| -ÂTRE, suff. Suff. exprimant l'atténuation, et, corrélativement, l'approximation et la dépréciation. I.− Le dér. est un adj. A.− La base est un adj. 1. La base est un adj. de couleur : blanchâtre .« D'une teinte tirant sur le blanc » bleuâtre .« Qui tire sur le bleu » blondâtre .« D'un blond fade » brunâtre .« Qui tire sur le brun » grisâtre .« Qui tire sur le gris » jaunâtre .« Qui tire sur le jaune » noirâtre .« Qui tire sur le noir » rosâtre .« Qui est d'un rose sale, peu franc » rougeâtre .« Qui tire sur le rouge, légèrement rouge » roussâtre .« Qui tire sur le roux » verdâtre .« Qui tire sur le vert, qui est d'un vert un peu sale » violâtre .« Violacé » Rem. Lorsque l'adj. varie en genre, la base est la forme du fém.; noter le passage de [t] à [d] pour verdâtre et la commutation de suff. pour violâtre/violet. 2. La base n'est pas un adj. de couleur : douceâtre .« Qui est d'une douceur fade » folâtre .« Qui aime à plaisanter, à jouer » purâtre .« Qui n'est pas tout à fait pur » (Docum. TLF) B.− Rare. La base est un subst. : acariâtre .« D'un caractère désagréable » opiniâtre .« Qui est attaché d'une manière tenace à son opinion » II.− Le dér. est un subst. A.− La base est un subst. : musicâtre .« Mauvais musicien » B. La base est un adj. : bellâtre .« Bel homme fat et niais » galfâtre .« Vaurien » gentillâtre .« Pauvre gentilhomme » Rem. Le dér. désigne un animal : cocâtre « coq auquel on a retranché un testicule » (Littré), coquâtre « demi-chapon » (Ibid.); désigne un inanimé : finâtre « soie de mauvaise qualité ». PRONONC. : [-ɑ:tʀ
̥]. ÉTYMOL. ET HIST.
A.− Étymol. − Le suff. -âtre, en a.fr. -astre remonte à la termin. lat. -aster/-astrum qui a servi à former un certain nombre d'adj. et surtout de subst. appartenant essentiellement à la lang. parlée et au vocab. technique. À part qq. noms d'obj. où le suff. n'a qu'un rôle formatif (alabaster « vase d'albâtre à parfums », gastra, gastrum « vase à large panse », seliquastrum « siège élevé », serperastra « éclisses », et peut-être formaster et lucuentaster « gâteau »), le suff. -aster/-astrum apporte une détermination sémantique.
1. Le plus souvent, valeur péj. associée aisément à l'idée de petitesse :
− Subst. dér. de subst. :
palliastrum < pallium. « Manteau en mauvais état »
parasitaster < parasitus. « Misérable parasite »
philosophaster < philosophus. « Philosophe (nuance ironique) »
− Adj. dér. d'adj. impliquant une idée de défectuosité ou de désavantage :
calvaster < calvus. « Qui devient chauve »
canaster < canus. « Qui blanchit, qui devient blanc »
claudaster < claudus. « Un peu boîteux »
mancaster < mancus. « Un peu manchot, estropié, mutilé »
surdaster < surdus. « Un peu sourd, dur d'oreille »
Rem. La plupart de ces mots, sauf surdaster sont attestés dans les gloses.
− Subst. dér. de noms propres chez Cicéron, avec nuance de raillerie :
Antoniaster < Antonius. « Rival d'Antonius (l'orateur) »
Fulviaster < Fulvius. « Un autre Fulvius (il s'agit d'un optimiste impénitent) »
2. Cette valeur n'est pas fondamentale = -aster/-astrum indiquait l'être, l'obj., l'état proche d'un autre pris comme type et qui paraissent en être la var. sans que cela comporte nécessairement un blâme, du mépris, une critique.
− Noms de plantes désignant l'espèce dérivée ou sauvage (dér. de subst.) :
alicastrum < alica « épeautre ». « Espèce de blé »
apiastrum < apium « ache ». « Mélisse »
liliastrum < lilium. « Plante semblable au lis »
lotaster < lotus. « Lotus sauvage »
mentastrum < menta. « Menthe sauvage »
ocymastrum < ocimum. « Sorte de basilic »
oleaster < olea. « Olivier sauvage »
pinaster < pinus. « Pin sauvage »
porcastrum doublet de portulaca. « Pourpier »
pyriaster < pirus. « Poirier sauvage »
salicastrum < salix. « Vigne sauvage »
siliquastrum < siliqua. « Piment »
− Des noms indiquant des degrés de parenté (dans la lang. pop.) dér. de subst. :
filiaster < filius. « Beau-fils, gendre » c.-à-d. « celui qui est presque fils »
filiastra < filia. « Belle-fille » c.-à-d. « celle qui est presque la fille »
matrastra < mater. « Belle-mère » c.-à-d. « celle qui est presque la mère » (plus récent dans la lang.)
patraster < pater. « Beau-père » c.-à-d. « celui qui est presque le père »
− Des adj. dér. d'adj. sans aucune idée désavantageuse :
crudaster < crudus. « Est appliqué à un aliment presque cru »
fulvaster < fulvus. « Jaunâtre, jaune d'or » c.-à-d. « ce qui est presque jaune »
nigraster < niger. « Noirâtre » c.-à-d. « ce qui est presque noir »
novellaster < novellus. « En parlant d'un vin presque nouveau »
Rem. Le développement de ces dér. fut grand dans le vocab. techn. (cf. F. Thomas, Le Suff. lat. -aster/-astrum ds R. des ét. anc., t. 42, 1940, p. 532).
Il apparaît que les mots en -aster/-astrum ne sont ni des dimin., ni des péj. mais des « approximatifs »; de l'idée d'espèce voisine, on est passé par un glissement inévitable à celle d'espèce inférieure, de mauvaise qualité − les grammairiens lat. ont été sensibles à la valeur dimin. du suff. et c'est parmi les dimin. qu'ils placent les mots en -aster/-astrum; la lang. pop. tendait à combiner -aster/astrum avec -el(l)o :
olea, oleaster < oleastellus
pedes, *peditaster < peditastellus
pinus, pinaster < pinastellus
ranus, *ranaster < ranastellus
Le sens péj. ne paraît pas avoir été signalé par les Anciens mais est attesté dans les premiers ex. : parasitaster et s'était maintenu et développé (cf. dans les lang. rom.) Le suff. -aster/-astrum remonte sans doute au suff. -tero que l'on retrouve dans alter, noster, uter, qui en lat. et hors du lat. marque sous des aspects divers l'oppos. de deux êtres ou de deux obj. (cf. F. Thomas, op. cit., pp. 524-27).
B.− Productivité et vitalité
1. Productivité. − Le suff. est productif à toutes les époques du français.
a) Certains mots en -âtre n'ont vécu qu'en a.fr. et m. fr. tels : bolastre 1220 « trompeur » (dér. du verbe boler « tromper ») qui fonctionne comme doublet de boleor, boleur; clergeastre xiiies. « clerc de mauvaise vie » dér. de l'a.fr. clerc, clerge « clerc, écolier »; frerastre 1478 « frère d'un autre lit » dér. de frère; sorastre, dér. de sœur; cf. le m. dauph. surastro « sœur du 2elit, mauvaise sœur ».
b) La plupart de ces dér. se sont maintenus en fr. mod., en partic. les adj. en -âtre désignant des couleurs : blanchâtre, ca 1372 (blanchastre); bleuâtre 1493; brunâtre 1557; grisâtre, av. 1525 grisate, 1556 grisastre; jaunâtre 1530; noirâtre 1595 (noirastre, 1636 noirâtre); rougeâtre, ca 1360 rougeaste, 1491 rougeastre (1636 rougeâtre); verdâtre, ca 1350 verdastre (1671 verdâtre); violâtre, 1468 viaulâtre (Diderot violâtre); roussâtre, 1401 roussastre (1549 roussâtre).
Il en est de même pour les autres mots : bellâtre, xvies. bellastre; douceâtre 1539; folâtre, xives. folastre (1528 folâtre); opiniâtre, 1431 opiniastre (1638 opiniâtre), dér. sav. du lat. opinio.
Rem. Gentillâtre ca 1310 « pauvre gentilhomme » ne semble pas attesté au-delà de Saint-Simon; dér. de l'a. fr. gentil « de naissance noble ».
c) Certaines formations sont récentes : blondâtre, Lar. 19e« d'un blond fade » qui semble faire double emploi avec blondasse (Saint-Simon); cocâtre (coquâtre) (Littré); galfâtre, fin xviiies. galefatre « coquin, vaurien », 1808 galfâtre, dér. d'une forme dial. de calfat « ouvrier chargé de calfater » (cf. Saintonge galfat « mauvais ouvrier », dans les dial. du nord calfâte « paresseux » ds FEW t. 19, p. 80b, s.v. qalfata); rosâtre (Boiste 1812); purâtre (docum. TLF).
2. Vitalité. − L'analyse des dér. se fait aisément, que la base soit un adj. (jaune/jaunâtre; doux, douce/douceâtre) ou un subst. (coq/cocâtre, coquâtre). Le suff. -âtre fonctionne souvent parallèlement avec le suff. -elet, dès le xives. avec la même nuance : blanchâtre/blanchelet « un peu blanc » xvies.; blondâtre/ blondelet xves.; brunâtre/brunelet « un peu brun » xvies.; grisâtre/griselet 1389; rougeâtre/rougelet 1631; roussâtre/rousselet ca 1380; verdâtre/verdelet « un peu vert » 1348.
3. Finales homophones. − Il s'agit :
− D'empr. au lat. : écolâtre < scholasticus, xiiie-xivescholastre « clerc dirigeant une école ecclésiastique, forme écolatre 1610 (à remarquer ds Cotgr. 1611 le sens de scholastre « homme qui n'a qu'un petit savoir »); fauvâtre (Nyrop t. 3 1936, § 186) < fulvaster « roussâtre »; fillâtre < filiaster, xies.-xves. fillastre, noté anc. ds Littré « fils du 1erlit d'un veuf ou d'une veuve qui se remarie relativement à la 2efemme ou au 2emari » puis « gendre »; marâtre < matrastra (gloses de Reichenau) « deuxième femme » ca 1223 marrastre, xves. marâtre, 1626 « mauvaise mère »; parâtre < patraster, ca 1100 « second mari de la mère », 1752 Trév. « mauvais père »; philosophâtre < philosophaster, philosophastre 1512 « mauvais philosophe », philosophâtre Trév. 1721, mot senti comme archaïsme au xixes.; saumâtre < *salmaster du lat. class. salmacidus, xiiies. « qui a un goût approchant de celui de l'eau de mer »; surdâtre < surdaster (Littré) « un peu sourd » (au xves. surdaud a cette signif.).
− D'empr. à des lang. étr. : mulâtre < port. mulato avec modification de suff., le port lui-même dér. de mulo « mulet », 1544 mullatre « individu né d'un Français et d'une indienne », 1604 mullastre, 1614 mulâtre, sens mod. à partir de 1750; olivâtre < ital. olivastro, 1525 Voy. Pigafetta d'abord « olivier sauvage », cf. lat. oleaster, puis 1553 « qui se rapproche de la couleur de l'olive », forme -vâtre à partir de Monet (Abr. du parallèle des lang. fr. et lat., Genève, 1636); palâtre, palastre < a.prov. palastro, supposé par ses dér. palastratja, 1355 ds Lévy (E.) Prov. t. 1 1894 (cette hyp. d'un empr. à l'a.prov., semble préférable à celle gén. avancée d'une dér. à partir du lat. pala; cf. aussi le judéo-fr. palastre; FEW t. 7, p. 479a, s.v. pala et la note 34), 1457 palastre « boîte de fer qui contient la serrure », palâtre 1756 (les deux formes encore attestées en fr. mod.). BBG. − Bellet (R.). Formation et développement du vocab. chez Vallès journaliste (1848-71). In : COLLOQUE DU CENTRE DE LEXICOL. POL. 1968. Saint-Cloud. Cah. Lexicol. 1969, no15, p. 11. − Darm. 1877, p. 92. − Dub. Dér. 1962, p. 16, 18, 104. − Duch. 1967, § 60. |