| ÉCUEIL, subst. masc. A.− Tête de roche à fleur d'eau, dangereuse pour la navigation. Écueil sur lequel se brisent les vagues; côte, mer, eaux semées d'écueils; écueils signalés par des phares; îles et écueils du golfe normand. Synon. récif.Ainsi, longeant l'écueil (...) l'on voit un habile pilote Manœuvrer au milieu du dangereux récif (Dumas père, L'Orestie,1896, II, 5, p. 158).Une bouée à feu fixe récemment placée sur un écueil dangereux et immergé (Peisson, Parti Liverpool,1932, p. 109): 1. ... des portulans. C'étaient, en somme des guides, qui ne manifestaient aucun souci d'exactitude topographique ni d'échelle, mais présentaient tous les détails de la côte, avec les écueils et les phares.
P. Rousseau, Hist. des transp.,1961, p. 134. Rem. On rencontre ds la docum. une attest. d'emploi de ce mot en géol., p. anal. La plus basse des nappes internes apparaît souvent, dans les Préalpes (...) sous forme de lambeaux aujourd'hui isolés, qu'on appelle Klippes ou écueils parce qu'ils surgissent au milieu du flysch environnant (Lapparent, Abr. géol., 1886, p. 403). − P. ext., usuel. Banc de sable, de roches ou de coraux, haut-fond ou relief sous l'eau ou hors de l'eau, constituant un danger pour la navigation. Canal rempli d'écueils; passer dans, parmi les écueils; rencontrer, heurter un écueil; navire se brisant contre un écueil. Synon. récif, brisant2(cf. ce mot A), batture, chaussée (cf. ce mot B 1), roche(r).Cette semaine-là, qui fut brumeuse, une grosse barque de Nantes se perdit sur un écueil de la chaussée de Sein (Queffélec, Recteur,1944, p. 25).Il avait donné sur un écueil mal reconnu, par une mer très calme (Gracq, Syrtes,1951, p. 266): 2. ... dans les parages dangereux de l'île de Sein, semés de roches : six cuirassés, une trentaine de bâtiments légers, de sous-marins, tout à coup aveuglés et stoppant, à la merci du vent et des courants, au milieu d'un champ d'écueils.
Valéry, Variété III,1936, p. 197. SYNT. Écueil caché, invisible, couvert, dangereux, périlleux, redoutable, redouté, funeste, mortel. − P. métaph. [En parlant d'obj. ou d'abstractions dont la localisation rappelle les précédents] Son sommeil était dans son plein, (...) je ne me heurterais pas à des écueils de conscience recouverts maintenant par la pleine mer du sommeil profond (Proust, Prisonn.,1922, p. 72): 3. ... le trajet était hérissé de difficultés; il y avait des choses par terre, des tabourets renversés (...) des monceaux quelconques autour desquels il fallait cheminer, tout un archipel d'écueils; ...
Hugo, Quatre-vingt-treize,1874, p. 107. B.− Au fig., souv. au plur., littér. Obstacle dangereux, difficulté périlleuse. Affronter les écueils d'une politique, d'un projet, d'un sujet, d'un système, d'une entreprise, d'une carrière; la vie, le monde est plein(e) d'écueils; être pris entre deux écueils continuels. (Quasi-)synon. pierre d'achoppement, danger, piège, inconvénient.C'est un écueil où les plus avisés font naufrage (Ac.1835, 1878) : 4. Si cependant, dans quelques années, sa rivale [à la mécanique classique] triomphe, je me permettrai de vous signaler un écueil pédagogique que n'éviteront pas nombre de maîtres, en France tout au moins.
Poincaré, La Mécan. nouv.,1909, p. 16. 5. Et c'est un rêve qui le met en garde contre le danger de desséchement intellectuel, qui était bien l'un des écueils de sa vie morale; ...
Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, p. 18. SYNT. Écueil effrayant, glissant, inévitable, infranchissable, insurmontable, perfide, terrible, secret; triste écueil. Prononc. et Orth. : [ekœj]. Buben 1935 § 65 signale que dans qq. provinces on prononce -cueil, -gueil par [-kεj], [-gεj] au lieu de [-kœj], [-gœj] qui est seul correct, p. anal. avec les mots dans lesquels -cu-, -gu- sert simplement à conserver le son de la gutturale (querrir, guerre). Cette rem. vaut également pour cueillir, accueil, cercueil (cf. ces mots) et pour orgueil. Enq. /ekøj/. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1538 escueil (Est., s.v. scopulosus); 1604 au fig. écueil (Montchrestien, La Carthaginoise ds Tragédies, éd. Petit de Julleville, p. 146 ds IGLF). Empr. à l'a. prov.escueyll, attesté début xives. au sens propre et au sens fig. (R. Feraut, Vie de St Honorat ds Rayn.) qui, comme l'ital. scoglio (d'orig. ligure) et le cat. escull, remontent à un lat. vulg. *scŏclu, altération du class. scŏpŭlus « écueil » (du gr. σ
χ
ο
́
π
ε
λ
ο
ς), due, soit à une assimilation régressive du p au c, soit à une substitution du suff. -culus à la finale -pulus, moins fréquente (v. FEW t. 11, p. 325b; Bl.-W.5; Cor., s.v. escollo). La forme fr. isolée scoigle (ca 1550, Descr. du Nil ds Gdf. Compl., texte traduit de l'ital.) est une adaptation de l'ital. scoglio (v. FEW, loc. cit.). Fréq. abs. littér. : 851. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 833, b) 2 587; xxes. : a) 523, b) 353. Bbg. Rog. 1965, p. 59, 99. − Vidos 1939, p. 364, 369. |