| PAIN, subst. masc. A. − Aliment fait d'une certaine quantité de farine mêlée d'eau et de levain et cuit au four; p.méton. masse de pâte cuite ayant une forme donnée. Beurrer, couper, cuire, distribuer, émietter, enfourner, grignoter, manger du pain. On voit pourquoi, ayant fait une seconde spéculation de la vente du pain d'orge et de seigle pour pain de froment, et même d'en altérer la qualité avec des farines de féveroles, de vesce, de marons d'Inde, avec des farines gâtées, il constitua l'État dans des dépenses énormes pour la construction (...) d'une infinité de moulins à bras (Marat,Pamphlets,Nouv. dénonc. Necker, 1790, p.185).L'odeur du pain de seigle parfumait le crépuscule autour des métairies (Mauriac,Baiser Lépreux,1922, p.173).Enfin, les pains levés sont soumis à la cuisson dans des fours de modèles variés et plus ou moins perfectionnés (Brunerie,Industr. alim.,1949, p.13): 1. −Reste-t-il du pain d'hier? dit-il à Nanon. −Pas une miette, monsieur. Grandet prit un gros pain rond, bien enfariné, moulé dans un de ces paniers plats qui servent à boulanger en Anjou, et il allait le couper, quand Nanon lui dit: «Nous sommes cinq aujourd'hui, Monsieur». −C'est vrai, répondit Grandet, mais ton pain pèse six livres, il en restera. D'ailleurs, ces jeunes gens de Paris, tu verras que ça ne mange point de pain.
Balzac,E. Grandet,1834, p.86. SYNT. Mettre le pain au four; partager le pain; pétrir le pain; pain blanc, bis, chaud, croustillant, (bien) cuit, dur, frais, grillé, long, moulé, noir, rassis, sec, tendre; petit pain; pain fendu, natté, bâtard, viennois; pain d'avoine, de boulanger, de campagne, de gruau, de ménage, de mie; pain de quatre livres; pain au levain; baguette de pain; croûte de pain; fournée de pain; mie de pain; miche de pain; miette, morceau de pain; prix du pain; quignon, tranche, sandwich de pain de mie; yeux du pain; corbeille, couteau, sac à pain. ♦ Pain coquille*. Pain cornu*. Pain mollet*. ♦ Pain complet. Il y a quelques années, on fit campagne en faveur du pain complet, fait avec le son et la farine du grain tout entier, pour laisser au pain tous ses principes alimentaires et ses phosphates. En réalité, le pain complet n'a aucun avantage (Macaigne,Précis hyg.,1911, p.249). ♦ Pain polka. Pain dont la croûte présente des stries formant des losanges ou des carrés (d'apr. Lar. encyclop.). ♦ Pain de campagne. Pain fabriqué selon les méthodes traditionnelles pratiquées autrefois à la campagne (d'apr. Lar. encyclop.). ♦ Pain de luxe ou de fantaisie. Dans les grandes villes, on fait, sous le nom de pain de luxe, ou de fantaisie, un pain très blanc qui est plus riche en amidon, mais moins riche en gluten et en phosphore organique, parce qu'il est fabriqué avec une farine blutée à 70 pour 100 (MacaignePrécis hyg.,1911, p.249). ♦ Pain de ménage. Pain fabriqué à la maison; région. (Belgique), Pain de ménage. Pain ordinaire (d'apr. Baet. Boulang. 1971). ♦ Vx. Pain de munition. Pain grossier fabriqué pour l'armée. Synon. boule* de pain.Le pain surtout est un vrai pain de munition (Mmede Chateaubr., Mém. et lettres,1847, p.221). ♦ Pain de régime. Pain sans sel. Enfin les pains spéciaux de régime seront étudiés au chapitre aliments de régime (Brunerie,Industr. alim.,1949p.12). ♦ Planche* à pain. Au fig. V. planche II A 1 au fig. ♦ Pain brûlé p.ell. pour couleur de pain brûlé. Couleur du pain qui a subi une trop forte cuisson. L'autre [petit chat] n'est, des oreilles à la queue, que zébrures pain brûlé sur champ marron très clair, comme une fleur de giroflée (Colette,Mais. Cl.,1922, p.245). ♦ Région. (Belgique). Pain français. Baguette, flûte. (Ds Baet. 1971 et A. Doppagne, Les Région. fr., Paris-Gembloux, Duculot, 1978). 1. En partic. a) INDUSTR. ALIM. ♦ Pain filant. ,,Altération du pain d'origine bactérienne`` (Clém. Alim. 1978). ♦ Pain saignant. ,,Maladie du pain qui devient rouge`` (Clém. Alim. 1978). b) Arg. La rue au pain. ,,Gosier`` (Hautel t.2 1808). − Expr. Prendre un pain dans la fournée. ,,Avoir des relations intimes avec une fille avant le mariage`` (France 1907). 2. Aliment à base de farine dans lequel interviennent d'autres ingrédients. Pain au chocolat, de Gênes, au lait, au raisin. ♦ Pain d'épice(s). Gâteau fabriqué avec de la farine de seigle, de la mélasse, du miel et diverses substances aromatiques. On se croirait à la foire aux pains d'épice... Hein? c'est ça! La foire aux pains d'épice (Zola,Nana,1880, p.1422). ♦ Pain de Gênes. Gâteau à base d'oeufs, de sucre, d'amandes mondées, de farine ou de fécule, de beurre, de vanille en poudre, de rhum ou curaçao (d'apr. Lar. encyclop.). ♦ Pain à la grecque. Sorte de biscuit couvert de cristaux de sucre (d'apr. Baet. Boulang. 1971). ♦ Pain perdu, pain doré. Dessert fait de tranches de pain que l'on fait tremper dans du lait sucré et de l'oeuf battu avant de le faire frire. Pain perdu: faites bouillir un quart de litre de lait et réduire à moitié avec un peu de sucre, une pincée de sel, (...) ayez des mies de pain coupées de la grandeur d'une pièce de 5 fr. (...) les faire tremper un petit moment, quand elles seront tout imbibées, mettez-les égoutter, trempez dans l'oeuf battu, et faites frire (Audot,Cuisin. campagne et ville,1896, pp.407-408). ♦ Pain azyme. Petit pain sans levain et sans sel, mince comme une feuille de papier, dont on fait les hosties et que l'on utilisait aussi pour cacheter les lettres. (Dict. xixeet xxes.). Synon. pain à chanter (v. infra 3 a ex. de Baudel.). Rem. Les Israélites le font cuire la veille de la Pâque, en mémoire du repas que leurs ancêtres, au moment de quitter l'Égypte avaient fait avec du pain sans levain. − Loc. [Désignant l'élément essentiel de notre culture, le pain donne lieu à de très nombreuses loc.] ♦ Avoir du pain sur la planche. V. planche I B 1 e. ♦ Être au pain sec. Être réduit au pain pour toute nourriture, être réduit à un régime alimentaire spartiate. Si l'on m'eût mis au pain sec, il m'eût porté des confitures (Sartre,Mots,1964, p.17). ♦ Mettre au pain et à l'eau. ,,Se dit d'une punition dans laquelle on ne donne au délinquant que du pain pour son repas`` (Littré). ♦ Rompre le pain ensemble. Partager le pain. Pendant les conférences de Tilsitt qui ont duré quinze jours, l'empereur Alexandre a souvent mangé chez Bonaparte et il y venait sans garde. Ce dernier au contraire n'a jamais rompu le pain avec Alexandre (J. de Maistre, Corresp.,1807, p.451). ♦ Ça ne mange pas de pain (fam.). V. manger D 3. − Proverbe. Lorsque le pain se ramollit, la pluie va venir. ,,L'humidité ramollit le pain`` (Chass. 1970). 3. Spécialement a) LITURGIE ♦ Pain bénit. Pain béni au cours de la messe et distribué aux paroissiens pour symboliser l'union qui doit régner entres les fidèles. Ce n'étoit plus eux, ni leurs femmes, ni leurs enfans, qui venoient à leur tour dans les paroisses de Paris, selon la coutume vénérable de leurs ancêtres, présenter le pain bénit, en signe d'alliance spirituelle avec Jésus-Christ et avec tous les fidèles de son Église (Bonald,Législ. primit.,t.1, 1802, p.200).Loc. fig. C'est pain bénit. C'est bien fait, bien mérité. Les hommes ne nous imposent qu'une vertu, et ils passent leur temps à nous en détourner. N'est-ce pas pain bénit (...) de leur casser le nez contre les devoirs qu'ils nous ont faits? (Augier,MeGuérin,1865, p.190). b) HIST. RELIG. ♦ Pain de proposition. Les douze pains offerts à Dieu par les Hébreux le jour du Sabbat. Synon. pain de l'offrande*.Les pains de proposition, adoptés par les Hébreux pour leurs sanctuaires (...) représentaient, comme idée première, la nourriture du dieu (Renan,Hist. peuple Isr.,t.2, 1889, p.153). ♦ Pain eucharistique. Pain sans levain servant à la fabrication des hosties. De cette médecine souveraine, l'hostie est la réplique accessible au plus grand nombre, et ce n'est pas sans raison, certes, que les chrétiens orientaux désignent les fragments du pain eucharistique par le nom de charbons (Canseliet,Alchim.,1941, p.179). ♦ Pain à chanter, pain des anges. Pain d'autel, pain azyme. On peut le prendre [le haschisch] (...) soit enveloppé dans une feuille de pain à chanter, soit dans une tasse de café (Baudel.,Paradis artif.,1860, p.352).Nous étions (...) privés du sacrement de l'eucharistie (...). Privés du pain des anges, ils s'abandonnèrent sans force aux vices (A. France,Île ping.,1908, p.46). ♦ Multiplication des pains. Miracle accompli par le Christ nourrissant plusieurs milliers de personnes avec quelques pains en Galilée (Marc, VI, 8). ,,Le pain sous les espèces eucharistiques se rapporte traditionnellement à la vie active (...) le miracle du pain (sa multiplication) est d'ordre quantitatif`` (Symboles1969). c) HISTOIRE ♦ S'ils n'ont plus de pain, qu'ils mangent de la brioche. Paroles de Marie-Antoinette parlant du peuple affamé. V. brioche ex.1. ♦ Du pain et des jeux [expr., tirée de Juvénal (Satires, X, 81), qui symbolise, de manière méprisante, les deux appétits primaires du peuple: se nourrir et se divertir]. B. − P.ext. Toute espèce de nourriture indispensable à la vie. Dieu, dans sa bonté, nous donne le pain de chaque jour (Lamennais,Paroles croyant,1834, p.194).On disait: «L'avenir est au peuple. La démocratie va créer un monde nouveau... Le droit au pain, le droit à la retraite, le droit de partager...» (R. Bazin, Blé,1907, p.2): 2. ... on a le nécessaire, on peut vivre, on peut même se dire privilégié, et j'oubliais le pain quotidien, la santé, l'indépendance, la profession choisie et autres ingrédients du bonheur qui te sont en outre accordés et qui ne sont pas peu de chose.
Amiel,Journal,1866, p.235. Rem. Le pain quotidien est une allusion à la prière du «Notre Père», car dans l'Ancien Testament le pain symbolisait la subsistance de l'homme, comme il est précisé dans l'ex. de Amiel supra. Quant au Pater, au Credo et à l'Ave Maria, que je savais très-bien en français, excepté donnez-nous notre pain de chaque jour, j'aurais aussi bien pu les réciter en latin comme un perroquet (Sand, Hist. vie, t.2, 1855, p.153). − Locutions ♦ Faire la guerre au pain. ,,Rentrer affamé chez soi`` (Littré). ♦ Gagner son pain à la sueur de son front. Gagner sa vie en travaillant. Travailler, c'est exercer son activité dans le but de se procurer ce qui est requis pour les divers besoins de la vie, mais surtout pour l'entretien de la vie elle-même. Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front (Léon xiiids Doc. hist. contemp.,1891, p.138). ♦ Il sait son pain manger. ,,Se dit d'un homme habile qui a voyagé`` (Littré; dict. xixeet xxes.). ♦ Il ne vaut pas le pain qu'il mange. ,,Se dit d'un fainéant`` (Littré). ♦ Il ne mange pas son pain dans sa poche. ,,Il est très dépensier`` (Littré). ♦ Mendier son pain. Mendier pour survivre. Je tâcherai de parfaire la somme avec mes pauvres hardes, pour l'honneur de ma parole, obligé de mendier son pain depuis la ruine du temple de Jérusalem (Nodier,Fée Miettes,1831, p.132). ♦ Pour une bouchée de pain, pour un morceau de pain. Pour presque rien. Alors je lui ai expliqué [à ma femme] (...) que le mieux serait d'accepter la proposition que vous m'aviez faite de la dégager, en lui achetant sa part, pour un morceau de pain, il est vrai (Zola,Curée,1872, p.525). ♦ Retirer, ôter à qqn le pain de la bouche. Lui retirer le nécessaire. Voilà Lisbeth outre-vengée!... Quel dommage qu'elle soit chez son vieux maréchal, aurions-nous ri! ah! La vieille veut m'ôter le pain de la bouche!... Je vais te la secouer, moi! (Balzac,Cous. Bette,1846, p.298). ♦ Faire passer le goût du pain (pop. et fam.). Tuer. La colère de maître Jean avait été terrible; tout ce qu'il demandait maintenant, c'était de rencontrer son vieux compagnon, pour lui faire passer le goût du pain (Erckm.-Chatr.,Hist. paysan,t.2, 1870, p.247). − Manger du pain rouge (arg.). Vivre de crimes, d'assassinats. Il m'a fait observer que s'il ne mangeait pas de pain rouge, il ne fallait pas en dégoûter les autres, et que vous pourriez me donner un coup de main [dans cette aventure criminelle] (Sue, Myst. Paris,1842-43, p.15). ♦ Manger son pain à la fumée*, à l'odeur du rôt. ♦ Manger son pain blanc le premier. Commencer par le plus agréable. C'est fâcheux qu'il ait mangé son pain blanc le premier, mais dans ce noviciat il s'est fortement déniaisé: il sait voir et il sait écouter (Barrès,Déracinés,1897, p.143). ♦ Promettre plus de beurre que de pain. Se dit de quelqu'un qui promet plus qu'il ne peut tenir. Et, j'étais à part moi-même comme quelqu'un à qui (...) on aurait promis plus de beurre que de pain et à qui il ne reviendrait ni pain ni beurre (Verlaine,OEuvres compl.,t.5, Confess., 1895, p.146). − BOTANIQUE ♦ Pain d'oiseau. ,,L'orpin brûlant`` (Ac. Compl. 1842). Nous allions chercher du pain d'oiseau, des baies d'aubépine derrière le calvaire (Michelet,Journal,1857, p.353). ♦ Pain de singe. ,,Fruit du baobab dans le langage des indigènes du Sénégal`` (Ac. gastr. 1962): 3. L'arbre géant, en avant duquel elle [une idole] était accroupie et sur le tronc duquel elle se détachait, s'élançait d'un seul jet comme le fût lisse d'un palissandre, mais en haut, ses branches étaient emmêlées et noueuses, trapues, tronquées, contorsionnées, ramifiées comme celles d'un baobab surchargées de pain de singes, et de chaque noeud, de chaque coude, de chaque aisselle pendaient des plantes, des fleurs parasitaires...
Cendrars,Lotiss. ciel,1949, p.255. ♦ Pain de hanneton. ,,Nom que les enfants et les gens du peuple donnent aux fruits de l'orme`` (Littré Suppl. 1877). ♦ Arbre à pain. V. infra C 2. C. − P.anal. 1. [Désigne ce dont la forme rappelle la masse d'un pain] a) [Aliments comestibles] Pain de poisson, de viande, de volaille. La presse à beurre Pilter (...) permet de faire rapidement des pains de beurre d'un poids rigoureusement exact (Pouriau,Laiterie,1895, p.300): 4. Pain de lièvre: −Vous préparez une farce (...) vous pilez bien votre foie; vous le passez au tamis (...) vous le mettez dans votre farce; vous en mettez presque plein le moule...
Viard,Cuisin. roy.,1831, p.203. − Pain de sucre. Masse de sucre blanc de forme conique. Des hommes (...) font sauter lestement, de bras en bras, des pains de sucre jusque dans la cale du bateau à vapeur (A. France, Bonnard, 1881, p.419). ♦ En pain de sucre. Ayant la forme d'un pain de sucre. Ragache fut aussitôt remplacé par un long garçon blondasse et larveux, au crâne en pain de sucre d'un mystique (E. de Goncourt, Faustin,1882, p.19). b) [Substances non comestibles] On trouve la cire à bouteilles, dans le commerce, sous forme de pains diversement colorés (Brunet,Matér. vinic.,1925, p.504).Un marché noir actif permettait au personnel de se procurer, contre les pains de savon détournés des stocks, quelque alcool de grain (Ambrière,Gdes vac.,1946, p.214): 5. Bloc de fer ou de fonte, habituellement rond, d'un certain poids et qui, pourvu d'une encoche, permet aux machinistes d'assurer rapidement la rigidité d'un morceau de décor isolé en assujettissant à la base de celui-ci un ou plusieurs «pains» selon la hauteur du décor. Cette appellation de pain est donnée à Paris, mais dans le midi on dit une tourte; dans le Nord c'est un pâté; enfin par ironie évidemment, dans d'autres endroits ce pain devient une pastille!
Génin,Lang. planches,1911, p.52. − Spécialement ♦ Pain à cacheter*. ♦ Pain d'acier. ,,Sorte d'acier qu'on tire d'Allemagne`` (Chesn. t.2 1858). ♦ Pain d'émail. ,,Petits disques d'émail de différentes couleurs dont les peintres broient des fragments dans un mortier d'agate`` (Adeline, Lex. termes d'art, 1884). ♦ Pain de laine. ,,Tas de laine ayant la forme d'un pain de sucre et qui sert à garnir l'intérieur des balles`` (Chesn. t.2 1858). ♦ Pain de lie. ,,Lie sèche que les vinaigriers tirent de leurs presses, après en avoir exprimé le vin pour faire du vinaigre`` (Chesn. t.2 1858). ♦ Pain de liquidation. ,,Gâteau de cuivre qui demeure sur le fourneau de liquidation, après que le plomb et l'argent en ont été dégagés`` (Chesn. t.2 1858). ♦ Pain de noeuds. ,,Fragment de pierre d'ardoise`` (Chesn. t.2 1858). ♦ Pain de noix, d'olives, de roses. ,,Masse formée du résidu des noix, des olives, des roses (...) après qu'on en a extrait l'huile ou l'arôme`` (Chesn. t.2 1858). ♦ Pain de salignon. ,,Masse de sel en forme de pain`` (Chesn. t.2 1858). ♦ Pain de trouille. ,,Tourteau restant après l'extraction`` (Chesn. t.2 1858). ♦ Pain de vendange. ,,Masse de celle-ci qui surnage sur la cuve au-dessous du chapeau`` (Chesn. t.2 1858). ♦ Arg. et pop. Lâcher un pain. ,,Donner un soufflet. (...) laisser sur la figure une marque comparée ici à celle d'un pain à cacheter rouge`` (Larchey, Dict. hist. arg., 2eSuppl., 1883, p.112). 2. [Désigne ce qui fait penser au pain par son goût ou son apparence] ♦ Arbre à pain. Nom vulgaire du jaquier. (Dict. xixeet xxes.): 6. Ils coupent le poisson ou le cochon cru avec des couteaux de bambou, pèlent les bananes vertes et les fruits rôtis de l'arbre à pain avec des grattoirs en bois, épluchent les taros, les ignames et le fruit de l'arbre à pain avec des coques de noix de coco partagées par la moitié et aiguisées sur les bords...
Lowie,Anthropol. cult.,trad. par E. Métraux, 1936, p.78. 3. [Désigne l'endroit où l'on fait ou vend le pain, la boulangerie] Aller au pain (pop.). C'est une maison solitaire, sur une colline, à cinq kilomètres du pain et du clocher (Barrès,Leurs fig.,1909, p.183). D. − Au fig. et valeurs symboliques. 1. Source de vie. a) [Sur le plan physique] Les deux jambes sont fracturées (...). Je ferai moi-même la réduction (...) car ses jambes (...) c'est le pain de ce garçon (E. de Goncourt, Zemganno,1879, p.235). b) [Sur le plan intellectuel, affectif ou spirituel] Pain de l'espérance, de l'exil, de l'illusion, de l'indifférence, de l'intelligence, des larmes, de misère. Oh! l'amour d'une mère! amour que nul n'oublie! Pain merveilleux qu'un dieu partage et multiplie! Table toujours servie au paternel foyer! (Hugo,Feuilles automne,1831, p.717).La présence du mort est imaginaire mais son absence est bien réelle; elle est désormais sa manière d'apparaître. Il ne faut pas chercher le vide, car ce serait tenter Dieu que de compter sur le pain surnaturel pour le combler (S. Weil, Pesanteur,1943, p.32): 7. Avec quelle plénitude paisible, ce matin, comme je me promenais dans la cathédrale [de Reims], j'ai reconnu sur ses tapisseries les images de mon histoire sainte d'enfant: voilà le premier pain spirituel que j'ai mangé, le premier aliment fourni à mon esprit.
Barrès,Pitié églises,1914, p.311. − [P.réf. à l'assimilation du pain au corps du Christ] Le pain et le vin, dans leur être naturel, ou par une institution de Dieu ou de Jésus-Christ, sont déjà une figure, un symbole du corps et du sang du sauveur (Théol. cath.t.14, 11939, p.507). ♦ Pain de vie. La nécessité vitale de se nourrir du pain de vie postule le sacerdoce comme sa condition incluse dans l'institution eucharistique (Philos., Relig., 1957, p.52-2). Rem. 1. S'il est vrai que l'homme ne vit pas seulement de pain, c'est encore le nom de pain que l'on donne à sa nourriture spirituelle ainsi qu'au Christ eucharistique, le pain de vie. 2. ,,Jésus a promis de donner un jour une nourriture qui reste pour la vie éternelle, un pain qui descend du ciel et donne la vie au monde, (lui-même venu du ciel, envoyé par son Père, sera dans l'Eucharistie, qui le contiendra sous l'apparence du pain, le vrai pain venu du ciel: «Je suis le pain de vie» c'est-à-dire nourriture de l'âme comme objet et auteur de la foi)`` (Marcel 1938). − Locutions ♦ Avoir du pain cuit. ,,Avoir de quoi vivre`` (Larch. 1858, p.639). ♦ Ne pas manger de ce pain-là. Refuser d'agir d'une certaine manière qui heurte un système de valeurs. Mais on dirait que vous ne savez pas ce que c'est que Madame Elstir. J'aimerais mieux recevoir la dernière des filles! Ah! non, je ne mange pas de ce pain-là (Proust,Sodome,1922, p.940). ♦ Être le pain quotidien. Être le lot habituel. Une telle vertu guerrière et patriotique, c'est le pain quotidien de la France en 1917 (Barrès,Cahiers,t.11, 1917, p.226). 2. [Symbole du nécessaire] Une nouvelle émission de bons à cent francs l'hectare s'enleva comme des petits pains blancs (A. Daudet, Port-Tarascon,1890, p.62).Or, sa face de carême, son corps long comme un jour sans pain, ses pieds interminables (A. France,Vie littér.,1892, p.310). 3. [Symbole de la bonté et en général de toutes les belles qualités morales] Bien plus retors que ne l'était Beauru qui était «franc comme le pain» (...) Jupil réussit avec les «actionnaires» (Vialar,Fusil,1960, p.95). REM. 1. Panifuge, adj.,hapax. Espèces panifuges. Saintes espèces (v. oblates). Songez enfin, poursuivit l'abbé, aux pyxides dans lesquelles on conserve les espèces panifuges, les oblates saintes (Huysmans,Cathédr.,1898, p.133). 2. Panasserie, subst. fém.,,Fabrication parisienne des pains de fantaisie`` (Lexis 1975). Prononc. et Orth.: [pε
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) Fin xes. pan «aliment fait d'une masse de farine délayée dans l'eau, pétrie et cuite au four» (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 97 [ici: allusion à la Cène]); b) 1120 un pain «une miche de pain» (Benedeit, St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 750); c) mil. xiies. pain cotidian (Psautier d'Oxford, éd. Fr. Michel, p.254); 2. a) mil. xiies. pain de lermes, pain de dolur (ibid., p.114, 203); b) ca 1200 pain beneoit «hostie» (Aliscans, éd. E. Wienbeck, W. Hartnacke, P.Rasch, 817); 1328 pain à chanter (Douët d'Arcq, Nouv. rec. de comptes de l'argenterie, p.66); c) xiiies. pain espiritau (Sermon poitevin, 15 ds T.-L.); 3. xives. pain d'espice (ms. messin ds Romania t.15, p.181). B. 1. 1269 être au pain et au sel de «être nourri par» (Cartulaire de Pontigny, ch. 84 ds Du Cange, s.v. panis); 2. xiiies. j'ai mon pain cuit «j'ai mon existence assurée» ici employé p.iron. «ç'en est fait de moi» (Estormi, 480 ds Fabliaux, éd. Ph. Ménard, t.1, p.42); 3. 1515 manger son pain blanc le premier (Guillaume Cretin, OEuvres, éd. K. Chesney, p.236); 4. 1588 gaigner son pain (Montaigne, Essais, III, 2, éd. Villey-Saulnier, t.2, 811); 5. 1640 faire perdre le goust du pain (Oudin Ital.-fr., s.v. goust); 6. 1690 cela ne mange pas de pain (Fur.); 7. a) 1852 avoir du pain sur la planche «pouvoir vivre sans travailler (cf. aussi du pain cuit, supra)» (Humbert); b) 1888 arg. id. «avoir une collection de punitions» (Merlin, Lang. verte troupier, p.64); c) 1914-18 il y a du pain sur la planche «il y a beaucoup à faire» (Esn. Poilu, p.101); 8. a) 1842-43 manger du pain rouge «vivre d'assassinats» (Sue, Myst. Paris, t.1, p.259); b) 1866 ne pas manger de ce pain-là (Delvau, s.v. manger). C. Ca 1180 pain exprimant une notion de valeur dérisoire (Guillaume de Berneville, Gilles, 2898 ds T.-L.); 1480 pour du pain «id.» (Guillaume Coquillart, Droits nouveaux, 1908, éd. J. Freeman, p.225). D. 1. 1260 «masse en forme de pain» (Etienne Boileau, Métiers, 318 ds T.-L.); 2. a) ca 1350 pain de succre «bloc de sucre de forme de cône» (Ms BN fr. 2001 publié par Arveiller ds Romania t.94, p.163); b) 1677 chapeau fait à pain de sucre (Miege); 3. 1764 pain de singe (Valm.); 4. 1764 arbre du pain (ibid.); 1791 arbre à pain (ibid.). E. xiies. paens cucu p.allus. au fait que cette plante pousse au printemps, quand on entend à nouveau le chant du coucou (Glossaire de Tours, 331 ds T.-L. [lat. médiév. panis cuculi]); xives. pein à cocu (Antidotaire Nicolas, éd. P.Dorveaux, p.33); fin xves. pain de cocu (L'Arbolayre cité ds Roll. Flore t.3, p.339); 1762 pain de coucou (Ac.). F. 1864 arg. «coup (p.allus. à l'enflure produite)» (Chanson d'apr. Rossignol, Dict. arg., p.127: j'te vas lâcher un pain). Du lat. panis «pain», «nourriture, moyens de subsistance» et «motte, boule». Fréq. abs. littér.: 6719. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 7200, b) 9946; xxes.: a) 13987, b) 8687. Bbg. Lecoy (F.). Pain bourgeois,... In: [Mél. Lombard (A.)]. Lund, 1969, pp.101-107. _ Quem. DDL t.9, 10, 16, 19. _ Thouvenot (Cl.). Le Pain d'autrefois. Paris, 1977, pp.23-35. |