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SEC, SÈCHE, adj. et subst.
I. − [Qualifie une réalité concr.]
A. − Qui ne renferme pas ou plus d'humidité; qui ne contient pas d'eau ou de substance liquide. Synon. aride, desséché; anton. humide, mouillé.Argile, terre sèche; sable, sol, terrain sec; plaine sèche et rocailleuse; être sec comme une allumette. Il conta une tournée d'automobile (...) Il avait fait quarante kilomètres à l'heure. Il est vrai que la route était sèche et bien entretenue (France,Anneau améth.,1899, p. 273):
1. ... les surfaces éprouvées par un mauvais écoulement des eaux réclamaient de coûteux travaux de desséchement. Au contraire, la culture arbustive a pu de prime-abord se propager et s'étendre sur les terrains où, la surface étant sèche, le sous-sol restait suffisamment humecté... Vidal de La Bl.,Princ. géogr. hum.,1921, p. 84.
Loc. fam. N'avoir plus un fil* de sec.
En partic.
1. [Qualifie certaines conditions climatiques, météor.]
a) Dépourvu de précipitations, de brouillard, d'humidité atmosphérique. Été, froid, climat, temps sec; orage sec; chaleur, mousson sèche; jours secs. C'était le début des grandes tornades sèches de juillet. En efforts désespérés, elles se vrillaient vers le ciel, et sifflaient, lugubres, comme un serpent se dresse verticalement et crache aux étoiles son impuissance (Psichari,Voy. centur.,1914, p. 48).Au creux humide du rocher se forme la mousse. Condamnée d'avance, certes, par le premier vent sec du désert (Saint-Exup.,Citad.,1944, p. 624).Saison* sèche.
b) [P. méton.;] [en parlant des pays, des régions où se manifestent ces conditions, des conséquences pour l'agriculture, l'économie, etc.] Le passage de l'Asie sèche à l'Asie humide, de la région des oasis à celle des pluies de moussons (Vidal de La Bl.,Princ. géogr. hum.,1921p. 62).L'on peut opposer les grandes plaines de culture sèche aux vallées irriguées et aux pays coupés des collines (Meynier,Paysages agraires,1958, p. 52).
c) PHYS. Dans l'air absolument sec, la fraction de saturation est nulle, et (...) elle est égale à l'unité lorsque l'air est saturé de vapeur d'eau (Ser,Phys. industr.,1890, p. 668).
Vapeur sèche. Vapeur ,,dont la température est supérieure au point de rosée`` (Hachette 1980).
2. [Qualifie certaines parties du corps] Qui n'est pas ou qui est peu humecté, hydraté; dont les sécrétions, la lubrification sont insuffisantes. Synon. déshydraté, desséché; anton. humide, moite (mains, peau), gras (cheveux, peau).Bouche, gorge, peau sèche; lèvres, cheveux secs. [Il] frotta ses mains sèches, rouges d'ignorer en toute saison l'eau chaude et les gants (Colette,Sido,1929, p. 145):
2. ... il dut rentrer au milieu de l'après-midi pour se reposer de nouveau. Dans la nuit, il se mit à tousser; et il se retournait sur sa paillasse, fiévreux, le front brûlant, la langue sèche, dévoré d'une soif ardente. Maupass.,Contes et nouv., t. 1, Père Amable, 1886, p. 226.
3.
a) [Dans des loc., pour exprimer certaines sensations ou sentiments déterminés par le cont. (angoisse, émotion, etc.)]
(Avoir la) bouche sèche. Moi, j'avais la bouche sèche, j'étais incapable de dire un mot. Je me sentais redevenu le petit garçon qui tremble devant une correction méritée (Martin du G.,Thib., Épil., 1940, p. 814).
(Avoir le) gosier* sec.
[P. ell. du subst.] Au fig., pop. L'avoir sec. Être déçu, mécontent, furieux. On avait beau faire les mariolles, le barbu et moi, on l'avait sec malgré toute la flotte (Vialar,Morts viv.,1947, p. 418).
(Avoir l')œil sec. Ne manifester aucune émotion, aucun chagrin. Louis XIV l'avait vue [Mmede La Vallière] entrer au couvent d'un œil sec (Sainte-Beuve,Caus. lundi, t. 3, 1851, p. 472).
[P. méton.;] [en parlant d'un sentiment ne s'exprimant pas par des larmes] Cet art [la musique] change la douleur sèche du malheureux en douleur regrettante (...) il fait couler les larmes (Stendhal,Hist. peint. Ital., t. 2, 1817, p. 129):
3. Elle ne dit qu'un seul mot: « Je me survis ». L'accent ne correspond pas du tout au visage. Il n'est pas tragique, il est... horrible: il exprime un désespoir sec, sans larmes, sans pitié. Oui, il y a en elle quelque chose d'irrémédiablement désséché. Sartre,Nausée,1938, p. 183.
N'avoir plus un poil* de sec.
b) [P. méton.] Vieilli ou iron. Nourrice sèche. Nourrice qui garde, élève des enfants en bas âge sans les allaiter. On doit (...) avoir une nourrice sèche. La nourrice sèche a de grosses épingles et des rubans à son bonnet comme une autre nourrice; il ne lui manque que du lait (France,Livre ami,1885, p. 200).
4. [Qualifie l'aboutissement d'un processus d'évaporation]
a) [En parlant d'un végétal, d'un aliment] Qui a perdu ses constituants liquides, sa fraîcheur, son humidité naturelle. Anton. frais, vert (végétaux).Arbre, bois sec; prairie sèche; feuillages secs; herbes sèches; pain sec (synon. dur, rassis). Il devait avoir une collection de plantes sèches. Cela s'appelle un herbier (Mérimée,Abbé Aubain,1847, p. 159).Des reliures de Prouvé, le peintre, dont l'une, la Mélancolie d'automne, représente, sur une peau couleur de feuille morte et en relief, le recroquevillement des feuilles sèches dans cette saison sur les chemins (Goncourt,Journal,1894, p. 583).
Fourrage* sec.
HÉRALD. Arbre, rameau sec. Arbre, rameau représenté sans feuilles. (Dict. xixeet xxes.).
b) [En parlant d'un obj., d'une substance] Dont l'eau, l'humidité, les constituants liquides (solvants, etc.) ont été éliminés, retirés (par séchage, évaporation). Linge, vêtement sec; colle, peinture sèche; plâtres secs. Il retira son caoutchouc et fut tout heureux de trouver sa capote sèche (Dorgelès,Croix de bois,1919, p. 257):
4. On s'assure que le vernis est bien (...) sec, en touchant avec le doigt (...). Si le doigt laisse une empreinte terne et nébuleuse, c'est un signe (...) que le vernis n'est pas arrivé au degré de siccité convenable... Nosban,Manuel menuisier, t. 2, 1857, p. 181.
Extrait sec, matière* sèche. Produit restant après déshydratation complète. L'auteur ne cite ici qu'une partie des fraudes que la mauvaise foi et la cupidité font subir aux extraits de quinquina, et surtout à l'extrait sec de cette écorce (Kapeler, Caventou,Manuel pharm. et drog., t. 2, 1821, p. 606).
[P. méton.] Poids sec. Poids du produit ainsi déshydraté. On a dénombré jusqu'à plusieurs centaines de millions de bactéries par gramme de vase humide, ce qui correspond à un poids sec de matière vivante de 0,3 à 2 mg (J.-M. Pérès, Vie océan,1966, p. 94).
ALIM., CONSERV. Qui a subi un traitement destiné à la déshydratation plus ou moins complètement, généralement pour assurer sa conservation. Poisson, saucisson sec; fromage sec; haricots, légumes secs; abricots, raisins secs; châtaignes, figues sèches. Le lait traité (évaporé, condensé ou sec) est destiné aux bébés et aux malades (Wolkowitsch,Élev.,1966, p. 206).
Gâteau* sec.
Vieilli. Confitures sèches. Fruits confits. [Le coing] servait à l'assaisonnement des viandes et on l'utilisait comme base pour faire les confitures sèches d'Orléans appelées cotignac (Gdes heures cuis. fr.,Éluard-Valette, 1964, p. 232).
Loc. fig. Fruit sec. V. fruit1.
5. Qui ne comporte pas l'élément (semi-)liquide dont il est normalement accompagné.
a) En partic.
α) [En parlant d'une boisson alcoolisée] Servi sans eau, sans glaçons. Apéritif, porto, whisky sec. Elle aimait bien son pernod sec (Céline,Mort à crédit,1936, p. 524).Bien que ce ne soit pas l'heure, je boirai quelque chose de sec, de la fine ou de l'armagnac (Simenon,Vac. Maigret,1948, p. 170).
β) [En parlant d'un véhicule] Être en panne sèche. V. panne3.
b) Spécialement
α) BÂT. Mur de briques, de pierres sèches (v. pierre B 2). Mur de briques, de pierres empilées les unes sur les autres sans mortier ni liant. (Dict. xxes.).
β) CHIM. Voie sèche. Traitement chimique réalisé sans adjonction de liquides excipients et généralement à haute température. Verre soluble. − (...) produit dont la fabrication peut se faire par voie sèche ou par voie humide (Cl. Duval, Verre,1966, p. 100).
γ) COMM. [P. oppos. à liquide] Épicerie sèche, marchandises sèches (v. marchandise A 1). Ensemble des aliments présentés en rayon, à l'exclusion des boissons et des produits frais.
δ) MARINE
Banc sec. ,,Banc qui découvre à marée basse`` (Lar. 19e-Lar. Lang. fr.).
Cale* sèche. V. cale1.
ε) MÉD., PATHOL.
[Pour indiquer une absence de liquide, de sécrétions physiologiques] Eczéma sec. Polyarthrite sèche progressive (Ravault, Vignon,Rhumatol.,1956, p. 16).
Asthme sec, toux sèche. Asthme, toux non accompagné(e) d'expectorations. Anton. gras.Tant que dure l'accès d'asthme, il ne faut donner au malade aucun aliment solide, sur-tout dans l'asthme sec, où le malade ne rend aucuns crachats (Geoffroy,Méd. prat.,1800, p. 132).Les antitussifs sont indiqués lors des toux sèches, tandis que les expectorants sont indiqués lors des toux grasses (Pèlerin magazine,21 nov. 1986, n o5425, p. 37, col. 4).
Pleurésie, pleurite sèche. Inflammation pleurale sans exsudation. En février, j'ai fait une pleurite sèche avec expectorations sanguinolentes (Martin du G.,Thib., Épil., 1940, p. 887).
Ventouses sèches. Ventouses appliquées sans inciser préalablement la peau, et ne provoquant pas d'exsudation sanguine. Les ventouses ainsi appliquées prennent le nom de ventouses sèches; elles produisent une révulsion qui est souvent utile (Nelaton,Pathol. chir., t. 1, 1844, p. 31).
[Pour indiquer une privation d'alcool]
Pays sec. ,,Pays dans lequel la consommation d'alcool est prohibée`` (Lar. 20e-Lar. Lang. fr., Quillet 1965).
Régime sec. V. régime1.
B. − P. ext.
1. [Qualifie une chose] Non accompagné, dépourvu d'un complément ou d'un autre élément. Être au pain* sec.
a) Spécialement
α) ARBORIC. Taille sèche. Quand on pratique la taille sèche (...) on supprime tous les rameaux inutiles à la formation de la souche ou à la fructification (Brunet,Matér. vitic.,1909, p. 18).
β) JEUX, SPORTS
JEUX DE CARTES. Atout, manillon sec; carte sèche. Atout, manillon, carte qui n'est pas accompagné(e) d'une autre carte de même couleur. (Dict. xxes.).
JEUX, SPORTS. Manche, partie sèche; set sec. Manche, partie, set qui se déroule en une fois, sans possibilité de revanche. Les qualités d'accrocheur d'Agopoff ne purent rien contre le brio de Fred, qui remporta une victoire relativement facile en trois manches sèches [Ping-pong] (France au travail,17 févr. 1941).
Loc., au propre et au fig. (Jouer) en cinq* secs.
γ) MAR. [Pour indiquer l'absence de voiles]
Cape sèche. V. cape2.
Panne sèche. V. panne3.
Vergue* sèche.
δ) MUS. (dans le domaine du jazz, du rock, de la pop-music). [P. oppos. à guitare électrique*] Guitare sèche. Guitare dépourvue d'amplificateur. Hugues Aufray chante d'excellentes traductions de folksongs traditionnels (chants de cow-boys, de marins, de poseurs de rails) et d'œuvres américaines contemporaines (...). La guitare électrique laisse la place à la guitare dite « sèche », au banjo et à l'harmonica (F. Vernillat, J. Charpentreau, La Chans. fr., 1971, pp. 106-107).
ε) TOUR. [Pour indiquer l'absence d'autres prestations] On s'envole maintenant vers les States avec la formule « transport sec », juste le billet sans achat de services. On se débrouille sur place (Le Nouvel Observateur, 29 juin 1981, p. 47, col. 2).
b) [Qualifie une somme d'argent] Argent sec. Synon. de argent comptant.*J'avois calculé que six cents livres d'argent sec me mettroient à même de courir de bons marchés (Fiévée,Dot Suzette,1798, p. 69).
α) [Pour indiquer l'absence de prime, de majoration ou de minoration sur la somme indiquée] Synon. de net.Si vous n'aviez pas de fortune, on vous laisserait très bien, mon prince, (...), avec votre traitement tout sec, sans se souvenir que vous avez sauvé la Grande Armée (Balzac,Cous. Bette,1846, p. 303).
Perte* sèche.
β) [P. méton.; en parlant d'une pers.] Fam., vieilli. Être sec. Manquer d'argent. (Dict. xixes.). Synon. être à sec*.
c) [Qualifie un acte professionnel, religieux, etc.] Cette cérémonie sèche, le mariage civil, une espèce de formalité à l'américaine, qui met dans le mariage juste le cœur du code (Goncourt,Journal,1865, p. 154).
Confession sèche. Confession non suivie de l'absolution. (Ds Quillet 1965).
Consultation sèche (vieilli). Consultation donnée par un avocat, sans percevoir d'honoraires. (Ds Lar. 19e, Littré, DG).
Messe* sèche.
2. [Qualifie l'ensemble ou une partie du corps d'une pers., d'un animal] Dépourvu de chair, de graisse. Synon. décharné, étique, maigre; anton. gras, gros1, replet.Homme, vieillard sec; corps sec; épaules, mains sèches; tête sèche. Madame Ragon, grande femme sèche et ridée, au nez pincé, aux lèvres minces, avait un faux air d'une marquise de l'ancienne cour (Balzac,C. Birotteau,1837, p. 163):
5. ... Poëri fit signe au bouvier de faire avancer ses bêtes. C'étaient de superbes animaux, aux longues cornes évasées comme la coiffure d'Isis, au garrot élevé, au fanon puissant, aux jambes sèches et nerveuses. Gautier,Rom. momie,1858, p. 265.
a) [Dans des loc. compar. à connotation dépréc.] Sec comme un échalas, un hareng, une momie, un pendu. Sec comme un coup de trique (Carabelli, [Lang. pop.], s.d.).
b) En empl. subst. Ce chef, un grand sec, arrêtait son monde et le reformait au milieu des landes et des broussailles (Erckm.-Chatr.,Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 218).
c) P. ext., vieilli, fam. Être sec. Être mort. Voir Rigaud, Dict. jargon paris., 1878, p. 309.
C. − P. anal. Qui manque d'ampleur, de moelleux, d'onctuosité. Synon. âpre, bref, dur, raide, rêche, rude; anton. doux, étoffé, gracieux, onctueux, souple.La maternité, l'allaitement, avaient développé les hanches, les seins, épaissi la base du cou. Mais cet alourdissement n'était pas désagréable: il corrigeait ce qui subsistait encore de raideur protestante dans son maintien, son port de tête, et jusque dans la finesse un peu sèche des traits (Martin du G.,Thib., Épil., 1940, p. 844).
En partic.
1. [Qualifie une œuvre picturale, sa réalisation] ,,Se dit d'une exécution dure, de contours trop carrés, de tableaux peints d'une touche trop mince, dont la pâte n'offre pas une épaisseur suffisante`` (Adeline, Lex. termes art, 1884). Contour, dessin sec; calligraphie sèche; tons secs. Si l'on regarde [chez les Anglais] (...) ce qu'on appelle l'École sèche, souvenir des Flamands primitifs, on trouve (...) dans l'aridité du procédé un sentiment de vérité réel et tout à fait local (Delacroix,Journal,1855, p. 339).Élève de Jean Bellin, Titien, dans ses commencements, en imite la manière un peu sèche et la naïveté encore gothique (Gautier,Guide Louvre,1872, p. 49).
2. [Qualifie une œuvre musicale, son mode d'exécution] Note(s) sèche(s). Tous [les musiciens hot] emploient un même type d'attaque rapide, sèche et puissante (Panassié,Jazz hot,1934, p. 80).
3. [Qualifie un bruit, un coup, un mouvement, etc.] Net, vif, rapide. Claquement sec; détonation, sonorité sèche. Les soirées se passaient pour le père et pour la fille à jeter les dés qui sonnaient avec un bruit sec contre le rebord de bois (Bourget,Disciple,1889, p. 139).L'irascible petit vieillard [répondit], avec un coup sec frappé sur le bureau (Benoit,Atlant.,1919, p. 148).
Voix sèche. Voix nette, aux sonorités un peu tranchantes. Quant à Paul Valéry, qui a enregistré, d'une voix métallique et sèche, Le Cimetière marin, nous pouvons le trouver monotone, mais nous pouvons aussi penser que sa diction s'accorde à la beauté de ses vers, à leur rigueur formelle, à leur désespoir sans consolation (Disque Fr.,1963, p. 15).
4. [Qualifie une étoffe] Qui manque de moelleux au toucher. Lainage sec; gabardine sèche. De la popeline? C'est une étoffe soie et laine, sèche, tu sais, qui ne colle pas (Colette,Fin Chéri,1926, p. 222).
5. [Qualifie un vin] Peu liquoreux, à saveur plus ou moins acide. Anton. doux, moelleux, sucré.Vin blanc sec; champagne sec. Mettez dans une casserole (...) des parures de champignons et de truffes et deux verres de madère sec (Gdes heures cuis. fr.,Carême, 1833, p. 132).Aimeriez-vous un verre de Pouilly sec? (Simenon,Vac. Maigret,1948, p. 51).
II. − Au fig., domaine moral, intellectuel.[Qualifie une réalité abstr.]
A. − [Appliqué à un enseignement, une doctrine, une production de l'esprit, etc.] Qui manque d'agrément, de charme, de fantaisie (pour l'esprit, la sensibilité). Synon. aride, froid, sévère.Ouvrage, style sec; étude, langue, narration, prose sèche; intellectualité, vie sèche. L'abstrait impératif catégorique de Kant lui paraissait trop froid et trop sec pour les besoins de l'imagination, cette folle du logis de Malebranche, mais aussi cette source de l'inspiration (Ménard,Rêv. païen,1876, p. 19).Ce sera, j'espère, un délassement pour vous d'entendre, après l'exposé sec et aride des découvertes de la science, une description poétique de l'opposition économique qui existe entre le narcissisme et l'état amoureux (Freud,Introd. psychanal., trad. par S. Jankélévitch, 1959 [1922], p. 447).
B. − [Appliqué à une pers., à son comportement]
1. Qui est dépourvu de générosité, de sensibilité, de chaleur humaine. Synon. froid, glacial, indifférent, insensible, sévère.J'étais tombé sous la férule de l'abbé Homan, jeune prêtre d'allure tortillante, à l'esprit petit et soupçonneux, au cœur sec (Billy,Introïbo,1939, p. 26):
6. Il y eut dès ce moment dans (...) [le] sentiment [de Mathilde] pour Julien, du vague, de l'imprévu, presque de la terreur. Cette âme sèche sentit de la passion tout ce qui en est possible dans un être élevé au milieu de cet excès de civilisation que Paris admire. Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 445.
En partic. Qui dénote la mauvaise humeur, le désir de blesser. Synon. cassant, désobligeant.Geste, refus, salut, ton sec; lettre, réponse sèche. Que de fois déjà, un coup d'œil hautain, un mot sec de la Belcredi, avait déraciné jusqu'aux moindres fibres de l'attendrissement qu'il sentait (Bourges,Crépusc. dieux,1884, p. 245).Ne joue pas les ingénues, ça n'est pas ton emploi, dit Lucie Belhomme d'une voix sèche (Beauvoir,Mandarins,1954, p. 270).
2. Qui manque de richesse intérieure, de facultés créatrices. Synon. aride, stérile; anton. fécond, luxuriant.Auteur, écrivain, penseur sec. Sous couleur d'être analystes, nous ne sommes que des nihilistes, des âmes sèches, des cerveaux incapables de sentir efficacement et avec suite, organisés uniquement pour la négation (Barrès,Renan, Trois stations de psychothérapie, 1891, p. 92).
Loc. fam. Être, rester sec. Être incapable de répondre, d'argumenter. Synon. sécher.Un passage d'un livre ou d'un exposé l'obsédait: « Si j'avais à en parler, je serais absolument sec. À l'oral, j'aurais l'air d'un idiot... » (Magnane,Bête à concours,1941, p. 384).Demandez à un monsieur à la page de réciter des vers de Claudel, de Valéry, d'Éluard, il restera sec (Aymé,Confort,1949, p. 59).
III. − Empl. adv.
A. − [Corresp. à supra I A 4 a α] Boire sec. Boire de l'alcool sans y ajouter d'eau, de glaçons; p. ext., boire beaucoup. On but sec et longtemps. On trinqua « aux dames d'Alger! au Monténégro libre!... » (A. Daudet, Tartarin de T.,1872, p. 88).
B.− [Corresp. à supra I C 3; avec un verbe indiquant une action, un mouvement] D'une manière vive, rapide. Conduire, frapper, parler sec; ça pète sec. Le claquement de leurs socques de bois accompagnait sec et vite la mesure de cette musique (Hamp,Marée,1908, p. 18).Tac! Un coup de feu claque sec, venant des lignes boches (Dorgelès,Croix de bois,1919, p. 94).
En compos. Pète-sec*.
AUDIOVIS. Couper sec. ,,Faire une coupure brusque et nette du plan sonore ou visuel`` (franterm Néol. 1984). Monter sec. ,,Faire un montage de plans sonores ou visuels coupés de manière brusque et nette`` (franterm Néol. 1984).
Loc. adv., pop., fam. Aussi sec. Aussitôt, sans hésiter. Synon. du tac au tac.Un bout de conversation, et mon pouvoir séducteur opérera. − Et s'il n'opère pas? − Alors je vous saute dessus. Aussi sec (Queneau,Zazie,1959, p. 210).
IV. − Empl. subst. masc.
A. − À valeur de neutre
1. État, qualité de ce qui est dépourvu d'humidité. J'ai dans ma vigne des grappes qui se couvrent de moisissure et qui n'ont échappé au soleil que pour périr à la pluie. − Hélas! (...) l'humide et le sec sont les deux ennemis du vigneron (France,Rôtisserie,1893, p. 341).
En partic.
a) [Dans la philos. gr.] Un des quatre principes actifs d'Aristote. Aux quatre âges de la vie correspondent pour le corps quatre tempéramens qui résultent de la combinaison de l'humide, du chaud, du sec, et du froid (Ozanam,Philos. Dante,1838, p. 130).
b) Sécheresse atmosphérique. Ces baromètres rustiques, grains d'avoine dont les deux barbes, aussi longues que celles des crevettes-bouquet, viraient, crucifiées sur un carton, à gauche, à droite, prédisant le sec et le mouillé (Colette,Sido,1929, p. 38).
2. Chose(s) sèche(s). Une fois dans l'île et vêtus de sec, il leur fallut laver leur barque (Queffélec,Recteur,1944, p. 108).
En partic.
a) Aliment sec dont se nourrit le bétail. Anton. vert.Tous les fumiers destinés à être employés à la production des champignons doivent provenir d'animaux nourris au sec (...) nourris avec du foin, et non avec des plantes vertes (Gressent,Potager mod.,1863, p. 680).Voilà une vache qui mange trop de sec. − Ça se peut, en tout cas, elle donne ses douze litres (Aymé,Jument,1933, p. 134).
Loc. fig. Donner, employer, manger... le vert et le sec. User de tous les moyens dont on dispose (pour obtenir quelque chose). Le maréchal (...) me dit (...) que nos adversaires ont employé le vert et le sec, mais qu'il a résisté de tous les côtés avec vigueur (Mérimée,Lettres Viollet-le-Duc,1864, p. 103).Le pauvre homme a rencontré une bouleversante créature aux yeux de jade, pour laquelle il est en train de manger le vert et le sec (Aymé,Bœuf cland.,1938, p. 218).
b) Au sec. Dans un lieu dépourvu d'humidité. Être au sec; mettre qqc. au sec. Il était (...) chaussé de sabots qui lui tenaient les pieds bien au sec (Châteaubriant,Lourdines,1911, p. 8):
7. Les cheminées se trouvaient ainsi divisées en trois ou quatre chambres, si toutefois on peut donner ce nom à autant de tanières sombres, dont un fauve se fût à peine contenté. Mais on y était au sec, et l'on pouvait s'y tenir debout... Verne,Île myst.,1874, p. 35.
Mettre les voiles au sec. Les déployer pour les faire sécher. (Dict. xixeet xxes.).
Tirer les confitures au sec. Les sortir de leur jus, de leur sirop (Dict. xixeet xxes.).
B. − Loc. adj. ou adv. À sec
1. Sans eau, sans élément liquide. Quand tous les puits seront à sec, celui-ci aura de l'eau encore (Claudel,Père humil.,1920, ii, 1, p. 516).Une pluie diluvienne recommence; Quelle bêtise! En été, la citerne à sec, le gosier à sec, on gémira sur le manque d'eau et, maintenant, des fleuves de pluie et des fleuves de pluie croulent, perdus d'avance (Queffélec,Recteur,1944, p. 117).
En partic. [En parlant d'une pers.] Sans verser de larmes. Sotte, qui t'en vas pleurer comme une petite fille! N'as-tu pas appris à « souffrir à sec? » (Colette,Vagab.,1910, p. 187).Les filles et la femme poussent des cris retentissants, les garçons gémissent à sec, avec un visage admirable de gravité (Barrès,Pays Lev., t. 2, 1923, p. 47).
Spécialement
BÂT. Sans mortier ni liant. Comme la plupart des grands monuments des Romains, le pont du Gard est construit en pierres de taille posées à sec sans mortier ni ciment (Stendhal,Mém. touriste, t. 2, 1838, p. 150).
TECHNOL. Sans adjonction de liquide spécifique. Teinture à sec. Le blanchissage diffère du simple savonnage que l'on fait subir aux tissus de laine, du nettoyage à sec auquel sont soumis les vêtements de laine et de soie (Lar. mén.1926, p. 190).
2. Que l'on a placé hors de l'eau. On l'avait mis à sec [le navire] l'année précédente pour gratter ces coquillages, puis il avait repris la mer (Hugo,Misér., t. 1, 1862, p. 448).L'originalité du projet de la Rance réside dans sa construction en plusieurs phases (...) permettant d'effectuer les travaux à sec entre batardeaux étanches (Romanovsky,Mer, source én.,1950, p. 99).
3. MAR. (Navire) à sec (de toiles, de voiles). (Navire) qui a serré toutes ses voiles en raison du gros temps. Durant les quatre jours que Vespuce a été poussé dans le nord par un vent de sud-ouest violent, il a pu faire, quoique naviguant à sec, trente-cinq lieues par vingt-quatre heures (Voy. La Pérouse,t. 1, 1797, p. 75).Un gros navire à sec de toiles qui fuyait sous le vent du côté des îles Lavezzi (A. Daudet, Lettres moulin,1869, p. 89).
4. Au fig., fam.
a) Dépourvu d'argent. Je suis tellement à sec que je ne t'envoie pas de bleu (Rivière,Corresp. [avec Alain-Fournier], 1907, p. 307).S'étant aperçue que son compte en banque était presque à sec, elle avait eu un coup de panique (Aymé,Travelingue,1941, p. 118).
Mettre (qqn) à sec. (Le) ruiner. [Mariette] se rappelait son émotion, la première fois qu'elle avait soulevé, de cette façon, une grosse somme à un Anglais fou d'elle, et qui voulait se tuer quand elle le quitta, après l'avoir mis à peu près à sec (L. Daudet, Entremett.,1921, p. 86).
b) Être à sec. Ne savoir que répondre, manquer d'idées (sur tel ou tel sujet). Quand ils furent à sec d'éloquences, ces trois messieurs se retirèrent (A. Daudet, Pt Chose,1868, p. 109).Je suis fort à sec quant aux renseignements sur les dieux de la Perse et sur les dieux de l'Inde (Flaub.,Corresp.,1871, p. 275).
Prononc. et Orth.: [sεk], fém. [sε ʃ]. Ac. 1694, 1718: sec, seche; dep. 1740: sec, sèche. Étymol. et Hist. A. 1. a) Ca 980 « qui a perdu son humidité naturelle (d'une plante) » (Jonas, éd. G. de Poerck, p. 43); 1273 ognons sais « dont on a fait évaporer les éléments humides en vue de la conservation » (C'est Henris de Gant, Chirog., A. Tournai ds Gdf. Compl.); 1690 fruits secs (Fur.); b) déb. xiies. « qui ne renferme pas d'eau ou d'éléments liquides » (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 1578); 1690 sec comme une allumette (Fur.); c) ca 1150 « qui est dépourvu d'humidité atmosphérique » (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 2233); fin xives. saisson seche (Froissart, Chroniques, éd. G. Raynaud, t. 11, p. 127); d) 1160-70 « qui n'est pas ou plus mouillé » (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 4342); 1616 ancre seche « dont le solvant s'est évaporé » (d'Aubigné, Hist. univ., II, 252 ds Littré); e) 1389 bouche seche « qui n'est pas hydratée » (L'Orloge de sapience, Maz 923, I, VI ds Gdf. Compl.); 1670 fig. avoir des yeux secs « ne pas être ému » (Racine, Berenice, IV, 5); f) 1535-74 avoir le gosier sec (Mellin de St Gelays, Œuvres, éd. P. Blanchemain, I, 71); 1918 l'avoir sec (le gosier) (Dauzat, Arg. guerre); 1936 id. « éprouver une vive contrariété » (Céline, Mort à crédit, p. 462); 2. a) 1150-70 piere secche « employée sans mortier » (Jeu Adam, éd. W. Noomen, 850); b) ca 1210 touz seche « sans expectoration » (Guiot de Provins, Bible, 2569 ds T.-L.); 1871 orage sec « sans pluie » (Littré); c) fin xiiies. [date du ms.] pain tot sec « pain sans autre aliment » (Li Purgatoires saint Patrice, B. N. 423, f o35b ds Gdf. Compl.); 1342 pain sec (J. Bruyant, Pauvreté et richesse, 38a ds T.-L.); d) 1260 argent sec « argent comptant » (E. Boileau, Métiers, éd. G.B. Depping, 351); e) 1904 partie sèche « aux cartes, partie non suivie d'une revanche et d'une belle » (Nouv. Lar. ill.); 1931 avoir le manillon sec « sans autre carte de la couleur » (Pagnol, Marius, III, 4, p. 162); 3. a) ca 1160 « se dit d'une personne maigre » (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 2572); b) 1690 sec comme un pendu (Fur.); 1845 sec comme un hareng (Besch.); c) 1835 subst. un grand sec (Ac.); 4. a) 1200 vin sec (Jean Bodel, Jeu St Nicolas, éd. A. Henry, p. 100); b) 1636 tissu sec (Monet); c) 1676 « dans le domaine artistique, exécution dure où les traits sont trop marqués » (Félibien, p. 734); d) 1703 coup sec (Trév.). B. 1. a) Ca 1225 cuers... ses « qui manque de sensibilité, de tendresse » (Reclus de Molliens, Miserere, CCLXI, 11 ds T.-L.); b) 1588 parler sec « rude, brusque » (Montaigne, Essais, éd. P. Villey et V. L. Saulnier, p. 253); 2. ca 1265 « qui n'offre aucun agrément pour l'esprit, dénué de grâce, de fantaisie » (Brunet Latin, Trésor, éd. F. J. Carmody, p. 327); 1636 « se dit d'un auteur stérile ou aride » (Monet); 1866 arg. scol. « incapable de répondre à une question » (ds Esn.). C. Subst. 1. a) 1269-78 « état de ce qui est sans eau » (Jean de Meung, Rose, éd. F. Lecoy, 16931); b) 1342 seck « fourrage sec » (Cartul. de Cambron, p. 256 ds Gdf. Compl.); c) ca 1450 avoir le sec et le vert (Mistere Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 35341); 1611 employer le verd et le sec (Cotgr.); 2. a) 1155 a sec « hors de l'eau » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 2476); 1283 metre a sec (un vivier) (Philippe de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. M. Salmon, t. 2, p. 92); b) 1611 naviger a sec « sans voiles » (Cotgr.); 1859 à sec de voiles (Bonn.-Paris); 1904 à sec de toile (Nouv. Lar. ill.); c) 1536 mettre qqn à sec « le démunir d'argent » (Roger de Collerye, Œuvres, éd. Ch. d'Hericault, p. 248); d) 1567 être à sec « n'avoir plus rien à dire » (Amyot, Vies, Lucullus, 2 ds Gdf. Compl.); 1678 mettre qqn à sec « le réduire au silence » (Bussy-Rabutin, Lettre ds Mmede Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, p. 603). D. Adv. 1. 1283 paier tout sec (Philippe de Beaumanoir, op. cit., p. 37); 2. ca 1500 parler sec « d'une façon vive, nette » (Philippe de Commynes, Mém., éd. J. Calmette, t. 2, p. 316); 3. 1640 boire sec « bien boire » (Oudin Curiositez, p. 501); 4. 1904 aussi sec! (ds Esn.). Du lat. siccus « sec, sans humidité », fig. en parlant du style « froid, indifférent ». Fréq. abs. littér.: 5 386. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 5 392, b) 8 883; xxes.: a) 9 004, b) 8 130. Bbg. Blumenthal (P.). Die Linguistik des Weingeschmacks... Z. fr. Spr. Lit. 1979, t. 89, pp. 99-102, 105. − Quem. DDL t. 28. − Vincenot (I.). Ét. du mot sec d'après un corpus tiré des enregistrements du T.L.F.: théor. de sém. combin. appl. au mot sec. Thèse, Nancy2, 1987, 487 p.