| ÉTUDIER, verbe trans. I.− Emploi abs. A.− [Le suj. désigne une pers. qui s'intéresse à l'étude; le subst. corresp. est étude au sing.] Appliquer son esprit à l'acquisition − le plus souvent par la lecture − de connaissances dans différents domaines. Les gens qui passent le feu de la jeunesse à étudier au lieu de sentir ne peuvent donc pas être artistes (Stendhal, Amour,1822, p. 288).Le soir, près de sa mère, qu'il aime, il [un jeune ouvrier] étudie. Il lit des livres (France, Lys rouge,1894, p. 58).Que de gens lisent et étudient non pour connaître la vérité, mais pour augmenter leur petit « moi! » (Green, Journal,1941, p. 100). B.− [Le suj. désigne une pers. qui suit un enseignement; le subst. corresp. est études, au plur.] Suivre un enseignement en vue d'acquérir des connaissances dans un domaine précis. Synon. usuel faire des études.Mon père sans ressources, et ma mère malade, décidèrent que j'étudierais, quoi qu'il arrivât (Michelet, Peuple,1846, p. 29).Les garçons qui étudient dans les écoles, ils préparent une carrière (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1485). II.− Emploi trans. Appliquer son esprit à quelque chose. A.− [L'idée dominante est celle d'apprendre] 1. [L'intelligence joue le rôle principal] a) [L'obj. désigne une discipline d'enseignement] Par un effort intellectuel, acquérir des connaissances dans un domaine précis. Étudier l'anatomie, la chimie, le droit, l'histoire, la médecine. Synon. fam. travailler.Je voudrais que les jeunes filles étudiassent le latin comme les petits garçons (Stendhal, Amour,1822, p. 217).Je me suis mis à étudier les mathématiques, non pas pour être un mathématicien, mais pour ouvrir mon esprit à cette sorte de conception (J.-J. Ampère, Corresp.,1825, p. 351): 1. Je connais les plantes, je les cueille, je les rapporte, je les fais bouillir, j'en fais une bonne infusion, je la donne à mes malades s'ils en ont besoin. Est-ce que ça rend l'infusion meilleure de mettre barbaro sur la bouteille?
− Je croyais, dit timidement M. Delteil, qu'il n'y avait pas moyen d'étudier la botanique sans connaître un peu le latin.
Champfl., Souffr. profess. Delteil,1853, p. 88. − [P. méton. de l'obj.] J'ai commencé à étudier mon examen avec trop de détails, de sorte que maintenant j'en suis encombré (Flaub., Corresp.,1843, p. 143). b) [L'obj. désigne un instrument de musique] Apprendre à jouer de. Elle s'obligeait à sauter du lit à sept heures et à étudier son piano dans le salon glacé (Chardonne, Épithal.,1921, p. 9). − Emploi abs. Ce pianiste étudie plusieurs heures par jour (Ac.1878-1932). − [P. méton. de l'obj.] [Je] n'ai plaisir à étudier que la « Barcarolle » et le « Roi des Aulnes » (Gide, Journal,1927, p. 860). 2. [La mémoire joue le rôle principal] Essayer de fixer dans sa mémoire, d'apprendre par cœur. Étudier ses leçons; étudier les conjugaisons, les verbes irréguliers. Synon. fam. bosser, bûcher, piocher, potasser.Les écoliers qui étudient à haute voix ce qu'ils veulent apprendre, afin que la leçon entre par deux portes dans leur mémoire (Joubert, Pensées,t. 1, 1824, p. 155). 3. [La pratique joue le rôle principal] Apprendre un art, s'exercer à une technique. Il prit des leçons de diction, étudia l'art du maquillage et s'affilia à des troupes d'amateurs (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 36). B.− [L'idée dominante est celle de comprendre] Par un effort d'observation et de pénétration, acquérir l'intelligence des êtres, des choses, des faits, découvrir leur nature profonde. Étudier en détail, à fond, sur place, avec soin. Synon. analyser, examiner, observer. 1. [L'obj. désigne une chose] a) [L'obj. désigne gén. un inanimé concr. (qui est souvent objet de science)] Prendre comme objet d'un examen attentif et approfondi. Ces montagnes sont les lieux du monde les plus favorables pour étudier la nature (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 213).On m'envoya étudier une épidémie de peste à Djedda (Vogüé, Morts,1899, p. 285).Le biologiste qui, après avoir étudié le cœur, étudie de la même façon la moelle épinière (Ruyer, Esq. philos. struct.,1930, p. 139): 2. À force d'étudier les symptômes, de tâter mon pouls, d'examiner mes sensations internes et externes, d'approfondir la nature particulière de mes migraines, et leur coïncidence avec une accélération notable dans mes bâillements, j'en suis venu à acquérir une certitude...
Toepffer, Nouv. genev.,1939, p. 262. − [P. méton. du suj.] La géométrie, qui n'étudie rien que le dehors tout nu, est la clef de toutes les sciences (Alain, Propos,1933, p. 1118). − P. ext. Pénétrer le fonctionnement de, les côtés cachés de. Étudier un mécanisme. Pendant huit jours il fit manœuvrer son yacht autour de l'île, l'étudiant comme un écuyer étudie un cheval : au bout de ce temps, il en connaissait toutes les qualités et tous les défauts (A. Dumas père, Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 300). − En partic. ♦ Étudier le terrain (fréq. dans le domaine milit.). En reconnaître les ressources. En chaque affaire de ce genre, il faut consulter l'esprit du pays, sa situation, ses ressources, étudier le terrain, les hommes et les choses, et ne pas vouloir planter des vignes en Normandie (Balzac, Méd. camp.,1833, p. 59).Au fig. Observer avec soin un milieu ou une situation donnée. Synon. ausculter, tâter. ♦ Étudier un dossier, un papier. L'examiner attentivement. Synon. fam. éplucher.Très attentif, il étudiait le texte polycopié d'un rapport de commission (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 239).Il mit son pince-nez et étudia le papier que lui présentait Lulu comme on épluche un livre de cuisine (Druon, Gdes fam.,t. 2, 1948, p. 228). b) [L'obj. désigne un inanimé abstr.] Observer attentivement les circonstances d'une affaire, les causes d'un phénomène, les tenants et aboutissants d'une situation. Étudier les lois de, le moment favorable, l'organisation de, le rôle de. L'ordre dans lequel nous devons étudier les différents systèmes que renferme cette école (Cousin, Hist. philos.,t. 1, 1829, p. 35).Il convient d'étudier les circonstances et les effets de cette rencontre (Ozanam, Philos. Dante,1838, p. 126).J'étudiai le projet et j'arrivai vite à la conclusion que ce plan était absolument irréalisable (Joffre, Mém.,t. 1, 1931, p. 166). 2. [L'obj. désigne une pers. ou un aspect de son comportement physique ou moral] Observer attentivement, examiner (la manière d'être ou d'agir de quelqu'un). Étudier une physionomie. Je ne regardai que son sourire, j'étudiai son sourire (Jouve, Scène capit.,1935, p. 215).La tâche du psychologue qui étudie l'âme humaine en ses profondeurs (Bachelard, Poét. espace,1957, p. 18): 3. Malgré moi, je regardais et j'étudiais ces visages ravagés par la vieillesse, que ma grand'mère trouvait encore beaux par habitude, et qui me paraissaient d'autant plus affreux que je les entendais vanter dans le passé. J'analysais les expressions de physionomie, les attitudes.
Sand, Hist. vie,t. 2, 1855, p. 323. − Emploi pronom. ♦ réfl. L'effort que fait l'homme qui s'arrache au monde extérieur pour s'étudier et se connaître (Maine de Biran, Journal,1816, p. 240).Une âme qui se cherche, qui s'étudie, qui se connaît (Nodier, Fée Miettes,1831, p. 174). ♦ réciproque. Quand un homme et une femme se rencontrent, ils s'étudient moins qu'ils ne se soupèsent; ils savent qu'un jour l'un des deux portera l'autre sur ses épaules (Morand, Homme pressé,1941, p. 135). − En partic. [L'obj. désigne un auteur, un ouvrage littér.] Analyser de près, essayer de comprendre à fond. Synon. approfondir, fouiller.Étudier des ouvrages aussi hérissés de difficultés que ceux de Kant (Staël, Allemagne,t. 4, 1810, p. 148).Il [Renan] n'étudia jamais saint Thomas dont la scolastique lui apparaît « barbare et enfantine » (Massis, Jugements,1923, p. 29). C.− [L'idée dominante est celle de chercher] Par un effort inventif, mettre au point, élaborer attentivement. Étudier la possibilité de restaurer l'ancienne route commerciale du IXesiècle (Benoit, Atlant.,1919, p. 67).Les indulgences que voici, on les a tout spécialement étudiées pour les braves gens qui ont de la famille au Purgatoire (Sartre, Diable et Bon Dieu,1951, p. 152): 4. Mes généraux, dans leur solide stupidité, étudiaient des tactiques habiles et discutaient et cherchaient la perfection avant d'agir.
Saint-Exup., Citad.,1944, p. 559. D.− [L'idée dominante est celle d'attention] Prendre comme objet de son application, de ses soins. 1. [L'objet désigne un inanimé gén. concr.] Agencer correctement en vue d'un effet à produire, d'une fin précise. Berthe, qui étudiait sa couronne devant la glace (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 142). − En partic. Étudier un discours, une intervention, un sermon. Le (la) composer avec soin en vue d'un effet à produire. Cette partie de votre discours demandait à être plus étudiée (Ac.1835-1932). 2. [L'obj. désigne une pers., ou un aspect de son comportement] Un grand miroir pour y étudier ses effets de physionomie (Villiers de L'I.-A., Contes cruels,1883, p. 225).Je passai toute la soirée à étudier dans ma glace des mines de veulerie, d'abandon (Drieu La Roch., Rêv. bourg.,1939, p. 296).V. air2, ex. 49. − Emploi pronom. réfl., parfois péj. Se composer avec soin une attitude. Elle [la femme comme il faut] a eu le temps de s'étudier, de décider ce qui lui va bien (Balzac, Autre ét. femme,1842, p. 389). 3. Emploi pronom. réfl. Porter une attention excessive à sa personne, gén. à sa santé, aux moindres sensations de gêne, de malaise. Jacqueline passait son temps à s'étudier dans son miroir (Rolland, J.-Chr.,Amies, 1910, p. 1208). Rem. 1. L'emploi pronom. s'étudier à « s'entraîner à, s'appliquer à » est vieilli. a) Rare. S'étudier à (dans) + subst. Tandis qu'il lisait Cicéron et s'étudiait à sa forme oratoire, le beau Patru ne laissait pas de faire des ravages aux environs du Palais et du Châtelet (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 5, 1852, p. 279). b) S'étudier à + verbe à l'inf. S'étudier à bien faire tout ce qu'on doit faire, à bien prononcer (Ac. 1932). Quelle précision dans ces êtres [des danseuses] qui s'étudient à user si heureusement de leurs forces moelleuses (Valéry, Eupalinos, 1923, p. 14). c) Vx. S'étudier de + verbe à l'inf. [Il faut] qu'ils [les chanteurs] s'étudient tous de chanter de l'oreille... (Jumilhac, Sc. et prat. plain chant, 1847, p. 282). 2. La docum. atteste a) Étudiable, adj., rare. Qui est susceptible d'être étudié. Des facteurs connus et positivement étudiables (J. Rostand, La Vie et ses probl., 1939, p. 169). b) Étudieur, emploi adj. masc., rare. Qui examine attentivement. Synon. observateur. Une idée de fenêtre ouverte par où le soleil vient éclairer le parquet de manière à réjouir le flamand le plus « étudieur » (Baudel., Curiosités esthétiques, Salon, 1845, p. 20). Cf. Rheims 1969. Prononc. et Orth. : [etydje], (il) étudie [etydi]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) 1155 « chercher à acquérir une connaissance » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 3341 : Mult sout e mult estudia); 1261 les estudians de Paris (...) en théologie (...) médecine (Doc. hist. inédits, II, 68, Champollion-Figeac ds R. Hist. litt. Fr. t. 12, p. 243); b) ca 1200 « mettre son application, ses soins à quelque chose » trans. (Dialogue Grégoire, 44, 10 ds T.-L. : studoient bien faire); 2. 1588 [éd.] « chercher à comprendre par un examen attentif » (Montaigne, Essais, éd. A. Thibaudet, livre 3, chap. 13, p. 1208); 1588 [éd.] pronom. « se prendre pour objet de son étude » (Id., ibid., p. 1204); 1824 « se composer une attitude » (Balzac, Annette, t. 3, p. 14). Dér. de l'a. fr. estudie, v. étude; cf. le lat. class. studere « s'appliquer à »; lat. impérial « étudier ». Fréq. abs. littér. : 3 494. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 217, b) 6 120; xxes. : a) 4 841, b) 4 216. |