| ÉTABLISSEMENT, subst. masc. I.− [Avec l'idée de mise en place solide] A.− [En parlant d'une chose] 1. Concr., rare a) Action d'installer, de faire tenir dans un lieu de manière stable; résultat de cette action. Ne permettre l'établissement d'aucun étalage sur la voie publique (Ac.1835, 1878).Les bois qui servent à l'établissement [des cadres de mine] doivent être décortiqués et avoir de 15 à 20 centimètres de diamètre (J. Cahen, Bruet, Carrières,1926, pp. 127-128): 1. C'est l'enfouissement simple, la jonction de la chair crue au limon inerte et compact (...). La tombe vous a survécu, et à la mort même le signe parfait dans le brutal établissement de ce bloc.
Claudel, Connaiss. Est,1907, p. 74. ♦ Expr. fig. ,,Il a réussi dans l'établissement de sa fortune. Il doit à cet ouvrage l'établissement de sa réputation, sa réputation fut établie par cet ouvrage`` (Ac. 1835, 1878). b) [En parlant d'un phénomène atmosphérique] Apparition et prolongation. Immédiatement après le départ des glaces, l'établissement d'un froid sec (...) aurait marqué l'époque magdalénienne (Lapparent, Abr. géol.,1886, p. 382). 2. Au fig. a) Action de mettre en place, en application; résultat de cette action. Établissement de l'impôt, d'une assemblée, d'une constitution. (Quasi-)synon. instauration, institution.Le seul remède à la fraude était l'établissement d'une taxe uniforme dans toutes les provinces (Stocker, Sel,1949, p. 106): 2. ... leurs actes antérieurs au 17 juin 1940 ou postérieurs à l'établissement du gouvernement provisoire de la République Française sur le territoire continental...
De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 408. b) P. ext. Action de faire entrer dans les mœurs, d'implanter de façon solide et durable. Établissement du christianisme, de la démocratie. Les communistes affirment toujours que les conflits entre le communisme et le capitalisme (...) conduiront finalement à l'établissement du communisme (Guéhenno, Journal« Révol. », 1938, p. 163). B.− [En parlant d'un être humain] 1. Concret a) Vieilli. Action de s'installer dans un lieu en vue d'y habiter pour une période déterminée; p. méton. résultat de cette action. Pour la première fois depuis son établissement chez les Bergmann, le vieil Italien laissa pénétrer un étranger dans son appartement (Balzac, A. Savarus,1842, p. 46).Madeleine ne vint point à Paris de tout l'hiver, diverses circonstances ayant retardé l'établissement que M. de Nièvres projetait d'y faire (Fromentin, Dominique,1863, p. 135): 3. Il fallut se retirer dans les villages voisins, et je m'associai à une famille intéressante pour former un petit établissement dans une cabane de paysans où nous passâmes quatre mois ensevelis en quelque sorte sous les neiges.
Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1610. 4. ... le devoir (...) était de redemander ton âme à tous les gardiens de la cité! Les parts du monde et de Dieu bien dosées et le confort dans un établissement bourgeois, voilà ce qui était habitable par d'autres précisément que par toi.
Claudel, Messe là-bas,1919, p. 502. − Spéc., ART MILIT. ,,L'établissement des quartiers, la distribution des troupes dans les lieux qu'elles doivent occuper durant quelque temps`` (Ac. 1835, 1878). b) Fait de s'installer à demeure dans un lieu (dans un but de travail, de colonisation). L'établissement des Phocéens dans les Gaules devint une des causes secondaires de l'esclavage de ces derniers (Chateaubr., Essai Révol., t. 1, 1797, p. 256). ♦ P. méton., souvent au plur. Les établissements des Français dans l'Inde. (Quasi-)synon. colonie, comptoir, possession.Bonaparte joignait peut-être à la folle idée de la guerre de Russie (...) quelques tentatives sur les établissements des Anglais dans l'Inde (Staël, Consid. Révol. fr.,t. 2, 1817, p. 136).Depuis le XVIesiècle jusqu'au milieu du XVIIe(...) elle [l'Espagne] mettait le pied sur l'Afrique et y faisait des établissements (Taine, Philos. art,t. 1, 1865, p. 5). 2. Au fig., vieilli. Fait d'être installé dans une charge, une profession, une situation, un milieu. Procurer un établissement à qqn. Il a un bel, un bon établissement (Ac.1835, 1878).Votre Altesse joue trop bien; on va dire que vous êtes amoureux d'une femme de trente-huit ans, ce qui fera manquer mon établissement avec le comte (Stendhal, Chartreuse,1839, p. 406).Il [Bocher] croit à l'établissement de Napoléon (...) il est plus populaire que tous les gouvernants, depuis trente ans (Delacroix, Journal,1849, p. 261).Occupe-toi sérieusement de ton avenir (...) Tout établissement vient tard et dure peu. N'importe? Ne rebutons jamais le devoir (Amiel, Journal,1866, p. 376): 5. Un marchand a-t-il pour revenu le montant de toutes les ventes qu'il fait dans une année? Non, certes (...). La difficulté, les frais et les abus de la perception de l'impôt en nature, sont un nouvel obstacle à son établissement.
Say, Écon. pol.,1832, p. 534. − Établissement de ses enfants. Action de placer ses enfants dans une bonne situation, dans de bonnes conditions, au moment de l'âge adulte; résultat de cette action. Elle [l'épouse] peut aussi, avec l'autorisation de son mari, donner ses biens dotaux pour l'établissement de leurs enfans communs (Code civil,1804, art. 1556, p. 287).Les grandes réceptions de Mmede Marsantes et de Mmede Forcheville, données pendant des années surtout en vue de l'établissement éclatant de leurs enfants (Proust, Fugit.,1922, p. 671). ♦ DR. Frais d'établissement d'un enfant. ,,Dépenses extraordinaires faites par les parents en faveur d'un enfant qui se marie ou qui s'installe dans une profession`` (Cap. 1936). Ceux qui (...) ne disposaient pas des moyens financiers suffisants pour assumer les frais des longues études et d'établissement d'un médecin ou d'un pharmacien (Combat,19-20 janv. 1952, p. 1, col. 5). ♦ En partic. Établissement d'un fils, d'une fille. Fait de les marier; p. méton. le mariage lui-même. On n'aime point dans la société de Saint-Étienne les hommes non mariés, et pour être toléré, j'ai dû (...) annoncer mon prochain établissement (Stendhal, Mém. touriste,t. 1, 1838, p. 205).Je vous remercie, ma mère, et vous, mon père, d'avoir pensé à mon établissement, mais je ne veux pas me marier (Balzac, A. Savarus,1842, p. 122). II.− P. ext. [Avec l'idée d'aboutissement à une construction, à une œuvre, à un résultat] A.− [Sur le plan matériel] 1. [En parlant d'un bâtiment ou d'une construction quelconque] Action d'installer, de mettre en place en construisant, bâtissant. Établissement d'un pont, d'un barrage. L'établissement d'une fabrique (Ac.). La construction du radeau était achevée. John avait donné tous ses soins à l'établissement de l'appareil (Verne, Enf. cap. Grant,t. 3, 1868, p. 67): 6. Les salins de l'Ouest ont alimenté la plus grande partie de la France jusqu'au moment où, favorisés par l'établissement des voies ferrées, les salines ignigènes et les salins du Midi ont déversé leur production dans le rayon traditionnel de vente de l'Ouest.
Stocker, Sel,1949, p. 38. 2. P. méton. a) ÉCON. Unité de production rassemblant des personnes et des moyens matériels dans un lieu donné. Établissement dangereux, incommode, insalubre; comité d'établissement. − Frais de premier établissement. ,,Titre du compte dans lequel sont portées les dépenses qu'une entreprise ne supporte qu'à ses débuts; tels sont : le coût de la publicité destinée à faire connaître la maison, les frais d'enregistrement d'actes, les frais de constitution des sociétés, etc.`` (Lar. comm. 1930). Les dépenses de premier établissement comprennent, lorsque les travaux sont exécutés par des Compagnies, l'intérêt du capital engagé jusqu'au jour de l'ouverture de la ligne (Bricka, Cours ch. de fer, t. 2, 1894, p. 465). − Au plur. Entreprise, société, usine, maison de commerce, d'une certaine importance. Les établissements du Creusot. La constitution des établissements Renault en une régie nationale (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 96). b) ENSEIGN. Lieu où l'on dispense un enseignement scolaire. Établissement du 1er, du 2edegré, d'enseignement supérieur; chef, conseil d'établissement; établissement secondaire. c) Domaines divers.Organisme ayant une destination précise, installé dans un lieu ou un ensemble de locaux. L'État (...) fondera des établissements publics d'éducation, de police, d'arts, de communication par terre et par eau (Bonald, Législ. primit.,t. 2, 1802, p. 87).La dualité des problèmes administratifs et scientifiques (...) se retrouve dans les établissements de recherche (Goldschmidt, Avent. atom.,1962, p. 245). SYNT. Établissement + adj. déterminatif indiquant son statut : établissement privé, public; établissement + adj. déterminatif indiquant sa destination : établissement bancaire, financier, hospitalier, maritime, militaire, pénitentiaire, thermal; établissement + compl. déterminatif indiquant sa destination : établissement de bains, de bienfaisance, de crédit, de cure, de jeux, de recherche, de soins. 3. P. ext. Action de créer, de nouer entre deux ou plusieurs personnes, un lien, une communication; résultat de cette action. L'emploi d'un langage intelligible (...) ne s'élaborera que par l'établissement entre les êtres d'une sorte de neutralité de la vie sensible (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 28).L'espoir de la fraternité universelle (...) a (...) orienté les syndicats ou les philantropes vers l'établissement de liens internationaux (Reynaud, Syndic. Fr.,1963, p. 261): 7. ... une des conséquences les plus importantes du développement du réseau mondial est l'établissement de contacts tendant à la formation d'une sorte d'économie internationale.
Vidal de La Blache, Princ. géogr. hum.,1921, p. 252. B.− [Sur le plan intellectuel] 1. Action d'accomplir un travail (de mémoire, de classement, de bureau), de déterminer par le calcul, la réflexion. Établissement d'un devis, d'un document, d'un dossier, d'un plan. L'intégrité dans l'établissement des fiches de paie (H. Bazin, Vipère,1948, p. 113).Les renseignements nécessaires à l'établissement des prix de revient (Brunerie, Industr. alim.,1949, p. 222).Sévérité accrue dans l'établissement des budgets (Univers écon. et soc.,1960, p. 5006). − P. méton. Résultat de cette action. a) HIST. ,,Les Établissements de Saint Louis, Le code de lois donné par ce prince`` (Ac. 1878-1932). b) MARINE ♦ ,,L'établissement d'un port, d'une baie. L'heure de la haute mer dans ce port, dans cette baie, dans la région`` (Ac. 1932). ♦ ,,Établissement des marées. Tableau qui indique l'établissement des principaux ports de mer`` (Ac.). 2. P. ext. Action de démontrer, de prouver, la vérité, la réalité, la valeur de quelque chose. L'établissement d'un fait, d'un droit (Ac.). L'établissement du bien-fondé de ce qu'on avance (Benda, Fr. byz.,1945, p. 89). − P. méton. Résultat de cette action. ♦ DR. Établissement de propriété. ,,Énonciation analytique, dans un acte de vente d'un immeuble ou de constitution de droits réels, des titres justifiant le droit de propriété du vendeur ou du constituant, ou de leurs auteurs, sur cet immeuble`` (Cap. 1936). Synon. titre de propriété. Rem. On rencontre (calqué sur l'angl. Establishment), Establishment, subst. masc., avec ou sans majuscule. Classe sociale dominante, qui profite largement de l'ordre établi. Faire partie de l'establishment, pénétrer dans l'establishment, respecter l'establishment, contester l'establishment (Dupré 1972). Pourtant, jusqu'en 1870, ce ne sont pas les gouvernants (...) qui constituent sa cible majeure, c'est l'Establishment bourgeois, la classe imbécile que la Révolution, bernée, a installée sur les débris de l'Ancien Régime (J.-P. Aron ds Le Nouvel Obs., 30 déc. 1974, p. 51, col. 1). Prononc. et Orth. : [etablismɑ
̃]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1155 « action de fonder, d'instituer » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 2287); 2. 1698 « ce qui est établi, ici plur. : les comptoirs, colonies d'un pays » (Texte cité par Flutre ds R. Ling. rom. t. 25, p. 279). Dér. de établir*; suff. -(e)ment1*. Fréq. abs. littér. : 2 457. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 511, b) 2 953; xxes. : a) 1 930, b) 2 999. Bbg. Bruppacher (V.). Zur Geschichte der Siedlungsbezeichnungen im Galloromanischen. Vox. rom., 1961, t. 20, pp. 105-160. − Grandpré (J. P. de). Qq. termes d'assurance sur la vie. Meta. 1972, t. 17, p. 168. − Pucheu (R.). Gloss. ou les Mots de l'aménagement. Fr. Monde. 1972, no93, p. 108. |