| DIFFICULTÉ, subst. fém. A.− Au sing. 1. Caractère de ce qui est ressenti comme difficile ou est difficile à faire soit eu égard aux capacités du sujet, soit à cause de la nature de l'objet, soit du fait des circonstances. Difficulté de l'entreprise, du problème : 1. Nous ne pouvons pas prendre les éléments matériels d'une substance vivante et les grouper de manière à faire cette substance vivante. Mais est-ce simplement une plus grande difficulté, une plus grande complexité ou bien une impossibilité? Je pense que c'est une impossibilité.
C. Bernard, Principes de méd. exp.,1878, p. 159. 2. Toutes les difficultés des démocraties tiennent peut-être à une seule : la difficulté qu'il y a à concilier de nouveaux progrès en liberté et de nouveaux progrès en égalité.
Guéhenno, Journal d'une« Révolution », 1938, p. 204. − Synt. et loc. a) Difficulté de + subst.Difficulté des chemins, des passages (Ac. 1798), du terrain; difficulté des communications, du diagnostic, de l'entreprise, des transports; difficulté d'un sujet, d'un texte, d'un travail; difficulté des temps. Difficulté d'élocution (sans déterm.). Virgile avoit une difficulté de prononciation (Chateaubr., Génie,t. 1, 1803, p. 355). b) Difficulté + verbe à l'inf. ♦ Prép. de [Le subst. est précédé de l'art. déf.] Difficulté de parler, de respirer, d'uriner (Ac. 1835-1932). La difficulté d'apprendre, de comprendre, de penser. Réfléchissant à la difficulté de mettre son projet à exécution (Zola, M. Férat,1868, p. 203).La difficulté de vivre (domaine de la philos.). En fin de compte, tout s'arrange, sauf la difficulté d'être, qui ne s'arrange pas (Cocteau, Diff. d'être,1947, p. 3). ♦ Prép. à (pour). [Le subst. est précédé de l'art. indéf. ou partitif ou d'un adj. indéf. ou de quantité indéf., etc.] Éprouver de la (ou quelque, beaucoup de) difficulté à marcher; avoir, trouver de la difficulté à faire une chose. Il étudiait avec scrupule les mathématiques, bien qu'il ressentît de la difficulté pour apprendre (Adam, Enfant. Aust.,1902, p. 227). c) Avec/sans difficulté. Respirer, travailler avec difficulté. Il ne parle qu'avec beaucoup de, une extrême difficulté (Ac. 1835-1932). Je travaille avec difficulté, embarras et hésitation, mais je m'attache à mon travail (Maine de Biran, Journal,1816, p. 116).Sans (beaucoup de) difficulté. Facilement. Comprendre un texte sans difficulté. Cet instrument (...) fait (...) sans difficulté, avec une perfection souvent admirable, ce qu'il est appelé à faire (Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 141). 2. Absolument a) Solution délicate. Aimer, chercher la difficulté. Jouer la difficulté. Choisir la solution qui apparaît comme la plus difficile pour réussir (cf. Joffre, Mém., t. 2, 1931, p. 445). b) [Avec les prép. dans ou en] Situation délicate. Être dans la difficulté (vieilli); être, mettre qqn en difficulté. Spéc. du point de vue pécuniaire. Entreprise en difficulté. − TURF. [En parlant d'un cheval] Être en difficulté. Avoir peine à conserver son avance sur les autres concurrents. B.− P. méton. (fréquemment à la forme négative) 1. Souvent au plur. Ce qui est difficile dans quelque chose; tout élément qui empêche, gêne le sujet dans une action quelconque et exige un effort. Grande, insurmontable difficulté, difficulté majeure; des difficultés d'argent; surmonter, vaincre les difficultés; une entreprise hérissée de difficultés. Je sais les difficultés, celles qui gisent en mon esprit et celles que les circonstances construisent (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1894, p. 198).Tout le problème est là. Là est le nœud de la difficulté (Péguy, Argent,1913, p. 1207): 3. Nous sommes ici [en 1776] à la jointure des difficultés politiques et financières auxquelles la monarchie devait bientôt succomber.
Bainville, Histoire de France,t. 2, 1924, p. 11. 4. Il faut, en quelque manière, honorer, considérer les difficultés qui se présentent. Une difficulté est une lumière. Une difficulté insurmontable est un soleil.
Valéry, Mauvaises pensées et autres,1942, p. 25. 5. Mais non, ce ne fut qu'un homme, et il le fut diversement, comme tout le monde, rassemblant en lui ces difficultés et ces contradictions qui nous définissent tous, les grandissant seulement à la mesure de son génie.
Guéhenno, Jean-Jacques,Grandeur et misère d'un esprit, 1952, p. 11. − Fréq. Les difficultés de la vie, de l'existence. Les peines, la pauvreté, la maladie, etc. (cf. agir ex. 25).Paresseux comme tous les hommes à poésie, il [Lucien] se croit habile en escamotant les difficultés au lieu de les vaincre (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 573): 6. Quelques ouvriers sont venus me dire leurs difficultés : misère, maladie. Au spectacle de ces maux réels, j'ai rougi des miens, imaginaires. Et pourtant, parmi les ouvriers aussi, des drames sentimentaux.
Maurois, Climats,1928, p. 268. − Spécialement a) Difficultés d'un texte, d'une langue, des règles des participes (cf. France, Pt Pierre, 1918, p. 234). Difficultés de la construction grecque et latine (Nodier, Smarra,1821, p. 15).Faire difficulté. Être difficile à comprendre. Absol. Je me suis bien tiré des grosses difficultés [de la version], mais je me trouve un gros contresens, des étourderies de détail et ma traduction est négligée (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1907, p. 160). b) MUS. Passages d'exécution difficile. Les difficultés d'une sonate (Ac.1878-1932).Des musiciens mêmes qui ont du talent s'amusent à faire des « difficultés » : ils jouent du violon « sur une seule corde » (Karr, Sous tilleuls,1832, p. 186).Se pâmer d'aise aux difficultés (cf. Estaunié, Empreinte,1896, p. 319). SYNT. a) Difficulté + adj. : difficulté croissante, extrême; difficultés actuelles, immédiates, inextricables, inouies; difficultés financières, matérielles, techniques. b) Difficulté + subst. : difficultés d'approvisionnement; les difficultés de la situation. c) Subst. + difficulté : un point de, le nœud de la difficulté « le point précis où réside la difficulté ». d) Difficulté + verbe : une difficulté commence, s'élève, surgit, vient de ce que; la (principale) difficulté est de; c'est là la difficulté. e) Verbe + difficulté : aplanir, éluder, escamoter, lever, tourner la difficulté; créer, offrir, présenter des difficultés; résoudre la difficulté; trancher la difficulté « recourir d'autorité à une solution, décider »; l'affaire n'offre, ne présente, ne soulève aucune difficulté; se heurter aux, reculer devant les difficultés. PARAD. Contradictions, dangers, ennuis, inconvénients, objections, obstacles, peines, périls, problèmes. 2. P. ext. Obstacle ou opposition surgissant entre des personnes qui voudraient ou devraient pouvoir s'arranger à propos de quelque chose. Soulever, élever une/des difficulté(s); cela ne peut souffrir, ne souffre point de difficulté(s). Synon. objection, différend. Je n'y vois pas de difficulté, il n'y a pas de difficulté, cela ne fait aucune difficulté. Je n'y vois pas d'objection : 7. − Ne mêlez pas ma mère à tout cela, je vous en prie. Je n'ai jamais eu l'ombre d'une difficulté avec ma mère. J'étais toujours content avec elle, et elle était toujours contente avec moi.
Montherlant, Le Démon du bien,1937, p. 1349. − Synt. et loc. ♦ Faire difficulté de (vieilli). S'opposer à. Je tirai de mon doigt une autre bague que je la priai d'accepter. Ils firent difficulté de la prendre (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1792). ♦ Ne pas faire difficulté de. Ne pas s'opposer à, accéder facilement aux désirs de quelqu'un, faire sans peine quelque chose. Ne pas faire difficulté d'accorder la main de sa fille. Lorsque le Télémaque parut, on ne fit aucune difficulté de lui donner le nom de poëme (Chateaubr., Martyrs,t. 1, 1810, p. 21). ♦ Faire des difficultés. Présenter des objections, hésiter. Elle voulait un enfant et (...) elle me demandait ma participation. Je ne fis pas de difficultés, et elle me promit cent francs (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Cas de MmeLuneau, 1883, p. 106). ♦ Avoir des difficultés avec qqn. Avoir des différends, des sujets de discussion. Expr. synon. être en difficulté avec qqn. C'est un brave garçon, quoique nous ayons eu ensemble des difficultés (Flaub., MmeBovary,t. 2, 1857, p. 100).Avoir des difficultés avec les flics (cf. France, Crainquebille,1904, p. 46). Prononc. et Orth. : [difikylte]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1239 « opposition, objection » (S. Loup, A. Aube ds Gdf. Compl. : Seroient tenu a rendre sanz difficulté et sanz contredit); 2. 1422 « caractère de ce qui est difficile » (A. Chartier, Le Quadrilogue invectif, p. 45, 1. 12-4); 3. 1611 « obstacle rendant une chose difficile » (Cotgr.). Empr. au lat. class.difficultas, -atis « obstacle, embarras ». Fréq. abs. littér. : 5 395. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 7 235, b) 5 969; xxes. : a) 5 590, b) 10 210. Bbg. Cohen 1946, p. 15. − Lew. 1960, p. 182. |