| AÎNÉ, ÉE, adj. et subst. I.− Adjectif A.− GÉNÉALOGIE, lang. commune. [En parlant d'une pers. ou p. ext. d'un groupe de pers.] 1. Fils aîné, fille aînée. Né(e) le premier (la première), le plus âgé ou la plus âgée par rapport aux autres enfants de la même famille. Synon. premier-né. Anton. cadet, puîné, second : 1. Cette malheureuse femme a péri sur l'échafaud avec un de ses fils; l'autre s'est noyé; son mari a été massacré le 2 septembre; sa fille aînée a péri dans l'hôpital d'une prison; sa fille cadette, Madame de Beaumont, personne spirituelle et généreuse, a succombé sous le poids de ses regrets avant trente ans; ...
G. de Staël, Considérations sur les principaux événements de la Révolution française,t. 1, 1817, p. 151. 2. Le jeune Louis, à peine âgé de seize ans, hérita de son père dont il était le fils aîné; ses deux frères puinés, Henri Raspon et Conrad reçurent chacun un apanage, le titre de comte, et le gouvernement d'une partie des états du landgrave, selon l'usage de la maison de Thuringe.
Ch. de Montalembert, Hist. de sainte Élisabeth de Hongrie,1836, p. 20. 3. La famille de mon grand-père donnait peu de prétextes à la persécution. Aucun de ses membres n'avait émigré. Mon grand-père lui-même était un vieillard de plus de quatre-vingts ans. Son fils aîné, ainsi que son second fils, l'abbé de Lamartine, élevés l'un et l'autre dans les doctrines du dix-huitième siècle, avaient sucé, dès leur enfance, le lait de cette philosophie qui promettait au monde un ordre nouveau.
A. de Lamartine, Les Confidences,1849, p. 35. 4. Et moi je dis que ta fraternité est récompense de ta hiérarchie et du temple que vous bâtissez l'un par l'autre. Car je l'ai découvert dans les foyers où le père était respecté et où le fils aîné protégeait le plus jeune. Et où le plus jeune se confiait à l'aîné. Alors chaudes étaient leurs soirées, leurs fêtes et leurs retours.
A. de Saint-Exupéry, Citadelle,1944, p. 828. − P. ext. Branche aînée, monarchie aînée (vx). Qui descend du fils aîné : 5. Nos souverains avaient le sentiment de la dignité nationale; ils furent surtout rois à l'étranger, lequel ne voulut jamais avec franchise le rétablissement, et ne vit qu'à regret la résurrection de la monarchie aînée.
F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 4, 1848, p. 261. 6. ... au temps où les ancêtres des Grecs, des Italiens et des Hindous vivaient encore ensemble dans l'Asie centrale, la religion avait dit : « l'aîné fera la prière ». De là était venue la prééminence de l'aîné en toutes choses; la branche aînée dans chaque famille avait été la branche sacerdotale et maîtresse. La religion comptait néanmoins pour beaucoup les branches cadettes, qui étaient comme une réserve pour remplacer un jour la branche aînée éteinte et sauver le culte.
N.-D. Fustel de Coulanges, La Cité antique,1864, p. 303. 2. Frère aîné, sœur aînée. Plus âgé(e), par rapport à la personne considérée (frère ou sœur de la même famille). Synon. grand. Anton. petit : 7. ... il me lisait toujours pour finir des sermons si doux qu'il semblait que c'était un frère aîné qui parlait à ses petits frères, et des paraboles si simples, si près de terre, qu'il semblait que c'était une mère qui baissait la branche pour faire cueillir des noisettes à son enfant!
A. de Lamartine, Le Tailleur de pierre de Saint-Point,1851, p. 512. 8. Le bercement des nourrices, les câlineries maternelles, les chatteries des sœurs, surtout des sœurs aînées, espèce de mères diminutives, transforment, pour ainsi dire, en la pétrissant, la pâte masculine.
Ch. Baudelaire, Paradis artificiels,Un Mangeur d'opium, 1860, p. 444. 9. ... le canon, ce rude niveleur, enleva peu après un des sept frères aînés de mon père.
A. de Vigny, Mémoires inédits,1863, p. 49. 3. P. ext. [En parlant d'un autre membre de la famille] Plus âgé : 10. Après avoir lu ce dernier ouvrage, j'en fus tellement frappé que j'en fis la traduction. Je la commençai au mois de mai 1827, pendant que mon neveu aîné Eugène était près de moi, retenu à la maison par un mal de pied.
É.-J. Delécluze, Journal,1827, p. 469. B.− Au fig. 1. Emploi fig. de l'adj. a) [En parlant d'un groupement hum.] Qui est à l'origine d'autres groupements, qui joue un rôle essentiel dans l'évolution d'autres groupements : 11. Au pied des côtes de Meuse, entre Neufchâteau et Vaucouleurs, les villages s'alignent aussi, unis ensemble par un lien de ressemblance, parfois de filiation : Domrémy de Greux, disait Jeanne d'Arc en parlant de son village natal, qu'elle ne séparait pas du village aîné et voisin.
P. Vidal de La Blache, Principes de géographie humaine,1921, p. 178. 12. Une perspective s'ouvre ainsi sur la collaboration comportant le minimum d'inégalité, ou plus précisément admettant des inégalités requises et justifiées du point de vue de l'intérêt commun du pays aîné et du pays à croissance retardée. La France développée au nord et à l'est est comparativement vide à l'ouest et au sud-ouest.
F. Perroux, L'Économie du XXesiècle,1964, pp. 266-267. b) Rare. [En parlant d'une chose concr.] Qui prime par l'ancienneté : 13. Il reste bien peu de chose aujourd'hui, grâce à cette catastrophe [l'incendie du Palais de justice en 1618], grâce surtout aux diverses restaurations successives qui ont achevé ce qu'elle avait épargné, il reste bien peu de chose de cette première demeure des rois de France, de ce palais aîné du Louvre, déjà si vieux du temps de Philippe le Bel qu'on y cherchait les traces des magnifiques bâtiments élevés par le roi Robert et décrits par Helgaldus. Presque tout a disparu.
V. Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 16. 2. Emploi fig. des syntagmes fils aîné, fille aînée, frère aîné. a) [En parlant d'une pers. ou d'un groupe de pers. n'ayant pas un rapport physique de parenté avec les autres pers.] − [P. allus. au comportement protecteur du fils aîné, de la fille ou sœur aînée] Celui qui joue un rôle de premier plan, important pour la vie des autres membres d'un groupe (cf. ex. 4, 8) : 14. Chaque religion et chaque philosophie a prétendu avoir Dieu à elle, toiser l'infini et connaître la recette du bonheur. Quel orgueil et quel néant! je vois, au contraire, que les plus grands génies et les plus grandes œuvres n'ont jamais conclu. Homère, Shakespeare, Gœthe, tous les fils aînés de Dieu (comme dit Michelet) se sont bien gardés de faire autre chose que représenter.
G. Flaubert, Correspondance,1863, p. 111. 15. La division des riches et des pauvres, ça doit répondre à quelque grande loi universelle. Un riche, aux yeux de l'Église, c'est le protecteur du pauvre, son frère aîné, quoi! Remarque qu'il l'est souvent malgré lui, par le simple jeu des forces économiques, comme ils disent. Un milliardaire qui saute, et voilà des milliers de gens sur le pavé.
G. Bernanos, Journal d'un curé de campagne,1936, p. 1122. − Spéc. Fils aîné de l'Église. Qualification du Roi de France : 16. Quoique nos rois s'appelassent encore les fils aînés de l'Église, ils s'acquittaient fort négligemment de leurs obligations envers elle; ils montraient bien moins d'ardeur à la protéger qu'ils n'en mettaient à défendre leur propre gouvernement. Ils ne permettaient pas, il est vrai, qu'on portât la main sur elle; mais ils souffraient qu'on la perçât de loin de mille traits.
A. de Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution,1856, p. 247. b) [En parlant d'un groupe de pers., d'un organisme, etc.] Celui qui est à l'origine d'autres groupements humains, qui joue un rôle essentiel dans l'évolution d'un mouvement intellectuel, spirituel, etc. : 17. Fils aînés de l'Antiquité, les François, Romains par le génie, sont Grecs par le caractère.
F.-R. de Chateaubriand, Génie du Christianisme,t. 2, 1803, p. 92. 18. Il était imbibé de l'idéologie vague et brûlante qui faisait délirer les bourgeois des premiers temps de la Révolution. Il croyait avec certitude à l'infaillibilité de la raison, au progrès illimité, − quo non ascendam? − à l'avènement prochain du bonheur sur la terre, à la science omnipotente, à l'humanité-Dieu, et à la France, fille aînée de l'humanité.
R. Rolland, Jean-Christophe,Dans la maison, 1909, p. 967. 19. Ils avaient la plus grande dévotion, ils n'avaient que dévotion pour leurs frères les saints, pour leurs frères les premiers. Ils se proposaient timidement et humblement, ils ne se proposaient que de les imiter. Tous ensemble; tous ensemble comme eux; tous ensemble après eux; tous ensemble avec eux; d'imiter Jésus. Ils n'avaient que dévotion et imitation pour leurs frères; pour leurs frères aînés; pour leurs grands frères.
Ch. Péguy, Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc,1910, p. 141. − Spécialement ♦ Fille aînée de l'Église. Qualification de la France : 20. « Hors de l'Église, pas de salut. Ce mot que se passent les ironies, je vous le répète en historien. Le catholicisme peut se passer des races latines, mais les races latines ne peuvent pas se passer du catholicisme. Le jour où la France ne sera plus la fille aînée de l'Église, elle sera mûre pour la curée teutonne. »
J. Péladan, Le Vice suprême,1884, p. 257. 21. C'est la France, fille aînée de l'Église, qui a inscrit dans l'histoire l'éblouissante succession de ses victoires; c'est la France sans Dieu qui a connu la défaite en 1940.
J.-P. Sartre, La Mort dans l'âme,1949, p. 238. ♦ Fille aînée des rois de France. Qualification de l'Université de Paris. Rem. Attesté ds Ac. 1798-1932, Besch. 1845, Littré, Nouv. Lar. ill., Lar. 20e, Rob., Quillet 1965. c) Rare. [En parlant d'une chose concr. ou abstr.] Qui prime par l'ancienneté : 22. Nos adieux au pic du Midi. On se lève, mais en regardant ce qu'on allait quitter. L'enthousiasme renaît. On parle au pic chacun à sa manière. Assailli de nouvelles sensations, d'idées nouvelles et de sentiments tumultueux, je reste quelque temps la face tournée de son côté. L'ame donne du prix à tout, l'ame sait tout animer. Pour moi, je regardais en silence ce fils aîné de la nature, antérieur à l'histoire, et même aux traditions les plus reculées. Je ne me lassais point de le contempler cet auguste contemporain de tous les âges, et qui a vu tant de générations s'écouler aussi rapidement que les torrents qui l'environnent.
J. Dusaulx, Voyage à Barège et dans les Hautes-Pyrénées,t. 1, 1796, p. 258. 23. Si je ne sentais pas ma misère, comment pourrais-je sentir ma joie qui est fille aînée de ma misère et qui lui ressemble à faire peur?
L. Bloy, Journal,1900, p. 193. II.− Substantif A.− GÉNÉALOGIE, lang. commune. [En parlant d'une pers.] 1. Celui, celle qui est né(e) le premier (la première) par rapport aux autres enfants de la même famille, fils ou frère le plus âgé, fille ou sœur la plus âgée. Aîné(e) de la famille, des enfants; aîné des fils, des garçons; aînée des filles, des sœurs. Synon. premier-né. Anton. benjamin, cadet, dernier, second : 24. Les peuples les plus fortement constitués ont donné à l'aîné des mâles la survivance et l'expectative du pouvoir domestique. De là la consécration religieuse de l'aîné des mâles chez les Hébreux, et presque partout les prérogatives de la primo-géniture. Autrefois en France, la mère, à la mort du père, alloit saluer l'aîné, et lui présenter les clefs; et les enfans alors étoient plus soumis à leurs mères. Encore aujourd'hui, dans les provinces soumises à la loi romaine, l'aîné avoit une part plus forte dans le patrimoine, et même dans le respect des frères.
L.-G.-A. de Bonald, Législation primitive,t. 2, 1802, p. 68. 25. Voici bientôt le moment d'établir nos enfants. Je compte envoyer mon Eugène à Paris, où, par votre influence, il sera reçu à l'École polytechnique. Vous savez ce que sont les jeunes gens loin de la surveillance paternelle. Ma femme ne se séparerait pas de son aîné, de son benjamin, si elle n'était pas certaine qu'il trouvera, auprès de vous et de Madame Paturot, une seconde famille. Si vous pouviez le loger sous le même toit que vous, ce serait pour sa mère un grand souci de moins. Quant au second, Jules, il serait bien que vous puissiez obtenir une bourse dans un collège.
L. Reybaud, Jérôme Paturot,1842, p. 346. 26. La vieille religion établissait une différence entre le fils aîné et le cadet : « l'aîné, disaient les anciens Aryas, a été engendré pour l'accomplissement du devoir envers les ancêtres, les autres sont nés de l'amour. » En vertu de cette supériorité originelle, l'aîné avait le privilège, après la mort du père, de présider à toutes les cérémonies du culte domestique; c'était lui qui offrait les repas funèbres et qui prononçait les formules de prières; « car le droit de prononcer les prières appartient à celui des fils qui est venu au monde le premier. » L'aîné était donc l'héritier des hymnes, le continuateur du culte, le chef religieux de la famille. De cette croyance découlait une règle de droit : l'aîné seul héritait des biens. Ainsi le disait un vieux texte que le dernier rédacteur des lois de Manou insérait encore dans son code : « l'aîné prend possession du patrimoine entier, et les autres frères vivent sous son autorité comme ils vivaient sous celle de leur père. Le fils aîné acquitte la dette envers les ancêtres, il doit donc tout avoir. »
N.-D. Fustel de Coulanges, La Cité antique,1864, p. 98. 27. Maintenant, l'aînée des sœurs, montée sur le tabouret, tapait des coudes, et la petite, pour avoir le gratin, raclait la casserole avec une fourchette de fer.
É. Zola, Pot-Bouille,1882, p. 309. 28. − Combien sont-ils dans la famille?
− Cinq enfants. Vous avez vu l'aîné des fils et le plus jeune. Il y en a encore un de seize ans, qui n'est pas fort, et qui veut se faire curé.
A. Gide, L'Immoraliste,1902, p. 446. 2. Celui, celle qui est plus âgé(e) par rapport à la personne considérée (frère ou sœur de la même famille) : 29. Sa mère était morte en couches, donnant le jour à un frère dont elle était l'aînée de huit ans. Toute petite, elle se fit, du plus petit qu'elle, la berceuse, la petite mère. Puis, lorsque ce frère eut grandi, il vint à la studieuse jeune fille qu'elle était déjà l'ambition d'être la maîtresse de son éducation, d'élever et de former cette naissante intelligence avec ce que les leçons de femme ont d'adresse persuasive, de douce insinuation, de tendre autorité.
E. et J. de Goncourt, Madame Gervaisais,1869, p. 46. 30. Nous sommes cinq, encore assez drus à l'heure où j'écris ces lignes, Joseph et Ferdinand, mes frères, sont mes aînés, le premier de sept, l'autre de quatre ans. Ma sœur Cécile a juste deux ans de moins que moi...
G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Notaire du Havre, 1933, p. 23. B.− Au fig. 1. [En parlant d'une pers., d'un groupe de pers. n'ayant pas un rapport physique de parenté avec les autres pers.] a) [En parlant d'une pers.] − Personne plus âgée qu'une autre. Être l'aîné de qqn. Être son aîné : 31. Je reçus vers ce temps des nouvelles qui m'émouvaient toujours, de Mademoiselle Amélie et de sa grand'mère. Je les eus par une de leurs connaissances de campagne en Normandie, qu'elles m'adressèrent, un homme de dix ans au moins mon aîné, mais avec qui me lia du premier jour une conformité périlleuse de penchants et d'humeur.
Ch.-A. Sainte-Beuve, Volupté,t. 2, 1834, p. 75. 32. Léon Schleiter est mon aîné de beaucoup. Si j'en crois les annuaires, il devait avoir vingt-sept ans à l'époque où prend mon récit.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Vue de la terre promise, 1934, p. 42. Rem. Aîné(e) est fréquemment accompagné d'un déterminant quantitatif introduit par la prép. de : de beaucoup, de deux ans, de dix ans, etc. − Personne qui a devancé une autre pers., d'autres pers. dans la connaissance de certaines sciences, dans un certain domaine, dans la vie. Traiter qqn en aîné : 33. Rotrou est de beaucoup inférieur à Corneille; mais quand il monte, c'est dans le même sens et sur les mêmes tons : il aide à mesurer l'échelle. Plus jeune d'âge que Corneille, mais son aîné au théâtre et dans le métier, il se fit son suivant, et comme son écuyer dans l'arène, depuis Le Cid. Corneille avait beau le tirer en avant et lui dire mon père, Rotrou s'obstinait à rester à sa place, et se contentait, fils ou frère, de l'honneur de la lignée.
Ch.-A. Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 1, 1840, p. 157. 34. Ne parle pas d'avenir muré; pour que l'avenir vous fût muré, mes enfants, il faudrait qu'il fût muré au progrès, à la démocratie, à la liberté. Est-ce que c'est possible? En attendant, vous m'avez. Ne dis pas que tu es en tutelle. Ne vous suis-je pas frère autant que père? Je suis votre aîné dans la vie. Je vous conseille, c'est tout simple. Mais tout ce qui est à moi est à vous, chers enfants.
V. Hugo, Correspondance,1852, p. 89. 35. ... de temps en temps, dans une récrimination amère où il [Zola] nous répète et se répète qu'il n'a que vingt-huit ans, éclate, vibrante, une note de volonté âcre et d'énergie rageuse : « Et puis j'ai beaucoup à chercher... oui, vous avez raison, mon roman déraille : il ne fallait que les trois personnages. Mais je suivrai votre conseil : je ferai ma pièce comme cela... et puis nous sommes les derniers venus : nous savons que vous êtes nos aînés, Flaubert et vous. Vous! Vos ennemis eux-mêmes reconnaissent que vous avez inventé votre art; ils croient que ce n'est rien : c'est tout! »
E. et J. de Goncourt, Journal,déc. 1868, pp. 475-476. 36. Tous les morts sont nos aînés. Un enfant de dix ans qui meurt est mon aîné, à cause qu'il sait.
J. Green, Journal,1942, p. 226. 37. ... maintenant, il lui fallait s'avouer qu'il était un homme fait : les jeunes gens le traitaient en aîné, les adultes comme un des leurs, et certains lui témoignaient même de la considération.
S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 137. Rem. 1. Dans cet emploi, aîné(e) est fréquemment précédé d'un adj. poss. 2. Aîné(e) est souvent affecté d'une marque de supériorité protectrice (ex. 37). b) [En parlant d'un groupe de pers., d'un type hum.] Ceux qui précèdent dans le temps, qui jouent un rôle essentiel dans l'évolution d'un mouvement intellectuel, spirituel, etc. : 38. C'est dans l'Asie que nous trouverons des empires dont le régime peut nous servir de modèle : tel est celui des Chinois qui a quatre mille sept cents ans d'antiquité. Ce peuple vieillard compte ses années par celles du globe; il est l'aîné de tous les peuples de la terre, qui viennent de toutes les régions lui rendre hommage. Pour nous qui parcourons l'âge viril avec les vices de la jeunesse et les défauts de l'enfance, nous devons chercher à raffermir la légèreté de notre constitution par les mêmes lois qui assurent la pondération de ce vénérable empire.
J.-H. Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 300. 39. ... l'indépendance plus grande dont les générations nouvelles jouissent par rapport à leurs aînés ne peut manquer d'affaiblir le traditionalisme de la profession; ce qui rend l'individu encore plus libre d'innover. Ainsi, non seulement la réglementation professionnelle, en vertu de sa nature même, gêne moins que toute autre l'essor des variétés individuelles, mais de plus, elle le gêne de moins en moins.
É. Durkheim, De la Division du travail social,1893, p. 290. 40. Mais enfin, mais enfin, ces saints que tu allègues contre les premiers saints, ces chrétiens que tu sors contre les premiers chrétiens, de Charlemagne à saint François et à notre sainte Claire, ces saints, ces chrétiens que tu retournes contre eux-mêmes, en les retournant contre les autres, ils n'en jugeaient pas comme toi. Ils ne se retournaient point contre leurs frères. Ils ne se retournaient point contre leurs aînés. Ils ne se retournaient point contre leurs premiers. Ils ne se retournaient point contre la source éternelle. Contre leurs modèles, contre leurs exemples, contre les objets de leur imitation.
Ch. Péguy, Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc,1910, pp. 140-141. 41. ... le grand artiste est peut-être encore plus rare que le grand savant, quoi qu'ils soient l'un et l'autre les plus évolués des êtres humains; mais l'artiste est l'aîné.
F. Le Dantec, Savoir! Considération sur la méthode scientifique, la guerre et la morale,1920, p. 246. 2. Rare. [En parlant d'une chose] Ce qui est antérieur à autre chose : 42. Au fur et à mesure que celui-ci [le motif principal des sonates] se développe et se varie, il se dégage de cette floraison un deuxième thème qui, le plus souvent, prend vis-à-vis de son aîné une attitude contrastante.
L. de La Laurencie, L'École française de violon,1922, p. 175. 43. ... cette pièce, encore que plus importante que Siegfried et qu'Amphitryon, ne me laisse pas la satisfaction de ses aînées. Même le très grave débat qui s'y joue semble un jeu d'esprit, un tournoi. L'émotion de certaines scènes se dégage mal du papillotement et du chatoiement dont un style trop précieux les revêt.
A. Gide, Journal,1931, p. 1092. III.− Adj. ou subst. [Après un nom propre] Celui (celle) qui est né(e) le premier (la première) par rapport aux autres enfants d'une famille, ou qui a épousé le premier enfant d'une famille : 44. Appris la mort de MlleVoutier aînée.
J. Michelet, Journal,mai 1859, p. 470. 45. C'était une bonne grosse personne [MmeMarron (aîné)]; elle avait certainement franchi la quarantaine, mais nullement laissé de l'autre côté de cette frontière la prétention de séduire : du moins ses regards fort aiguisés l'affirmaient et tenaient le pied de guerre.
J.-A. de Gobineau, Nouvelles asiatiques,La Danseuse de Shamakha, 1876, pp. 14-15. 46. J'obtiens de faire remplacer : « remettez le cadavre », lorsque la reine parle de la couronne aux faux diamants, par cette phrase : « remettez ça là ». Ce cadavre doit être du sublime à la Coquelin aîné. Les gens qui ne possèdent pas la science équilibrée du style ne se doutent pas que dans les situations dramatiques, il faut que l'expression soit simple, ne savent pas que la passion emploie toujours l'expression commune et au grand jamais l'image.
E. et J. de Goncourt, Journal,nov. 1883, p. 287. 47. Et il avait senti le besoin d'aller raconter son impression à Coquelin l'aîné, en train de quitter dans sa loge son costume de mascarille et qui lui avait dit : « tu es saoul? »
E. et J. de Goncourt, Journal,avr. 1884, p. 327. 48. Ils se la coulent douce, les boulangers : deux vieux garçons, Merlavigne aîné et Merlavigne cadet, qui, chacun son tour, passent la nuit à enfourner les pains.
R. Martin du Gard, Vieille France,1933, p. 1018. Rem. Noter dans l'ex. 45 l'emploi de la forme masc. avec un nom propre fém. Besch. 1845 condamne cet emploi. Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [ene] ou [εne]. Les 2 var. se rencontrent seules ou ensemble; elles se rencontrent ensemble chez Passy 1914 et Warn. 1968, chez ce dernier avec la mention ,,cour.`` pour [ene]. Initiale demi-longue pour Passy 1914 et Barbeau-Rodhe 1930. Fér. 1768 cite une orth. ainé; de même Wailly Vocab. 1818. 2. Homon. : Énée, henné. Étymol. ET HIST. − 1. Subst. a) 1155 masc. plur. « les anciens (dans une ville, une génération) » (Wace, Roman de Brut, 651, éd. Ivor Arnold : Brutus prist doze des ainz nez, Des plus justes, des plus senez); b) 1160-74 fém. « qui est né le premier (par rapport aux enfants, aux frères et sœurs) » (Id., Rou, 3epart., 257 [var. l'aisnee] ds Gdf. Compl. : Emme la einznee); 2. 1174 adj. « id. » (Vie de S. Thom. de Cant., fo111 ro, rubr. A. T., ibid. : Li rois Henris grant et dune De Engleterre la curunne A sun fis esné Henri).
Composé de l'a. fr. ainz « avant » (issu du lat. vulg. *antius, comparatif de ante) et de né*. STAT. − Fréq. abs. litt. : 2 617. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 3 189, b) 4 310; xxes. : a) 3 625, b) 3 918. BBG. − Bél. 1957. − Boiss.8. − Bouillet 1859. (s.v. aînesse). − Dupin-Lab. 1846. − Fawtier-Jones (E.C.). Les Vies de Sainte Catherine d'Alexandrie en ancien français. Romania. 1930, t. 56, p. 103. − Fér. 1768. − Kold. 1902. − Lafon 1963. − Pope 1961, § 218, 433, 1231 N. |