| ÉTEINDRE, verbe trans. A.− Emploi trans. 1. Faire cesser la combustion de ce qui est en ignition, en flammes et, par voie de conséquence, (faire cesser) la lumière. Éteindre un incendie, les flammes, une bougie. J'ai vu le spectre de ma mère s'approcher de l'autel, éteindre les flambeaux (Baour-Lormian, Veillées,1827, p. 310).La nef vide, où un bedeau éteignait les cierges (Zola, Conquête Plassans,1874, p. 990).Lilian, qui laissait éteindre sa cigarette (Gide, Faux-monn.,1925, p. 1053). a) [L'accent est mis sur la combustion] Il [Jacques] dit : − « Ne laisse pas éteindre le poêle, Antoine. » Puis il sortit (Martin du G., Thib.,Sorell., 1928, p. 1241).L'eau s'est mise à tomber et cette eau a éteint le feu du bûcher (Salacrou, Terre ronde,1938, p. 329). b) [L'idée d'éclairage est prépondérante; l'idée de combustion s'efface et même disparaît] Éteindre la lumière; éteindre l'électricité. Lorsqu'on ne peut éteindre une lumière, on s'en laisse éclairer (Stendhal, Rome, Naples et Flor.,t. 2, 1817, p. 286).[Il] éteignit l'électricité et alluma la lampe (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 228): 1. Le chauffeur éteignit ses phares, les alluma, puis les fit clignoter régulièrement (...). Sur un dernier signe du guetteur, le chauffeur éteignit définitivement ses phares. La voiture et l'homme disparurent dans la nuit.
Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1656. − Absol. Faire cesser la lumière. On avait éteint dans le corridor (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 21). c) Au fig. Il importe à l'humanité d'éteindre l'incendie qui consume la France, et peut s'étendre dans le reste de l'Europe (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1617).Application de mesures sanitaires capables d'éteindre les foyers de la contagion (Nocard, Leclainche, Mal. microb. animaux,1896, p. 263): 2. D'autres crises vont se produire aux siècles suivants, fatales finalement à l'existence politique d'Israël, menaçantes pour sa foi, mais sans pouvoir éteindre la flamme désormais inextinguible du Judaïsme.
Weill, Judaïsme,1931, p. 23. 2. Diminuer, tempérer l'ardeur, la force, la violence de quelque chose. a) Domaine des sens.Le musc éteignait les fétides senteurs de la pourriture humaine (Balzac, Cous. Bette,1846, p. 147).Je me promettais d'éteindre le son de ma voix comme le bruit de mes pas (Baudel., Paradis artif.,1860, p. 360): 3. ... ses yeux, coupés en amande, auraient peut-être jeté trop d'éclat, si une suavité extraordinaire n'eût éteint à demi ses regards en les faisant briller languissamment, comme un rayon de lumière s'adoucit en traversant le cristal de l'eau.
Chateaubr., Mém.,t. 2, 1848, p. 26. b) Domaine abstr.Diminuer l'ardeur, l'intensité de quelque chose (sentiments, passions, guerres). Ces paroles éteignirent tout esprit de discorde (Cottin, Mathilde, t.2, 1805, p. 147).Lueur purifiée, mais ardente encore, d'un brasier de passions éteintes seulement parce qu'elles ne flambent plus (Barb. d'Aurev., Memor.2, 1838, p. 339): 4. ... ce vaste désordre (...) éteignant peu à peu toutes les aspirations généreuses et tarissant toutes les sources de la foi, du dévouement, de la poésie...
L. Blanc, Organ. trav.,1845, p. 66. 3. Faire cesser, faire disparaître quelque chose; abolir quelque chose. Nouveau revenu de cinq cent millions dont il [le fisc] a besoin pour éteindre la dette publique (Fourier, Nouv. monde industr.,1830, p. 87).La servitude de passage qui permet de l'exploiter est actuellement éteinte par prescription trentenaire (Duhamel, Terre promise,1934, p. 141): 5. L'action en divorce sera éteinte par la réconciliation des époux, survenue soit depuis les faits qui auraient pu autoriser cette action, soit depuis la demande en divorce.
Code civil,1804, art. 272, p. 51. B.− Emploi pronom. 1. Cesser de brûler, d'éclairer. a) Cesser de brûler. Les derniers charbons qui s'éteignent (Flaub., Corresp.,1847, p. 57).Un reste de feu s'éteignait dans l'âtre sous la marmite pleine d'eau chaude (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Hist. fille de ferme, 1881, p. 23). b) Cesser d'éclairer. Nous savons que les étoiles s'éteignent; nous savons même à quels signes on peut annoncer la mort d'un astre (France, Vie littér.,1890, p. 97).Les lumières s'éteignaient aux fenêtres (Hamp., Champagne,1909, p. 162). 2. Devenir moins intense. a) Domaine des sens.[En parlant de la lumière naturelle, des formes, des couleurs, des sons] Décroître; diminuer d'intensité; perdre son éclat. Le coloris [des peintres flamands du XVIe] s'éteint; il devient de plus en plus blanchâtre, crayeux et blême (Taine, Philos. art, t. 2, 1865, p. 35).Les voix joyeuses (...) se firent entendre de nouveau (...) puis brusquement tout s'éteignit dans un vague murmure qui s'éteignit bientôt lui-même dans un silence morne (Feuillet, Mar. monde,1875, p. 224): 6. Le jour mourant s'éteint dans les eaux violettes
Des lacs et des bassins,
Et les noirs peupliers dressent leur silhouette
En un sobre dessin.
L'ombre ravit la forme et la couleur des choses,
Et mon œil incertain
Voit se faner les lys et s'éteindre les roses
Au fond de mon jardin.
Muselli, Travaux et jeux,1914, p. 25. b) Domaine des sentiments, des passions.Diminuer d'intensité, d'ardeur; décroître jusqu'à devenir nul. L'idée que tu peux m'oublier, que l'amour peut s'éteindre dans ton cœur vient quelquefois obscurcir tristement ma vie (Karr, Sous tilleuls,1832, p. 66).Si nous descendons dans la Prusse rhénane, les souvenirs français vont jusqu'à Coblence où ils diminuent et s'éteignent (Barrès, Cahiers, t. 12, 1919-20, p. 86). 3. Disparaître, mourir, ne plus exister. a) [Le suj. est une pers.] Synon. mourir.Il [Haydn] s'éteignit enfin le 31 mai au matin (Stendhal, Haydn, Mozart et Métastase,1817, p. 195). − P. ext. [Le suj. désigne une famille, une dynastie, une race, un nom] Disparaître par la mort du dernier représentant (mâle). Ce fils âgé de quelques mois l'a suivi dans la tombe. Avec Auguste de Staël s'est éteinte la postérité masculine d'une femme illustre (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 352).Et puis notre cousin n'a pas d'enfants, et le nom s'éteint avec lui (Claudel, Otage,1911, III, 1, p. 277): 7. Il en a découlé d'abord cette règle que chaque famille dût se perpétuer à jamais. Les morts avaient besoin que leur descendance ne s'éteignît pas. Dans le tombeau où ils vivaient, ils n'avaient pas d'autre sujet d'inquiétude que celui-là. Leur unique pensée, comme leur unique intérêt, était qu'il y eût toujours un homme de leur sang pour apporter les offrandes au tombeau.
Fustel de Coul., Cité antique,1864, p. 53. b) Pronom. passif. La rente viagère ne s'éteint pas par la mort civile du propriétaire (Code civil,1804, art. 1982, p. 356).Il [le comte de Camors] avait (...) une rente viagère d'une trentaine de mille francs, qui naturellement s'éteignait avec lui (Feuillet, Camors,1867, p. 50). Prononc. et Orth. : [etε
̃:dʀ
̥], (j')éteins [etε
̃]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1130-40 esteindre « faire cesser de brûler (d'éclairer) » (Wace, Ste Marguerite, éd. E. A. Francis, 537); 2. ca 1160 « atténuer, faire cesser » (B. de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 13464); 1165 pronom. « s'affaiblir, mourir doucement » ([Chr. de Troyes,] G. d'Angleterre, éd. Wilmotte, 909). Du lat. pop. *extingere, class. exstinguere « faire cesser de brûler » et « effacer, faire cesser ». Fréq. abs. littér. : 2 974. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 693, b) 4 603; xxes. : a) 4 536, b) 3 445. DÉR. 1. Éteignement, subst. masc.Action d'éteindre ou de s'éteindre; résultat de l'action (cf. extinction). Elles ont dépensé leur vitalité et (...) elles se trouvent au même degré d'assouvissement et de l'éteignement de la chair que leurs maris (Goncourt, Journal,1890, p. 1107).À la fin du jour, dans un éteignement sommeilleux de toutes les couleurs où la lumière ne serait plus donnée que par une mer presque caillée ayant le bleuâtre du petit lait (Proust, Temps retr.,1922, p. 713).− [etε
ɳ
əmɑ
̃], transcr. ds Littré : é-tè-gne-man. − 1reattest. début xiiies. fig. estignemenz (Li Epistle saint Bernard a Mont Deu, ms. Verdun 72, fo65 vods Gdf.); du rad. de éteindre, suff. -(e)ment1* − Fréq. abs. littér. : 3. 2. Éteigneur, euse, subst.Celui, celle qui éteint quelque chose (cf. baba1, ex. 1). L'éteigneur de réverbères (Courteline, Train 8 h 47,1888, 2epart., 7, p. 165).Il y avait un grand concours de gens pour faire la chaîne et passer les seaux, et, parmi tous ces éteigneurs bénévoles, les utilités de la troupe (Arnoux, Renc. Wagner,1927, p. 140).− [etε
ɳ
œ:ʀ], fém. [-ø:z]. − 1resattest. ca 1306 esteingnour (Joinville, St Louis, 136b ds T.-L.) − 1611, Cotgr., à nouv. 1834 (Boiste); du rad. du part. prés. de éteindre ou forme de éteignoir, suff. -eur2*. − Fréq. abs. littér. : 2. BBG. − Delamaire (J.). Quand pirouettaient les toupies. Vie Lang. 1973, p. 349. − Jud (J.). Éteindre dans les lang. romanes. R. Ling. rom. 1925, t. 1, p. 181. |