dict. de Delesalle,janv. 1900, p. 2. 3. Abatteur. Voleur : 10. nomenclature [des voleurs] : ..., abatteurs.
Hogier-Grison, Le Monde où l'on vole,t. 2, 1887. 4. Abatteuse. Fille publique : 11. [Les gagneuses] que tu nous cites là ... Des vraies abatteuses, mais pas des gisquettes de classe!
A. Simonin, Touchez pas au grisbi,1953, p. 178. Prononc. : [abatœ:ʀ], fém. [-ø:z]. ÉTYMOL. − 1. 1200 « celui qui coupe les arbres, bûcheron » (Charte ds Mém. p. serv. à l'hist. du dép. de l'Eure, I, 43b, L. Delisle et Passy ds Gdf. Compl. : lesqueulx abateur et alaigneur sont présenté au verdier); 2. ca 1462, emploi fig. abateur de femmes « homme qui triomphe des femmes » (Cent nouv., XXII, ibid. : Et plus de cent mille choses que ces abatteurs de femmes savent tout courant et par cœur).
Dér. du thème verbal de abattre* étymol. 1, sens propre; suff. -eur*.
HIST. − Un seul sens, mais divers emplois propres et fig. (fam. ou arg.); ces derniers supplantant les emplois propres et tendant, comme eux, à disparaître à l'époque contemp. − Rem. abatteuse est mentionné pour la 1refois par Besch. mais même au xxes. il semble peu empl. (cf. sém.) : M. N. Landais se demande pourquoi on ne dirait pas ironiq. abatteuse, en parlant d'une femme. Nous n'y voyons aucun obstacle; nous pensons même que l'emploi doit en être généralisé. Besch. 1845. A.− Emploi propre, « celui qui abat » (suivi d'un compl.) − xives. : Abatteurs d'arbres. Ord., mars 1388, VII, 775, (Gdf. Compl.). − xves. : Ung abbateur qui la doit abatre [la forest]. Denombr. du baill. d'Évreux, 1453, A. N. P 308, fo40, (Gdf. Compl.). − xviies. : Ce Buscheron est un grand abbatteur de bois. Ce Magistrat de ville fut en son temps un grand abbatteur de maisons. Ac. 1694. − xviiies. abatteur de bois : On dit d'un homme fort adroit au jeu de quilles. C'est un grand abatteur de bois. Trév. 1752. − xixes. abatteur de minerai, terme techn. (cf. abattage, I B Minér.) : Ouvrier employé à l'abatage dans les mines. Littré. − Rem. Bien que le sens propre de abatteur figure dans tous les dict. jusqu'au xxes. (Rob. est le seul à indiquer qu'il est vx), il semble qu'à partir du xviies. l'emploi fig. prévale (cf. inf. II). B.− Emplois fig. 1. Abatteur de bois (remuant) (cf. sém. D 1). D'abord empl. au propre (cf. sup.), cette expr. entre dans la lang. fam. et fig. dès le xves. et subsiste jusqu'à nos jours, bien qu'elle soit arch. au xxes. (au tric-trac, abattre du bois « abattre des dames pour caser »; cf. abattre, sém. I A 2 et hist. II B 4); abateur de bois remuant est du xviies. − xves. : Durant la vie du patriarche A Paris faisois tes haulnoys Et belles filles, Dieu le sache; De les traictier la voix avois : Ung tres grant abateur de boys! Satire contre le Cardinal La Balue, 1469-70, (IGLF). − xvies. : Vous estiez le chien au grand collier de tout le païs, et le plus grand abbatteur de bois, qui fust dicy au gué de Vede. Du Fail, Propos rustiques, 5, (Hug.). − xviies. : Ce Jaques dont est question, estoit un grand abateur de bois remuant, et culbuteur de comeres, et n'espargnoit rien de ce qui se presentoit. Beroalde de Verville, Moyen de parvenir, [1612], (Hug.). − xviiies. : Cet homme est un grand abateur de bois, ou de quilles. Trév. 1704. − Rem. De l'expr. voisine abatteur de femmes, un seul ex. dans la docum. (xves., cf. étymol. 2). 2. Abatteur de besogne, expr. calquée sur abattre du bois (cf. abattre hist. II B 4, rem.), 1reattest. ds Besch. 1845. C.− Emplois arg. − 1. abatteur de pègre, 1reattest., 1899 (Esn.); 2. « voleur », 1 seule attest. 1887 (cf. D 3); 3. abatteuse « fille publique » 1953 (cf. D 4). Peut-être ext. du sens mentionné par Besch. apr. Land. (cf. sup.). STAT. − Fréq. abs. litt. : 9. BBG. − Mét. 1955. |