| * Dans l'article "AB-,, préf." AB-, préf. Signifie l'éloignement ou l'écart (au propre ou au fig.) : abarticulaire « qui est en dehors de l'articulation » (Garnier-Del. 1958) abduction « mouvement qui écarte un membre ou une partie quelconque du plan médian du corps » (Garnier-Del. 1958) abhorrer « détester, sentir une vive répulsion pour ... » abject, e « digne du plus grand mépris, qui inspire une violente répulsion » (primitivement « jeté à part ») abjurer relig., absol., « abandonner solennellement une opinion religieuse »; « renoncer solennellement à la religion que l'on professait » ablégat « commissaire chargé d'une mission par le pape » (primitivement « envoyé de ») abnégation « sacrifice volontaire de soi-même, de son intérêt, éloignement de son propre intérêt » abroger « déclarer nul (ce qui avait été établi, institué), annuler, casser, révoquer, supprimer » abscission « perte passagère de la mémoire et même de la connaissance, due à un excès de fatigue ... » (Garnier-Del. 1958) absence « le fait de n'être pas dans un lieu où l'on pourrait, où l'on devrait être » absorber « engloutir » (primitivement « faire disparaître en avalant ») abstenir (s') « ne pas faire par volonté délibérée » (primitivement « se tenir éloigné ») abstraire « isoler par la pensée (un objet, une personne) » − P. ext., rare. Morphol. − Var. morphol. du préf. − Le préf. présente :
1. Une forme simple ab :
abarticulaire
abduction, abducteur
abjection
abjurer
ablactation
ablégat
abnégation
abréaction
abscission
absence
absorber
abuser
Noter aussi abcès, abcéder.
2. Une forme élargie abs, qui semble précéder des rad. en t initial (cf. Gaff. 1934. a-, ab-, abs-, p. 3, a) :
abstenir
abstraire
Noter aussi abstème.1. Signifie « hors de », mouvement de l'intérieur vers l'extérieur : abréaction psychanal., néol., « réaction d'extériorisation par laquelle un sujet se libère d'un refoulement affectif » (Garnier-Del. 1958) 2. Exprime un écart quantitatif : abuser « user mal, avec excès; outrepasser » 3. Exprime le point de départ dans le temps : aborigène « personne qui vit dans son pays depuis sa naissance » 4. Exprime l'arrêt : ablactation « cessation de la lactation, considérée par rapport à la mère » (Garnier-Del. 1958) Rem. Aires sém. − La plupart des dér. en ab- sont des termes spécialisés. On peut aisément déterminer leurs aires d'emploi qui rendent compte à la fois des qq. mots analysés en synchr. et des mots où le préf. n'est plus analysable :
1. DROIT :
abdiquer « renoncer à » (au trône)
abolir « supprimer, abroger, annuler » (abolir une loi)
abroger
2. GÉOLOGIE :
ablation « perte de substance subie par un relief »
abrasion « usure mécanique d'une roche par l'eau chargée de débris »
3. MÉDECINE :
abcès (> abcéder) « amas de pus collecté aux dépens des tissus environnants détruits ou refoulés » (Garnier-Del. 1958)
abduction
aberration « dérangement, déviation hors de l'état normal » (ibid.)
ablactation
ablation « action d'enlever chirurgicalement une partie du corps » (ibid.)
abortif, ive « qui est venu avant terme »; « se dit des substances dont l'absorption passe pour provoquer l'avortement » (ibid.)
abrasion « séparation ou excision de petits fragments muqueux superficiels » (ibid.)
abréaction
abruption « fracture transversale d'un os avec des fragments rugueux » (ibid.) (cf. cependant abrupt)
abscission
absence (cf. aussi l'emploi cour. du mot) « perte passagère de la mémoire et même de la connaissance, due à un excès de fatigue, ou à une intoxication ... » (ibid.)
abstème
4. MOR., PSYCHOL. :
abhorrer « avoir en horreur, détester au plus haut point »
abjection « extrême degré d'abaissement, d'avilissement »
abominable « qui inspire de l'horreur, affreux, atroce, horrible, monstrueux »
5. PHILOS. ET DIDACT. :
abscons, e « difficile à comprendre »
abstraire
Tous ces termes ont une valeur superl. Quand ils ne sont pas spécialisés, ils relèvent d'un style soutenu. HISTORIQUE
A.− Le préf. en lat.
1. Forme
a) Le préf. présente en lat. une forme simple :
ab-dĭco
ab-dīco
ab-do (ĕre)
ab-duco
ab-eo
ab-hinc
ab-horreo
b) Et une forme élargie :
abs-tēnuus « qui s'abstient de vin » (cf. fr. mod. abstème « sobre, tempérant »)
abs-terreo « détourner par la crainte, détourner, chasser »
abs-tineo « tenir éloigné de, se maintenir loin de »
abs-traho « tirer, traîner loin de, séparer de »
,,[Abs s'emploie surtout] devant les explosives c et t : abscondō, abstrahō
[cf. les ex. sup.] (...); devant un p initial, abs se réduit à as- : asportō, aspellō
et aspernor de *ab(s)pernor; ā
est la forme réduite de *abs devant les labiales sonores m, u, b : āmoueō, āuellō, de *a(b)zmoueō, *a(b)zuellō, abitō
(...). Afuī
parfait de absum est une forme analogique; devant la sourde f le latin recourait d'ordinaire à un autre préverbe : au-, ... `` (Ern.-Meillet 1959).
2. Signif. − Ab- signifie essentiellement « s'écarter de, s'éloigner de », avec ou sans prise en considération de limite initiale (point de départ spatial ou temp.). Le préf. s'oppose, du point de vue sém., à ex-, qui marque le mouvement de l'intérieur vers l'extérieur, et à de-, qui peut exprimer le mouvement de haut en bas, ou la diminution. La lang. semble avoir préféré de- à ab- et ex-.
B.− Le préf. en a. fr.
1. Forme
a) On retrouve les graph. étymol. ab- ou abs- souvent réduit à as- :
abaïeul
abjuger
abneer
abneveu
abomination
abortir
abreleguer
abrenonciation, abrenoncier
absciser
absconser, abscondre
b) Souvent, ab- (ou abs- / as-) alterne avec a- (forme phonétiquement rég.), en partie. devant s et t :
abscrire − ascrire (Gdf.)
absoudre − asoudre (Gdf.)
2. Signification
a) Ab- conserve en a. fr. le sens du préf. lat. dont il provient :
abaïeul « bisaïeul » chronol. éloignés
abneveu « arrière-neveu » chronol. éloignés
abjuger « enlever par jugement, confisquer »
abneer « renier »
abortir « avorter » (primitivement « naître avant le temps »)
abreleguer « reléguer, bannir »
abrenonciation « renonciation » (abrenoncier « renoncer »)
absciser « arracher » (cf. le sens mod. du mot)
absconser « cacher, se cacher »
absoudre (assoudre) « affranchir, délier, délivrer, décharger » ...
b) Il est fortement concurrencé par le préf. es- < (lat.) ex-. A bon nombre de dér. en ab-, a-, correspondent des dér. en es-de même base, sans différence sensible dans la signif. (cf. é) :
abaulevrer − esbaulevrer « couper la lèvre inférieure »
abscondre (ascondre) − escondre « cacher, se cacher »
absconser − esconser « cacher, se cacher »
acharnir − escharnir (actif et réfl.) « se moquer de, outrager, honnir »
acoillie − escueillie « élan, course rapide »
acolorgement − escolorgement « action de glisser, de chopper » (au propre et au fig.)
alaissier − eslaissier « laisser courir, lancer impétueusement, lancer à la course »
astraire − estraire « tirer, faire sortir » (cf. sens mod. du mot)
C.− Vitalité. − Cette concurrence, qui s'ajoute à la fâcheuse homophonie a- < ad et a- < ab, explique le manque de productivité du préf. ab-. En effet, on trouve la forme advortir pour avorter, à côté de abortir < abortare (ab + ortiri) ou encore abscrire à côté de adscrire et ascrire « inscrire, enregistrer, enrôler, désigner pour », là où seul l'emploi du préf. ad- serait justifié. Noter aussi abanoier (ab ou ad?) / esbanoier « se réjouir, se divertir, s'égayer, s'amuser ». Actuellement ab- n'est productif que dans la lang. sc. Pourtant il est analysable dans un nombre relativement élevé de mots :
ab-articulaire
ab-jurer
ab-lactation
ab-négation
ab-réaction
ab-scission
ab-user
abs-tenir
Plus souvent encore le préf. est commutable :
ab-céder (accéder, précéder, succéder)
ab-ducteur (conducteur)
ab-duction (adduction, induction)
ab-horrer (horreur, horrible)
ab-jection (éjection, objection)
ab-origène (origine)
ab-roger (déroger)
ab-sorber (adsorber − cf. a-; résorber)
abstraire (extraire, distraire)
Ailleurs le mot de base n'est plus guère analysé :
abdiquer (cf. cependant indiquer)
ablation (cf. cependant oblation, délation, relation)
abomination, abominable
abortif, ive
abscons, e
absurde |