| ÉTUVE, subst. fém. A.− Vx, au plur. Salle ou établissement de bains : 1. La plupart des grands seigneurs (...) ne s'étaient lavés ni rasés depuis six jours. Ordinairement, ils n'avaient jamais passé de temps si long sans aller aux étuves.
Druon, Poisons couronne,1956, p. 72. B.− Lieu clos dont on élève à volonté la température pour provoquer la sudation. Étuve sèche (à chaleur sèche); étuve humide (où l'on fait pénétrer la vapeur d'eau); prendre un bain de vapeur dans une étuve : 2. ... le baigneur se dépouille de ses habits pour revêtir un pagne de coton; il chausse des sandales de bois, et on l'invite à passer dans la salle voisine. Il traverse clopin-clopant un petit cabinet chauffé à vingt degrés environ, et pénètre sans autre transition dans l'étuve. Au premier moment on est un peu suffoqué; on n'avait pas contracté l'habitude de respirer de la vapeur d'eau chauffée à cinquante degrés.
About, Grèce,1854, p. 411. − P. anal. Pièce, endroit où il fait trop chaud, où la chaleur est humide. Atmosphère, buée, chaleur, vapeur d'étuve : 3. Je l'ai amenée ici, parce que le paysage est un rideau vert. L'été, fournaise partout, est ici une simple étuve. On n'y rôtit pas, on y fond. C'est plus doux.
Hugo, Corresp.,1866, p. 559. C.− Lieu clos ou appareil où l'on maintient une température plus ou moins élevée, avec ou sans vapeur d'eau, pour permettre certaines opérations. Faire sécher du bois, des peaux, du sucre, des grains, des fruits, du linge dans une étuve. On ne peut guère faire des pâtes d'abricots et de coings, des fruits glacés (...) si on n'a une étuve (Audot, Cuisin. campagne et ville,1896, p. 516). ♦ Récipient destiné à maintenir les mets au chaud, à chauffer les plats : 4. ... elle souleva un des couvercles de l'étuve de melchior. C'était le côté des andouilles, des saucisses et des boudins. Le réchaud était froid, il n'y avait plus qu'une saucisse plate, oubliée sur la grille.
Zola, Ventre Paris,1873, p. 668. − Spéc., MÉD. ♦ Appareil dans lequel on entretient une température déterminée et constante pour la culture des microbes. Étuve à thermostat (Duhamel, Maîtres,1937, p. 8).Le liquide, après un bref séjour à l'étuve, se trouble et se peuple de microorganismes (J. Rostand, Genèse vie,1943, p. 109). ♦ Étuve à désinfection, à stérilisation. Chambre ou enceinte métallique dans laquelle on entretient une chaleur élevée pour désinfecter ou stériliser. Passer du linge à l'étuve. Étuves municipales (Martin, du G., Thib., Mort père, 1929, p. 1353).La verrerie et les instruments non tranchants sont stérilisés à l'étuve à sec (J. Verne, Vie cellul.,1937, p. 19): 5. Les poux de vêtement sont pires encore que les poux de corps.
− Faut passer les vêtements à l'étuve. Ou bien les tuer un à un.
Queneau, Loin Rueil,1944, p. 69. Prononc. et Orth. : [ety:v]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. [xies. judéo-fr. estuve (Raschi Blondh.)]; 1176 « salle pour bains de vapeur » (Chr. de Troyes, Cligès, 1145 ds T.-L.); 1680 « lieu clos à température élevée pour le séchage, la désinfection, etc. (ici, séchage des chapeaux) » (Rich.). D'un lat. vulg. *extupa « pièce pour bains de vapeur » (cf. lat. stupa « id. », viiie-ixes., Gloses de Cassel ds Bartsch), dér. d'un lat. vulg. *extupare, lui-même dér. avec préf. ex- d'un *tupare, du gr. τ
υ
́
φ
ε
ι
ν « fumer ». Ce dernier a prob. pénétré par Marseille ds les dial. de la Gaule méridionale antérieurement à la conquête romaine (cf. le -φ- gr. rendu par -p- donc à une époque où il était p aspiré, v. aussi enter); extupare et son dér. *extupa se seraient formés dans le sud de la Gaule, *extupa étant passé de là en Gaule du Nord (v. FEW t. 13, 2, pp. 458-459). Fréq. abs. littér. : 133. Bbg. Brüch (J.). Fr. étuve (Badestube) und écrou (Schraubenmutter). Arch. St. n. Spr. 1923, t. 145, pp. 103-104. − Bugge (S.). Étymol. rom. Romania. 1875, t. 4, pp. 354-355. − Gardette (P.). Mots massaliotes ds le bassin du Rhône. In : Actes du VIIeCongrès de Ling. rom. 1953. Barcelone. Barcelone, 1955, pp. 541-543. − Walt. 1885, p. 81. − Wartburg (W. von). Die griechische Kolonisation in Südgallien und ihre sprachlichen Zeugen im Westromanischen. Z. rom. Philol. 1952, t. 68, pp. 1-48. |