| ÉMINENCE, subst. fém. A.− 1. Élévation de terrain, hauteur dégagée, permettant de voir de tous côtés. Monter sur une éminence; éminence et monticule. Le Sphinx et Œdipe se rencontrent sur une éminence qui domine la ville (Cocteau, Machine infern.,1934, p. 61).Une éminence lointaine qui, sans surplomber les remparts, permettait un regard rasant (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 838).Ils arrivèrent à une sorte d'éminence aplatie, faite de rochers friables (Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1620): 1. ... du haut d'une de ces éminences que, nous autres Français, nous nommons assez vaniteusement une montagne (...) j'avais aperçu la longue vallée des Aigues...
Balzac, Les Paysans,1844-50, p. 4. SYNT. Éminence abrupte, élevée, escarpée, isolée, ronde; éminence du terrain; au sommet, en haut d'une éminence; la cime d'une éminence; juché, bâti sur une éminence; enfoncements et éminences. 2. P. anal., ANAT. Saillie. Éminence cartilagineuse, charnue, osseuse; éminence mentonnière; éminence thénar. Diminution du volume de l'éminence hypothénar et amincissement du bord cubital de la main (QuilletMéd.1965, p. 369). B.− Au fig. 1. Littér. Haut degré d'élévation, de supériorité (de quelqu'un, de quelque chose). Grandeur et éminence (de qqc.). Comment douter que la puissante famille à qui elle [Mllede Lahourque] appartenait ne vînt un jour la revendiquer pour lui rendre l'éminence de son rang (Toulet, J. fille verte,1918, p. 91).L'éminence même d'un spécialiste le rend plus dangereux (Carrel, L'Homme,1935, p. 53): 2. ... Gracian (...) parle d'une éminence transcendante sans laquelle tout est fade et qui est la « perfection des perfections ».
Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 97. − Loc. adv., vx. Par éminence, en éminence. Synon. éminemment.Elle est la vertu humaine par éminence (Suarès, Trois hommes,Dostoïevski, V, p. 262 ds Rob.). 2. Spéc., domaine eccl.[Titre d'honneur donné aux cardinaux] Son Éminence le cardinal Un Tel (Ac.). Son Éminence avait ordonné des prières publiques afin d'obtenir la pluie (Mauriac, Journal 1,1934, p. 23).Je le charge d'exprimer à son Éminence mon respect en matière religieuse (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 315). Rem. Dans ce sens, Éminence s'écrit toujours avec une majuscule. − P. ext. Personne qui porte le titre d'Éminence. Recevoir une Éminence (Lar. encyclop.). ♦ En partic. Éminence grise. [Nom donné au Père Joseph de Tremblay, conseiller du cardinal de Richelieu] Conseiller intime qui manœuvre dans l'ombre. Son factotum, son âme damnée, son éminence grise (Duhamel, Cécile,1938, p. 90). Prononc. et Orth. : [eminɑ
̃:s]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1314 anat. (H. Mondeville, Chirurgie, 270 ds T.-L.); 2. 1546 « qualité supérieure » (Rabelais, Tiers Livre, éd. M. A. Screech, Prologue, ligne 19 : couleur, odeur, excellence, eminence); 3. 1570, 1ersept. « supériorité sociale » (Montaigne, Lettres ds
Œuvres, Paris, 1802, t. 4, p. 344); 4. 1690 « titre de dignité donné à un cardinal » (Fur.); 1752 éminence grise (Trév.). Empr. au lat. class.eminentia « éminence, hauteur; supériorité »; en b. lat. titre honorifique, en partic. titre donné aux évêques. Fréq. abs. littér. : 393. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 181, b) 206; xxes. : a) 452, b) 280. |