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ÉTENDUE, subst. fém.
I.− PHILOSOPHIE
A.− Propriété fondamentale des corps d'être situés dans l'espace et d'en occuper une certaine partie (v. durée A 1 et ex. 1). Remarquons d'abord qu'elles [les propriétés principales des corps] se ramènent à une propriété principale, l'étendue, et à l'un des pouvoirs énumérés plus haut, la résistance (Taine, Intellig.,t. 2, 1870, p. 82).Par lui [le grand Formateur], l'étendue fut distinguée du mouvement, la nuit le fut du jour (Valéry, Eupalinos,1923, p. 134):
1. ... l'idée mixte d'un temps mesurable, qui est espace en tant qu'homogénéité et durée en tant que succession (...). Ces deux éléments, étendue et durée, la science les dissocie quand elle entreprend l'étude approfondie des choses extérieures. Bergson, Essai donn. imm.,1889, p. 175.
B.− En partic. Partie de l'espace occupée par un corps. Quand vous dites : tous les corps sont étendus, comme il est impossible de concevoir la notion de corps sans celle d'étendue, ni celle d'étendue sans celle de corps, vous n'énoncez pas une nouvelle connaissance (Cousin, Philos. Kant,1857, p. 45).La comparaison de deux intensités se fait ou tout au moins s'exprime par l'intuition confuse d'un rapport entre deux étendues (Bergson, Essai donn. imm.,1889p. 17).
II.− Usuel
A.− [Dans l'ordre de l'espace]
1. [L'espace considéré dans une seule dimension]
a) Longueur, distance (relativement importante) (comprise entre deux points). Une étendue de plusieurs kilomètres de quais (Maupass., Pierre et Jean,1888, p. 297):
2. ... la bataille d'Ypres s'est étendue sur un front de 45 kilomètres, (...) les troupes françaises, par l'étendue du front qu'elles occupaient, et par leur nombre, ont entretenu et soutenu la majeure partie de la bataille. Foch, Mém.,t. 1, 1929, p. 242.
b) En partic. Distance, écart déterminé sur une échelle de grandeur. Comment cette organisation (...) avoit pu (...) donner lieu aux organisations, graduellement plus compliquées, que l'on observe dans l'étendue de l'échelle animale (Lamarck, Philos. zool.,t. 1, 1809, p. V).Dans toute l'étendue de cette hiérarchie (Comte, Philos. posit., t. 4, 1839-42, p. 403).
Spéc., MUS. Distance, écart déterminé sur l'échelle des sons. Tu es la première cantatrice du monde! Ta voix a doublé de volume et d'étendue (Sand, Consuelo,t. 3, 1842-43, p. 96).L'étendue vocale augmente notablement dans le grave et dans l'aigu par le travail de la voix (Arts et litt.,1935, p. 3606):
3. Et l'on a toutes raisons de penser que la parenté des notes séparées par une octave, parenté soulignée par une désignation commune dans la notation musicale qui limite la gamme à l'étendue de l'octave, est due à la communauté harmonique ... Piéron, Sensation,1945, p. 171.
P. anal. [Sens du toucher, de la vue] L'existence de l'étendue tactile et visuelle − étendue construite avec des qualités sensibles (points lumineux ou points de contact) comme éléments (Ruyer, Esq. philos. struct.,1930, p. 132).
2. [L'espace est considéré dans deux dimensions; correspond à étendre III A] Sur toute l'étendue du territoire. (Quasi-)synon. superficie, surface.Sur l'étendue des campagnes, le ciel, étincelant d'étoiles, versait une blanche lueur sidérale (Feuillet, Morte,1886, p. 217).Son duché comprenait une grande surface de terres avec des landes dont la bruyère couvrait l'étendue désolée (France, Balth.,Abeille, 1889, p. 156).Le rayonnement pratique d'un ensemble moteur donné dépend à la fois du réseau des transports existants et de l'étendue géographique (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 605).
En partic., souvent au plur. Champ, portion de terre arable. Travailler sur de petites étendues. On a déjà hersé de grandes étendues. Le temps se maintient au beau (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 322).V. are ex. 2 :
4. Le rayonnement, l'étincellement des blés mûrs s'est éteint. Entre les étendues vertes des prés et des landes, les pièces de maïs aux sillons empanachés, au pied des murailles ombreuses des bois, ils oscillaient en jetant de longs éclairs d'or ... Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 41.
Gén. littér. [Avec l'idée dominante d'une surface de grandes dimensions] L'étendue illimitée de l'océan :
5. ... depuis deux heures, dans le matin froid, il [le car] progressait sur un plateau pierreux, désolé, qui, au départ du moins, étendait ses lignes droites jusqu'à des horizons rougeâtres. Mais le vent s'était levé et, peu à peu, avait avalé l'immense étendue. Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1558.
Gén. au plur. Je faisais le tour des terrasses, surplombant l'abîme des bois vus par en dessus; des étendues infinies se déroulaient de tous côtés (Loti, Rom. enf.,1890, p. 191).L'œil n'étant plus arrêté par rien, l'esprit à l'infini pouvait imaginer et faire succéder les étendues aux étendues, jusqu'au vertige (Ramuz, A. Pache,1911, p. 216).Des milliers de grillons faisaient vibrer d'immenses étendues (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 238).
[Avec un compl. prép. de] Étendues de glace, d'immenses étendues d'eau, vastes étendues de terre crayeuse. Et tous [les cercueils de plomb], (...) ils flottent lentement sous la brise, par de longues étendues de mer, jusqu'aux rives de Sicile (Zola, Rêve,1888, p. 64).
P. métaph. :
6. On les conduisait [les invités] sur la terrasse (...) pour leur montrer les fantômes nacrés du brouillard qui flottaient sur les pelouses; (...) ils éprouvaient comme tout le monde une vague angoisse devant toute cette végétation chuchotante, toutes ces étendues de nuit... Nizan, Conspir.,1938, p. 136.
3. [L'espace est considéré dans ses trois dimensions] L'espace environnant. Étendue cosmique, spatiale; étendues sidérales. Les sens, en effet, ont pour fonction d'explorer l'étendue (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 143).V. âcre ex. 15.
B.− [Dans l'ordre de la durée]
1. Longueur, ampleur. [Julie] mesurait l'étendue de quelques jours d'avenir immédiat, déblayée de tout intrus pénétrant (Colette, J. de Carneilhan,1941, p. 172):
7. Sans doute avez-vous peur que je ne suffise pas à vous pleurer? − Il est vrai, dit M. Godeau, qu'il n'y aura jamais que vous qui serez à moi ainsi dans toute l'étendue de votre durée, quoi qu'il arrive, et de votre petit être, si grand, les bras étendus. Jouhandeau, M. Godeau,1926, p. 79.
8. ... pendant dix-sept heures il mâchonne un cure-dent (...). Parfois, de ces longues étendues de mutisme, il sort et il dit simplement : bueno. On en conclut que tout ce temps il ruminait des choses, et qu'elles ont bien tourné, puisqu'il est content de lui. Montherl., Pte Inf. Castille,1929, p. 591.
2. Laps de temps :
9. Il serait logique de supporter mieux les douleurs quand on est jeune puisqu'on a devant soi l'étendue, et l'espérance de se guérir. Or les douleurs de ma jeunesse me donnaient plus d'impatience que je n'en éprouve. Je devrais pourtant me dire que je n'ai plus beaucoup de marge et que si ces douleurs se prolongent il y a risque de ne m'en jamais débarrasser. Cocteau, Diff. d'être,1947, p. 106.
III.
A.− Au fig. [Correspond à étendre II] Ampleur. [Tamango] s'approcha du gouvernail à pas lents, comme pour retarder un peu le moment qui allait (...) décider de l'étendue de son pouvoir (Mérimée, Mosaïque,1833, p. 70).Développer convenablement l'étendue et la portée de ce grand principe (Comte, Philos. posit.,t. 4, 1839-42, p. 475).
B.− En partic.
1. Ampleur, variété, diversité d'un espace social. Ces rencontres sympathiques sont les bonnes fortunes de la vie mondaine : dans la mobilité et dans l'étendue des relations parisiennes, elles ne durent souvent que l'espace d'un dîner ou d'une soirée (Feuillet, Paris.,1881, p. 98).
2. Importance d'une quantité que l'on peut mesurer. L'étendue des besoins qu'il s'agit de satisfaire (Durkheim, Divis. trav.,1893, p. 251):
10. Les travaux que j'avais à faire, les délibérations auxquelles j'assistais, les contacts que je devais prendre, me montraient l'étendue de nos ressources, mais aussi l'infirmité de l'État. Car c'est l'inconsistance du pouvoir qui s'étalait en ce domaine. De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 4.
P. anal. [Correspond à étendre II C 3] Longueur, développement relativement important (d'un propos). En me permettant de parler ici avec quelque étendue d'un savant illustre (...) en essayant d'indiquer (...) sa vraie portée et sa mesure, j'ai besoin qu'on ne se méprenne pas un instant sur ma pensée (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 2, 1863-69, p. 92).
3. P. anal.
a) Ampleur d'une faculté intellectuelle, d'un caractère. Intelligence sans grande étendue (cf. France, Vie fleur,1922, p. 358).Il [Augereau] avait peu d'étendue dans l'esprit, peu d'éducation, point d'instruction (Stendhal, Napoléon,t. 2, 1842, p. 250).Il fut toujours (...) gêné dans des poétiques étroites, mais qui, débordées à tout instant par l'étendue de son génie, en ont malgré lui craqué dans toute leur circonférence (Flaub., Champs et grèves,1848, p. 403):
11. Si vous connaissiez Mascaral, si vous pouviez vous rendre compte de l'étendue de ses talents politiques, vous comprendriez qu'une femme elle peut l'aimer jusqu'à la mort, jusqu'à la vôtre, de mort. Audiberti, Quoat,1946, 2etabl., p. 57.
Rem. On rencontre ds la docum. l'expr. faire (l')étendue (d'un caractère). Pour éviter le genre pauvre d'action (...) avant de peindre un caractère, faire son étendue, c'est-à-dire la liste de toutes les actions qu'il peut faire (Stendhal., Journal, 1801-05, p. 170).
b) Ampleur d'un état d'âme. À la manière dont sa femme vantait Oscar toutes les fois qu'il obtenait un succès, Clapart reconnaissait l'étendue des inquiétudes secrètes de la mère (Balzac, Début vie,1842, p. 470).Clé ne mesura pas tout de suite l'étendue de sa détresse (Aymé, Mais. basse,1934, p. 39).Y aura-t-il quelqu'un un jour pour comprendre l'étendue de mon désespoir? (J. Bousquet, Trad. du silence,1935-36, p. 179).
c) Ampleur, portée d'une action, d'une charge. L'étendue d'un sacrifice. Oscar, devenu discret, avait fini par mesurer, au contact des affaires, l'étendue de la faute commise durant son fatal voyage en coucou (Balzac, Début vie,1842p. 439).Mais, ma petite amie, vous ignorez l'étendue de la corvée que vous allez accepter? (Gyp, Cœur d'Ariane,1895, p. 58).
SYNT. Étendue illimitée, immense, incommensurable, infinie; étendue marécageuse, mouvante, rocheuse; étendues boisées, désertiques, désolées, incultes, neigeuses, océaniques, pastorales, sableuses, terrestres; belle, grande, immense, médiocre, vaste étendue; l'étendue d'un terrain, de la plaine; l'étendue d'une façade; l'étendue des connaissances, de ses désirs, des obligations; apprécier, déterminer, embrasser, mesurer, occuper, parcourir, remplir l'étendue (de); en étendue; dans sa pleine étendue.
Prononc. et Orth. : [etɑ ̃dy]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1404 « portion d'espace qu'occupe un corps », ici « ampleur, développement » (Chr. de Pis., Ch. V, éd. S. Solente, I, II, p. 7); 1656, 10 avr. « ce qu'une chose embrasse » (Pasc., Prov. 6 ds Littré); 2. 1664, 8 oct. « étendue dans le temps, durée » (Mmede Sévigné, Lettre, éd. M. Monmerqué, t. 7, p. 302). Part. passé subst. fém. de étendre*. Fréq. abs. littér. : 3 426. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 7 534, b) 3 485; xxes. : a) 3 710, b) 4 041.