| ÉTENDRE, verbe trans. I.− [Avec l'idée dominante d'une modification de position ou de place] A.− Mettre (un organe articulé, un objet de forme allongée) en position horizontale. (Quasi-)synon. allonger, tendre; anton. plier, replier. 1. [Le suj. désigne une pers.] a) [Le compl. désigne un organe articulé, une partie du corps] Étendre le(s) bras. − Oui, reprit Baugé, qui étendait la main devant le soleil (Zola, Bonh. dames,1883, p. 525).Il se tait un instant et étend avec soin les jambes, pour ménager, aux genoux, son pantalon minable (Colette, Music-hall,1913, p. 63): 1. ... elle avait les bras collés au corps, elle ne pouvait remuer; et quand Christophe posait la main sur sa menotte, pour rectifier la position des doigts et les étendre sur les touches, elle se sentait défaillir. Elle tremblait de jouer mal devant lui...
Rolland, J.-Chr.,Foire, 1908, p. 785. − Au part. passé. La jambe, la main étendue. De son bras droit, long étendu, on ne voyait que l'extrémité des doigts hors du bâti grossier de la manche (Courteline, Ronds-de-cuir,1893, 5etabl., III, p. 186): 2. Par instants Jaurès se tourne vers eux la main en l'air, achevant de rythmer sa phrase. Le bras demi-étendu, courbé, étendu devant lui, le doigt détaché de la main demi-close.
Barrès, Cahiers,t. 5, 1906, p. 27. Rem. 1. On rencontre ds la docum. l'emploi au sens de « faire étendre ». Vous vous rappelez une jeune fille (...) qui gardait les doigts fléchis sans qu'il fût possible de les lui étendre (Trousseau, Hôtel-Dieu, 1895, p. 223). 2. Étendu, dans cette valeur d'emploi, se rattache au concept de position, tendu, à celui de direction : le bras étendu en l'air, le bras tendu vers l'horizon. − Au fig. [Avec une valeur symbolique de protection] Étendre le bras sur qqn. Le protéger. Voici miss Anna Damby (...) Étendez le bras sur cette jeune fille, et sauvez-la (Dumas père, Kean,1836, III, 12, p. 155). b) [Le compl. désigne un objet tenu dans la main] Ne suis-je pas Prospero le magicien? (...) ne puis-je pas, en étendant ma baguette, faire le calme ou la tempête (Dumas père, Kean,1836IV, 2, p. 161). 2. Au fig. et p. anal. [Le suj. désigne un arbre, une fleur] Étendre ses racines, ses pétales. J'entrai jusque dans le grand salon sans rencontrer personne, et le jeune marronnier qui étendait là ses grandes feuilles me fit l'effet d'un ami (France, Bonnard,1881, p. 364).Des murs par-dessus lesquels des arbres étendaient leurs verdoyants rameaux (Duhamel, Passion J. Pasquier,1945, p. 76). − Fréq. au part. passé. Les branches étendues. B.− Placer (un objet) en (l')étalant sur une surface (lui) servant d'appui. 1. [Le compl. désigne une matière souple, pliée] a) Déplier, déployer dans sa plus grande dimension. Il avait un journal, qu'il étendit pour ne point tacher son pantalon (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Boule de suif, 1880, p. 126). − Fréq. au part. passé. Garine regarde le plan étendu sur la table (Malraux, Conquér.,1928, p. 85). b) En partic. Étendre du linge, la lessive. Placer le linge, la lessive lavés sur des cordes, sur un étendoir pour les y faire sécher. Nous trouvons M. Arnold le cadet occupé à dessiner, sa femme à étendre la lessive (Stendhal, Journal,1804, p. 54): 3. Comme il ne bougeait toujours point, elle se leva, prit un paquet de linge lavé et tordu, et se mit à l'étendre sur les buissons, (...) elle s'arrangea de façon à l'éclabousser avec ses draps mouillés, et elle le regarda effrontément, en riant.
Rolland, J.-Chr.,Révolte, 1907, p. 610. c) Emploi pronom. Se déployer. (Quasi-)synon. se déplier, se dérouler, s'étirer.Nous montâmes en chaloupe, on hissa la voile qui s'étendit dans toute sa hauteur et nous couvrit de son ombre (Flaub., Champs et grèves,1848, p. 385).La mer (...) poussait dans le golfe ses immenses demi-cercles ourlés d'écume. Chaque lame se dépliait à son tour et s'étendait à plat sur la grève comme une étoffe sous la main d'un marchand (Hugo, Fr. et Belg.,1885, p. 150). d) P. anal. [Avec un compl. circ. de lieu] Étaler, répandre. La grande fraîcheur des crépuscules du Midi étendait sur la campagne un invisible manteau froid (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Champ d'oliv., 1890, p. 85).La nuit étendit sur le jardin ses voiles bleus (France, Révolte anges,1914, p. 398). − Emploi pronom. S'étaler, recouvrir. Une ombre, sans cesse épaissie et qui semblait funèbre, s'étendait sur la boutique de librairie (France, Orme,1897, p. 185).Immense et clair, d'un blanc à peine bleuté, un ciel lavé s'étend sur la ville (Martin du G., J. Barois,1913, p. 278): 4. Un beau soir, que le ciel moelleux, comme un tapis d'Orient, aux teintes chaudes, un peu passées, s'étendait au-dessus de la ville assombrie, Christophe suivait les quais, de Notre-Dame aux Invalides.
Rolland, J.-Chr.,Foire, 1908, p. 767. ♦ P. métaph. Son sourire s'évanouit, une ombre s'étendit sur son visage (Martin du G., Thib.,Sorell., 1928, p. 1138). 2. [Le compl. désigne un objet rigide, ou un ensemble d'objets] a) [Le compl. désigne un objet plan ou de forme allongée] On étend un matelas [sur la galère], un pur matelas espagnol, qui ne vous empêche en aucune façon de sentir les angles du bagage entassé au hasard (Gautier, Tra los montes,1843, p. 60).Ce point d'appui installé, les ouvriers machinistes étendent quelques madriers, frappent un palan et montent des solives (Moynet, Machinerie théâtr.,1893, p. 33). b) [Le compl. désigne un ensemble d'objets] Étaler (des objets) çà et là. Puis il étendit sur des chaises toutes ses emplettes, qu'il considéra longtemps (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Dimanches bourg. Paris, 1880, p. 288).Je rencontrai une bonne vieille qui étendait des herbes sèches dans la tombe d'une vierge antique, expirée le jour de ses noces (France, Lys rouge,1894, p. 111). c) P. métaph. [Suj. et compl. désignent des lieux, des éléments du paysage] Le parc infini étend ses perspectives tantôt sur des profondeurs de forêt, tantôt sur les pays environnants (Maupass., Contes et nouv.,Jadis, 1883, p. 597).Au creux de la vallée, Florence étendait ses dômes, ses tours et la multitude de ses toits rouges (France, Lys rouge,1894p. 115). C.− En partic. [Le compl. désigne le corps humain, une pers., un animal] 1. Coucher (quelqu'un) de tout son long. Je bégayai un adieu à mon pauvre ami Raoul et nous l'étendîmes à terre (Villiers de L'I.-A., Contes cruels,1883, p. 280).Quel délice Que d'étendre à même la mousse Après la danse, le corps lisse! (Valéry, Charmes,1922, p. 151). − Au part. passé. Il se rencontre à la guerre des scènes où quatre hommes risqués causent plus d'effroi que les milliers de morts étendus à Jemmapes (Balzac, Chouans,1829, p. 30). 2. Emploi pronom. à valeur réfl., usuel. Prendre une position allongée. Je vais m'étendre; étendez-vous un peu, cela vous reposera. (Quasi-)synon. s'allonger, se coucher.Je rentre à la maison, je me déshabille et je m'étends jusqu'au dîner (Colette, Cl. école,1900, p. 304).Après s'être lavé, il s'étendit avec délices dans les draps frais (Gide, Caves,1914, p. 778).V. anthropoïde ex. 1 : 5. André (...) prend le bras de Denise, et (...) la ramène doucement à l'ombre. − Étends-toi, maintenant; repose-toi. Il l'aide à s'allonger sur la chaise longue d'osier et s'assied à ses pieds.
Martin du G., Devenir,1909, p. 180. SYNT. S'étendre à plat ventre, sur le dos, sur le flanc; s'étendre sur un divan, un fauteuil; s'étendre sur l'herbe; s'étendre entre les draps; s'étendre sous la table, un arbre. − Au part. passé. (Quasi-)synon. couché, vautré.Un petit chien jaune, (...) étendu de tout son long sur la terre nue (Zola, Dr Pascal,1893, p. 201).Madame Mardrus, charmante, joue avec ses bagues sur le divan où je suis à demi étendu (Gide, Journal,1902, p. 123).Étendu sur son lit, il dévorait un dictionnaire taurin (Montherl., Bestiaires,1926, p. 398). SYNT. Étendu au flanc de, au fond de; étendu par terre, sur le gazon, sur l'herbe; mollement, négligemment, nonchalamment, paresseusement, voluptueusement étendu. 3. [Avec implication de violence; dans le but éventuel de tuer] Renverser (quelqu'un) (sur le sol). Un coup de couteau l'étendit inanimée sur le sol (Tharaud, Fête arabe,1912, p. 192). a) Loc. Étendre raide (mort), étendre mort. Tuer. Il arrangeait la scène, discutait où il se placerait, comment il frapperait, afin de l'étendre raide (Zola, Bête hum.,1890, p. 205). − Au part. passé. Je vois dans ce vêtement tramé par les Furies Cet homme étendu mort (Claudel, Agamemnon,1896, p. 909). b) [Avec un compl. prép. de] Jeter à terre. Gaigneux, dur et râblé, était sûr de l'étendre d'une claque. Tout en se raidissant contre la tentation, il visait un coin de mâchoire (Aymé, Uranus,1948, p. 85): 6. C'était pourtant à lui que ces choses étaient arrivées. C'était lui qui avait, d'un coup de crosse, étendu Bourrel à ses pieds, qui avait tiré dans la nuit, fracassant le genou de Piveteau.
Genevoix, Raboliot,1925, p. 288. − Spéc., SP. (lutte, boxe). (Quasi-)synon. envoyer au tapis.Toto Sépulture ne fit pas long feu; au deuxième round Jacques l'étendit à terre d'un direct à la mâchoire de derrière les fagots (Queneau, Loin Rueil,1944, p. 61). − En partic. Tuer. L'ennemi que j'ai étendu d'une balle au ventre avant qu'un autre ne le vengeât, je l'ai observé quand il mourait (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 570). c) Fam., pop. Tuer. (Quasi-)synon. abattre, allonger.Tu vas me le dire tout de suite (...) ou je t'étends! (...) je sentais son bide trembler sous mon flingue (Simonin, Touchez pas au grisbi,1953, p. 107). − Loc. Se faire étendre ♦ Se faire tuer (d'une balle). Et je comptais pas dans le lot [des dix cadavres, victimes de mon grisbi] la petite lope du square Vintimille qui s'était fait étendre elle aussi, au flan (Simonin, Touchez pas au grisbi,1953p. 231). ♦ P. ext. Se faire prendre à partie violemment. C'était un coup à se faire étendre!... la bévue était effrayante! (Céline, Mort à crédit,1936, p. 155). ♦ Au fig., fam. (dans la langue des écoliers, étudiants). Échouer à un examen, un concours. II.− [Avec l'idée dominante d'un accroissement de dimensions] A.− [Accroissement de mesures, de quantités] 1. Faire couvrir une surface (plus grande) (à une substance). Étendre la colle avec un pinceau. (Quasi-)synon. étaler, répandre.Pendant que le mari étendait du beurre sur son pain, la femme prit l'œuf et l'examina d'un œil méfiant (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Conte de Noël, 1882, p. 84).Maniant la minuscule truelle d'or, il feignait d'étendre le ciment (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 29).Une servante qui avec un linge humide, tâchait de nettoyer la jupe de doña Urraca, étendant ainsi les taches de vin sans les faire disparaître (Toulet, Mar. Don Quichotte,1902, p. 114). − Emploi pronom. réfl. Gagner en surface, se répandre. La tache ronde, au plafond, s'élargissait, semblait s'étendre comme une tache de sang (Zola, Bête hum.,1890, p. 169). 2. Accroître le volume (d'un liquide) par addition d'eau, soit pour augmenter sa quantité, soit pour atténuer sa force. (Quasi-)synon. allonger, diluer.Il [Péguy] s'habilla, prit un café au lait qu'il étendit abondamment d'eau chaude, puis regarda l'heure à sa montre (Tharaud, Péguy,1926, p. 240). − Au part. passé. Il suffisait de (...) tremper [les papiers] pendant quelques minutes dans le nitrate d'argent étendu d'eau (Verne, Île myst.,1874, p. 395).Des gouttes de benzine se séparent d'une masse d'alcool étendu d'eau (Plantefol, Bot. et biol. végét.,t. 1, 1931, p. 305). ♦ P. ell. Acide azotique, sulfurique étendu. L'antiseptique de choix pour la désinfection des (...) cuves est le formol étendu (Boullanger, Malt., brass.,1934, p. 464). B.− Augmenter, prolonger. 1. [Le suj. désigne un phénomène physiol., pathol.] a) Augmenter l'importance, la portée de. Le mal grandit et étend ses ravages (Cadet de Gassicourt, Mal. enf.,t. 1, 1880-84, p. 191). b) Emploi pronom. L'an d'après le mal empira, le ravage s'étendit (Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 94): 7. ... nulle détente ne paraît se manifester dans le cas de la substance vivante. Plus le phénomène de la division cellulaire s'étend, plus il gagne en virulence. Une fois déclenché le jeu de la scissiparité, rien ne saurait arrêter au dedans (...) ce feu constructeur et dévorant.
Teilhard de Ch., Phénom. hum.,1955, p. 110. − S'étendre à.Se propager à. L'irritation s'étendit à toutes les muqueuses (Drieu La Roch., Rêv. bourg.,1939, p. 196). − S'étendre sur.Couvrir. Une tuméfaction livide s'étendait sur la jambe (Flaub., MmeBovaryt. 2, 1857, p. 17). 2. [En parlant d'un phénomène acoustique] Elle [la coulisse] fut ajoutée à certains instruments de cuivre pour augmenter la longueur du tube sonore et pour étendre l'échelle des sons (Rougnon1935). − Emploi pronom. [En parlant de la voix humaine] S'étendre au-delà de. Produire une gamme de fréquence supérieure à. La voix humaine (...) ne peut s'étendre avec harmonie au-delà de deux octaves (Jumilhac, Sc. et prat. plain-chant,1847, p. 102). 3. [Le compl. désigne une matière, un élément de nature littér., musicale] Augmenter, prolonger. Camille avait étendu, varié, modifié l'introduction à la cavatine de « Grâce pour toi, grâce pour moi », qui est presque tout le quatrième acte de Robert-le-Diable (Balzac, Béatrix,1839-45, p. 90).Au lieu de tonifier la pensée et de serrer la phrase, le feuilleton les étend et les délave, tire dessus comme sur une étoffe (Goncourt, Journal,1858, p. 571). 4. Accroître, augmenter géographiquement l'importance, la portée de. L'entreprise d'escroquerie étendait sur plus d'un département français ses ramifications ténébreuses (Gide, Caves,1914, p. 785). 8. Je verrai, par la suite, à intéresser dans l'affaire mes voisins, les gens de ma maison, mes camarades. Puis j'étendrai petit à petit le cercle de mon activité, jusqu'au jour où le monde entier... mais n'anticipons pas.
Duhamel, Journal Salav.,1927, p. 25. − En partic., dans le domaine milit., pol.Étendre le front offensif : 9. ... nous avions été amenés à étendre notre front de combat de la Suisse à la mer du Nord, sur une étendue de six cent quatre-vingts kilomètres, (...) et à improviser à l'extrémité nord de ce front (...) une nouvelle bataille décisive.
Foch, Mém.,t. 1, 1929, p. 244. ♦ Emploi pronom. réfl. La Russie s'étendait en Extrême-Orient, où elle ne tarderait pas à se heurter au Japon dans un conflit désastreux (Bainville, Hist. Fr.,t. 2, 1924, p. 248). Rem. On rencontre ds la docum. étendre loin. Augmenter la distance de beaucoup. Peu à peu, j'étendis mes courses fort loin en descendant au milieu des forêts du Ghylàn (Gobineau, Nouv. asiat., 1876, p. 185). C.− Au fig. Développer, accroître la portée, l'influence (de). (Quasi-)synon. accroître, élargir, augmenter. 1. [Sans indication de limite ou de terme] Étendre ses connaissances, une hypothèse. Un homme pourvu d'entregent, qui cherchait à étendre ses affaires (Lacretelle, Hts ponts,t. 1, 1932, p. 190).Ces années lui permettent d'étendre, d'approfondir (...) sa connaissance de la vie et des hommes (Romains, Hommes bonne vol.,1932, p. VI).On dirait (...) que nous agrandissons l'Ignorance en la mutilant, que nous étendons son empire en lui arrachant des provinces (Arnoux, Seigneur,1955, p. 109): 10. La vérité (...) est d'ordre psychologique. Elle témoigne seulement de l'« intérêt » que peut présenter la réalité. (...) Mais si l'on veut étendre et fonder rationnellement cette notion de vérité, (...) on restitue sa profondeur à l'expérience.
Camus, Sisyphe,1942, p. 65. − Faire se développer. Loin de créer un antagonisme entre le tout et les parties, le progrès de la vie sociale doit étendre à la fois l'action de l'État et l'initiative individuelle (Blondel, Action,1893, p. 269). − En partic. [Le compl. désigne le sens de mots, d'idées, de paroles] Amplifier, élargir. Les femmes savent donner à leurs paroles une sainteté particulière, elles leur communiquent je ne sais quoi de vibrant qui étend le sens des idées (Balzac, Secrets Cadignan,1839, p. 329): 11. ... le petit enfant, du jour où il commence à parler (...) étend le sens des mots qu'il apprend, profitant du rapprochement le plus accidentel (...) pour détacher et transporter ailleurs le signe qu'on avait attaché devant lui à un objet.
Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 159. Rem. On rencontre ds la docum. étendre au large. Étendre largement, beaucoup. J'étends au large le sens du mot imagination : c'est pour moi le nom de la vie intérieure, l'appellation collective des plus belles facultés de l'âme (M. de Guérin, Corresp., 1834, p. 181). SYNT. Étendre son action, son activité, sa propagande, ses relations; étendre sa domination, son influence, ses pouvoirs, sa puissance, sa surveillance; étendre ses idées. − Emploi pronom. réfl. S'accroître, avoir, prendre de l'ampleur, de l'importance. Son commerce s'étend, le marché s'étend, les affaires s'étendent. (Quasi-)synon. prospérer. ♦ Se répandre, gagner du terrain. Depuis, le mouvement n'a fait que s'étendre (Durkheim, Divis. trav.,1893, p. 164).On ne savait pas combien de facilités elle [la faillite des Allemands] trouverait à reprendre pied, à s'étendre contagieusement, favorisée par le penchant naturel de l'homme (Arnoux, Crimes innoc.,1952, p. 209). ♦ En partic. [Le suj. désigne l'esprit] S'accroître en portée, en puissance, en capacité. Son esprit s'étendit beaucoup : 12. Il y a plus d'esprit à se tromper à la manière de Descartes, qu'à redresser Descartes comme un petit bachelier peut faire. Et cette grandeur d'esprit se voit encore mieux dans l'erreur, quand l'erreur est selon l'esprit, non selon les passions. Un esprit est grand parce qu'il se gouverne plutôt que parce qu'il s'étend.
Alain, Propos,1924, p. 623. SYNT. La culture, l'intelligence s'étend; l'autorité, le pouvoir s'étend; une calamité, un désastre s'étend; des perspectives s'étendent. 2. [Avec indication de limite ou de terme] a) Étendre à, jusqu'à, au-delà de. Accroître, élargir, généraliser (à, jusqu'à, au-delà de). Ce sentiment naît avec lui et étend ses désirs au-delà de son horizon et de sa vie (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 276).J'eus graduellement étendu ma manière jusqu'à m'en faire une méthode (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 13, 1863-69, p. 224): 13. ... rien ne les lassait dans cette recherche du vrai. Ils l'étendaient à l'art d'aujourd'hui, comme à l'art du passé; et ils analysèrent la vie privée de certains des plus notoires contemporains, avec la même passion d'exactitude.
Rolland, J.-Chr.,Foire, 1908, p. 672. − [Avec un compl. de temps] Ma grand'mère exigeait qu'avant de partir je m'étendisse (...) pendant une heure sur mon lit, sieste que le médecin (...) m'ordonna (...) d'étendre à tous les autres soirs (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 798). − Emploi pronom. à sens passif. S'étendre à.Embrasser, s'appliquer à : 14. ... elle repoussait brusquement l'amant éventuel, décommandait le rendez-vous le soir-même où l'on croyait qu'elle allait se donner. − C'est une fille qui ne sait pas ce qu'elle veut (...). Cette indécision devenait maladive, et s'étendait à tous les domaines de la vie.
Druon, Gdes fam.,t. 2, 1948, p. 146. − En partic. [Avec un compl. désignant des pers.] Elle étendit à toute la famille de son père la répugnance que celui-ci lui inspirait (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 117): 15. À Alexis Carrel revient la découverte d'une autre donnée (...). Les recherches, cette fois, ont porté sur l'animal, principalement sur les poulets et sur les chiens; mais on est certainement en droit d'étendre à l'homme les résultats obtenus.
J. Rostand, La Vie et ses probl.,1939, p. 119. ♦ Emploi pronom. à sens passif. S'étendre à.Aller jusqu'à, s'appliquer à. Quoi! Tu résistes? Mais j'ai le droit d'ordonner. Ne sais-tu pas que mon pouvoir s'étend à tout chrétien, mort ou vivant? (Renan, Drames philos., Eau jouvence, 1881, II, 5, p. 469). b) Étendre sur.Répandre sur, couvrir (de). Étendre son empire sur. Une poignée d'hommes, qui étaient venus s'établir sur les bords du Tibre, étendit sa domination sur les peuples voisins, et finit par envahir le monde (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 264). − P. métaph. Étendre son ombre sur. Couvrir de son influence. Adieu la Grande École, Polytechnique (...) et tous ces cloîtres laïques (...) qui étendent leurs ombres austères et magnifiques sur l'enseignement secondaire (Arnoux, Solde,1958, p. 102). ♦ En partic. Étendre sa protection sur. Couvrir de sa protection. M. Hervouët n'avait jamais passé pour un de ces excentriques sur lesquels un bourg étend sa protection un peu ricaneuse (Colette, Képi,1953, p. 158). 3. En partic., emploi pronom. réfl. [Le suj. désigne une pers.] Développer (oralement ou par écrit) un propos (relatif à quelqu'un ou quelque chose). (Quasi-)synon. insister, s'appesantir sur.Puis, il y avait la cathédrale, il s'étendait sur la cathédrale, en homme bien renseigné et respectueux de la religion (Zola, Terre,1887, p. 193).J'ai lu le « Stéphane Mallarmé » de Mockel qui est beau, et sur lequel je m'étendrais si j'avais le temps et moins d'ahurissement (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1906, p. 134).Mais je ne m'étendrai pas davantage sur ce sujet (Apoll., Tirésias,1918, p. 868). − P. métaph. L'ironie doit faire court. La sincérité peut s'étendre (Renard, Journal,1908, p. 1164). III.− [Avec l'idée dominante d'une représentation statique] Emploi pronom. réfl. A.− [Dans l'espace] 1. Occuper un certain espace, une certaine superficie. (Quasi-)synon. s'étaler. a) [Le suj. désigne un (élément du) paysage] Nice couchée au bord de l'eau s'étendait comme un fil blanc entre la mer et la montagne (Maupass., Contes et nouv., t. 1, MmeParisse, 1886, p. 728).Il portait dans sa tête la carte des creux et des bosses de tout le pays qui s'étendait à deux kilomètres autour de la maison (Rolland, J.-Chr.,Aube, 1904, p. 22): 16. ... un des grands attraits de Londres c'est le passage brusque du maximum de la densité humaine à la verdure qui s'étend à perte de vue et à ces rues où il semble presque que personne ne passe jamais.
Du Bos, Journal,1923, p. 268. b) Au fig. [Le suj. ne désigne pas un lieu] Le violet pur des lèvres, le front pâle et uni, les yeux, où s'étendait une rêverie glaciale, éblouirent Eucher (Maurras, Chemin Paradis,1894, p. 132).Le champ de l'histoire musicale s'étend à perte de vue (Combarieu, Mus.,1910, p. 13). 2. Couvrir une certaine distance, une certaine longueur. (Quasi-)synon. s'allonger, s'étirer.La rue Notre-Dame de Lorette s'étendait noire et déserte (Zola, Nana,1880, p. 1313).La construction s'étend en longueur au bas d'un vaste parc (Renan, Souv. enf.,1883, p. 223). − En constr. impers. Il s'étend. Il y a. Et il ne s'étend tout de même pas des lieues entre les Gobelins et le minaret à horloge de la gare de Lyon (Arnoux, Double chance,1958, p. 192). − Au fig. [En parlant d'un écrit] Je ne sais si j'ai donné le bon à tirer de ce qui s'étend de la page 506 à 511? (Flaub., Corresp.,1879, p. 318). 3. En partic. [Avec des suj. tels que l'œil, le regard, la vue] Se porter (à une certaine distance). Une ascension d'abord à Notre-Dame sur les tours d'où l'œil s'étend sur l'immense ville et vous en donne le plan (E. de Guérin, Lettres,1838, p. 206).De l'étage où ils étaient, la vue s'étendait, par-dessus le mur d'en face, moins élevé que les autres, sur un de ces grands jardins de couvents (Rolland, J.-Chr.,Maison, 1909, p. 937). B.− P. anal. [Dans la durée] Couvrir (un certain laps de temps), durer. S'étendre sur une quarantaine d'années. (Quasi-)synon. se prolonger.L'année apicole, qui est brève et dont l'activité ne s'étend guère que d'avril à la fin de septembre (Maeterl., Vie abeilles,1901, p. 16).La période qui s'étend du 28 septembre au 4 octobre ne donnera donc lieu, devant la 9earmée, qu'à des événements de peu d'importance pour la situation générale (Foch, Mém., t. 1, 1929, p. 161).Le lundi s'étend ainsi qu'un désert sans caravanes (Arnoux, Paris,1939, p. 83): 17. Ce qu'un écrivain français de race pure, en tout cas dans toute la période qui s'étend de Montaigne à Rousseau, non seulement vise par-dessus tout, mais au fond préfère à tout, c'est de vérifier sur lui-même, et à la faveur de ce lui-même, son idée générale de l'homme...
Du Bos, Journal,1926, p. 10. Rem. On rencontre ds la docum. a) Étenderie, subst. fém., domaine de la vitrerie. Sorte de rouleau en pierre destiné à l'étendage du verre (d'apr. Lar. Lang. fr.). Le découpage, l'ouverture, l'étenderie et le maintien dans l'arche à recuire sont produits par des dispositifs mus électriquement (C. Duval, Verre, 1966, p. 62). b) Étendeur, euse, subst., rare. Personne qui étend (quelque chose). J'ai parlé de vous au (...) chef des étendeurs de tapis de Son Altesse (Gobineau, Nouv. asiat., 1876, p. 146). Prononc. et Orth. : [etɑ
̃:dʀ
̥], (j')étends [etɑ
̃]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Début xiies. « déployer dans sa longueur, dans sa largeur » ici dans le temps (Psautier Oxford, 84, 5 ds T.-L. : estendrai la tue vie de generaciun en generaciun); ca 1165 les bras destres estendeient (B. de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 16663); 2. ca 1165 « coucher quelqu'un en l'allongeant de tout son long », en partic. « renverser quelqu'un à terre » (Id., ibid., 10924), « tuer quelqu'un » mort l'estent (Id., ibid., 12186); 3. 1283 « donner plus de longueur, de largeur, d'importance » ici pronom. (Ph. de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, 156); 4. 1827 un acide étendu d'eau (Stendhal, Armance, p. 10). Du lat. class. extendere de mêmes sens, composé du lat. class. tendere « tendre » et de ex à valeur intensive. Fréq. abs. littér. : 7 481. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 13 370, b) 10 867; xxes. : a) 8 509, b) 9 465. |