| ÉTAYER, verbe trans. [Correspond à étai2] A.− Domaine phys. 1. Soutenir provisoirement avec un étai, des étais. Étayer un toit, un édifice. Des angles de rues étayés avec des morceaux de colonnes (Goncourt, MmeGervaisais,1869, p. 232).Deux pièces, que la chute attendue des dernières charpentes menaçait d'un continuel écrasement. Il avait même dû étayer une partie du plafond (Zola, Germinal,1885, p. 1240): 1. ... et ce puits semblait être en réparation, car l'échafaudage croisé des poutres qui soutenait les cloches paraissait être dressé, de haut en bas du tube, pour étayer les murs.
Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, p. 51. − Au fig. Quand (...) je secouais la voûte de plomb des mystères, Lamennais vint à propos étayer les parties sacrées du temple (Sand, Hist. vie,t. 4, 1855, p. 487).Les coudes aux genoux, la tête dans ses mains, elle étayait en pensée l'édifice croulant de ses rêves (Péladan, Vice supr.,1884, p. 163). − Emploi pronom. à sens passif. Les façades s'étayaient de poutres allant d'une maison à l'autre (Hugo, Misér.,2, 1862, p. 311).Des murs géants s'étayent de contreforts gothiques, dentelés, ourlés à jour (Farrère, Homme qui assass.,1907, p. 139). 2. P. ext. Soutenir (quelqu'un ou quelque chose) en faisant jouer ou en jouant le rôle d'un étai. a) [Le suj. désigne une pers.] Soutenir, mettre un support, un appui à. Les habitans du pays (...) n'étayaient leurs vignes qu'avec des os de morts (Michelet, Hist. romaine,t. 2, 1831, p. 159).En cassant son pot pour étayer sa table (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 103). − Étayer qqc. à qqc.Fixer à. La machine de Gutenberg, sans doute pour s'assurer plus de puissance, était étayée aux poutres du plafond de l'atelier (Civilis. écr.,1939, pp. 8-9). − Étayer qqc. de, avec, contre qqc.Ceux qui (...) étayent contre la carafe un journal plié (Colette, Music-hall,1913, p. 99). − Étayer qqc. sur qqc.Étayant sa tête sur ses poings fermés il s'endormit (Tharaud, Ville et champs,1907, p. 40). − Emploi pronom. réfl. S'étayer à, sur qqc.Je n'écoute personne quand je suis gris, répondit majestueusement Jacquemin Lampourde en s'étayant sur le coude (Gautier, Fracasse,1863, p. 307).Prête à tomber et forcée par instant de s'étayer de l'épaule aux murs (Goncourt, G. Lacerteux,1864, p. 216). b) [Le suj. désigne une chose] Constituer un étai, un support à (quelqu'un ou quelque chose). Synon. soutenir.Un rucher s'adossait, vermoulu, à demi effondré. Des pousses de coudrier l'étayaient (Moselly, Terres lorr.,1907,p. 79).Tu tomberais si ce mur ne t'étayait pas (Arnoux, Juif Errant,1931,p. 33). − Emploi pronom. S'étayer à, sur.Et l'aveugle conduit Mara à la caverne qu'elle habite : un couloir formé de deux rocs qui s'étayent l'un sur l'autre (Claudel, Violaine,1901, III, p. 613).Murs de pierres sèches où s'étayaient les terres croulantes (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 283): 2. Dieu est toujours notre base, la base où tous les êtres viennent prendre leur point d'appui; il est l'arc-boutant où toutes les forces viennent s'étayer pour soulever les obstacles qu'elles ont à vaincre.
P. Leroux, Humanité,t. 1, 1840, p. XVII. B.− Au fig., littér. [Le suj. désigne une pers. ou une chose] Appuyer, soutenir. 1. Étayer qqc. ou qqn.Ma vie est trop isolée (...) et il me faut de toute nécessité une famille qui m'étaie dans le monde (Stendhal, Chartreuse,1839, p. 254).Selon Alphonse Daudet, le roman étayait l'histoire. Il pouvait même l'éclairer par endroits et la justifier (L. Daudet, A. Daudet,1898, p. 181): 3. Seul, je ne sais ce que je serais devenu dans la défaillance entière de mes forces et de mon courage, mais Dieu, comme par précaution, a rangé autour de mon âme chancelante des amis qui la soutiennent, l'étayent, la maintiennent en elle-même avec la plus touchante sollicitude.
M. de Guérin, Corresp.,1834, p. 162. − Emploi pronom. réfl. ou réciproque. Le parti de l'étranger, qui s'étayait du prétexte du rétablissement des Bourbons, acquérait chaque jour de nouvelles forces (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 332).Les machines s'étayèrent mutuellement de telle sorte qu'ils ne roulèrent pas dans le précipice (Romains, Copains,1913, p. 150). 2. En partic. [L'obj. désigne une chose abstr. dans le domaine du raisonnement] Renforcer, soutenir (à l'aide d'arguments). a) Étayer + compl. d'obj. dir.Étayer une assertion, une conviction, une thèse. Un texte quelconque qui puisse aller à ce sens, et étayer ce mensonge (P. Leroux, Humanité,t. 2, 1840, p. 962).Dans l'exposition synthétique, (...) les faits ou expériences servent d'appui ou d'argument pour étayer les principes ou propositions générales (Bernard, Notes,1860, p. 182). b) Étayer + compl. d'obj. dir. + compl. prép. − Étayer qqc. avec, de, par qqc.Il s'agit de franchir vite ce passage difficile, d'« étayer » votre foi avec des raisonnements solides (Martin du G., J. Barois,1913, p. 221).Ce jugement si net et toujours étayé de textes (Mauriac, Bloc-notes,1958, p. 18): 4. Aussi, malgré toute la force des preuves les plus lumineuses dont nous étayerons notre assertion, nous n'espérons convaincre que l'homme sage, le sincère ami de la vérité, disposé à lui sacrifier ses préjugés aussitôt qu'elle se montre à lui.
Dupuis, Abr. l'orig. cultes,1796, p. 291. − Étayer qqc. sur qqc.Les arguments sur lesquels il étayait son avis semblaient plausibles (Huysmans, En route,t. 1, 1895, p. 37).Un savoir déductif, étayé sur une expérimentation toute-puissante (P. Morand, Confins vie,1955, p. 16). c) Emploi pronom. − réfl. Ces connoissances leur fournissent dans l'occasion, des argumens dont ils s'étayent (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1753). − réciproque. Écrire de belles pages d'histoire et de géographie à l'aide de représentations rapprochées, et combinées, s'étayant et s'éclairant l'une l'autre (L. Febvre, Combats pour hist.,1933, p. 104). − à valeur passive. S'appuyer, se fonder sur. Avec le culte tombaient les lois, le droit civil, la famille (...), tout ce qui s'étayait sur la religion (Fustel de Coul., Cité antique,1864, p. 265). Prononc. et Orth. : [eteje], [etεje]. Radical nu, formes [etεj] et [etε] correspondant aux graph. (j')étaye et (j')étaie (d'apr. Barbeau-Rodhe 1930, Dupré 1972). Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1213 estaier « soutenir (un mur) à l'aide d'étais » (Faits des Romains, éd. L.-F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, t. 1, p. 668). Dér. de étai2*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 268. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 243, b) 221; xxes. : a) 466, b) 531. DÉR. Étaiement, étayement, subst. masc.Action d'étayer; p. méton. ce qui étaye. Je pourrai empêcher l'écartement des constructions (...) par des arcs-boutants, par des contre-forts, par un système d'étayement extérieur (Viollet-Le-Duc, Archit.,1863, p. 457).Un ingénieux blindage avec un étayement de planches (Goncourt, Journal,1871, p. 715).Rem. La plupart des dict. attestent dans le même sens étayage, qui reçoit en outre un sens fig. en psychanal. pour signifier le fait qu'une pulsion sexuelle s'appuie au départ sur une fonction organique vitale (p. ex. succion du lait maternel) (cf. Lapl.-Pont. 1967).− Les prononc. [etεjmɑ
̃] et [etεmɑ
̃] sont attribuées respectivement à étayement et étaiement. Étayement ds Ac. 1762-1878; étaiement ds Ac. 1932. − 1reattest. 1459 estaiement (Noyon, ap. La Fons. ds Gdf. Compl.); du rad. de étayer, suff. -(e)ment1*. − Fréq. abs. littér. : 2. BBG. − Pris dans l'actualité. Jargons divers. Amis Lex. fr. Lex. dern. 1976, no10, p. 2. − Walt. 1885, p. 95. |