| TOTEM, subst. masc. A. − ETHNOLOGIE 1. [Chez certains peuples amérindiens du Nord et australiens] Être mythique (animal, végétal ou objet naturel) considéré comme l'ancêtre éponyme d'un clan ainsi que son esprit protecteur et vénéré comme tel. En général le totem est transmis par la mère; quelquefois, plus rarement, l'enfant prend le totem de son père. Plusieurs clans se réunissent pour former une « phratrie »; il existe deux ou quatre phratries par tribu. Enfin on peut aussi constater l'existence de groupes secondaires ou « classes matrimoniales »: chaque génération a une autre classe que la génération précédente (Hist. sc., 1957, p. 1501).Le totem n'est que l'emblème, le symbole d'une force sacrée, anonyme et impersonnelle, émanant du clan et le dominant (Traité sociol., 1967, p. 49). 2. Représentation de l'être choisi pour totem (souvent, grand poteau de bois portant des figures sculptées superposées). Quoique Wrangell ait beaucoup perdu de son importance, ce n'en est pas moins une place intéressante pour l'étranger, qui peut y observer les plus beaux totems de la contrée. On appelle ainsi les larges poteaux en bois sculpté plantés par les Indiens devant leurs maisons. Ce sont des emblèmes destinés à rappeler les origines du chef de la famille et à perpétuer les hauts faits de ses ancêtres. (...) ces totems représentent des animaux monstrueux entremêlés de figures humaines grimaçantes (E. Cotteau, Le Transcanadien et l'Alaska, 1891 [1890], p. 22 ds Rey-Gagnon Anglic. 1981). SYNT. Avoir (un animal) pour totem; servir de totem à un clan; célébrer des rites, observer des interdits pour le/les totem(s) du clan; prendre son totem pour emblème; s'identifier avec son totem; totem particulier, personnel, sexuel; totem d'une tribu; détermination du totem par filiation matrilinéaire ou patrilinéaire. B. − P. ext. [P. réf. à un groupe, parfois une pers. isolée] 1. Fam. Être ou chose généralement un animal, considéré(e) comme emblème, fétiche ou porte-bonheur. Synon. mascotte.Ce major s'appelait Murmelthier, ce qui signifie en français marmotte. Il avait de cet animal, son totem, les yeux clignotants, le corps boudiné et le perpétuel assoupissement (L. Daudet, Cœur et abs., 1917, p. 180).Dans le dos des joueurs, d'immenses numéros (...). Sur les poitrines s'étalent des animaux, totems traditionnels des municipalités américaines (Morand, New-York, 1930, p. 182). − SCOUTISME. Animal qui symbolise la patrouille, qui en devient l'emblème, le signe de ralliement. La patrouille (...) a son drapeau, le « fanion » porté par le C.P.; avec l'emblème de l'animal choisi comme totem (Foulq.-St-Jean1969). 2. Au fig., littér. Ce à quoi on voue un respect quasi religieux; chose sacrée. Je ne crois point la Sorbonne tabou et le sorbonnagre n'est pas le totem de ma tribu (Thibaudet, Réflex. litt., 1936, p. 138). − En appos. Les mots totem du vocabulaire professionnel (Bernanos, Mauv. rêve, 1948, p. 899). REM. Boisson-totem, subst. fém.Le vin est senti par la nation française comme un bien qui lui est propre, au même titre que ses trois cent soixante espèces de fromage et sa culture. C'est une boisson-totem (L'Express, 14 nov. 1977, p. 200, col. 3). Prononc. et Orth.: [tɔtεm]. Att. ds Ac. 1935. Plur. des totems. Étymol. et Hist. 1. 1609 Aoutem « représentation concrète d'un être, espèce animale ou végétale, parfois chose, qui incarne l'esprit des ancêtres et sert d'emblème à une famille, une tribu, ou une nation » (Lescarbot, Hist. de la Nouvelle-France, éd. 1866, III, 658/683 ds Fried. 1960, p. 622); 1833 totem (Th. Pavie, La Hutte de l'Indien ds Annales romantiques, p. 121 d'apr. A. Weil ds Fr. mod. t. 13, p. 285); 2. a) 1794 totem « être, espèce animale ou végétale, ou chose qui incarne l'esprit des ancêtres chez les Indiens d'Amérique du Nord » (trad. J. Long, Voy. chez différentes nations sauvages de l'Amérique septentrionale, an II, 164 ds Höfler Anglic.); 1872 totem (Littré); b) 1896-97 p. ext. à d'autres peuples (E. Durkheim, La Prohibition de l'inceste, p. 2 ds Rey-Gagnon Anglic.); c) 1917 « animal ou objet emblématique d'une personne ou d'un groupe » (L. Daudet, loc. cit.). Empr. à un dial. algonquin du Nord, les formestotam, puis totem étant empr. par l'intermédiaire de l'anglo-amér. où elles sont respectivement att. dep. 1791 (J. Long) et 1809 (A. Henry), v. NED Americanisms et DAE. Ces formes sont prob. dues aux types algonquins portant la marque du poss. tels que kit-otem « ton clan » ou ot-oteman « son clan » (v. Fried., p. 622). Fréq. abs. littér.: 20. DÉR. Totémique, adj.a) Qui est fondé sur le totem; qui est relatif au totem. Ancêtre, clan, groupe, tribu totémique; culte, système, organisation totémique; institutions totémiques; croyance totémique; phénomènes, rites, règles totémiques. Les premiers observateurs s'aperçurent (...) que les croyances totémiques étaient inséparables d'un certain ordre social. Les tribus australiennes sont constituées par un certain nombre d'agrégats humains, dont les membres se considèrent unis par un lien de parenté non parce qu'ils sont consanguins, mais uniquement parce qu'ils portent le même nom: cet agrégat constitue le « clan » (Hist. sc., 1957, p. 1501).b) Qui a, qui porte les caractères du totem. Animal, blason, emblème, figure totémique. Poutres totémiques, pignons sculptés (totem poles), où se chevauchent des chouettes, les monstres et les corbeaux à bec saillant. Ces instruments magiques, ces symboles de sociétés secrètes, ces clubs de cannibales, ces rites, ces cérémonies d'initiation, comment expliquer qu'ils soient les mêmes sous le pôle que sur les bords du Tchad? (Morand, New-York, 1930, p. 256).Mât totémique. Mât portant l'emblème du totem. Le Musée de l'Homme (palais de Chaillot) présente un grand mât totémique (Quillet1965, s.v. totémique).− [tɔtemik]. − 1reattest. 1896 (A. Lang, Mythes, cultes et religion, 69 ds Höfler Anglic.); de totem (suff. -ique*) prob. d'apr. l'anglo-amér. totemic (1846 ds Americanisms, Dae et NED Suppl.2). BBG. − Quem. DDL t. 3. |