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ÉTRANGER, ÈRE, adj. et subst.
A.− Adj. et subst. [En parlant d'une pers., d'une collectivité, parfois d'un animal]
1. [Par rapport à un lieu, à une collectivité]
a) (Celui, celle) qui n'est pas d'un pays, d'une nation donnée; qui est d'une autre nationalité ou sans nationalité; plus largement, qui est d'une communauté géographique différente. Français et/ou étranger; pays étranger; nation étrangère. Il n'a été satisfait que d'une élève, une petite étrangère filasse (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1910, p. 204).
SYNT. a) Un jeune étranger; une belle étrangère; des étrangers de passage; d'illustres étrangers; une foule d'étrangers; sous le joug des étrangers; aux yeux des étrangers; les étrangers affluent. b) Étranger et/ou ennemi; étranger et/ou provincial. c) Diplomate, étudiant, ministre, prince, touriste étranger; les dieux étrangers; femme, personne étrangère; gouvernement, peuple étranger; armée, autorité, cour, puissance, race, ville étrangère; en (sur une) terre étrangère. La Légion* étrangère.
Spéc., subst. masc. sing. [En parlant d'une collectivité]
Ensemble de pays n'appartenant pas à une nation donnée. Dans l'étranger (vieilli); passer, vendre à l'étranger; séjour à l'étranger; Français résidant à l'étranger. J'ai passablement voyagé, vécu bien des mois en province et à l'étranger (Verlaine, Œuvres compl.,t. 4, Mém. veuf, 1886, p. 181).
Ensemble de personnes originaires de ces pays, y habitant. Chasser l'étranger. Les armées de volontaires purgeant de l'étranger le sol de la patrie (Zola, Débâcle,1892, p. 440).
b) (Celui, celle) qui n'est pas familier(ière) d'un lieu qui ne fait pas partie d'une collectivité donnée :
1. Sans doute elle [Gervaise] avait confiance en madame Boche; seulement ça la mettait hors d'elle de voir une étrangère s'installer dans sa chambre, ouvrir les tiroirs, toucher ses affaires. Zola, Assommoir,1877, p. 472.
Étranger à. Glaneuses étrangères au bourg (Balzac, Lys,1836, p. 68).Personnes étrangères à l'administration (Estaunié, Ascension M. Baslèvre,1919, p. 161).
c) Expressions
Être (un) étranger dans son (propre) pays. En ignorer les coutumes, les événements, être tenu à l'écart de ce qui s'y passe. Vous qui vous plaigniez tant d'être un étranger dans votre propre pays (Sartre, Mouches,1943, I, 1, p. 14).
P. anal. Lady Falkland vit en étrangère dans sa propre maison, où la maîtresse de son mari (...) commande à sa place (Farrère, Homme qui assass.,1907, p. 85).
N'être étranger nulle part. Être bien accueilli, à l'aise partout.
Étranger sur la terre. (Celui) qui, croyant en Dieu, à l'au-delà, se considère comme passager sur la terre, aspire au ciel, sa véritable patrie :
2. C'est bien l'étranger sur la terre du psaume 119, l'exilé qui cherche dans les nuages les frontières d'une patrie perdue. Green, Journal,1942, p. 244.
2. [Par rapport à une pers. ou à une chose]
a) (Celui, celle) qui n'est pas familier (ière) à quelqu'un, qui n'a pas de relation avec lui, qui en est mal connu(e), distant(e). Être étranger l'un à l'autre, rendre qqn étranger à qqn. Vous n'êtes pas (...) une étrangère pour moi. Je ne connais (...) que vous au monde (France, Servien,1882, p. 125):
3. Jacques eut une impression pénible, comme s'il eût essuyé une offense. De minute en minute son ami lui devenait étranger. Un regard curieux, un peu moqueur, dont Daniel l'enveloppa, acheva de le glacer. Martin du G., Thib.,Pénitenc., 1922, p. 792.
b) (Celui, celle) qui est sans lien, sans rapport avec quelque chose, qui ne se mêle pas de quelque chose, qui est indifférent(e) à quelque chose, qui n'a pas de notion de quelque chose. Être absolument, tout à fait étranger à, rester étranger à. J'étais trop étrangère à tout sentiment de coquetterie, et encore trop éloignée de la moindre notion d'amour (Sand, Hist. vie,t. 3, 1855, p. 334).Je suis étrangère à toutes ces intrigues (Vogüé, Morts,1899, p. 317):
4. − Bah! maman, laisse faire à papa (...) dit Césarine en embrassant sa mère et se mettant au piano pour montrer à l'architecte que la fille d'un parfumeur n'était pas étrangère aux beaux-arts. Balzac, Birotteau,1837, p. 102.
SYNT. Étranger à la politique, à des passions, à des préoccupations, à ce qui se passe; étranger et/ou indifférent.
c) (Celui, celle) qui n'arrive pas à se situer par rapport à lui-même, à la vie, à ce qui l'entoure; à qui tout paraît sans rapport avec lui-même :
5. ... il [l'Étranger de M. Camus] se sent étranger au monde tout entier qui lui est tout entier étranger. Souvent dans le malheur l'homme renie ainsi toutes ses attaches. Il ne veut pas du malheur, il cherche comment le fuir; il regarde en soi : il voit un corps indifférent, un cœur qui bat d'un rythme égal... Beauvoir, Pyrrhus,1944, p. 14.
B.− Adj. [En parlant d'une chose, parfois d'un végétal]
1. Qui est d'un autre pays, d'une autre nation et plus largement d'une communauté géographique différente; relatif à un autre pays ou à d'autres pays, à leurs caractéristiques. Force, langue, littérature étrangère; d'origine étrangère. Traduire la monnoie étrangère en monnoie nationale (Bonald, Législ. primit.,t. 1, 1802, p. 248):
6. Alors elle [la sauterelle] se croit au bout de l'hémisphere, Chez un peuple inconnu, dans de nouveaux états; Elle admire ces beaux climats, Salue avec respect cette rive étrangere. Florian, Fables,1792, p. 188.
SYNT. Accent, nom étranger; capitaux, journaux, marchés, produits étrangers; concurrence, domination, influence, intervention, occupation étrangère; devises, plantes étrangères; sous un ciel étranger.
Spéc., POL. Qui concerne les relations d'un pays donné avec les autres pays. Politique étrangère; ministère des Affaires étrangères. Enfin, mon fils, tant civile qu'étrangère, la guerre est exécrable et d'une malignité que je déteste (France, Opinions J. Coignard,1893, p. 171).Le rapport de Louis Marin sur le budget des Affaires étrangères (Barrès, Cahiers,t. 11, 1917, p. 82).
2. Qui n'est pas d'un lieu, d'un groupe donné. Déchirant sans pitié toute œuvre étrangère à leur coterie (Sainte-Beuve, Tabl. poés. fr.,1828, p. 62).
3. Qui est sans rapport avec quelqu'un ou quelque chose.
a) Qui n'est pas propre, naturel, familier à quelqu'un, à sa personnalité, qui est inconnu ou mal connu de quelqu'un. Je suis homme et rien d'humain ne m'est étranger [trad. d'un vers de Térence, Heautontimoroumenos] (Sartre, Mots,1964, p. 44).Cf. aussi ex. 5 :
7. On connaît toujours trop les causes de sa peine, Mais on cherche parfois celles de son plaisir; Je m'éveille parfois l'âme toute sereine, Sous un charme étranger que je ne peux saisir. Sully Prudh., Solitudes,1869, p. 11.
Spéc. [En parlant d'un attribut de la pers.] Qui appartient ou semble appartenir à quelqu'un d'autre, qui n'est pas familier, qui est inconnu. Visages, yeux étrangers. Des critiques ont voulu n'y voir (...) qu'une composition de Léonard exécutée par une main étrangère (Gautier, Guide Louvre,1872, p. 66).
b) Qui est sans lien, sans rapport avec quelque chose, qui ne fait pas partie d'un ensemble, qui est différent d'autre chose. Objet, principe étranger; cause, pensée étrangère. Des considérations étrangères au sujet (Champfleury, Bourgeois Molinch.,1855, p. 207).On se trouve toujours à la merci (...) du moindre bruit étranger (Stravinsky, Chron. vie,1931, p. 137).
Spéc. [En parlant d'un élément, d'une substance]
CHIM. Dont la nature est différente de celle du corps auquel il est allié. Argiles (...) pures de toutes matières étrangères (Bourde, Trav. publ.,1928, p. 126).
MÉD. et MÉD. VÉTÉR. Qui est de nature différente de celle de l'organisme ou des tissus dans lesquels il se trouve par accident ou par introduction volontaire; qui s'y développe de façon anormale. Pénétration d'un corps étranger dans l'articulation (Garcin, Guide vétér.,1944, p. 154).Cf. aussi corps III A 2 b méd.Au fig. Les secteurs modernes, toutefois, ne peuvent plus être des corps étrangers croissant aux dépens de l'environnement immédiat (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 254).
Prononc. et Orth. : [etʀ ɑ ̃ ʒe], fém. [-ʒ ε:ʀ]. Enq. : /etʀ ɑ ̃ ʒe, -ʀ/. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1369 « celui qui n'est pas du pays » (Guill. de Machaut, Prise d'Alexandrie, éd. De Mas-Latrie, 3644). Dér. de étrange*; suff. -ier* réduit à -er derrière consonne palatale. Fréq. abs. littér. : 12 635. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 25 390, b) 13 646; xxes. : a) 14 871, b) 15 813. Bbg. Launay (M.). Le Vocab. pol. de J.-J. Rousseau. Genève-Paris, 1977, p. 104. − Moore (W.G.). Mod. Lang. R. 1961, t. 56, p. 149. − Munster (V.). Die Entwicklung des Fremdenverkehrs im Spiegel der französischen Fachterminologie. Der österreichische Betriebswirt. 1961, t. 11, pp. 242-244. − Quem. DDL t. 11.