| ÉTRENNE, subst. fém. A.− Vieux 1. Première vente faite par un marchand dans sa journée, sa semaine. Je n'ai rien vendu aujourd'hui, voilà mon étrenne (Ac.1798-1878). Attesté ds les dict. gén., Ac. 1932, Rob. et Lar. encyclop. exceptés. 2. Première utilisation que l'on fait d'une chose. Le maître des cérémonies venait ensuite, devant le bureau du corps législatif, une douzaine de députés (...) ayant au milieu d'eux la grande taille du Nabab dans l'étrenne du costume officiel (A. Daudet, Nabab,1877, p. 106).Avoir l'étrenne de qqc. Être le premier à s'en servir, à en jouir. J'ai pris un bain domestique en sortant de mon lit neuf, dont j'ai voulu avoir l'étrenne (Maine de Biran, Journal,1816, p. 209).Seigneur Caton (...) vous devriez essayer de lancer le disque de Rémus. Depuis six cent quatre vingt dix ans qu'il est là, sur sa borne, personne ne l'a lancé; vous en auriez l'étrenne (Dumas père, Catilina,1848, I, 2, p. 38): 1. − Allez donc, fit le jeune homme en lui serrant la main. Vous avez mis votre nouvelle robe, ajouta-t-il, elle vous sied à merveille.
− Au fait, c'est vrai, dit Musette; c'est comme un pressentiment que j'ai eu ce matin. Marcel en aura l'étrenne.
Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 234. − Fam. Avoir l'étrenne d'une femme. Lui faire perdre sa virginité. S'il ne l'a pas eue, il va l'avoir... et il n'en aura pas l'étrenne (Zola, Bonh. dames,1883, p. 667). − P. iron. Offrir à qqn l'étrenne de sa barbe (c'est-à-dire de ses joues débarrassées de la barbe). L'embrasser immédiatement après avoir été rasé. Revenez demain en sortant de chez le coiffeur. Je vous embrasserai; vous me donnerez l'étrenne de votre barbe (Vallès, J. Vingtras, Enf., 1879, p. 183). B.− Usuel, gén. au plur. 1. Présent(s) offert(s) à l'occasion du jour de l'an. Donner, recevoir des étrennes; livre d'étrennes. Je me couchais ce soir-là avec toutes mes étrennes dans ma chambre auprès de moi, gardant même sur mon lit les préférées (Loti, Rom. enf.,1890, p. 233).Je venais de commander des cadeaux d'étrennes pour les enfants, et Jean m'avait dit, au moment où je partais : « Prends-les beaux, pour fêter le nouveau siècle » (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 316): 2. ... je ne manquerai pas (...) de citer Nonius Marcellus, (...) lequel fait remonter l'origine des étrennes à Tatius, roi des Sabins. Le premier jour de l'an (on ne sait pas très-positivement la date), on avait fait présent à ce prince, un peu crédule, de quelques branches d'arbres consacrées à Strenno, déesse de la force; ce qui lui parut de bon augure.
Jouy, Hermite,t. 1, 1811, p. 316. − P. méton. Époque de l'année où l'on offre ces présents. Je commanderai ta montre pour que tu l'aies aux étrennes (Balzac, Corresp.,1835, p. 741). 2. En partic. Gratification remise en fin d'année aux domestiques ou à certains employés. Ces serviteurs sans maîtres avaient neuf cents francs d'appointements; les étrennes et gratifications portaient ces émoluments à douze cents francs (Balzac, Employés,1827, p. 82).Ces calendriers que le facteur nous apporte pour avoir ses étrennes (Proust, Temps retr.,1922, p. 989). − P. ext. Pourboire, gratification occasionnelle (sans rapport avec le jour de l'an). Mais la servante nous disait en grognant : Je suis attendue. Un domestique était venu lui dire qu'on la demandait, pour tâcher de s'approprier l'étrenne (Stendhal, Mém. touriste,t. 3, 1838, p. 97).Il y eut de bonnes étrennes après les naissances, les ventes, ou les mises au joug finement faites (Pesquidoux, Livre raison,1932, p. 91). − P. iron. Le froid, le bombardement, la famine : voilà les étrennes de 1871. Jamais Paris, depuis que Paris est, n'a eu un pareil jour de l'an (Goncourt, Journal,1871, p. 709). ♦ Arg. Synon. de coup (cf. Carabelli, [Lang. pop.]). Rem. On rencontre ds la docum. le subst. masc. étrenneur. Personne qui passe de maison en maison pour obtenir quelque étrenne. Dès le lendemain de Noël, c'est par bandes que les pauvres vont de village en village, précédés par un vieux cheval orné de rubans et de lauriers, pour chercher leurs étrennes. Ce sont les étrenneurs (Bretagne) (Menon, Lecotté, Vill. de Fr., t. 2, 1954, p. 112). Prononc. : [etʀ
εn]. Enq. : /etʀen/. Étymol. et Hist. 1. Ca 1165 estreine « cadeau » (Benoit de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 5089); 2. ca 1185 « premier usage qu'on fait d'une chose » (Alexandre de Paris, Alexandre, I, 1017 ds Elliott Monographs, 37, p. 23); 3. 1ertiers du xiiies. estrenes au plur. « présents à l'occasion du premier jour de l'année » (Sermon Poitevin, 31 ds T.-L.). Du lat. class. strena « pronostic, présage, signe », spéc. « présents qu'on fait un jour de fête pour servir de bon présage ». Fréq. abs. littér. : 243. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 338, b) 523; xxes. : a) 480, b) 174. |