| FACE, subst. fém. I. A.− Partie antérieure de la tête de l'homme. Muscles de la face. Synon. figure, visage, frimousse (fam.), minois.Jeanne, violemment, tournait la tête, s'enfonçait la face dans l'oreiller (Zola, Page amour,1878, p. 941): 1. Becque, le cheveu en brosse, de gros yeux saillants, une physionomie vivante, animée, raillarde, une tête de chanteur de café-concert, une face de loustic aviné, un masque de pitre sur les tréteaux d'une baraque.
Goncourt, Journal,1887, p. 644. SYNT. Face maigre, large, ronde, bouffie; face terreuse, blême, livide, jaune, rouge, congestionnée; face de cire, de pleine lune, de saindoux; face léonine, porcine, de chouette, de dogue, de guenon; face de gouape, d'ivrogne; face épanouie, souriante, réjouie, rayonnante; face muette, bouleversée; face intelligente, stupide; face implorante; face de carême*, d'épouvante. ♦ Vieilli. ,,Fam. Avoir une face de réprouvé. Avoir quelque chose d'effrayant, de sinistre dans la physionomie. Avoir une face de prédestiné. Avoir un visage plein, vermeil et serein`` (Ac. 1835, 1878). − Loc., expr. gén. au fig. ♦ Personne à double face. Personne fausse, hypocrite. Ciel! devenir pour elle un objet de dégoût et d'horreur! un crispin, un fourbe à double face! (Hugo, Ruy Blas,1838, III, 5, p. 408).Un de ces recéleurs à double face, qui servent à la fois les voleurs et la police (Balzac, Splend. et mis.,1847, p. 559). ♦ Se cacher, se voiler la face (en signe d'opposition, de désapprobation). Et du haut des cieux la Muse se voile la face pour n'être pas témoin de l'injure faite à son nourrisson (France, Servien,1882, p. 92): 2. Elle regarda son mari, elle regarda Maxime, de ses yeux épouvantés, et, les voyant la chair tranquille, l'attitude satisfaite, elle se cacha la face dans les mains, elle s'enfuit, se réfugia au fond de la serre.
Zola, Curée,1872, p. 578. ♦ Cracher* à la face de qqn. ♦ Perdre/sauver la face. Perdre/sauver son honneur, sa dignité. Les cabaretiers en perdirent la face [après les anathèmes du Curé d'Ars] et n'osèrent plus se montrer (La Varende, Curé d'Ars,1957, p. 90): 3. Je ne réponds pas que tout l'état-major puisse tirer son épingle du jeu, mais c'est déjà bien beau si une partie tout au moins peut sauver la face sans mettre le feu aux poudres.
Proust, Guermantes 1,1920, p. 246. Rem. Le mot a parfois le sens d'origine chinoise de « honneur, dignité » sans qu'il soit employé dans la loc. perdre/sauver la face. Il trouva enfin ses deux compagnons à plus d'un kilomètre. « Beaucoup de face » avec leurs chapeaux fendus, leurs vêtements d'employés, choisis pour justifier leurs serviettes dont l'une contenant une bombe, et la seconde des grenades (Malraux, Cond. hum., 1933, p. 303). Il paraît impossible que Tang Kiao puisse se gonfler, tellement déjà il est épais d'os, de lard et de décorations; mais régulièrement quand il veut se donner encore plus de face, il rugit soudain avec une mine renfrognée, la façon chinoise de se montrer satisfait (L. Bodard, Le Fils du Consul, Paris, Grasset et Fasquelle, 1975, p. 60). ♦ (Se jeter, se prosterner, tomber) (la) face contre terre (en signe d'humilité, d'obéissance). Nous prosternant la face contre terre, nous faisons révérence à Votre Majesté (Claudel, Repos 7ejour,1901, I, p. 798).J' (...) ai vu des religieux recevoir humblement, face contre terre, et sans broncher, la réprimande injuste d'un supérieur appliqué à briser leur orgueil (Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1034). − Expr. fam. ou pop. [Injure marquant le mépris, le dégoût, etc.] Face d'œuf, de crabe, de rat! Et toi, face d'haricot (...) bec de singe, peau d'fesse! (Barbusse, Feu,1915, p. 14).Face d'oie, soupira doucement La Poule (Giono, Gd troupeau,1931, p. 196). − Face de carême*. B.− En partic. [Dans la religion catholique; souvent avec une majuscule] Le visage du Christ. Christ de chair habillé confiant seule au linge Sa face (Cocteau, Clair-obscur,1954, p. 142).La beauté de votre Face dans la torture (Cendrars, Du monde entier,1957, p. 27). − P. méton. La Sainte Face. Empreinte de la face de Jésus sur le linge que lui avait tendu sainte Véronique pendant la montée au Golgotha : 4. À Rome, une image du Christ sur étoffe, dite « voile de Véronique », était vénérée au haut Moyen Âge. (...). C'est l'origine du culte de la Sainte Face.
Lar. encyclop., s.v. Véronique (sainte). C.− P. ext. Partie antérieure de la tête des animaux. Un masque de crime fait de la face du gorille et de la grenouille (Goncourt, Journal,1860, p. 723): 5. La face des chondroptérygiens, quoique semblable par sa composition à celle des autres poissons, en diffère cependant, parce qu'elle n'est articulée avec le crâne qu'au moyen de l'os analogue au carré des oiseaux.
Cuvier, Leçons d'anat. comp.,t. 2, 1805, p. 76. D.− P. méton. 1. Vx. Synon. de tempe.Il a les faces dégarnies (Ac.1835, 1878).Ses cheveux [d'un Incroyable], pendant en tire-bouchons de chaque côté des faces, lui couvraient presque tout le front (Balzac, Chouans,1829, p. 78). 2. B.-A., vieilli. [En peint., en sculpt.] Hauteur de la face d'un personnage, servant d'unité de mesure pour le reste du corps (cf. tête). L'ensemble de la figure a dix faces (Ac.).Il y a, du bas du genou au cou-de-pied, deux faces (Ac.). 3. (Côté) face. Côté d'une pièce de monnaie, d'une médaille où est représentée la face d'un personnage; p. ext. avers. Jouer à pile ou face. La fameuse médaille (...) brillait, prisonnière, entre deux lentilles de cristal, visible du revers et de la face comme une hostie dans l'ostensoir (Arène, J. Figues,1870, p. 128).Les vivants et les morts sont près et loin les uns des autres comme le côté pile et le côté face d'un sou (Cocteau, Poèmes,1916-23, p. 120). − P. plaisant., fam. Partie antérieure du corps humain. Il leur manque bien quelques kilos [à des anatomies], insuffisance dont le côté face s'attriste moins que le côté pile (Colette, Jumelle,1938, p. 209).Catherine se prodigua bientôt, pile et face, dans un de ces illustrés dont la loi n'autorise plus l'étalage (H. Bazin, Lève-toi,1952, p. 209). 4. Littér. [Le compl. du nom désigne une divinité ou une entité abstr.] Présence spirituelle. Devant la face du Seigneur (Ac.). Cet antre, où Baal montre sa face à nu (Hugo, Cromw.,1827, p. 127).Lorsque m'apparaîtra la face de la mort (...) J'irai d'un pas serein vers le funèbre bord (Muselli, Travaux et jeux,1914, p. 29): 6. Dès lors qu'on regarde Jésus, on est sauvé, et qu'est-ce que Te regarder, sinon vivre en Toi? Dire du mal du prochain, convoiter la chair, etc., c'est détourner les yeux de Ta face.
Green, Journal,1956, p. 196. − Loc. verb. [En parlant de Dieu] Détourner la face (de qqc. ou de qqn). L'abandonner. Il y a des moments où il me semble (...) que Dieu a détourné sa face de l'homme et l'a livré au malheur, sans secours, sans appui (J.-J. Ampère, Corresp.,1820, p. 159): 7. Lorsque du Créateur la parole féconde,
Dans une heure fatale, eut enfanté le monde
Des germes du chaos,
De son œuvre imparfaite il détourna sa face,
Et d'un pied dédaigneux le lançant dans l'espace,
Rentra dans son repos.
Lamart., Médit.,1820, p. 91. II.− P. anal. A.− Partie antérieure, partie qui se présente aux regards. 1. [Le compl. du nom, explicité ou non, désigne la lune, le soleil] Hélas! la face rubiconde de la lune trônait encore là-haut par-dessus les châtaigniers (Fabre, Rom. peintre,1878, p. 109): 8. Tant que ta face [du soleil] brillera,
Je serai debout, éblouie,
Amoureuse par l'odorat,
Par le regard et par l'ouïe.
Noailles, Éblouiss.,1907, p. 135. 2. Vieilli ou littér. [Le compl. du nom, explicité ou non, désigne un bâtiment] Synon. de façade (v. ce mot A 2).Ce bâtiment a tant de mètres de face (Ac.).L'empereur (...) s'est mis à marcher dans l'espèce d'allée perpendiculaire à la face de la maison (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 793).En poursuivant notre route, nous rencontrons à gauche une maison à face architecturale, sculptée et brodée d'arabesques peintes (Nerval, Voy. Orient,t. 1, 1851, p. 148). 3. Spécialement a) Les faces de l'architrave. ,,Les bandes dont elle est composée`` (Ac.). b) Les faces d'un bastion. ,,Les deux côtés qui sont entre les flancs et la pointe d'un bastion`` (Ac.). c) [Au jeu de la bassette] ,,La première carte que découvre celui qui tient la banque. La face est un valet`` (Ac. 1798-1878). B.− P. ext. Cf. surface. 1. Vx ou littér. Étendue d'un élément physique. La face des eaux, la face des abîmes (Ac.1835, 1878).Tous les sexes de toutes les races, qui pullulent et tourbillonnent de désir sur la face de la terre (Barrès, Enn. lois,1893, p. 125).Sur la face assombrie de l'eau, l'oie nageait, agile et souple (Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 131). 2. GÉOM. et lang. cour. [Le compl. du nom, explicité ou non, désigne une chose nettement délimitée] Portion de plan délimitant un volume, un objet (cf. côté). a) Au plur. Faces d'un dièdre, d'un prisme; les six faces égales d'un cube, d'un dé. Pierre taillée sur toutes ses faces (Ac.1932).Le clocher carré figure sur chaque face un quadrilatère percé à jour (...) par une longue baie droite (Flaub., Champs et grèves,1848, p. 297).De l'enveloppe se tirait un bouquet de lilas, peint et découpé, qui s'ouvrait en éventail sur sept faces (Goncourt, Sœur Philom.,1861, p. 35): 9. ... au cercle inscrit et aux trois cercles exinscrits à un triangle correspondent pour le tétraèdre, en outre de la sphère inscrite et des quatre sphères exinscrites, les trois sphères des combles; les faces du tétraèdre délimitent en effet dans l'espace, des régions qui n'ont pas d'analogues en géométrie du triangle.
Gds cour. pensée math.,1948, p. 50. b) Au sing. [Avec un déterm. indiquant quelle face est considérée] Face inférieure, latérale, opposée, supérieure. Le long du plan incliné de la face boréale de la pyramide (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 138).Le Mont-Blanc, vu par sa face Nord-Est, par Argentière, le glacier du Géant, et toutes les aiguilles (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 480): 10. ... la figure I que l'on peut percevoir soit comme un cube vu par le bas avec la face ABCD en avant, soit comme un cube vu de haut avec la face EFGH en avant...
Merleau-Ponty, Phénoménol. perception,1945, p. 304. − En partic. ♦ Vieilli ou littér. Synon. de façade (v. ce mot A 1).La face du côté de la cour (Ac.). Le chemin couvert de feuilles pourries qui touchait la maison sur la face septentrionale (Duhamel, Désert Bièvres,1937, p. 87).Cf. aile ex. 44. ♦ ANAT. Partie de la surface d'un organe, d'un membre, caractérisée par sa localisation. Face palmaire de l'avant-bras, face interne des cuisses. La face antérieure de la vessie (Ac.).Une aponévrose de couleur argentée brillante, qui forme les parois de l'abdomen et double la face interne du test (Cuvier, Anat. comp.,t. 1, 1805, p. 197).M. de Coantré avala sa salive. Quelque chose, sur la face supérieure de ses cuisses, se mit à trembler (Montherl., Célibataires,1934, p. 791): 11. À la face interne de l'abdomen, non loin de son extrémité, sont creusées deux petites cavités; sur la face ventrale du corps proéminent deux petits mamelons.
J. Rostand, La Vie et ses probl.,1939, p. 180. ♦ BOT. Face externe, dorsale, inférieure/interne, supérieure d'une feuille. Côté où les nervures sont/ne sont pas saillantes. Leur face [des feuilles de la clématite] supérieure est verte foncée; l'inférieure est d'un vert pâle (Kapeler, Caventou, Manuel pharm. et drog.,t. I, 1821, p. 205). C.− Au fig. 1. Aspect. a) [En parlant d'une chose] − Au sing., vieilli, rare [Une chose concrète, une étendue, un paysage] Depuis quelques années, Paris a changé de face (Ac.1878).La plaine, tout au long couverte de travaux, Change de face à chaque instant, gaie et sévère (Verlaine,
Œuvres compl.,t. 1, Sagesse, 1881, p. 277): 12. ... des montagnes subitement écroulées changent quelquefois la face de ces lieux, au point que les habitants eux-mêmes ont bien de la peine à s'y reconnaître.
Dusaulx, Voy. Barège,t. 1, 1796, p. 126. − En gén. au plur. [Une chose abstr.] Examiner un problème sous toutes ses faces. Les jésuites se piquaient d'envisager les trois faces de la perfection : religieuse, politique, sociale (Sand, Hist. vie,t. 3, 1855, p. 298).Il est vrai que les événements se présentent (ou nous traversent) avec plusieurs faces conjointes, ce qui provoque la grande énigme du destin fatal et du libre arbitre (Cocteau, Poés. crit. II,1960, p. 12): 13. Le peuple athénien voulait que chaque affaire lui fût présentée sous toutes ses faces différentes et qu'on lui montrât clairement le pour et le contre.
Fustel de Coul., Cité antique,1864, p. 434. ♦ Loc. À double, triple face. C'est parce qu'elle était à double face que sa pensée [de Jésus] a été féconde (Renan, Vie Jésus,1863, p. 294).Depuis une dizaine de siècles au moins, il n'y a jamais eu qu'une question d'Orient, question à triple face et à triple tour (Bloy, Journal,1903, p. 193). b) Rare. [En parlant d'une pers.] Lionel admirait sa femme, qui lui apparaissait extrêmement touchante sous cette face nouvelle de jeune mère en fleur (Feuillet, Mar. monde,1875, pp. 96-97).L'homme est ainsi (...) il a deux faces : il ne peut pas aimer sans s'aimer (Camus, Chute,1956, p. 1490): 14. J'ai deux, trois, quatre amis; eh bien! je suis contraint d'être un homme différent avec chacun d'eux, ou plutôt de montrer à chacun la face qu'il comprend.
Delacroix, Journal,1823, p. 33. 2. Changer, renouveler la face de qqc. En bouleverser la substance. Évènement qui change la face des choses. [Descartes] changea véritablement la face des sciences mathématiques (Chasles, Apercu hist. et développ. géom.,1837, p. 94).Giotto (...) de gardeur de moutons devint peintre, sculpteur architecte et renouvela la face de l'art (Gautier, Guide Louvre,1872, p. 87).Une série de révolutions va balayer le vieux monde et en changer la face (Green, Journal,1931, p. 66). III.− Locutions A.− Loc. verb. Faire face à (cf. faire volte*-face). 1. [Le suj. désigne une pers.] Présenter ou tourner la face, la partie antérieure du corps vers quelqu'un ou quelque chose. Le père La Pérouse faisait face à la fenêtre et l'ombre compliquée de l'appui de la fenêtre dessinait des ornements sur ses joues (Gide, Journal,1914, p. 430).Le curé enjamba le bac, pour faire face à Jeanne. Il la fixait avec des yeux rieurs (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 149). ♦ Emploi pronom. réciproque. Les deux danseurs, l'homme et la femme, placés à chaque bout d'une étroite planche, se font face (Michelet, Chemins Europe,1874, p. 91).Le long des murs, deux rangées de moines se font face, immobiles (Green, Journal,1946, p. 8). − En partic. Présenter ou tourner la partie antérieure du corps vers quelqu'un pour s'en défendre. Faire face à l'ennemi. Pour monter sur une chaise et faire face aux moqueurs, il faut beaucoup de courage (Green, Moïra,1950, p. 207): 15. Quand il n'eut plus à craindre d'être rejoint, il se reprocha de tourner le dos à huit mille fusils et il leur fit face; il resta plusieurs minutes dans une gloire de balles sifflantes...
Péladan, Vice supr.,1884, p. 156. ♦ [Sans compl. prép. introd. par à] A-t-on jamais vu une armée battue, qui se retire dans son désordre (...) et sous la poussée du vainqueur, brusquement faire face (...)? (Valéry, Variété IV,1938, p. 73): 16. ... les cuirassiers, attaqués en flanc et en tête, en avant et en arrière, par l'infanterie et par la cavalerie, durent faire face de tous les côtés.
Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 401. ♦ [Avec ell. de faire; empl. comme commandement] Face à l'ennemi! (Ac.1932). − Au fig. Être en mesure de répondre, de pourvoir à quelque chose. Faire face aux dépenses. S'il éclatait une catastrophe sur la place du Havre, je n'ai pas ça de réserve pour y faire face (Augier, Fourchambault,1878, p. 30). 17. Il est probable qu'avant 1970 (...) l'Angleterre (...) aura ajouté un troisième combustible, l'uranium, aux deux dont elle dispose pour faire face à ses besoins, le charbon et le pétrole.
Goldschmidt, Avent. atom.,1962, p. 263. ♦ [Sans compl. prép. introd. par à] Remportez vos traites (...). Je n'ai pas d'argent pour faire face (A. DaudetFromont jeune,1874, p. 280). 2. [Le suj. désigne une chose] Présenter la partie antérieure, être tourné dans une certaine direction. Sa maison fait face à la mienne (Ac.) : 18. ... l'appentis est terminé. Il se dresse, ouvert de trois côtés. On comprend que l'orientation donnée à l'abri soit chose importante. Chez nous, où les ruées du vent et de la pluie débouchent de l'ouest, il fait face au levant.
Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 149. − Emploi pronom. réciproque. Ces deux vieilles tours, couplées à la mode gothique, se faisant face diagonalement, ne contribuaient pas peu à l'agrément de la perspective (Gautier, Fracasse,1863, p. 291).Deux glaces se font face des deux côtés de la table (Verlaine,
Œuvres compl., t. 4, Mém. veuf, 1886, p. 204). B.− Loc. adv. Face à face 1. [En parlant de pers.] En se montrant la face. Se trouver face à face avec quelqu'un (Ac.).Tournant le dos à la tempête, ils restèrent face à face, ventre contre ventre, en tenant à quatre mains le parapluie qui oscillait (Flaub., Bouvard,t. 2, 1880, p. 135).Arrière! qui de vous osera me braver et me regarder face à face, misérables? (Claudel, Tête d'Or,1901, p. 242). ♦ Littér. [En parlant de Dieu ou d'une abstraction personnifiée] Voir Dieu face à face (Ac.).Avant l'exécution on leur offrit de leur bander les yeux, mais ils refusèrent, disant qu'ils voulaient rencontrer la mort face à face (G. Leroux, Roul. tsar,1912, p. 96). ♦ P. métaph. [En parlant d'une chose abstr.] Je me regardais, si je puis dire, moi tout seul, j'étais face à face avec ma solitude (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 256): 19. Vous avez au moins quelques notions d'algèbre, de géométrie, de physique? (...) je sentais la rougeur me monter au visage (...) c'était la première fois qu'on me mettait ainsi face à face avec mon ignorance.
Dumas père, Comment je devins auteur dramatique,1833, introd., p. 10. − P. ext. [Avec une idée d'hostilité] En étant directement opposé à quelqu'un. Pendant l'avance des Allemands sur Paris, durant les semaines où les armées s'immobilisaient face à face pour quatre années d'une guerre sans précédent (Blanche, Modèles,1928, p. 70).Vous voilà aujourd'hui face à face, avec des balles dans vos fusils, stupidement prêts à vous entretuer (Martin du G., Thib.,Épil., 1940, p. 836): 20. Verdun, ce fut aussi une manière de duel devant l'univers, une lutte singulière, et presque symbolique, en champ clos, où vous [Pétain] fûtes le champion de la France face à face avec le prince héritier.
Valéry, Variété IV,1938, p. 77. ♦ Au fig. Jansénius (...) se rencontre tout d'un coup face à face en opposition formelle avec (...) Pie V et Grégoire XIII (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 2, 1842, p. 149): 21. Obtenez du gouvernement (...) que nous vidions face à face, vous et moi, dans le Siècle, le procès de Voltaire contre Nonotte à l'occasion de l'Essai sur les mœurs. Vous serez Voltaire, je serai l'autre...
Veuillot, Odeurs de Paris,1866, p. 52. 2. [Le suj. ou le compl. prép. introd. par avec désigne des choses concr.] En se montrant la partie antérieure, de part et d'autre d'un point ou d'un axe de symétrie. Deux traverses accouplées où, à distance calculée, face à face, sont fichées quatre hautes et fortes chevilles (Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 7).Nos deux fauteuils étaient face à face, de part et d'autre de la table, au-dessus de laquelle nous nous penchions pour nous parler (Gide, Journal,1930, p. 965). − Au fig. [Le suj. ou le compl. prép. introd. par avec désigne des choses abstr.] En présence (de). Quand ferons-nous un journal, mais à glaces rompues, vigoureux, indomptable? De la raison pure face à face avec la vérité (Lamart., Corresp.,1832, p. 274).Il ne restait plus face à face que des intérêts contraires, irrités par la fièvre du négoce (Zola, Bonh. dames,1883, p. 495). C.− Loc. adv. et adj. 1. De face a) (En) présentant la face, la partie antérieure du corps aux regards. Portrait de face; poser de face. Ernest se promena fièrement dans sa chambre, il se mit de trois quarts, de profil, de face devant la glace (Balzac, Modeste Mignon,1844, p. 147).Ces figures à peau rouge et à pagne blanc, qui présentent si souvent dans les fresques égyptiennes leur buste de face et leur tête de profil (Gautier, Rom. momie,1858, p. 169). b) Du côté où l'on voit toute la face, toute la partie antérieure d'une chose. Loge de face; attaquer de face. Cet édifice est imposant lorsqu'on le voit de face (Ac.)Un village (...) groupé autour de son église, qu'on abordait de biais, qu'on voyait de face un moment (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 131): 22. Les navires grecs, il y a cinq ans, ont adopté la formation de face en ancrant devant Magnésie. Magnésie dans l'heure a déclaré la guerre.
Giraudoux, Guerre Troie,1935, II, 5, p. 118. − Au fig. Sans détour, franchement. Aucun problème social n'est abordable de face; du moment où une solution paraît claire et facile, il faut s'en défier (Renan, Avenir sc.,1890, p. 370): 23. Ce qu'il [Gide] veut atteindre, non pas en s'y attaquant de face, mais de biais et comme en l'épousant, c'est « la grande foi, la grande doctrine (...) qui a fait l'Europe ce qu'elle est... »
Massis, Jugements,1924, p. 68. 2. En face a) Loc. adv. et adj. Du même côté que la face d'une personne, que la partie antérieure, visible d'une chose. On se reposait dans un pré, ayant Deauville à gauche, le Havre à droite et en face la pleine mer (Flaub., Cœur simple,1877, p. 21): 24. ... l'on vire de bord, on met le cap sur la rive opposée du bassin où la brume du matin se déchire. Arcachon recule et, sur la côte en face, qui paraît nue, le phare se dresse comme une colonne d'argent.
Pesquidoux, Livre raison,1932, p. 148. − En partic. ♦ (D') en face. (Qui se trouve) à la même hauteur de l'autre côté d'une rue. Maison, trottoir (d') en face. Il demeure en face (Ac.1932).Aujourd'hui, le petit vieux d'en face est décontenancé (Camus, Peste,1947, p. 1236): 25. ... une cheminée (...) avec un de ces gros feux mêlés de bois et de tourbe qui, la nuit, dans les rues de village, font saillir si rouge sur les murs d'en face le spectre des fenêtres de forge.
Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 456. ♦ Loc. adv. Droit dans les yeux. Regarder qqn bien en face. Il était timide : à trente ans, il n'osait regarder en face les visages de femme (Zola, Ventre Paris,1873, p. 611). b) P. ext. loc. adv. Dire/parler en face. Dire/parler ouvertement, franchement. Franc et rieur, il disait en face mille épigrammes à un ami que, absent, il défendait avec courage et loyauté (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 47).M. Renan me dit en face : Vous ne comprenez rien qu'à la littérature. Ne parlons donc que de cela (Barrès, Renan,1888, p. 45): 26. Je suis pas de ceux qui prennent dans le bien des autres et j'aime quand on parle en face (...). Tu es venu ce jour d'hui, on va régler ça ce jour d'hui et ce sera fini.
Giono, Regain,1930, p. 215. c) Au fig., loc. adv. Sans faux-fuyants, avec courage. Regarder les choses en face. Je me demande si je n'aime pas mieux trouver cette explication que de regarder en face une autre hypothèse (Larbaud, Journal,1934, p. 309): 27. Sans y penser en face, elle savait trop combien sa conscience en prenait à son aise, et que sa dévotion n'était, pour une part, rien que grimace.
Toulet, J. fille verte,1918, p. 82. D.− Loc. prép. 1. À la face de (littér.) a) En présence de. Ce religieux osa dire à la face du président et des ministres de la République (...) que la France avait manqué à sa vocation (France, Mannequin,1897, p. 271): 28. Ce n'est plus son affront de tantôt qui le préoccupe, cet outrage public à la face de trente mille personnes; ce n'est pas non plus l'injure sanglante que le bey lui a adressée en présence de ses mortels ennemis.
A. Daudet, Nabab,1877, p. 227. b) Au vu et au su de. Puissances qui ont anéanti, sans pudeur, à la face des nations, le droit sacré de l'indépendance des peuples (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 59).Il [Louis XV] finit, sous les yeux d'une chaste épouse et d'un fils austère, à la face de la France et de l'Europe, par conclure un arrangement (...) avec madame de Pompadour (Sainte-Beuve, Prem. lundis, t. 1, 1869, p. 23). ♦ À la face du ciel, du soleil, de l'univers. Publiquement, au vu et au su de tout le monde : 29. Vous me regardez, gens d'Argos, vous avez compris que mon crime est bien à moi; je le revendique à la face du soleil, il est ma raison de vivre et mon orgueil.
Sartre, Mouches,1943, III, 6, p. 108. 2. En face de a) Du même côté que la face d'une personne, que la partie antérieure, visible, d'une chose. J'écrivais sur le soufflet de la cheminée, en face de l'hôtelière, assise en silence devant moi (Chateaubr., Mém.,t. 2, 1848, p. 64).Je m'assis en face d'un couple (Saint-Exup., Terre hommes,1939, p. 260): 30. Quand il aperçut son visage reflété dans le verre poli, il se reconnut à peine (...). Il restait debout en face du miroir. Il tira la langue comme pour constater l'état de sa santé.
Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Lâche, 1884, p. 918. ♦ Fam. (Ne pas) avoir les yeux* en face des trous. b) P. ext. En présence de. − [Le déterminé désigne une pers.] Depuis que je suis née, je vis en face de cet homme et je suis occupée à le regarder (Claudel, Otage,1911, II, 2, p. 265): 31. ... ce testament sera tout simplement un testament mystique, c'est-à-dire prévu et autorisé par la loi pourvu qu'il soit lu en face de sept témoins, approuvé par le testateur devant eux, et fermé par le notaire, toujours devant eux.
Dumas père, Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 14. ♦ En face de l'Église. ,,Devant les ministres de l'Église et suivant les cérémonies et les formes ordinaires de l'Église. Il n'est guère usité que dans cette phrase. Épouser, se marier en face de l'Église. On dit plus ordinairement Devant l'Église ou à l'église`` (Ac. 1932). ♦ En opposition avec, contre. Nous tremblons pour la Pologne, seule en face des Tartares prêts à se précipiter sur elle (Lamennais, L'Avenir,1831, p. 259).En face des féodalités, les forces vives de notre bourgeoisie ont su jadis imposer leurs volontés et détruire les lois anciennes (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 197): 32. Voilà des hommes, de toutes classes, qui ont accompli les armes à la main leur devoir de Français en face de l'envahisseur, respectez-les.
Barrès, Cahiers,t. 8, 1909-10, p. 82. − [Le déterminé désigne une chose abstr.] En face du danger, du destin, de la mort. Je te donne carte blanche. Il est bon que parfois je te laisse en face des initiatives de la vie (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 240).Quelle attitude suis-je conduit à adopter en face de l'hypothèse spirite? (Marcel, Journal,1923, p. 247): 33. ... on est séduit (...) par la lecture du Novum organum et de l'Augmentum scientiarum, et on reste dans une admiration soutenue en face de cet amalgame des vérités scientifiques les plus saisissantes revêtues des formes poétiques les plus élevées.
C. Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 210. c) Au fig. Par rapport à. Vous ignorez combien la position des émigrés est délicate en face de ceux qui se trouvent posséder leurs biens (Balzac, Tén. affaire,1841, p. 170): 34. Qu'étaient les privilégiés, haut clergé et noblesse, en face du Tiers-État des villes et des campagnes? Un atome : deux cent mille contre vingt-quatre millions; un centième.
Jaurès, Ét. soc.,1901, p. 44. Rem. On rencontre ds la docum. le synon. en face. Mon gros père, tu viendras ce soir avec ta voiture, par exemple, en face le gymnase (Balzac, Splend. et mis., 1844, p. 198). Quelle est la femme qui habite cette chambre dont la fenêtre donne sur la ruelle en face l'hôtel Vallombreuse (Gautier, Fracasse, 1863, p. 199). Nous allâmes nous installer derrière le Vert-Galant, sur la berge de la Seine, en face le bateau-lavoir (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 200). 3. Face à a) La face, la partie antérieure du corps tournée vers. Nous avançons face au soleil. C'est contre toute logique que j'ai décidé de faire du plein est (Saint-Exup., Terre hommes,1939, p. 220).Trois musulmans faisaient leurs génuflexions rituelles face à La Mecque (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 168). b) P. ext. Du même côté que la partie antérieure, visible, de quelque chose. Ils se remirent à lire les inscriptions sur le mur, sur celui où il y avait la porte, face à la fenêtre (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 55).La Postüberwachung (...) occupait face à la gare d'Oberwesel les deux étages d'un petit hôtel réquisitionné (Ambrière, Gdes vac.,1946p. 90). c) Au fig. − [Le déterminé désigne une pers.] En opposition avec, contre. Tout révolté, par le seul mouvement qui le dresse face à l'oppresseur, plaide (...) pour la vie, s'engage à lutter contre la servitude (Camus, Homme rév.,1951, p. 350).Chaque arrondissement verrait, face au candidat du « parti », se présenter, tout au moins, un socialiste, un radical, un républicain populaire, un modéré (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 266): 35. Avec sa double rouerie italienne et normande, il [Bohémond] se sentira aussi à son aise face aux diplomates byzantins qu'avec son invincible épée face aux Turcs.
Grousset, Croisades,1939, p. 20. − [Le déterminé désigne une chose abstr.] En présence de. Être face à l'impossible − exorbitant, indubitable − quand rien n'est plus possible est à mes yeux faire une expérience du divin (G. Bataille, Exp. int.,1943, p. 57): 36. ... la science (...) se retrouvera toujours, au bout du compte, face au même problème posé : Comment donner à tous et à chacun de ces éléments leur valeur finale en les groupant dans l'unité d'un tout organisé?
Teilhard de Ch., Phénom. hum.,1955, p. 278. Prononc. et Orth. : [fas]. Ds Ac. 1694-1932. Homon. fasce (écu) et formes du verbe faire. Étymol. et Hist. 1. a) 1remoitié du xiies. « partie antérieure de la tête de l'homme » (Psautier d'Oxford, éd. F. Michel, Psaume 79, 4); b) loc. adv. 1174-76 face a face (Guernes de Pont-Sainte-Maxence, La Vie de Saint Thomas le Martyr, 3544 ds T.-L.); 2. a) ca 1265 « aspect sous lequel une chose se présente » (Brunet Latin, Trésor, éd. F. J. Carmody, livre II, ch. 58, ligne 16); b) 1370-72 « chacun des côtés d'une chose » (Oresme, Le Livre des Ethiques d'Aristote, éd. A. D. Menut, livre I, ch. 16, p. 134); 3. a) 1552 « façade d'un édifice » (Rabelais, Quart Livre, éd. R. Marichal, XLIX, p. 203, ligne 27); b) av. 1611 « surface, superficie » (J. Bertaut,
Œuvres, éd. 1634, p. 601 ds Guérin); c) 1819 « côté qui porte une figure (médaille, monnaie) » (Boiste). Du b. lat. facia « portrait », lui-même issu du lat. class. facies (v. ce mot). Fréq. abs. littér. : 16 807. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 15 114, b) 27 451; xxes. : a) 31 601, b) 24 866. DÉR. Facer, verbe trans.,,T. du jeu de la bassette. Amener pour face une carte qui est la même que celle sur laquelle un joueur a mis son argent. Il m'a facé d'abord. J'ai été facé trois fois`` (Ac. 1835, 1878). − [fase], (je) face [fas]. Ds Ac. 1718-1878. − 1resattest. 1. 1562 « former les faces (d'un polyèdre) » (M. Scève, Microcosme, L. II, p. 65 ds Hug.), emploi isolé; 2. 1718 terme de jeu de bassette (Ac.); du rad. de face*, dés. -er. BBG. − Renson (J.). Les Dénominations du visage en fr. et ds les autres lang. rom. Paris, 1962, 2 vol., 738 p. |