| PAPILLON, subst. masc. A. − 1. Insecte lépidoptère pourvu d'ailes colorées à écailles fines et poudreuses. La poudre colorée que le papillon laisse au doigt quand on le touche (Huyghe,Dialog. avec visible,1955, p.159): 1. Vers la gaze de feu que trament les rayons,
Vole le frêle essaim de riches papillons
Qu'enivrent la lumière et le parfum des sèves...
Heredia,Trophées,1893, p.136. SYNT. Papillon de jour, de nuit, diurne, nocturne, crépusculaire; gros, petit, beau, joli papillon; papillon bariolé, bigarré, diapré, blanc, rouge, noir, exotique, multicolore, ocellé, pourpré, rare; le papillon butine, volette, voltige, palpite, se pose; antennes, trompe, ailes, chenille, chrysalide, larve de papillon; attraper, prendre, poursuivre un papillon; chasse aux papillons; filet à papillons; envol de papillons; collection, collectionneur de papillons. ♦ [Dans une compar.] Vive comme un papillon, fraîche comme une rose, nous sommes la lumière de la maison et la joie du regard et nous trottillons en chantant comme un colibri familier (Amiel,Journal,1866, p.246).Je la vois [l'intelligence] en mouvement, légère comme un papillon; se posant sur les choses les plus frêles sans seulement les faire plier (Alain,Propos,1908, p.27). ♦ [En appellation d'espèce] Papillon du chou. Le glorieux papillon du Brésil, d'un bleu riche à reflets changeants (Michelet, Insecte, 1857, p.161).Le papillon du ver à soie meurt intoxiqué par ses produits d'excrétion (J. Rostand, La Vie et ses probl.,1939, p.113).P. compar. Sous les arbres clairs, à côté du grand chalet, les petites tables faisaient papillons de chou (Aragon,Beaux quart.,1936, p.406). − ENTOMOL. Lépidoptère au stade de l'imago. V. anatomie ex. 2. 2. P. anal. Personne brillante, versatile, inconstante. Avec sa cour folâtre de jeunes merveilleux, papillons de boudoirs (...) Véronique était là (Gautier,Albertus,1833, p.144): 2. Quand donc une bonne arquebusade de favoris nous délivrera-t-elle de ces insolents petits muguets? (...) Et que venaient faire ici ces jeunes papillons de cour (...)?
Dumas père, Henri III,1829, I, 6, p.137. 3. Expr. et loc. au fig., fam. ♦ Courir après les papillons (vieilli). S'occuper de choses futiles, s'amuser à des bagatelles. Synon. courir à des riens, badiner, folâtrer, papillonner.Et le groupe, amusé par les zigzags des sons, laisse courir son coeur après ces papillons (Romains,Vie unan.,1908, p.132). ♦ Se brûler à la chandelle, à la flamme comme un papillon. Se laisser prendre au piège par des apparences brillantes et trompeuses. Maintenant je vous prie de vous retirer. Voilà une heure que vous tournaillez autour de moi, comme un papillon autour de la flamme. Toutes les femmes, je l'ai remarqué, tournent avec obstination autour de ce qui doit les brûler (Montherl.,Reine morte,1942, iii, 6, p.229). ♦ Papillons noirs. Idées sombres, humeur mélancolique. Avoir, chasser les papillons noirs (de sa cervelle). Oh! n'aie pas peur, ce ne sont pas mes papillons noirs qui me poursuivent (...) je suis guéri, et pour toujours (A. Daudet, Pte paroisse,1895, p.270).Quel Dickie! (...) je ne peux pas le laisser seul huit jours sans qu'il ait des papillons noirs (Maurois,Climats,1928, p.115). ♦ Minute papillon! V. minute A 2. P. anal.Excuse papillon. Aucune envie d'aller rôtir dans le bled. Tu dis? Oui, bien sûr, la production nationale! Excuse papillon, moi, je m'en fous (H. Bazin, Lève-toi,1952, p.148). 4. Littér. Mite. MmeAubain les inspectait [les affaires de Virginie] le moins possible. Un jour d'été, elle se résigna; des papillons s'envolèrent de l'armoire (Flaub.,Coeur simple,1877, p.48). B. − P. anal. (de forme), souvent en appos. 1. Bijou, ornement imitant un papillon. D'autres [femmes] avaient dans les cheveux des flèches d'argent, des papillons d'émeraude (Flaub.,Salammbô,1863, p.135).Un abat-jour qu'elle couvre de papillons à l'aquarelle (Goncourt,Journal,1883, p.274). 2. a) Vx. Partie d'une coiffe faite d'un noeud de rubans, qui va en s'élargissant en ailes; p.méton. la coiffe elle-même. Bonnet à grand papillon; bonnet papillon. La bonne du chalet, une forte Suissesse coiffée d'un grand papillon de tulle (A. Daudet, Évangéliste,1883, p.77): 3. Le grand papillon noir, c'est la coiffure du pays. Coiffure gracieuse. De larges rubans de soie noire ajustés en cocarde sur le front, (...) derrière laquelle les cheveux tombent sur le dos en deux longues nattes.
Hugo,Rhin,1842, p.366. b) Noeud papillon (abrév. plais. noeud pap.). Noeud de cravate plat en forme de papillon, porté notamment par les hommes en tenue habillée. Jean (...) est vêtu bourgeoisement, mais mal, comme un ouvrier endimanché: son veston noir le boudine, il porte un noeud papillon tout fait (Sartre, Engrenage, 1948, p.40).Synon. rare cravate papillon.Une chemise blanche molle, avec une cravate papillon, négligemment nouée, d'un beau rouge sombre (Romains, Hommes bonne vol., 1939, p.109). 3. ÉCLAIR. (Bec) papillon. Synon. de bec à fente (v. bec III B 3 a).Un bec de gaz, de ceux qu'on appelle, je crois, papillon, siffle et crache au-dessus de ma tête (Bernanos,Journal curé camp.,1936, p.1246). ♦ Vieilli. Papillon de gaz. Le couloir qu'un papillon de gaz éclairait mal (Daniel-Rops,Mort,1934, p.214). 4. Spécialement a) BOUCH. Morceau de viande de mouton comprenant le collier, l'épaule et la poitrine, et ayant la forme d'un papillon (d'apr. Chaud. 1970). b) ICHTYOL. Papillon (de mer). ,,Raie bouclée`` (Mots rares 1965). c) MÉCANIQUE
α) Dispositif de réglage, dans certaines machines, faisant office de soupape ou d'obturateur (par exemple dans un carburateur, une cheminée de locomotive). [Dans le régulateur d'alimentation Lethuillier] le papillon occupe toutes les positions intermédiaires depuis la fermeture complète jusqu'à l'ouverture en grand (Ser, Phys. industr., 1890, p.191).
β) AUTOMOB. Papillon des gaz. Robinet d'admission du mélange air-essence dans les cylindres, commandant la puissance d'un moteur (d'apr. Guerber 1967).
γ) Écrou à ailettes que l'on peut desserrer à la main. C'est à un modeste routier amateur: Trémoulet, que l'on doit l'invention en 1912 du papillon vissé sur le moyeu de la roue et qui réduisit considérablement le temps des dépannages (SudresCycl.1984).
δ) Gros clou de soulier montagnard, ainsi désigné à cause de sa forme. (d'apr. R. alpine, numéro 7, juill. 1898, p.129 ds Quem. DDL t.27). d) NATATION. Brasse, nage papillon, p.ell., fam. papillon. Nage où l'on déploie les bras simultanément hors de l'eau. Faire un cent mètres papillon. À Marseille, Nakache en nage «papillon» a battu le record du monde des 200 m brasse en 2 m 36 s 8/10 (L'OEuvre,18 juill. 1941). C. − Spécialement 1. Feuillet imprimé contenant un avis au lecteur, inséré dans un ouvrage (pour expliquer, compléter ou modifier des détails); petite feuille volante jointe à un texte, à un document. À cette folle déclamation de J.-J. Rousseau: «La mort de Socrate est d'un homme, celle de Jésus-Christ est d'un dieu», il avait joint un papillon (bout de papier collé) fort raisonnable et fort peu éloquent et qui finissait par la maxime contraire (Stendhal,H. Brulard,t.1, 1836, p.332). 2. Petite affiche de publicité, de propagande. Pluie de papillons. Aujourd'hui, le café de Flore a été abandonné par les chefs du mouvement, mais les camelots chargés de coller des papillons dans le quartier y viennent encore (Fargue,Piéton Paris,1939, p.159). 3. Fam. Avis de contravention posé sur le pare-brise d'une voiture. Les automobilistes parisiens ont fortement tendance à classer dans un tiroir les papillons qu'ils trouvent sur leur pare-brise. À peine 12 % de ces papillons sont retournés à la préfecture de police munis d'un timbre-amende (L'Express,18 févr. 1974ds Gilb. 1980). D. − Empl. adj., littér. Changeant, volage. La débauche papillonne leur déplaisait, que seul beaucoup d'argent relève: car, médiocre, c'est un peu froid et très vilain (Barrès,Déracinés,1897, p.157).Le risque est grand −et les maîtres des classes nouvelles le connaissent bien −de développer du même coup l'humeur papillonne et de ne pousser l'élève que vers ce qui lui plaît ou l'amuse (Hist. instit. et doctr. pédag.,1949, p.438). ♦ PSYCHOL. Passion papillonne, p.ell. papillonne, subst. fém. [Chez Fourrier] L'une des cinq passions affectives; besoin de la variété dans les plaisirs. L'éternité pour cet enfant atteint de la papillonne (L. Daudet dsGuérin1892).L'émotivité est encore liée à l'inconstance de l'humeur, au besoin d'alternance affective. Elle est le terrain de prédilection de la «papillonne» (Mounier,Traité caract.,1946, p.235). REM. Papillonnette, subst. fém.,hapax. Filet à papillons. Les papillons (...) ont joué un rôle de longue haleine dans ma vie d'enfant (...). Bien que cela me fît de la peine de les tuer, j'en composais des collections, et on me voyait constamment la papillonnette en main (Loti,Rom. enf.,1890, p.66). Prononc. et Orth.: [papijɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) Fin du xiies. papeillon «insecte lépidoptère» (Audigier, éd. O. Jodogne, 42); b) α) 1685 «esprit léger, volage» (La Fontaine, Poésies diverses, Epîtres, XVII, 67 ds OEuvres, éd. H. Régnier, t.9, p.186);
β) 1842 adj. «inconstant» (Ac. Compl.); c) 1715 [éd.] subst. papillons noirs (Brueys, Avocat Patelin, II, 3); de nouv. 1817 (Jouy, L'Hermite de la Guiane, 19 févr. ds Quem. DDL t.10); 2. a) α) 1530 «partie d'une coiffe qui s'élargit en ailes» (Archives de Gironde, IV, 158 ds IGLF: Ladite Royne avoit une coiffe ou crispine d'or faicte à papillons dedans laquelle estoit subtilement en grand ordre trousses cheveulx);
β) 1909 (noeud) papillon (Lar. pour tous, s.v. noeud, illustration no4); b) 1936 natation nage papillon (L'Auto, 13 déc. ds Petiot). B. 1. a) Mil. xves. un papillon de papier «un petit morceau de papier» (Jean de Bueil, Jouvencel, II, 236 ds IGLF); b) de nouv. 1836 «feuille de papier jointe à un livre, un texte» (Stendhal, loc. cit.); 2. 1935 «avis de contravention» (Simonin, J. Bazin, Voilà taxi! p.32). C. Techn. 1. 1845-46 «registre mobile autour d'un axe employé pour modérer le tirage d'un tuyau de cheminée» (Besch.); 2. a) 1860 techn. moteurs (Cohade, Brevet d'invention, Moteur à gaz ds Fr. mod. t.43, 1975, p.52); b) 1932 automob. (Lar. 20e); 3. 1868 «nom donné à une sorte d'éclairage» (Littré); 1888 bec papillon (Ser, Phys. industr., p.13); 4. 1949 «écrou à ailettes» (Nouv. Lar. univ.). Altération expr. (pap- avec répétition du p évoquant le battement des ailes de l'insecte, v. FEW t.7, p.581a), de pavillon au sens 1 (1150: paveillon, Flore et Blancheflor, éd. J. L. Leclanche, 2351; encore en usage dans les parlers du Nord-Est et de l'Est), du lat. papilionem, acc. de papilio «id.» (v. pavillon). Comme terme de sports papillon est prob. un calque de l'angl. butterfly «id.» (1936 ds NED Suppl.2); cf. Bäcker, pp.284-285. Pour le sens de «esprit léger, volage», v. Å. Grafstrom ds Trav. Ling. Litt. Strasbourg t.20/1, 1982, pp.180-181. Fréq. abs. littér.: 1141. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1081, b) 2357; xxes.: a) 1759, b) 1608. Bbg. Ball (R.). Nouv. dat. pour le vocab. de l'automob. Fr. mod. 1975, t.43, p.52. −Dauzat Ling. fr. 1946, p.50. _ Hasselrot 20es. 1972, p.11 (s.v. papillonnette). _ Hirt (K.). Wortschöpfung, Schalldeutung, Wortumdeutung. Orbis. 1959, t.8, p.130. _ Quem. DDL t.14, 16. _ Richard (W.). 1959, p.65, 68. _ Riegler (R.). Zu den romanischen Bezeichnungen für Schmetterling. Volkstum und Kultur der Romanen. 1929-30, t.2, pp.259-262. −Sain. Arg. 1972 [1907] p.108; Sources t.1 1972 [1925] p.177. _ Sculpt. 1978, p.555. _ Thomas (A.) Nouv. Essais 1904, p.272. |