| ÉLÉPHANT, subst. masc. A.− 1. Mammifère herbivore, de l'ordre des pachydermes, caractérisé par sa très grande taille, sa peau nue et rugueuse, sa masse pesante, ses membres lourds, ses grandes oreilles plates, son nez allongé en trompe préhensile et ses défenses dont on tire l'ivoire. Éléphant d'Afrique, d'Asie; cimetière d'éléphants; défenses, dents d'éléphant; peau d'éléphant; troupeau d'éléphants. L'éléphant dont la trompe en jouant brise l'arbre, Vient le dernier, levant, comme un pilier de marbre, Ses pieds dont chaque trace au sol s'approfondit (Lamart., Chute,1838, p. 892).Les appels sauvages poussés par quelque bête de la ménagerie voisine : un ara qui crie, un éléphant qui barrit (Bourget, Disciple,1889, p. 12): 1. On ne peut de même considérer le grand accroissement du nez de l'éléphant, transformé en une trompe énorme, sans reconnoître que cet organe, continuellement exercé et servant de main à l'animal, a reçu de cet emploi habituel les dimensions, la force et l'admirable souplesse qu'on lui connoît, ...
Lamarck, Philos. zool.,t. 2, 1809, p. 362. a) [L'éléphant en tant qu'animal domestique] − [L'éléphant utilisé comme bête de somme ou de trait] Ses éléphants qui faisaient la force de son armée (Flaub., Salammbô,t. 1, 1863, p. 164).L'éléphant, dans sa carrure superbe, est un luxe de rajah ou une machine de guerre, plutôt qu'un serviteur domestique (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 223). − [L'éléphant utilisé comme animal de cirque] :
2. C'est sous la Restauration que le premier éléphant, Baba, fit son apparition au cirque Franconi. (...) son répertoire était limité. Il se mettait à table, une serviette au cou, et débouchait une bouteille. Les dresseurs ont fait depuis preuve d'imagination et de patience... puisqu'ils nous présentent des éléphants musiciens, équilibristes ou danseurs.
Hist. des spectacles, 1965, p. 1528. b) [L'éléphant en tant que symbole] Éléphant blanc. Variété albinos de l'éléphant, vénérée en Asie, notamment au Siam. Dans certains pays de l'Asie On révère les éléphants, Sur-tout les blancs (Florian, Fables,1792, p. 84).Guerres religieuses (...) des Siamois pour l'éléphant blanc (Dupuis, Orig.,1796, p. 457).Dieu à tête d'éléphant. Symbole de la sagesse. Un Ganésa à tête d'éléphant comme il convient au Dieu de la sagesse (Du Camp, Hollande,1859, p. 86). 2. P. méton.
Œuvre d'art ou d'artisanat représentant un éléphant. Pour revenir à la place de la Bastille, l'architecte de l'éléphant avec du plâtre était parvenu à faire du grand (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 158).Un éléphant de Jade (Laforgue, Complaintes,1885, p. 96). 3. [P. anal. de forme] a) Éléphant laineux. Le mammouth ou éléphant laineux (Boule, Conf. géol.,1907, p. 178). b) Éléphant de mer/marin. Glenarvan autorisa son équipage à faire la chasse aux phoques innombrables, qui, sous le nom de veaux, de lions, d'ours et d'éléphants marins, encombrent les rivages de la baie Falmouth (Verne, Enf. cap. Grant,t. 2, 1868, p. 22). B.− P. compar. et au fig. 1. P. compar. a) [À propos (d'une particularité physique) d'une pers.] Un grand gaillard avec des épaules d'éléphant (Gobineau, Nouv. asiat.,1876, p. 214).Tourgueneff m'écrit ce matin qu'il a le genou comme un melon et les pieds d'un éléphant (Flaub., Corresp.,1877, p. 48). b) [À propos d'une chose concr.] La gigantesque cathédrale n'était plus qu'une sorte d'éléphant prodigieux qui soufflait et marchait avec ses piliers pour pieds, ses deux tours pour trompes et l'immense drap noir pour caparaçon (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 414).Grue tout en tôle et en acier, un engin très haut, espèce d'éléphant gigantesque dressé sur quatre énormes membres, entre lesquels passaient les locomotives (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 247). − Spéc. Pantalon (à l') éléphant, à pattes d'éléphant, à pied(s) d'éléphant, jambes d'éléphant. Pantalon dont le bas de la jambe est très large. « En voilà un, avec son pantalon à l'éléphant, dit Mévisto, que je ne voudrais pas rencontrer la nuit! ... » (Goncourt, Journal,1889, p. 937).Une cordelière, un col bas et des pantalons-éléphant eussent fait plus sûrement sa conquête (Alain-Fournier, Meaulnes,1913, p. 169). c) Loc. Avoir une mémoire* d'éléphant. Faire d'une mouche* un éléphant. Être comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Être maladroit, commettre des gaffes. Expr. synon. Pour un homme de goût, c'est un peu patte d'éléphant dans le plat d'épinards (H. Bazin, Vipère,1948, p. 141). 2. Au fig., fam. et le plus souvent iron. a) Personne aux gestes lourds. Gautier continue à marcher sur sa petite voie et ses petites idées [à Sainte-Beuve] avec le pas pacifique d'un éléphant (Goncourt, Journal,1863, p. 1273).Bordenave mimait, avec des grâces d'éléphant (Zola, Nana,1880, p. 1327). − Arg. (des marins). ,,Pour un marin, toute personne étrangère à la Marine est un éléphant, vraisemblablement parce que tout « civil » est, par définition, lourd, pataud, maladroit! Le terme a naturellement toujours été très en honneur à l'École Navale`` (Coindreau, Arg. Baille, 1957, p. 132). Au cours de marine [du lycée de Brest], il est de suprême bon ton d'exagérer cette langue originale (...), peu comprise « des éléphants » (Cignerol, Notes Bordachien,1888, p. 47). b) Personne qui se distingue par une capacité créatrice puissante, lourde, généralement sans raffinement. Son génie embrasse tout. Cet éléphant de la finance vendrait les députés au ministère, et les Grecs aux Turcs. Pour lui le commerce est, dirait Cousin, la totalité des variétés, l'unité des spécialités (Balzac, Mais. Nucingen,1838, p. 602): 3. Balzac, aussi profond et aussi puissant visionnaire que lui [Saint-Simon], n'était qu'un écrivain lent, constructeur minutieux de bâtisses énormes, sorte d'éléphant littéraire, capable de porter des masses prodigieuses, mais d'un pas lourd.
Taine, Essais de crit. et d'hist.,1858, p. 221. − [À propos d'une œuvre] Ils [les gros livres] sont les éléphants sacrés de la doctrine (Hugo, Âne,1880, p. 293). Rem. On rencontre ds la docum. a) Éléphantarque, subst. masc., antiq. Chef d'une compagnie de soldats montés sur des éléphants. Deux armées entières : trente mille hommes d'un côté, onze mille de l'autre, sans compter les éléphants avec leurs éléphantarques (Flaub., Corresp., 1860, p. 384). b) Éléphante, subst. fém. rare. Femelle de l'éléphant. Emploi métaph. Femme lourde qui manque de souplesse (cf. Huysmans, Art mod., 1883, p. 133). c) Éléphas, subst. masc. Nom scientifique de l'éléphant. L'« Elephas meridionalis », comme d'ailleurs la plupart des éléphants qui se baladaient autrefois en Europe, n'avait pas de fourrure (Fargue. Piéton Paris, 1939, p. 129). Prononc. et Orth. : [elefɑ
̃]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1121 elefant (Ph. Thaon Best., 1416 ds T.-L. : une beste truvum qu'elefan apelum); 2. 1825 p. ext. « personne à la démarche lourde et peu gracieuse » (Brillat-Sav., Physiol. goût, p. 227); 3. 1560 elephant de mer (Paré, éd. Malgaigne, Discours de la licorne, III, chap. XI, p. 502). Empr. au lat.elephantus « éléphant », en a. fr. on rencontre plus souvent la forme olifant*. Fréq. abs. littér. : 926. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 789, b) 2 429; xxes. : a) 678, b) 701. DÉR. 1. Éléphanteau, subst. masc.Petit de l'éléphant; jeune éléphant. Des éléphanteaux se séchant au soleil (Green, Journal,1938, p. 144).− [elefɑ
̃to]. − 1reattest. xvies. (Ant. du Pinet ds Delb. Rec. ds DG); de éléphant, suff. -eau*. − Fréq. abs. littér. : 1. 2. Éléphantesque, adj.Comparable à l'éléphant; qui est, en poids et en taille, supérieur à la moyenne. Synon. énorme, gigantesque, gros, monumental.C'est une dame [la comtesse Fontaine] aux proportions éléphantesques, dans la fleur de la soixantaine (Coppée, Toute une jeun.,1890, p. 220).− [elefɑ
̃tεsk]. − 1reattest. 1890 id.; de éléphant, suff. -esque*. 3. Éléphantin, ine, adj.a) Relatif à l'éléphant; qui rappelle l'éléphant. L'épiderme éléphantin des mendiants (Huysmans, Là-bas,t. 2, 1891, p. 20).Belle autrefois [Taïtou], de cette beauté grasse que recherchent les Orientaux, mais devenue avec le temps d'une corpulence éléphantine (Tharaud, Passant Éthiopie,1936, p. 110).Au fig. Si son attirance pour les claires éjections d'Ovide était des plus discrètes et des plus sourdes, son dégoût pour les grâces éléphantines d'Horace, (...) était sans borne (Huysmans, À rebours,1884, p. 38).b) [En parlant d'un obj.] Fait en ivoire. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixeet du xxes.Livre éléphantin. Chez les Romains, livre dont les feuillets étaient en ivoire et où étaient conservées les transactions du Sénat. Emploi subst. fém. Flûte phénicienne faite d'ivoire. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixeet xxes.− [elefɑ
̃tε
̃], fém. [-in]. − 1resattest. a) 1256 meselerie elephantine (A. de Sienne, Rég. du corps, 123, 19 ds T.-L.), b) 1864 « fait d'ivoire » (Littré); de éléphant, suff. -in*. − Fréq. abs. littér. : 4. 4. Éléphantique, adj. et subst.Qui rappelle l'éléphant par sa forme, son volume. Sa chemise bouffante et son pantalon éléphantique qui ne prissent par miracle la dignité diplomatique (France, Barbe-Bleue et autres contes,Chemise, 1909, p. 209).L'énorme Suédoise beauté éléphantique (Simonin, Bazin, Voilà taxi!1935, p. 141).Qui est atteint d'éléphantiasis. Synon. éléphantiasique, éléphantiaque.Attesté ds Littré, Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Lar. 19e-20eet Quillet 1965.Rem. Certains dict. attestent l'emploi subst. dans le sens de « éléphantiasique, éléphantiaque ».− Dernière transcr. ds Littré : é-lé-fan-ti-k'. − 1resattest. a) xves. subst. (Valenciennes, ap. La Fons. ds Gdf.), b) adj. « d'éléphant » 1506-1516 (Fossetier, Chron. Marg., ms. Bruxelles, 10512, IX, II, 5 ds Gdf. Compl.); de éléphant, suff. -ique*. BBG. − Gili Gaya (S.). Miscelánea. Revista de Filologia española. 1949, t. 33, pp. 145-146. − Gottsch. Redens. 1930, p. 42, 121. − Grimaud (F.). Pt gloss. du jeu de boules. Vie Lang. 1968, p. 194. − Rog. 1965, p. 42, 178, 180. − Rommel 1954, p. 98. − Spitzer (L.). Über einige Wörter der Liebessprache. Leipzig, 1918, p. 56. − Vaganay (H.). Qq. mots peu connus. In : [Mél. Chabaneau (C.)]. Rom. Forsch. 1907, t. 23, p. 226 (s.v. éléphantin). |