| TRANSITION, subst. fém. A. − 1. Passage d'un état à un autre. Transition brusque, brutale, rapide. Un cloître est fort bien situé auprès d'une église; il ménage heureusement la transition de la tranquillité du sanctuaire à l'agitation de la cité (Gautier, Tra los montes, 1843, p. 155).La transition de l'animal à l'homme est donnée par voie de développement d'un même être, c'est-à-dire dans l'homme même et dans l'histoire de sa gestation et de sa première enfance (Renouvier, Essais crit. gén., 3eessai, 1864, p. 201). ♦ Transition de + subst.Puis se frappant le front par une subite transition d'idée: − À propos, que diable voulaient-ils dire ce matin avec leur Esmeralda? (Hugo, N.-D. Paris, 1832, p. 95).Il ne songeait pas même à cette brusque transition de fortune (Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 104). − En partic. Passage d'un âge à un autre. Un peu de ridicule et de bizarrerie se mêle infailliblement à cette époque transitoire de l'âge des garçons, et il me faut bien indiquer cette note en passant. En passant aussi, je vais dire que mes transitions à moi ont duré plus longtemps que celles des autres hommes, parce qu'elles m'ont mené d'un extrême à l'autre (Loti, Rom. enf., 1890, p. 291). 2. Spécialement a) ASTROL. ,,Passage d'une planète dans un lieu du ciel de l'horoscope`` (Lar. Lang. fr.). b) BIOL. ,,Mutation consécutive à un changement dans la séquence d'une paire de nucléotides dans une molécule d'ADN`` (Lend.-Delav. Biol. 1979). c) PHYS. Transition quantique. ,,Passage d'un système quantifié depuis un état stationnaire (m), jusqu'à un autre (n)`` (Mathieu-Kastler Phys. 1983). Transition nucléaire. ,,Pour un système nucléaire, transformation nucléaire ou changement d'état énergétique par émission ou absorption d'un photon, d'un électron orbital ou d'une paire électron-positron`` (Industries 1986). B. − 1. Fait de passer graduellement d'un état à un autre. Rien ne s'évaporait d'elle dans cette lente et lourde transition du sentiment au mot, qui laisse refroidir et pâlir la lave du cœur sous la plume de l'homme (Lamart., Raphaël, 1849, p. 243).On passe par transition insensible du présent au passé, du prochain au lointain (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p. 382). − Loc. adv. Sans transition. Brusquement, brutalement. Passer sans transition de l'enthousiasme à la fureur. De Sorrèze, où j'étais resté pendant dix ans sous la discipline à demi conventuelle des Oratoriens, et plongé dans la solitude d'un collège de province, je fus, sans aucune transition, transporté dans la capitale (Balzac, Méd. camp., 1833, p. 196). 2. Spécialement a) CIN. Procédé qui correspond au passage d'un plan à un autre: enchaîné, fondu, volet, etc. (d'apr. O. Uren ds Fr. mod. 1952 t. 20, pp. 220-221). Les transitions se faisaient autrefois au tournage; elles sont maintenant obtenues au laboratoire (O. Uren, dsFr. mod.1952t. 20, pp. 220-221). b) LITT., RHÉT. ,,Procédé qui consiste à lier en quelque manière, dans le passage d'un sujet à un autre, d'un paragraphe ou d'un chapitre à un autre, ce que l'on vient de traiter à ce que l'on va traiter`` (Biard Explic. 1980). Transition artificielle, brusque, habile, heureuse, ingénieuse, lente, naturelle, progressive; l'art des transitions; ménager les transitions: La Bruyère, disait Boileau, s'était épargné la peine des transitions. Oui; mais il s'en était donné une autre, celle des aggroupements. Pour la transition, un seul rapport suffit; mais, pour l'agrégation, il en faut mille; car il faut une convenance entière, naturelle, unique.
Joubert, Pensées, t. 2, 1824, p. 66. c) MUS. ,,Passage d'un ton à un autre`` (Bach.-Dez. 1882). La transition enharmonique est celle dans laquelle une ou plusieurs notes, après avoir été entendues comme appartenant à un ton, sont employées comme notes d'un autre ton (Bach.-Dez. 1882).Les accords de transition, c'est-à-dire ceux par lesquels s'effectue la modulation, doivent avoir une valeur suffisante pour éviter l'impression d'un enchaînement brusque (Dubois, Harm., 1921, p. 56). C. − 1. Degré ou état intermédiaire par lequel se fait le passage d'un état à un autre, d'un état de choses à un autre. Le Père Ferrier mourut vers la fin de 1674. Homme du monde succédant à un homme de collége, il fait une transition parfaite au Père de La Chaise qui le remplaça, et qui eut l'oreille du Roi durant trente-cinq ans (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 3, 1848, p. 199).La mécanique prend ainsi beaucoup d'importance encyclopédique, comme transition nécessaire entre la mathématique et la physique (Comte, Catéch. posit., 1852, p. 114). ♦ Faire transition. Parmi les dix-huit Lettres Provinciales, il n'y en a que cinq qui se rapportent à la question de Sorbonne et du Jansénisme proprement dit: les trois premières, la dix-septième et la dix-huitième. Les treize autres, depuis la quatrième qui fait transition, tournent contre la morale des Jésuites (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 543). − Loc. adj. De transition. Qui constitue un état intermédiaire; qui est envisagé comme un simple intermédiaire entre deux états. Régime de transition; former un gouvernement de transition. Les époques de transition furent toujours des époques d'orages: mais l'orage n'a qu'un temps (Lamennaisds L'Avenir, 1831, p. 209).Dans la phase de transition où nous sommes, les nations modernes courent au plus pressé et au plus facile (Perroux, Écon. XXes., 1964, p. 343). ♦ [P. méton.] Il faut attendre en effet les derniers moments de la pensée antique pour voir la révolte commencer à trouver son langage, chez des penseurs de transition, et chez personne plus profondément que chez Épicure et Lucrèce (Camus, Homme rév., 1951, p. 46). 2. En partic. Degré intermédiaire entre deux aspects d'une même chose (notamment d'un paysage). Plus bas, elles [les ravines] s'affaissent sur elles-mêmes, et avancent çà et là, sur le lac, des mamelons ou des monticules arrondis: transition douce et gracieuse entre les sommets et les eaux qui les réfléchissent (Lamart., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 335).D'autres [cimes] avaient la tête engagée dans les nuages et se fondaient dans le ciel par des transitions insensibles (Gautier, Tra los montes, 1843, p. 48). 3. Spécialement a) ARTS. Style de transition. ,,Période qui se place entre l'épanouissement de deux styles`` (Vogüé-Neufville 1971). Les emprunts que se firent ces diverses écoles d'architecture établirent (...) sur les édifices des monastères les styles de transition (Lenoir, Archit. monast., 1852, p. xvi).Cette fameuse Olympia [l'œuvre de Manet] qui déchaîna de telles fureurs nous paraît aujourd'hui une œuvre de transition (Mauclair, Maîtres impressionn., 1923, p. 45).En appos. La division du siège, qui avait disparu à l'époque Louis XV, est de nouveau affirmée. La table suit la même évolution. Une table transition peut être supportée par des pieds chantournés alors que sa ceinture est ornée de cannelures ou de raies de cœur (Viaux, Meuble Fr., 1962, p. 104). b) GÉOL., vieilli. Passage d'une formation géologique à une autre. Terrains de transition. ,,Terrains primaires qui semblaient établir une transition entre des roches archéennes cristallines et des roches sédimentaires`` (Quillet 1965). c) LING. Transition phonétique. ,,Passage, dans la chaîne parlée, du point d'articulation caractérisant un phonème au point d'articulation qui caractérise le phonème suivant`` (Ling. 1972). Phonème de transition. ,,Phonème qui apparaît lorsque l'expiration se prolonge pendant le temps où les organes vocaux passent de la position caractéristique d'un phonème donné à celle qui convient au suivant`` (Mar. Lex. 1951). d) PÉDAG. Classe de transition. Jusqu'en 1976 dans le premier cycle de l'enseignement secondaire, classe accueillant les élèves dont le niveau était jugé insuffisant. Sixième, cinquième de transition. Les classes de transition réduisent encore le nombre des leçons et augmentent le nombre des séances de travail dirigé et de travaux pratiques (Capelle, Éc. demain, 1966, p. 70). e) PHILOS. [Dans la terminol. marxiste] ,,Phase particulière de l'évolution d'une société, celle où elle rencontre de plus en plus de difficultés, internes ou externes, à reproduire le système économique et social sur lequel elle se fonde et commence à se réorganiser, plus ou moins vite et plus ou moins violemment sur la base d'un autre système qui, finalement, devient à son tour la forme générale des conditions nouvelles d'existence`` (Marxisme 1982). f) SOCIOL. Transition démographique. ,,Schéma d'évolution démographique n'ayant pas encore atteint le niveau d'une théorie`` (Thinès-Lemp. 1975). 4. P. méton., INFORMAT. ,,Intervalle de temps pendant lequel un signal ou un automate fini change d'état`` (Luca Micro-Informat. 1984). Prononc. et Orth.: [tʀ
ɑ
̃zisjɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) xives. [date du ms.] transision « agonie » (Cassiodorus, ms. Turin, fo29 vods Gdf., hapax, cf. transisons (var. trancions) ds éd. J. Palermo, 301); b) xives. gramm. « passage » (Thurot, p. 273 ds T.-L.); fin xives. transicion « action de passer de l'autre côté » (Glossaire gall.-lat., B.N. lat. 7684, ibid., hapax); c) xves. [date du ms.] transsision « moment passager » (Courcy, Hist. de Grèce, Ars. 3689, fo251c, ibid., hapax); 2. a) 1521 [éd.] transsition « passage ménagé d'une chose, d'une idée, à une autre » (Fabri, Rhétorique, I, fo59 vo); b) 1752 « passage d'une planète sur certains lieux du ciel de l'horoscope » (Trév.); c) 1765 « manière d'adoucir le saut d'un intervalle disjoint, en insérant des sons diatoniques entre les deux termes » (Encyclop.); d) 1796 géol. (Saussure, Voyages dans les Alpes, t. 8, p. 291); e) 1797 « passage d'un état des choses à un autre » (Chateaubr., Essai Révol., t. 1, p. 52); f) 1835 « intermédiaire, moyen terme » (Balzac, Séraphîta ds
Œuvres, t. 10, p. 545 ds Rob. 1985, s.v. doute, cit. 14). Empr. au lat.transitio « action de passer, passage, transition (en rhétorique) », dér. de transitum, supin de transire « passer de l'autre côté » (transir*). Fréq. abs. littér.: 849. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 897, b) 1 786; xxes.: a) 1 046, b) 1 259. DÉR. Transitionnel, -elle, adj.a) Qui a le caractère de la transition. Synon. transitoire.L'étude du système de culture est donc normalement complémentaire de celle de l'exploitation. On peut toutefois placer entre les deux, à titre transitionnel, l'examen des caractères financiers de l'exploitation et surtout les investissements engagés dans l'entreprise (Traité sociol., 1967, p. 260).b) Psychol. Objet transitionnel. ,,Objet que le sujet traite comme étant à mi-chemin entre lui-même et une autre personne, typiquement une poupée ou un chiffon que l'enfant chérit et qu'il utilise comme réconfort mais qui n'a pas à être traité avec la considération appropriée à une personne`` (Rycr. 1972). − [tʀ
ɑ
̃zisjɔnεl]. − 1reattest. 1852 (Coussemaker, Hist. harm. Moy. Âge, p. 139); de transition, suff. -el (-al*). BBG. − Blochw.-Runk. 1971, p. 190. |