| CLORE, verbe trans. I.− Fermer. A.− Condamner par un procédé approprié, et parfois définitivement, une ouverture, un passage destiné à être habituellement tantôt ouvert, tantôt fermé. Clore une baie, un conduit, une entrée, une fenêtre, une porte; clore la bouche (de qqn). − P. métaph. Clore le bec (fam.), la bouche (à qqn). Le réduire au silence : 1. J'ai bien éprouvé cela pour ma sœur, pour cette femme charmante dont je ne parle jamais par une pudeur de cœur qui me clôt la bouche.
Flaubert, Correspondance,1852, p. 430. Rem. On dit aussi par homophonie clouer le bec, la bouche (à qqn). ♦ Clore les yeux (à qqn). Tromper (qqn) (cf. Balzac, Le Médecin de campagne, 1833, p. 247). − Absol. [L'instrument de la fermeture est considéré comme agent de la fermeture] :
2. Cette porte est un disque plus large en haut qu'en bas, et reçu dans un évasement de manière à clore hermétiquement.
Michelet, L'Insecte,1857, p. 217. Rem. On dira, avec une nuance, cette porte ferme bien, mais elle ne clôt pas. C.-à-d. les verrous en sont solides, mais elle laisse passer des jours (cf. Dupré 1972). B.− P. méton. : 3. ... il faudrait avoir soin de dûment clore, verrouiller et barricader sa maison, et de bien fermer ses portes.
Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 93. ♦ Emploi pronom. : 4. Un brouhaha le ramena à Saint-Sulpice; la maîtrise partait; l'église allait se clore.
Huysmans, En route,t. 1, 1895, p. 30. − Clore une lettre. Fermer l'enveloppe qui la contient. − [L'instrument de la fermeture en devenant l'obj.] Clore des persiennes, des stores, des volets; clore les lèvres. C.− Expr. Clore l'œil. S'endormir, dormir. ♦ Clore les yeux (de qqn au moment de sa mort). Car sur le lit jonché d'anémone fleurie Où la Mort avait clos ses longs yeux languissants, Repose... Le jeune homme adoré des vierges de Syrie (Hérédia, Les Trophées,1893, p. 28).P. ext. Assister à la mort de quelqu'un. D.− Au fig. Mettre un terme à. 1. [L'obj. évoque une idée de mouvement dans le temps ou dans l'espace, une tendance] Clore l'enfance; clore une carrière, un destin, des études; clore l'année, une époque; clore le désir. ♦ Emploi pronom. Cette époque de vitesse, de dépense et de jeu, qui vient de se clore provisoirement (Alain, Propos,1931, p. 1033). − En partic. Clore un mouvement circulaire : 5. ... en se rejoignant dans le bonheur commun de leurs mutuelles applications, elles [les sciences exactes et les sciences expérimentales] paraissent clore le cercle où la vie de l'homme se déploie naturellement.
M. Blondel, L'Action,1893, p. 49. ♦ D'où clore sur lui-même on refuse de clore sur elle-même la perfection de son achèvement, (Gilson, L'Esprit de la philos. médiév.,t. 1,1931, p. 61). − Spécialement ♦ Clore la marche. Être le dernier dans une réunion de gens en marche. ♦ Clore le pas (vieilli). Terminer un tournoi. 2. [L'obj. désigne un événement, une réunion, une confrontation] Clore une manifestation : 6. ... aux journées de juin, Villemain, (...), avait ouvert et clos la séance, quand Cousin, qui avait traversé les barricades et affronté dix fois la mort, apparut dans la salle...
E. et J. de Goncourt, Journal,1890, p. 1228. ♦ Emploi pronom. Un interrogatoire se clôt. Le drame (...) se clora un de ces jours sur mon canapé (Barbey d'Aurevilly, 2eMemorandum,1838, p. 238). 3. [L'obj. désigne une opération, une œuvre] Clore un compte (Hugo, Préface de Cromwell,1827, p. 36). − P. ext. [Surtout en emploi abs.] Conclure : 7. Pour clore d'un mot, il [le grand Arnauld] n'était pas surtout un écrivain.
Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 2, 1842, p. 176. II.− Entourer d'une clôture. A.− [Le suj. désigne un animé, l'objet un inanimé] Clore un champ, un jardin, un parc, un terrain, un vignoble; clore de haies, de murailles, de murs. ♦ Absol. Quand ils [les fils de Caïn] eurent fini de clore et de murer (Hugo, La Légende des siècles,La Conscience, t. 1, 1859, p. 50). ♦ Emploi pronom. Clore sa propriété. Rem. [Le suj. désigne la clôture elle-même] : 8. « Un mur clôt la fontaine où, par l'heure échauffée, folâtre, elle buvait en descendant des bois; ... »
Hugo, Les Rayons et les ombres,1840, p. 1095. B.− P. ext. Enfermer : 9. Mais toi, sauvage amour, qui, la prunelle en flamme,
Rugis affreusement dans l'antre de mon âme
...
Tâche de t'apaiser, ou je m'en vais te clore
Dans un lieu plus profond et plus sinistre encore.
T. Gautier, Poésies,1872, p. 235. − P. métaph. : 10. Quelque chose, l'éternel « à quoi bon? » répond à tout et clôt de sa barrière d'airain chaque avenue que je m'ouvre dans la campagne des hypothèses.
Flaubert, Correspondance,1850, p. 201. − Emploi pronom. : 11. ... c'est chose absurde que se clore en cellule pour satisfaire son vice d'orgueil.
Estaunié, L'Empreinte,1896, p. 332. Prononc. et Orth. : [klɔ:ʀ]. Gattel 1841 recommande la prononc. de r forte. Cf. la graph. clôrre ds Fér. Crit. t. 1 1787 et ds Ac. Compl. 1842. Ds Ac. 1694, s.v. clorre. Ds Ac. 1718-1932 sous la forme moderne. Conjug. N'est guère empl. qu'à l'inf. et dans les formes suiv. : indicatif prés. je, tu clos, il clôt (Ac. ne met pas d'accent circonflexe dans éclot, enclot, mais dans clôt), ils closent (rare mais donné ds Gramm. Ac. 1932, p. 164); fut. (rare) je clorai, tu cloras, il clora, etc.; cond. (rare) je clorais, etc.; impér. clos; subj. prés. (rare) que je close, etc.; part. prés. (rare) closant; part. passé clos, close. Grev. 1964, § 701, donne, en plus, des ex. de formes rares rencontrées chez certains écrivains : ainsi le passé simple closit (ds H. Béraud, Le Bois du templier pendu, p. 86), le subj. imp. closît (ds Bedel, Géographie de mille hectares, p. 27). Pour Littré les formes du verbe ,,n'ont rien de rude ni d'étrange et il serait bon que l'usage ne les abandonnât pas``. Homon. chlore. Étymol. et Hist. 1. 1remoitié xiies. clore « fermer » (Charroi de Nîmes, éd. D. Mc Millan, 1391 : poing clos); 2. 2equart xiies. « entourer d'une enceinte » (Couronnement de Louis, éd. E. Langlois, 697); 3. 1405 se clore « se terminer » [ici, en parlant de comptes] (Arch. Nord, B 10359, fol. 18 ds IGLF). Du lat. claudere « fermer ». Très fréquent en a. et m. fr., clore a été partiellement remplacé en fr. mod. par fermer* en raison de la collision homon. avec clouer* de certaines de ses formes conjuguées (v. Gilliéron, La Faillite de l'étymol. phonét., 1919, pp. 9-34). Fréq. abs. littér. : 403. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 483, b) 658; xxes. : a) 749, b) 497. Bbg. Gilliéron (J.). Les Conséquences d'une collision lex. et la latinisation des mots fr. Paris, 1921, t. 20, pp. 55-74. − Giraud (G.). Une Lettre du professeur Gaston Giraud. Déf. Lang. fr. 1973, no66, p. 33. − Gottsch. Redens. 1930, p. 82, 147. − Gougenheim (G.). Notes sur le vocab. de Robert de Clari et de Villehardouin. Romania. 1944-1945, t. 68, pp. 419-420. − Meuser (H.). Lateinisch claudere im Französischen. Diss. Giessen, 1929. − Pinchon (J.). Questions de vocab. Fr. Monde. 1968, no60, p. 53. − Tertius. Clore, clôture et clôturer (extr. d'un art. de Tertius dans le Journal des Tribunaux du 17 févr. dernier). Déf. Lang. fr. 1973, no68, p. 29. |