| ÉCHARDE, subst. fém. Petit corps effilé et pointu, de bois ou de métal, qui se fiche accidentellement dans la peau ou dans la chair. Extraire une écharde. Elle [Tiennette] s'était fait saigner encore, acharnée sur une longue écharde, à l'aide d'une épingle (Zola, Rêve,1888, p. 84).Des échardes s'enfonçaient dans les ongles des doigts (Queffélec, Recteur,1944, p. 124).♦ P. métaph. ou p. compar. [À propos de ce qui constitue un élément étranger, souvent pénible] Tu n'es pas chez toi, intrus; tu es dans le monde comme l'écharde dans la chair, comme le braconnier dans la forêt seigneuriale (Sartre, Mouches,1943, III, 2, p. 98): Il n'est pas un de ses personnages [de Dostoïevsky] qui ne porte cette écharde dans la chair, qui ne l'irrite ou qui n'y cherche un remède dans la sensation ou l'immoralité.
Camus, Le Mythe de Sisyphe,1942, p. 151. − P. anal. Fragment déchiqueté et pointu. Les bois éclatés, déchirés, (...) menaçaient (...) de l'enfiler au passage, à la pointe de leurs échardes, aiguës comme des épées (Zola, Germinal,1885, p. 1368).Ces échardes de pierre, ces crêtes sagittées (Morand, Route Indes,1936, p. 163). Rem. Littré, DG et la plupart des dict. encyclop. attestent en outre l'emploi du mot comme nom vulg. de l'épinoche, poisson porteur de piquants. Prononc. et Orth. : [eʃaʀd]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. [Av. 1105 esjarde « écaille (de poisson, de serpent) » (Raschi Blondh. t. 1, p. 53, 400, forme isolée)]; ca 1165 escherde (B. de Ste-Maure, Troie, 1919 ds T.-L.); ca 1223 escharde (G. de Coincy, Miracles de Nostre-Dame, éd. V. F. Kœnig, II Mir. 19, 187) − 1388 eschardre (Gloss. de Conches ds Gdf.); 2. 1remoitié du xiiies. [ms.] « petit fragment de bois qui entre accidentellement dans la peau » (Continuation de Perceval, éd. W. Roach, t. 2, 19207), attest. isolée; de nouv. 1530 (Continuation de Perceval ds Henry, pp. 93-94). De l'a. b. frq. *skarda « éclat (de bois) », cf. all. Scharte « brèche ». La forme escherde, propre à l'Ouest de la France, s'est maintenue jusqu'au xives. (Recettes médicales ds Rom. t. 37, p. 372). Fréq. abs. littér. : 28. Bbg. Henry (A.). De Mehalet l'Escardée à Godefroy et à Littré. In : [Mél. Roques (M.)]. Bade-Paris, 1950, t. 1, pp. 99-127. |