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ANGE, subst. masc.
I.− RELIGION
A.− [De façon continue dans certaines relig., ou de façon temporaire dans les croyances de certaines époques] Puissance secondaire de caractère sacré, qui anime, régit l'univers et les éléments et qui, soumise à la divinité ou en révolte contre elle, intervient en bien ou en mal dans la vie des hommes :
1. Les Indiens ont aussi leurs génies, qui président aux diverses régions du monde. Le systême astrologique avait soumis chaque climat, chaque ville à l'influence d'un astre. On y substitua son ange, ou l'intelligence qui était censée présider à cet astre et en être l'ame. Ainsi les livres sacrés des Juifs admettent un ange tutélaire de la Perse, un ange tutélaire des Juifs. Dupuis, Abr. de l'Orig. de tous les cultes,1796, p. 59.
B.− Dans les religions (judéo-)chrétiennes.Être spirituel supérieur à l'homme, inférieur à Dieu, dont il est une créature soumise ou révoltée :
2. Différentes religions connaissent des esprits de la nature et des êtres semblables aux anges, intermédiaires entre la divinité et l'homme, tels que les demi-dieux et les démons (...). Les fonctions de ces êtres, dans le domaine judéo-chrétien, sont passées plus ou moins aux anges. Mais la figure de l'« ange », proprement dit, en tant qu'esprit au service d'une puissance supraterrestre, est caractéristique de la foi judaïque et chrétienne, ainsi que des religions qui ont subi son influence (par exemple le syncrétisme antique et l'Islam). Fries t. 4 1967.
3. Conformément au principe de Denys qui veut que le haut de l'ordre inférieur confine au bas de l'ordre supérieur, saint Thomas situe l'homme entre l'ange et la bête, touchant à l'un par le sommet de son intellect, à l'autre par la caducité de son corps. Gilson, L'Esprit de la philos. médiév.,t. 2, 1932, p. 11.
Ange de lumière, ange du ciel, ange fidèle, saint ange, bon ange, ange blanc. Ange resté fidèle à Dieu. C'est aussi ,,l'un des noms de Satan : « Car Satan lui-même se déguise en ange de lumière. » (Paul, II Cor. 11, 14).`` (Tondr.-Vill. 1968).
Ange déchu, ange rebelle, ange de(s) ténèbres, ange de l'abîme, ange du diable, ange de Satan, ange noir, mauvais ange. Ange qui, à la suite de son prince, Satan, a péché par orgueil, s'est révolté contre Dieu et a été, en châtiment, maudit, chassé du ciel et précipité en enfer. Chute des anges :
4. Il serait difficile de rendre avec une noblesse plus idéale que ne l'a fait Raphaël la sérénité distraite et un peu dédaigneuse de l'Archange exécutant l'ordre de Dieu sur l'ange rebelle, autrefois son compagnon de gloire. T. Gautier, Guide de l'amateur au Musée du Louvre,1872, p. 31.
Anges de l'Apocalypse. Les quatre cavaliers de l'Apocalypse de Jean, symboles de la guerre, de la victoire, du jugement, de la mort, et ministres de la vengeance divine.
En partic., dans la religion cath.Messager de Dieu auprès des hommes; serviteur chargé d'exécuter les ordres de Dieu :
5. Dieu, dans s. Matthieu, envoie un ange à Joseph, pour lui expliquer le mystère de la naissance de Jésus; puis le même ange réapparaît à Joseph en Égypte, pour lui annoncer la mort d'Hérode. Dans s. Luc, l'ange Gabriel est envoyé à Élisabeth et à Marie. Dans s. Matthieu, quand Jésus ressuscite, « Il se fit un grand tremblement de terre; car un ange du seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre du sépulcre, et s'assit dessus. » Leroux, De l'Humanité,t. 2, 1840, p. 854.
6. Notre monde actuel serait-il encerclé par des êtres invisibles? Je crois qu'il existe des anges. Je songe aux Chérubins, aux Trônes, aux Dominations, à la multitude des anges qui peuplent l'espace sur nos têtes et nous surpassent fraternellement dans la série des êtres comme nous-mêmes nous dépassons nos frères inférieurs, les bêtes. Barrès, Mes cahiers,t. 14, 1922-1923, pp. 104-105.
7. Parmi les anges se détachant avec un relief particulier l'« ange de Yahvé » (...) ou « ange de Dieu » (...), par lequel Dieu se manifestait, si bien qu'au lieu de parler de son ange on pouvait aussi parler directement de Dieu (...). Cet « ange » avait peut-être été regardé à l'origine comme une manifestation de Dieu, comme Dieu lui-même qui, invisible en soi, se rendait par son « ange », dans certaines situations, présent et agissant; mais depuis le temps des rois, et déjà bien avant dans la pensée populaire, cette manifestation de Dieu fut considérée comme un envoyé céleste distinct de Dieu (...). Fries t. 4 1967.
Ange exterminateur, ange de la mort. L'ange qui, après le départ des Israélites pour la terre promise, frappa de mort tous les premiers-nés d'Égypte :
8. On a fort accusé Lucain pour avoir dit que la peur a créé des dieux. Joseph de Maistre ne dit pas autre chose et soutient que la terreur est la destinée de l'homme; que l'ange exterminateur parcourt le monde éternellement. Vigny, Le Journal d'un poète,1842, p. 1169.
Pain des anges. L'Eucharistie :
9. Ô Christ, c'était toi! Christ! c'était ton corps sacré, Pain des Anges, par qui tout sera réparé, Ton corps, Seigneur, substance et nourriture vraies, Avec l'intarissable eau vive de tes plaies! Leconte de Lisle, Poèmes barbares,Le Corbeau, 1878, p. 276.
10. ... si l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu (Deutér. VIII, 3), comment penser que dans l'autre monde il n'y aura plus rien qui réponde à la communion eucharistique et que le pain des anges fera défaut à notre alimentation? Claudel, Un Poète regarde la Croix,1938, p. 195.
Sainte mère des anges, reine des anges. La Vierge Marie.
Ange gardien, ange tutélaire, ange protecteur ou bon ange. Ange que la croyance attache à chaque homme en particulier et chargé de le protéger, de le conduire à son salut en l'incitant au bien. Bon ange, mauvais -. Selon la croyance populaire, ange de Dieu donc du bien, et ange de Satan donc du mal, qui se disputent l'âme de chaque homme :
11. Vous vous compariez l'autre jour à cet homme baigné de sueur froide qui, dans la grande scène de Michel-Ange, s'attache avec désespoir à l'ange chargé de le disputer au démon. (...). Prenez garde que le bon ange ne se lasse, prenez garde que le mauvais ne se cramponne à vos pieds débiles : c'est à vous de décider lequel des deux vous aura. G. Sand, Lélia,1839, p. 394.
P. méton. Représentation (en peinture, en sculpture ...) d'un ange :
12. Dans la nouvelle iconographie, l'ange et le démon perdent leur physionomie mystérieuse, leur aspect de rêve et se rapprochent de l'homme. É. Mâle, Art relig. après le Concile de Trente,1932, p. 236.
II.− P. ext.
A.− Pur esprit, créature parfaite opposée à l'être corporel et imparfait. Faire l'ange, (n'être) ni ange ni bête (cf. Pascal, Pensées, Paris, Brunschvicg, 1662, p. 358 : ,,L'homme n'est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l'ange fait la bête.``) :
13. Aussi je ne dirai pas du tout que qui veut faire l'ange fait la bête; mais bien plutôt que qui n'a point su faire l'ange fait la bête et pis que la bête. Alain, Propos,1926, p. 683.
Bon ange, ange blanc. Symbole du principe du bien. Mauvais ange, ange noir. Symbole du principe du mal :
14. Qu'est-ce que les convulsions d'une ville auprès des émeutes de l'âme? L'homme est une profondeur plus grande encore que le peuple. Jean Valjean, en ce moment-là même, était en proie à un soulèvement effrayant. Tous les gouffres s'étaient rouverts en lui. Lui aussi frissonnait, comme Paris, au seuil d'une révolution formidable et obscure. Quelques heures avaient suffi. Sa destinée et sa conscience s'étaient brusquement couvertes d'ombre. De lui aussi, comme de Paris, on pouvait dire : les deux principes sont en présence. L'ange blanc et l'ange noir vont se saisir corps à corps sur le pont de l'abîme. Lequel des deux précipitera l'autre? Qui l'emportera? Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 383.
La partie spirituelle dans l'homme :
15. Il y aurait en nous deux créatures distinctes. Selon Swedenborg, l'ange serait l'individu chez lequel l'être intérieur réussit à triompher de l'être extérieur. Un homme veut-il obéir à sa vocation d'ange, dès que la pensée lui démontre sa double existence, il doit tendre à nourrir la frêle et exquise nature de l'ange qui est en lui. Si, faute d'avoir une vue translucide de sa destinée, il fait prédominer l'action corporelle au lieu de corroborer sa vie intellectuelle, toutes ses forces passent dans le jeu de ses sens extérieurs, et l'ange périt lentement par cette matérialisation des deux natures. Dans le cas contraire, s'il substante son intérieur des essences qui lui sont propres, l'âme l'emporte sur la matière et tâche de s'en séparer. Quand leur séparation arrive sous cette forme que nous appelons la mort, l'ange, assez puissant pour se dégager de son enveloppe, demeure et commence sa vraie vie. Balzac, Louis Lambert,1832, pp. 68-69.
B.− [P. allus. à la perfection attribuée aux anges]
1. [La constr. ange + de + subst. est fréq.] Personne douée jusqu'à la perfection d'une qualité morale ou physique. Ange de beauté, de pureté :
16. Vous confondez dans les règles vulgaires une personne douée comme aucune femme ne l'a jamais été, un ange d'esprit et de bonté; un génie admirable, et néanmoins un caractère sensible et timide; une imagination sublime, une générosité sans bornes; ... Mmede Staël, Corinne,t. 3, 1807, p. 152.
17. ... il [le docteur] a un ange auprès de lui, la plus céleste jeune fille. Balzac, Ursule Mirouët,1841, p. 124.
Rare. [En parlant de qqc.] :
18. ... le verbe, ange du mouvement, (...) donne le branle à la phrase. Baudelaire, Paradis artificiels,1860, p. 376.
19. ... le pays mérite description pour l'âpreté vraiment remarquable de ses sites et l'exquise suavité de certains de ses produits, − le jambon par exemple, qui est un ange... Verlaine, Correspondance,t. 1, 1869-1896, p. 253.
2. [Dans certaines tournures, en parlant de pers.] Pour marquer l'admiration : c'est un ange, vous êtes un ange; l'amour : mon ange, (mon) cher ange, mon ange adoré(e), mon ange bien-aimé(e); l'affection ou l'amitié, particulièrement à l'égard des enfants : (mon) petit ange; la pitié : pauvre ange, pauvre cher ange, pauvre petit ange.
Rem. Qq. écrivains, employant le mot ange à propos d'une femme, ou imaginant des anges du sexe fém., font de ce mot un fém. : (ma) chère ange, une ange charmante, cette ange, mon ange bien-aimée; ou mettent au fém. le pron. qui s'y rapporte : notre ange, elle aussi... :
20. ... sous une pâle robe, Son pied blanc tour à tour se montre et se dérobe, Et son sein agité, mais à peine aperçu, Soulève les contours du céleste tissu. C'est une femme aussi, c'est une Ange charmante; Car ce peuple d'Esprits, cette famille aimante, Qui, pour nous, près de nous, prie et veille toujours, Unit sa pure essence en de saintes amours : Vigny, Poèmes antiques et modernes,Éloa, 1837, p. 25.
21. ... voilà une ange qui ne m'échappera plus. (...). (J'ai mis ange au féminin. En effet, puisque les anges sont de purs esprits, je ne vois pas pourquoi on les représente exclusivement sous la forme mâle, sinon pour satisfaire la pédérastie inavouée du genre humain.) Montherlant, Les Jeunes filles,1936, pp. 1023-1024.
Plus rarement. [En fonction d'attribut, avec valeur d'adj.] Être ange, être plus ange que (qqn), être trop ange, être par-dessus tout ange :
22. Oh! si vous existez, mon ange, mon génie (...) volez (...) Vers cet être charmant que je sers à genoux Et qui, puisqu'il est femme, est plus ange que vous! Hugo, Toute la lyre,t. 2, 1885, p. 85.
3. Subst. + de + ange.Voix, cheveux d'ange, visage, figure d'ange :
23. Il rit avec un regard d'ange, avec ses yeux, avec son front où tout est limpidité. Barrès, Les Amitiés françaises,1903, p. 193.
Patience d'ange. Patience extraordinaire, exemplaire.
4. Loc. Comme un ange. S'emploie précédée d'un adj. ou d'un verbe pour exprimer le haut degré de la qualité que possède qqn (beau, belle comme un ange) ou la perfection avec laquelle qqn fait qqc. (dormir, travailler comme un ange) :
24. ... ce damné seigneur, beau comme un ange et méchant comme un diable, n'abandonnerait certes pas son entreprise, ... T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 355.
5. Proverbes
Faire d'un ange deux. ,,Faire deux bonnes choses d'un seul coup. On disait, dans le sens contraire, faire d'un diable deux.`` (Lar. 19e). Au prêter ange, au rendre, diable. ,,Proverbe qui répond à celui-ci : ami au prêter, ennemi au rendre.`` (Lar. 19e). Ange à l'église et diable à la maison. ,,Se dit d'une personne qui, en public, paraît bonne et douce, et qui, dans son intérieur, se montre méchante et acariâtre.`` (Lar. 19e).
C.− Loc. [P. allus. au bonheur céleste des anges tel que notamment il est représenté dans les arts plast.].
Être aux anges. Être transporté de joie. Ell. aux anges :
25. Ma femme est bien heureuse d'être grand'mère, Charles est aux anges d'être papa, Alice est ravie d'être maman, tu es enchanté d'être oncle, et moi je suis enchanté, ravi, heureux, et aux anges. Hugo, Correspondance,1867, p. 14.
Rem. Être aux anges est ,,fam.`` selon Ac. t. 1 1932.
Rire aux anges, sourire aux anges. En bonne part, dans le même sens que être aux anges, ou en parlant de quelqu'un (en partic. d'un bébé) qui semble sourire dans son sommeil; en mauvaise part, avec le sens « rire niaisement » :
26. Le bonheur la transfigure, elle va revoir sa petite Aimée, et, d'allégresse, ne cesse de sourire aux anges, dans l'omnibus qui nous ramène à la gare. Colette, Claudine à l'école,1900, p. 238.
Un ange passe. Se dit lorsqu'un silence gêné ou ironique interrompt une conversation :
27. Un silence ironique laissa passer ses anges... H. Bazin, La Tête contre les murs,1949, p. 312.
Vieilli. Boire aux anges. ,,Boire sans plus savoir quelle santé on peut porter.`` (Nouv. Lar. ill.); attesté ds Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Lar. 19e, Littré).Vx. Voir des anges violets. ,,Avoir un éblouissement causé par un coup porté sur les yeux; ou, se repaître de songes creux. On dit de même, dans le premier sens, en voir trente-six chandelles.`` (Lar. 19e; attesté également ds Ac. 1835, Besch. 1845, Littré, Nouv. Lar. ill.).
D.− [P. allus. aux différentes sortes d'anges, à leurs différentes fonctions, le plus souvent à propos d'une pers.] :
28. En guerre, l'homme ne devient-il pas un ange exterminateur, une espèce de bourreau, mais gigantesque? Balzac, La Peau de chagrin,1831, p. 178.
29. Et elle [MmeJosserand] parla de son fils (...). − Songez donc, chère amie, qu'il n'a pas trente ans... Oh! il sait ce qu'il vous doit, et je suis moi-même pénétrée de reconnaissance. Vous resterez son bon ange. Zola, Pot-Bouille,1882, p. 326.
30. Pierre de B. n'avait pas été un grand criminel, un ange de ténèbres; l'eût-il été que Céline l'aurait accompagné allègrement en chantant ses gloires jusque dans les palais souterrains. Giono, Angelo,1958, p. 32.
[P. allus. à divers épisodes de la Bible, notamment Gen. XXXII, 25-31 (lutte de Jacob avec l'ange, symbole du combat spirituel)] :
31. La poésie de Baudelaire, c'est la lutte avec l'ange. Et Taine aussi a connu ces crises de celui qui, aux prises avec la vérité, ne s'y veut pas soumettre. Barrès, Mes cahiers,t. 13, 1921, p. 98.
[P. allus. à la représentation des anges] Ange bouffi. ,,Popul. Enfant qui a le visage fort plein et de grosses joues, parce que les peintres représentent communément ainsi les anges, et surtout les chérubins et les séraphins.`` (Besch. 1845; attesté également ds DG). Vx. Ange de grève. ,,Crocheteur; dit ainsi par plaisanterie, à cause que les crocheteurs se tenaient beaucoup sur la place de Grève et que l'on comparait leurs crochets à des ailes.`` (Littré; attesté également ds Besch. 1845, Guérin 1892).
III.− Emplois techn.
A.− AMEUBL. ANC. Lit d'ange ou lit à l'ange. Lit sans colonnes, surmonté (sur une partie de sa longueur seulement) d'un baldaquin à rideaux relevés :
32. L'alcôve était séparée de la salle par une cloison qui s'arrêtait au pied d'un lit à l'ange. Genevoix, Les Mains vides,1928, p. 83.
B.− HÉRALD. ,,Esprit céleste, dont la position ordinaire dans l'écu est d'être de front, les extrémités vers le chef. On en rencontre peu dans les armoires; ils font plus souvent partie des ornements extérieurs.`` (Grandm. 1852).
C.− ICHTYOL. Ange de mer (ou ange ou angel ou angelot). Nom usuel d'un poisson d'une forme intermédiaire entre celle des squales et celle des raies :
33. La chair de l'ange de mer est assez délicate et sa saveur rappelle beaucoup celle de la raie. Tous les modes d'apprêts indiqués pour ce dernier poisson sont applicables à l'ange de mer. Mont.1967.
D.− MODES. Coiffure à l'ange, cheveux à l'ange, être coiffée à l'ange :
34. La nouvelle coiffure à l'ange, les bandeaux de Cléo de Mérode, s'accommodaient du canotier en auréole... Colette, Le Képi,1943, p. 23.
E.− PARFUMERIE ANC. Eau d'ange, eau des anges. Eau distillée aromatique :
35. Le style parfumé Louis XIII, composé des éléments chers à cette époque, de la poudre d'iris, du musc, de la civette, de l'eau de myrte déjà désignée sous le nom d'eau des anges, était à peine suffisant pour exprimer les grâces cavalières, les teintes un peu crues du temps, ... Huysmans, À rebours,1884, p. 151.
F.− SP. Saut de l'ange. En natation ou en chorégraphie, saut ou plongeon qui s'exécute en s'élançant les bras ouverts, les jambes réunies arquées en arrière.
G.− FOLKL. Cheveu(x) d'ange. Guirlande en fil d'argent pour la décoration des arbres de Noël.
IV.− Arg., fam.
Ange gardien, ange. Gardien de la paix chargé d'accompagner et de surveiller un détenu; p. ext. agent de police; p. anal. gendarme :
36. Mais une fois rentré sous la garde d'un huissier à chaîne d'acier, dans le vestibule où les gendarmes m'attendaient, je me suis mis à pleurer comme un enfant, si bien que « mes anges gardiens » se mirent à me consoler... Verlaine, Mes prisons,1893, p. 391.
37. ... ce n'était pas en son honneur [du fils du comte de Paris] mais au mien que le préfet de police jugeait bon de nous faire escorter par ses anges. Excès de prudence, je le crois. Il n'empêche que cela compose l'atmosphère d'une époque. Mauriac, Le Nouveau Bloc-notes,1961, p. 160.
Donner un ange au bon Dieu. Faire avorter. Faiseuse d'ange. Avorteuse (cf. Van der Meersch, L'Empreinte du dieu, 1936, p. 171).
Les anges pissent. ,,Il pleut.`` (L. Rigaud, Dict. du jargon parisien, L'Arg. anc. et mod., 1878, p. 11).
,,Lesbienne`` (Bruant 1901) :
38. ... − Vous aviez un ange? − Un amour qui s'appelait Suze Flavigny... (R. Maizeroy). Bruant1901.
Rem. gén. Ange peut, dans la lang. littér., fonctionner comme 1erélément de composé, habituellement relié au second par un trait d'union : un ange-femme (Balzac, Louis Lambert, 1832, p. 71); ces anges-vierges (Hugo, Les Rayons et les Ombres, 1840, p. 408); ces petits anges-gitons (E. et J. de Goncourt, Journal, 1860, p. 804); un petit ange-pupitre (T. Gautier, Guide de l'amateur au Musée du Louvre, 1872, p. 105).
PRONONC. : [ɑ ̃:ʒ]. Enq. : /ã ʒ/.
ÉTYMOL. ET HIST. I.− 1. Mil. xies. angele (Alexis, éd. Paris et Pannier, 18c ds T.-L. : une imagene... Qued angele firent); ca 1100 angle (Rol., éd. Bédier, 2262); xiies. angre (Ronc., p. 92 ds Littré); 1641 ange (Calvin, Instit., 107, ibid.); 2. p. anal. fin xvies. « jolie et douce créature (ici au fém., désigne une femme aimée) » (Guy de Tours, Le paradis d'amour, II, 21 ds Hug. : Pose la Devarfil auprès cette belle ange. Il n'est fille dans Tours plus digne de louange Pour la facondité de son langage doux). II.− a) 1340, 27 janv., par synecdoque, numism. « monnaie d'or émise par Philippe VI de Valois, portant sous un dais gothique un ange couronné, debout sur un dragon et tenant une croix à long pied et un écu, le tout dans une rosace » [d'apr. Giani, Les Monnaies royales fr., 1926, p. 64] (Ord., VI, X ds Gdf. Compl. : Deniers d'or fin appelez angles qui auront cours pour soixante quinze souls tournois la piece); b) peut-être par antiphrase, 1548 ichtyol. ange de mer « sorte de squale » (Rabelais, IV, 60 ds Hug.). Du lat. chrét. angelus (gr. α ́ γ γ ε λ ο ς « messager, envoyé », Homère, et « envoyé de Dieu, ange », Septante ds Bailly), attesté au sens 1 dep. Tertullien, passim ds TLL s.v., 45, 44-50; p. anal. au sens de « homme de piété remarquable » (Collectio avellana, 566, 8, ibid., 45, 68). Angle, angre sont de formation pop., reposant sur une forme syncopée par chute de la pénultième atone (paroxyton). Angele suppose un lat. proparoxyton où la pénultième atone a été conservée (en raison du caractère sav. du mot et prob. aussi en raison de la complexité du groupe consonantique qu'aurait entraîné la syncope); apr. chute régulière de la voyelle finale, la consonne intervocalique, devenue finale derrière voyelle inaccentuée, ne tarda pas à s'amuïr; angele n'a été dès lors qu'une graphie traditionnelle ne comptant que pour deux syllabes; Fouché p. 472, 507, 661; voir aussi Berger, Die Lehnwörter in der frz. Sprache ältester Zeit. 1899, pp. 56-58.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 6 725. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 13 918, b) 10 177; xxes. : a) 7 442, b) 6 794.
BBG. − Ac. Gastr. 1962. − Allmen 1956. − Archéol. chrét. 1924. − Bach.-Dez. 1882. − Baudr. Pêches 1827. − Bible 1912. − Bible Suppl. t. 1 1928. − Bouillet 1859. − Boulan 1934, p. 132. − Bouyer 1963. − Bruant 1901. − Canada 1930. − Chass. 1970. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 158. − Dheilly 1964. − Divin. 1964. − Duch. Beauté 1960, pp. 109-110. − Dul. 1968. − Esn. 1966. − Foi t. 1 1968. − France 1907. − France Suppl. 1907. − Fries t. 1 1965. − Gottsch. Redens. 1930, pp. 357-359. − Grandm. 1852. − Jal 1848. − Lar. mén. 1926. − Larch. Suppl. 1880. − La Rue 1954. − Lej. 1969. − Le Roux 1752. − Mar. Lex. 1933. − Marcel 1938. − Masson 1970. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 20, 57; pp. 230-231. − Michel 1856. − Mont. 1967. − Nelli 1968. − Noter-Léc. 1912. − Pollet 1970. − Pope 1961 [1952], § 639, 641, 644. − Privat-Foc. 1870. − Rolland (E.). Faune pop. de la France. 11. Paris, 1967, p. 158. − Sain. Lang. par. 1920, p. 400. − Théol. bibl. 1970. − Timm. 1892. − Tondr.-Vill. 1968. − Viollet 1875. − Will. 1831.