| ÉTERNEL, ELLE, adj. I. A.− Qui n'a pas eu de commencement et qui n'aura pas de fin. Le Père éternel; Dieu est un être éternel; l'éternelle essence, matière. Une substance (...) impassible et immuable, (...) immatérielle, séparée, éternelle, immobile (Gilson, Espr. philos. médiév.,1931, p. 49): 1. Il s'agit de nous faire une conception du monde en accord avec les données de l'expérience scientifique, données que nous devons avoir le courage de considérer comme intangibles. Or, de toutes les conceptions, une seule ne contredit pas ces données : une énergie éternelle, infinie, toujours identique en ses éléments et en ses lois, qui crée, détruit, renouvelle inépuisablement, sans commencement, sans terme, et, par conséquent, sans but.
Bourget, Sens mort,1915, p. 227. − Emploi subst. masc. 1. L'Éternel. Dieu, qui n'a pas eu de commencement et qui n'aura pas de fin. L'Éternel soit béni, la loi de l'Éternel, invoquer l'Éternel, louons l'Éternel! Grand* + subst. devant l'Éternel. 2. Avec valeur de neutre. Ce qui a une valeur d'éternité. Nous voyons à la fois (...) le temporel et l'éternel, l'ordre et le désordre, le fini et l'infini (Proudhon, Syst. contrad. écon.,t. 1, 1846, p. 370).Songeant à l'impossible, à l'infini, à l'éternel (Gautier, Rom. momie,1858, p. 311). B.− P. ext. Qui n'a pas de fin : 2. Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour?
Lamart., Médit.,1820, p. 133. SYNT. Le repos, le sommeil éternel; le feu, le salut éternel; la damnation, la vie, la béatitude éternelle; les flammes, les peines éternelles. II. A.− Qui est de tous les temps. L'éternel féminin. Bossuet prouve Dieu par les vérités éternelles. « Une vérité ne peut cesser d'être vérité. Descartes meurt, Bossuet meurt, la vérité ne meurt point ... » (Alain, Propos,1923, p. 567): 3. La France du passé, du présent, de l'avenir, la France éternelle, compte que, sous leurs plis, ses soldats, ses marins, ses aviateurs, la serviront avec gloire, honneur et fidélité.
De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 491. B.− Dont on n'entrevoit pas la fin. Une reconnaissance éternelle. Serrant dans ma main sa petite main chaude, je lui jurai une amitié éternelle (France, Vie fleur,1922, p. 372).Jamais le monde romain n'a paru plus solide, plus éternel (La Varende, Centaure de Dieu,1938, p. 198): 4. Fabien eût désiré vivre ici longtemps, prendre sa part ici d'éternité, car les petites villes, où il vivait une heure, et les jardins clos de vieux murs, qu'il traversait, lui semblaient éternels de durer en dehors de lui.
Saint-Exup., Vol nuit,1931, p. 82. − Spécialement ♦ La maison éternelle. Le tombeau. Ce peuple n'attachait de prix qu'à ses maisons éternelles, à ses tombeaux (Barrès, Cahiers,t. 6, 1907-08, p. 184): 5. L'expression de « maison éternelle » appliquée à la tombe se justifie par la durée qu'elle emprunte au roc dans lequel elle est taillée, ou à la pierre avec laquelle elle est construite.
Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 159. ♦ La Ville éternelle. Rome. De la Ville éternelle, à ce premier séjour, je ne connus guère que le Pincio (Gide, Si le grain ne meurt,1924, p. 572). C.− P. hyperb., le plus souvent antéposé 1. Qui semble ne devoir jamais finir. Il y a pourtant cinq semaines, cinq semaines éternelles que je ne l'ai vu! (Hugo, Angelo,1835, p. 46).Et, pendant trois éternelles minutes, le pont restera encore vide (Zola, E. Rougon,1876, p. 95). − En partic. a) Qui dure ou qui se répète continuellement, constamment. L'éternelle chanson du vent, des paysages d'une éternelle sérénité. Tout en haut de Tanger, il y avait une maison jaune à un étage d'où l'on voyait le scintillement éternel de la mer (Sartre, Sursis,1945, p. 204). b) Qui fatigue, qui ennuie par sa longueur ou par sa répétition. Un éternel bavard. Après les éternelles pommes de terre, la petite côtelette de quatre sous (Zola, Dr Pascal,1893, p. 228).Je ne me sens pas encore prêt pour les éternelles explications familiales (Duhamel, Nuit St-Jean,1935, p. 187).L'éternel parallèle entre Corneille et Racine dont notre enfance a été bercée (Brasillach, Corneille,1938, p. 488). 2. Qui est habituellement associé à quelque chose, à quelqu'un. Son éternel chapeau de feutre. Quant à lui, il alluma sa bouffarde, son éternelle bouffarde (G. Leroux, Myst. ch. jaune,1907, p. 110). Rem. On rencontre ds la docum. le subst. fém. éternelle. Plante dont les fleurs se conservent longtemps (cf. Ac.). Cf. immortelle. Prononc. et Orth. : [etε
ʀnεl]. Enq. : /eteʀnel/. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1175 gloire eternal (B. de Ste Maure, Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 25966). Empr. au lat. chrét. aeternalis, de même sens, dér. du lat. class. aeternus. Fréq. abs. littér. : 9 163. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 16 200, b) 12 828; xxes. : a) 14 538, b) 9 525. Bbg. Gall. 1955, p. 36, 471, 493. |