| ÉPANOUIR, verbe trans. et pronom. A.− Emploi trans. 1. [Ce qui s'épanouit est une fleur ou une partie de la fleur] Ouvrir largement ses pétales. Certaines fleurs que n'épanouit aucun soleil (Gideds Lar. Lang. fr.).Des cortèges de pavots s'en allaient à la file (...) épanouissant leurs lourdes fleurs d'un éclat fiévreux (Zola, Faute Abbé Mouret,1875, p. 1351). − P. anal. [Ce qui s'épanouit est une toile, une étoffe, les plumes d'un oiseau, etc.] Déployer sur toute sa surface. Il [le paon] épanouissait alors sur le ciel la gerbe constellée de sa queue énorme (Fromentin, Dominique,1863, p. 84): 1. Le port de San-Nicolo n'offrait à nos yeux que quelques masures... l'on avait tiré à sec quelques barques de pêcheurs; d'autres épanouissaient à l'horizon leurs voiles latines...
Nerval, Voyage en Orient,t. 1, 1851, p. 93. − P. métaph. [Avec une notion de jaillissement et de plénitude] Exhaler, répandre. Sa hampe phallique [d'un arum] épanouit autour d'elle une senteur de viande corrompue (Colette, Gigi,1944, p. 195). 2. Au fig. a) Détendre, illuminer (un visage). Quand Anne-Marie, Pauline, venaient le rejoindre au bois où il travaillait avec le Nanne, un sourire d'aise lui épanouissait la face (Pourrat, Gaspard,1922, p. 29). ♦ Fam. Épanouir la rate (de qqn). (Le) réjouir (Ac.). b) Faire atteindre à un être ou à une chose son plein et harmonieux développement. Certaines femmes, la maternité les épanouit (Mauriac, Fleuve de feu,1923, p. 100): 2. Elle [la jeune abeille] ne sort de la ruche que huit jours après sa naissance, pour... remplir d'air ses sacs trachéens qui se gonflent, épanouissent tout son corps, et la font à partir de cette heure, l'épouse de l'espace.
Maeterlinck, La Vie des abeilles,1901, p. 168. Rem. Le pron. pers. (compl. d'intérêt) est parfois préféré à l'adj. poss. (alors remplacé par l'art.) p. anal. avec les cas où le compl. désigne une partie du corps. Si mes soirées sont remplies par les fêtes... je retrouve au retour les joies de l'amour et ses folies qui m'épanouissent le cœur, qui en effacent les morsures du monde (Balzac, Mém. jeunes mar., 1842, p. 299). B.− Emploi pronom. à valeur subjective 1. [Le suj. désigne une fleur] :
3. Au centre s'épanouissait une rose énorme, largement ouverte, versant de son cœur pourpré où dormaient des scarabées, une odeur suave, troublante, une odeur d'amour.
Moselly, Terres lorraines,1907, p. 159. 4. Une aube candide riait derrière sa faille de roc; les bourgeons s'épanouissaient; des gammes de verdure propageaient la joie de vivre sous le soleil...
Pergaud, De Goupil à Margot,1910, p. 16. − P. anal. S'ouvrir, se déployer comme la corolle d'une fleur. Des ruissellements d'orfèvrerie coulaient, des chandeliers s'épanouissant en gerbes de clartés (Zola, Faute Abbé Mouret,1875p. 1484). ♦ Spéc., ANAT. S'étendre en se ramifiant. Le nerf optique s'épanouit au fond du globe de l'œil (Rob.).Les points où s'épanouissent les extrémités nerveuses (Stendhal, Hist. peint. Ital.,t. 2, 1817, p. 44).Il [le faisceau libéro-ligneux] s'épanouit à la base de l'ovule sous le nuvelle (Plantefol, Bot. et biol. végét.,t. 1, 1931, p. 458). 2. Au fig. a) [Le suj. désigne un être vivant ou une chose abstr.] Atteindre un plein et harmonieux développement. La femme s'épanouissait rapidement en elle grâce au climat et à la vie rude qu'elle menait (Zola, Fortune Rougon,1871, p. 15): 5. Ce n'est pas précisément la fleur qu'il [le savant] admire, c'est la vie, c'est la force universelle qui s'épanouit en elle sous une de ses formes.
Renan, L'Avenir de la sc.,1890, p. 200. ♦ Littér. Atteindre son paroxysme. Le vacarme s'enfla peu à peu, s'épanouit avec une violence qui effarait les bougies et pâlissait les dames (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 382). b) [Le suj. désigne le visage, les traits du visage d'une pers. ou la personne elle-même] Se détendre sous l'effet de la joie ou de la gaieté. Son visage, son front s'épanouit; ses traits s'épanouissent (Ac.);à cette nouvelle, il s'est épanoui (Rob.) : 6. Mon père demanda à Mademoiselle de Lessay si elle était heureuse de venir dans la capitale. Elle l'était, car son sourire s'épanouit.
France, Le Crime de Sylvestre Bonnard,1881, p. 392. Rem. Notons l'ell. habituelle du pron. après le semi-auxil. faire. Il y a partout [en Belgique] des hôtels de ville, charmantes fleurs de pierre, que le quinzième siècle surtout a fait épanouir avec splendeur au milieu des villes (Hugo, Fr. et Belg., 1885, p. 102). Et après des verbes eux-mêmes pronom. Il [Valentin] se sentit épanouir dans cette atmosphère plus favorable à sa nature (Sand, Valentine, 1832, p. 249). Prononc. et Orth. : [epanwi:ʀ], (j')épanouis [epanwi]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1180 espannir intrans. « s'ouvrir (d'une fleur) » (Renart, éd. M. Roques, I, 14); xiiies. espanoïr (Poire, 1604 ds T.-L.), forme rare av. le xvies. : 1564 espanouir (Thierry); 2. 1176-84 adj. larron espani « accompli, avéré » (G. d'Arras, Eracle, éd. G. Raynaud de Lage, 3376); 3. 1372-73 espani « développé, formé » (J. Froissart, Prison amoureuse, éd. A. Fourrier, XII, 73 : Desirs amoureus (...) tous espanis). De l'a. b. frq. *spannjan « tendre », cf. l'a. h. all. spannan (Graff t. 6, col. 346), m. h. all. spennen, spannen (Lexer), de même sens; espanir est devenu espanouir prob. sous l'infl. phon. de évanouir*. Fréq. abs. littér. : 1 171. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 325, b) 1 809, xxes. : a) 1 809, b) 1 791. |