| MARCHAND, -ANDE, subst. et adj. I. − Emploi subst. A. − Personne dont la profession est d'acheter (plus rarement de fabriquer) et de revendre une ou plusieurs sortes de produits en en tirant un bénéfice. Synon. commerçant.Les marchands de fruits et de légumes débarrassaient la chaussée, remportaient leurs paniers vides (Zola,Terre,1887, p.177).Le marchand vend et achète, l'escompteur prête, le poète chante, le paresseux dort (Alain,Propos,1923, p. 542): 1. On est harcelé par une cohue de petits marchands de toutes les pacotilles: pinces à cravate, tire-chaussette, scapulaires et médailles bénites, briquets et mèches d'amadou, lunettes noires, billets de loterie, cacahuètes, crevettes roses...
T'Serstevens,Itinér. esp.,1963, p. 323. SYNT. a) [Construit avec un adj.] Gros, mauvais, petit, riche marchand; marchand ambulant (v. ambulant II A 2 a), forain (v. ce mot ex. 1), synon. camelot, colporteur. b) [En appos. à un autre nom] Marchand drapier, droguiste, parfumeur. c) [Construit avec la prép. de]
α) Usuel. Marchand de bestiaux, d'étoffes, d'habits, de journaux, de meubles, de parapluies, de tabac (synon. buraliste); marchand de rue (synon. camelot, forain).
β) Vieilli. Marchand de couleurs (synon. droguiste), de curiosités, de fer (synon. quincailler), de mode (synon. modiste), de nouveautés. d) Marchand au détail (synon. détaillant); marchand en gros, en demi-gros (synon. grossiste, négociant). Rem. [D'apr. le cri du vendeur] Raccourci pop. chand pour marchand. Il a tout à fait l'air d'un chand d'habits (Maupass., Mt-Oriol, 1887, p. 11). V. aussi l'étymol. de chandail = marchand d'ail. − En partic. 1. [Syntagmes désignant un commerce spéc. ou les modalités de son exercice (la plupart de ces syntagmes sont vieillis)] a) Marchand de biens. Agent immobilier. Le marchand de biens, qui s'occupait surtout de villas et de lotissements, était plus vif, avec des yeux farceurs (Simenon,Vac. Maigret,1948, p.24). ♦ Marchand de fonds. Agent spécialisé dans la vente de fonds de commerce. M. Mercier, marchand de fonds, lui avait donné rendez-vous sur le quai de Jemmapes (Dabit,Hôtel Nord,1929, p. 9). b) Marchand d'eau (dans les pays chauds). Marchand ambulant vendant de l'eau potable. Des sottes (...) photographiaient un soldat, un moine, un marchand d'eau, ce qu'elles appellent le pittoresque de la rue (Montherl.,Bestiaires,1926, p. 452). ♦ P. anal., pop. Marchand d'eau chaude. Cafetier (cf. Delvau 1867, p. 298 et France 1907). c) Marchand de vin(s) ♦ Vieilli. Négociant en vin tenant en même temps un débit de boissons et de restauration rapide et peu coûteuse. Une terrasse de marchand de vins-traiteur où (...) le poète dînant à crédit vit venir (...) une forme longue (Verlaine,
Œuvres compl., t. 4, Mes hôp., 1891, p. 319).Entrecôte marchand de vin(s). Entrecôte accompagnée d'une sauce composée de vin rouge, de beurre et d'échalotes. Ce beurre s'emploie spécialement comme accompagnement de l'entrecôte grillée à la marchand de vins (Mont.1967, p. 171). d) Marchand d'esclaves, d'ébène (rare). Synon. négrier.Son œil était exercé comme celui d'un huissier-priseur ou d'un marchand d'esclaves (Sand,Lélia,1833, p. 139). e) Marchand(e) des quatre-saisons. Marchand ambulant vendant des fruits et légumes dans une petite voiture à bras: 2. ... l'arcade était barrée par une de ces marchandes des quatre-saisons dont le type est d'autant plus curieux qu'il en existe encore des exemplaires dans Paris, malgré le nombre croissant des boutiques de fruitières.
Balzac,Splend. et mis.,1846, p. 364. f) DR. COMM. Marchand(e) à la toilette. Marchand de vêtements et de colifichets d'occasion. Synon. fripier.Une grande dame russe (...) qui possède (...) un fonds de marchande à la toilette (About,Grèce,1854, p. 431). g) Marchande publique. Commerçante exerçant sa profession indépendamment de celle de son mari. La femme (...) n'est pas réputée marchande publique, si elle ne fait que détailler les marchandises du commerce de son mari; mais seulement quand elle fait un commerce séparé (Code civil,1804, art. no220, p.41). 2. Loc., expr. ♦ Loc. Le marchand de sable. Personnage fictif dont on se sert pour signifier aux enfants qu'il est l'heure de dormir. J'entends venir le marchand de sable. Il est bien tard déjà pour les petits enfants (Gracq,Syrtes,1951, p. 43): 3. Enfin, le papillon d'orange secoua ses pépins sur les paupières des enfants qui crurent sentir passer le marchand de sable.
Éluard,Capitale douleur,1926, p. 136. P. métaph. La mort, cette marchande de sable pour tous les yeux. Elle a plus de sable à vendre que la mer (Renard,Journal,1902, p. 765).♦ Expressions Il faut être marchand ou larron. Un marchand doit exercer sa profession avec honnêteté. (Dict. xixeet xxes.). Être, se trouver bon (ou mauvais) marchand (de qqc.). Tirer (ou non) profit d'une affaire, être gagnant (ou perdant). Qui traite avec le diable est toujours mauvais marchand (Mérimée,Mosaïque,1833, p. 328).Mais où est le bonheur? Où en découvre-t-on le bon marchand? (Estaunié,Ascension M. Baslèvre,1919, p. 31). B. − P. ext., péj. Personne ayant acquis une mauvaise réputation, soit en raison de son esprit mercantile, soit en raison de la nature des produits qu'il vend ou des services qu'il dispense. Marchands de grec! marchands de latin! cuistres! dogues! Philistins! magisters! je vous hais, pédagogues! (Hugo,Contempl., t. 1, 1856, p. 90).Celui qui n'est pas habile aux exercices du corps passe pour «un marchand», un homme de basse espèce (Taine,Philos. art, t. 2, 1865, p. 183): 4. Toutes qualités opposées à celles de l'avocat d'aujourd'hui, marchand de paroles qui donne au client des paroles pour son argent, et dont l'idéal paraît être la facilité, qui étourdit, dissout, rend mol et stupide le juge ou le juré sous le flot de l'abondance dialectique ou verbale.
Thibaudet,Réflex. litt.,1936, p. 55. − Locutions 1. Péjoratif a) Marchand de canons. Fabricant d'armes de guerre. (Ds Lar. Lang. fr.). b) Marchand de cochons. V. ce mot I A 1 c. c) Marchand d'orviétan. Synon. charlatan.Aller s'établir (...) chez les Anglais, comme médecin, marchand d'orviétan et faire fortune avec la pierre de Goa ou pierre de lune (Cendrars,Bourlinguer,1948, p. 13). d) Marchand de tapis. Personne qui marchande, discute indéfiniment sur le prix d'un article, et p. ext. qui ergote sur de menus détails sans trouver d'arrangement valable. C'est un truc de gens qui ne veulent pas payer. Une ruse de marchands de tapis (Duhamel,Cécile,1938, p. 28). e) Marchand du temple. [P. allusion au passage de la Bible où Jésus chasse les marchands du Temple (St Jean II 14)] Commerçant âpre au gain. Ces âpres petits marchands du temple font commerce de bonbons (Colette,Pays. et portr.,1954, p. 122). 2. Arg., pop. ou fam. a) Marchand de chair humaine, d'hommes (arg. milit., vx). Agent de remplacement qui se chargeait, moyennant finances, de trouver un remplaçant à ceux que le sort avait désigné pour accomplir leur service ou partir au combat. Vous êtes solide, reprit-il en (...) toisant le vieillard comme un marchand de chair humaine toise un remplaçant (Balzac,Cous. Bette,1846, p. 128): 5. Il était marchand d'hommes. La mercière m'a expliqué que, sous Napoléon III, tout le monde n'étant pas soldat comme aujourd'hui, les jeunes gens riches «tombés au sort» avaient le droit de «se racheter du service».
Mirbeau,Journal femme ch.,1900, p. 39. b) Marchand de femmes, de plaisir, de viande. Proxénète, entremetteur. Mais cinq cents hommes vêtus de blanc (...) acclamèrent (...) la France et le marchand de femmes qui leur importait de l'amour (Mille,Barnavaux, 1908, p. 3). c) Marchand de lacets. Gendarme (d'apr. Esn. 1965). d) Vieilli. Marchand de mort subite. Charlatan, mauvais médecin. C'était bien sûr le médecin en chef, car il avait des regards minces et perçants comme des vrilles. Tous les marchands de mort subite vous ont de ces regards-là (Zola,Assommoir, 1877, p. 785). e) Marchand de sommeil. Logeur en garni qui demande un prix exorbitant pour de mauvaises conditions d'hébergement. Écoutez, Jack, il est bien tard pour chercher un marchand de sommeil (A. Daudet,Jack, t. 2, 1876, p. 210). f) Marchand de soupe ♦ Directeur de pensionnat cherchant à tirer un maximum de profit de ses pensionnaires. Il devait pourtant «s'aider» (...) en donnant (...) des leçons de dessin aux pensionnaires d'un marchand de soupe (Duhamel,Désert Bièvres,1937, 55). ♦ Mauvais restaurateur. Le son de la cliquette d'un marchand de soupe, la forte odeur des graisses chinoises (Malraux,Conquér.,1928, p. 12). g) Marchande d'amour. Prostituée: 6. De jour, si le promeneur est rare, et de nuit si le passant est nombreux (...) vous serez abordé par les marchandes d'amour dans une langue qui a quelque chose de scénique.
Fargue,Piéton Paris,1939, p. 96. C. − Vieilli. Personne achetant pour son propre usage. Synon. acheteur, acquéreur, preneur.Trouver, ne pas trouver marchand; bonne marchandise trouve toujours son marchand (DG). Rem. Ce sens ne subsiste guère que dans une expr. employée dans les ventes aux enchères publiques. Il y a marchand. Il y a preneur. Son attention fut détournée par le glapissement du crieur, qui mettait un magnifique turbot aux enchères. − Il y a marchand à trente francs!... à trente francs!... à trente francs! (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 700). II. − Emploi adj. A. − 1. [Gén. appliqué à une pers. ou à une collectivité] Dont l'activité principale est le commerce. Nation marchande. La bourgeoisie: classe marchande, obsédée (...) par la valeur matérielle des produits qu'elle négocie (Huyghe,Dialog. avec visible,1955, p. 138).La Russie soviétique et les démocraties populaires ne sont pas des sociétés marchandes (Perroux,Écon. XXes.,1964, p. 292): 7. Le teint des Maures, de beaux yeux, l'ovale arrondi, un peu d'embonpoint qui révèle une race marchande fixée dans les villes et boutiquière. On leur reproche d'aimer plus le trafic que la guerre, et de pratiquer l'usure.
Fromentin,Été Sahara,1857, p. 142. − MAR. Marine marchande. [P. oppos. à marine de guerre] Ensemble des bâtiments et équipages se livrant exclusivement au transport des voyageurs et des marchandises. Dantès était simplement vêtu. Appartenant à la marine marchande, il avait un habit qui tenait le milieu entre l'uniforme militaire et le costume civil (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p.47). ♦ Bateau, bâtiment, vaisseau marchand. Bras d'eau enjambés par des ponts pittoresques (...) berges riantes où se pressaient les bateaux marchands (Faral,Vie temps st Louis,1942, p. 8). 2. [Appliqué à un lieu] Qui vit principalement du commerce; où sont rassemblés un grand nombre de commerces. Synon. usuel commerçant.Place, quartier, rue marchand(e). Troyes était marchande; la draperie faisait sa richesse (A. France,J. d'Arc, t. 1, 1908, p. 474). ♦ Galerie marchande. Emplacement couvert où sont réunies un grand nombre de boutiques. En passant dans la galerie marchande (...) un jeune homme l'avait croisé, méchamment, habillé de noir (Jouve,Scène capit.,1935, p. 149). B. − [Appliqué à un produit] Propre à la vente; qui a les qualités moyennes requises pour sa commercialisation. Farines marchandes (Crèvecoeur,Voyage, t. 3, 1801, p. 37).Il est extrêmement rare qu'un minerai donné au sortir de la mine soit «marchand» (Ratel,Prépar. mécan. minerais,1908, p. 3). ♦ Qualité marchande. Qualité moyenne, normale, dans le commerce, par rapport à des qualités supérieures. (Ds Lar. Lang. fr.). − En partic. 1. Poisson marchand. Qui a la taille et la qualité nécessaires pour être mis en vente. Taille marchande. Taille réglementaire requise pour la commercialisation: 8. La réglementation de la taille marchande repose sur le fait que tous les poissons ayant atteint l'âge adulte et s'étant reproduits au moins une fois, ont une longueur déterminée variable avec chaque espèce.
Boyer,Pêches mar.,1967, p. 93. 2. Poids marchand. Poids conventionnel déterminé pour la vente de certains produits. J'ai vérifié qu'une douzaine d'huîtres (eau comprise) pesait quatre onces, poids marchand (Brillat-Sav.,Physiol. goût,1825, p. 91). 3. Valeur marchande. Valeur d'un produit sur le marché par rapport aux prix pratiqués couramment. Chaque beurre a le sien [d'arôme]. D'où sa valeur marchande (Pesquidoux,Livre raison,1928, p. 221). − Prix marchand. Prix pratiqué par les marchands entre eux. (Ds Lar. Lang. fr.). C. − Péj. Qui est dicté ou régi par un esprit mercantile (supra I B). Les vendeuses, décolletées en toilette de concert, prenaient des grâces marchandes (Zola,E. Rougon,1876, p.330): 9. C'est une file d'étalages [à Lourdes] où de froides imaginations marchandes ont entassé chapelets, médailles, statuettes et coupe-papier.
Barrès, Amit. fr.,1903, p. 214. REM. Marcandier, subst. masc.,arg. Mendiant qui prétendait être un ancien marchand à qui on avait volé tous ses biens. P. ext. Bandit de grand chemin, truand. Un marcandier à mine de juif (Hugo,N.-D. Paris,1832, p. 460).V. cagou ex. de Du Camp. Prononc. et Orth.: [maʀ
ʃ
ɑ
̃], fém. [-ɑ
̃:d]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Subst. a) masc. fin xes. marchedant «celui qui fait du commerce» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 71); ca 1140 marcheant (G. Gaimar, Hist. des Anglais, éd. H. Bell, 455); ca 1150 marchëand (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 1097); fin xiiies. marchant (Glossaire de Douai ds Roques, p. 39, s.v. insti(ta)tor); ca 1462 marchand (Les cent nouvelles nouvelles, éd. F. P. Sweetser, p. 128); fém. ca 1205 marcheande (Enfances Vivien, éd. C. Wahlund et H. von Feilitzen, 685); b) 1322 marchant foraint «marchand qui apporte de l'étranger ou de la province des marchandises (qu'il doit revendre non lui-même mais aux différents marchands d'une ville)» (doc. ds Runkewitz, p. 55); 1606 marchand détailleur «marchand au détail» (Nicot, s.v. détail); 1723 marchande à la toilette «femme qui revend des vêtements, des parures» (Savary, s.v. toilette); 1840 marchand(e) des quatre saisons (Ac. Compl. 1842, s.v. saison); c) p. ext. ca 1200 marcheant «amateur, homme prêt à conclure le marché» (J. Bodel, Fabliaux ds Romania t. 81, p.260); 1611 bonne marchandise trouve toujours son marchand (Cotgr.); 1747 trouver marchand (Voltaire, Zadig, 10 ds Littré); 1798 il y a marchand (Ac.); d) 1456 bon merchant «joyeux client, gaillard, paillard ou honorable commerçant» (Villon, Lais, éd. J. Rychner et A. Henry, 179); 1817 marchand de chair humaine (d'apr. Esn.); 1867 marchand de sommeil, marchard de soupe (Delvau). II. Adj. a) ca 1165 nef marcëande ([Chrétien de Troyes] G. d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 2377); 1765 marine marchande (Encyclop. t. 10, p. 125); fin xiies. marcheant «bien servi (en parlant d'une table d'hôte)» (Flore et Blancheflore, éd. M. Pelan, 1064); b) 1211 marchant «affecté aux marchands» (G. Le Clerc, Bestiaire, éd. R. Reinsch, 4076); c) ca 1208 rue marcheande «rue habitée par un grand nombre de marchands» (G. de Villehardouin, Conquête Constantinople, éd. E. Faral, § 203); 1812 lieu marchand «où il se fait un grand commerce» (Boiste); d) ca 1340 ville marchande «ville où il y a un grand mouvement commercial» (Dialogues fr.-flam., E 2b ds T.-L.); e) ca 1215 marchëant «qui a les qualités requises pour être vendu» (R. de Houdenc, Eles, 65 ds T.-L.); 1238 froument marchant «vendable» (doc. ds Runk., p. 55); 1611 «qu'on trouve ordinairement dans le commerce» (Cotgr.); 1757 fer marchand (Encyclop. t. 7, p. 163); f)1798 prix marchand (Ac.); g) 1906 valeur marchande (Pt Lar.); h)1659 «peu distingué, vulgaire» (Molière, Précieuses ridicules, 4). D'un lat. pop. *mercatantem, acc. de *mercatans, part. prés. d'un verbe *mercatare «faire le marchand» que l'on restitue d'apr. l'ital. mercatare et l'a. prov. mercadar «acheter» (ca 1140-début xves. ds FEW t. 6, 2, p. 6a), dér. de mercatus «marché». Fréq. abs. littér. Marchand: 4124. Marchande: 657. Fréq. rel. littér. Marchand: xixes.: a) 6019, b) 8303; xxes.: a) 6184, b) 4228. Marchande: xixes.: a) 882, b) 1508; xxes.: a)932, b) 672. Bbg. Dub. Pol. 1962, p.339. _ Mack. t.1 1939, p.182. _ Quem. DDL t.11, 16, 17, 20. |